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Caractéristiques d’un forum de discussion : définitions et des finitions

3. L’espace participatif numérique : un dispositif sociotechnique participatif documentaire

3.5 Le forum de discussion

3.5.2 Caractéristiques d’un forum de discussion : définitions et des finitions

Les explications que nous proposons s’appuient sur les points de vue de chercheurs en Sciences Humaines s’interrogeant sous différents angles sur les caractéristiques et sur le fonctionnement de ces espaces de discussion virtuels. Leurs contributions relèvent de leur champ théorique et montrent forcément des différences d’interprétation. Nous pensons que ces variations constituent un atout pour mieux appréhender et définir notre sujet. Avant d’aborder notre étude, une convention s’impose. Par commodité et compte tenu du choix lexical utilisé par une grande majorité de chercheurs, nous proposons l’emploi du mot « forum » pour nommer ce territoire de discussion et celui de « participant-interactant » pour identifier les individus qui le fréquentent. En revanche, nous appliquerons un vocabulaire ouvert, multiple, parfois original pour présenter les caractéristiques du forum (article, topics, sujet, post, contribution, publication, message, etc.) ou pour indiquer d’autres statuts des participants (forumeur, contributeur, membre, etc.).

Les spécificités de l’espace numérique obligent les forums à se dé-re-construire en permanence. Actuellement, nous constatons surtout un enrichissement de fonctions (finitions) autour d’une ossature relativement stable (définitions). Dans une première approche, nous suggérons que le forum de discussion représente un espace numérique participatif où tous les

individus, à tout moment, peuvent ouvrir ou prendre part à une discussion en cours en produisant des messages essentiellement textuels. Évidemment, cette définition reste

sommaire et sera complétée. Toutefois, elle a le mérite de fixer un premier cadre d’analyse.

L’ensemble des études menées par une majorité de chercheurs mettent en évidence les mêmes caractéristiques pour définir un forum de discussion. Dans un souci de clarté et de synthèse, nous préférons reprendre la définition du quotidien officiel édité par l’État Français. Le Journal Officiel de la République Française du 16 mars 1999 définit le forum informatique comme « Un service permettant l’échange et la discussion sur un thème donné : chaque

utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d’articles ». Cette proposition précise les spécificités de base du

forum : la conversation en introduisant indirectement l’idée d’un fil de discussion entre les participants, l’asynchronisme et la mémoire par l’expression « à tout moment » et l’écrit par l’utilisation du mot « article ». Néanmoins, d’autres particularités sous-jacentes restent à découvrir. Pour apporter un éclairage pertinent, examinons les propositions suggérées par des

128 auteurs prolifiques. François Mangenot (2004) repère une autre dimension clé : l’échange

structuré. Pour le chercheur, le fil de discussion permet de structurer l’interaction. Ainsi, le

participant adopte trois postures « Créer un nouveau fil de discussion, poster une intervention

initiative dans un fil existant, poster une intervention réactive dans un fil existant » (Christelle

Celik et François Mangenot 2004, p. 76). Cependant l’emploi du mot « structuré » est discutable car nous disposons bien d’un cadre d’échange mais c’est du côté de la nature des messages postés que la cohérence discursive disparaît (ruptures thématiques, expression de ses émotions, affirmation de ses opinions, jugements individuels, etc.). Anaïs Théviot (2011) dont les travaux pointent sur les usagers des forums publics de discussion en ligne s’interroge sur le discours de François Mangenot et remarque que la construction du forum rend au contraire plus confuse et moins cohérente la discussion entre les participants donc de l’échange. Prudente, elle considère qu’un forum est un espace d’échanges et de débats

numériques écrits asynchrones et collectifs. Le mérite de cette dernière définition réside dans

la détection d’un aspect collectif dans l’échange. En effet, un forum ne peut pas exister, fonctionner et être actif sans la participation d’un nombre minimum de personnes. Mais, ce qui retient notre attention est l’emploi du mot « asynchrone », par ailleurs souvent cité par les chercheurs. Nous exprimons un désaccord car une présence « en temps réel » reste possible notamment si nous prenons en compte le nombre important de forumeurs inscrits et les périodes de forte affluence (fin de journée, heures du déjeuner, fin de semaine, etc.). Dans ce cas, les formes de l’échange se rapprochent de celles des messageries instantanées avec des conséquences notamment dans l’orientation de la discussion et dans les modes d’expression (d’abord le style rédactionnel).

Michel Marcoccia (2001) nous éclaire sur mémorisation et livre une définition singulière des forums qu’il considère comme des « documents numériques dynamiques, collectifs et

interactifs » (p. 13), en construction. Ainsi, l’ensemble des articles postés constituerait un

document numérique unique, mais toujours en mouvement. Au premier abord, nous décelons une ambiguïté, car un document rassemble et conserve des informations sur un seul support clos, or dans un forum les informations se construisent et ne se terminent - à priori - jamais. Ici, l’auteur introduit la notion nouvelle d’hybridation et sous-entend qu’un forum est un objet nouveau situé entre une archive (document numérique sur un support) et une conversation infinie (dynamisme). Cette mise en relief du caractère hybride se retrouve dans les publications de Jean-Yves Colin et Florence Mourlhon-Dallies (2004) qui soulignent la

129 dimension scripturale des messages échangés et décèlent « des formes discursives nouvelles,

hybrides entre l’écrit et l’oral ». Pour prolonger ces analyses, nous pensons que l’hybridation

est une caractéristique clé d’un forum, car elle se retrouve dans la dimension communicationnelle (oral-écrit / groupe-individu / présent-absent), dans la dimension informationnelle (jugement personnel-connaissance collective / construction de savoir- maintien du lien social), dans la sphère privée (public-privé / privé-intime), dans la dimension sociale (novice-expert / amateur-professionnel / modérateur-auteur), dans la dimension psychologique (fausse identité-vrai identité / vrai identité-identité opposée) et certainement dans d’autres sphères. Un autre aspect du document numérique retient notre attention. Pour Michel Marcoccia (ibid.) - nous prenons son parti - il s’agit bien d’un document, car nous remarquons une structure hiérarchique sur trois niveaux : un forum contenant plusieurs sujets / un sujet contenant plusieurs articles / un article publié dans le forum. Cette proposition solide est complémentaire au modèle de l’échange structuré proposé par Mangenot. Un dernier aspect du raisonnement de Michel Marcoccia (ibid.) repose sur l’ajout du collectif pour accorder un rôle aux acteurs dans la construction d’un document. Il reprend le point de vue de Myriam Lewkowicz et Manuel Zacklad (1999) pour qui « La participation à un forum

peut ainsi être considérée comme la participation à l’écriture collective d’une partie de «l’histoire » d’un projet » (p. 2). Le point de vue de Michel Marcoccia (ibid.) rejoint celui de

Manuel Zacklad (2007) qui considère le forum comme un Document pour l’Action (DopA). Autrement dit, le forum est undocument au statut d’inachèvement prolongé, construit sous la forme de fragments composites (productions ou sous-productions sémiotiques) mis en relation (annotations) et fait l’objet d’une rédaction collective permanente par un groupe d’acteurs en réseau : « Le document apparaît comme un ensemble de fragments portés par des auteurs

divers dont le contenu final reste largement indéterminé alors même que sa circulation rapide lui fait déjà jouer un rôle majeur d’information, d’aide à la décision et de preuve » (p. 1).