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Les stratégies extraverties d’industrialisation

Partenariat industriel et performance économique des PED

Section 01 : Les stratégies industrielles dans les PED

3. Les stratégies extraverties d’industrialisation

Les problèmes rencontrés par les pays qui choisissent une stratégie d’industrialisation par les entreprises publiques, sous protection douanière, sont souvent les mêmes. Par ailleurs, quand l’industrialisation repose sur la promotion de l’exportation, le progrès technique est en général accéléré. La stratégie ressemble au modèle de l’économie ouverte, en raison des pressions concurrentielles et le moyen le plus efficace et rapide pour parvenir au développement est de miser sur les avantages comparatifs, de diversifier les exportations, d’augmenter le revenu individuel et de susciter des changements structurels.

3.1. La valorisation d’exportation des produits primaires

C’est une stratégie classique, suivie par les PED riches en ressources naturelles et correspond en l’exportation de produits primaires (ressources naturelles, produits agricoles…) et repose sur les gains à tirer des échanges, mentionnés dans la théorie néoclassique de l’avantage comparatif relative au commerce international.

En effet, les pays augmentent leurs revenus quand le marché mondial permet l’acquisition des biens à des prix relativement inférieurs et tout pays peut atteindre un profit maximal de l’exportation des marchandises qu’il produit en "exploitant avec intensité maximale les facteurs de production qu’il possède en abondance, tout en important les biens dont la production nécessiterait une part relativement plus élevée des facteurs de production qu’il possède en moindre quantité"109.

108Oulaich J (2011), "Les grandes stratégies de développement industriel : Le Maroc a-t-il une stratégie industrielle en réalité ?". Analyse concurrentielle 2010/2011. P 07

109Gillis M. et al (1998), "Economie du développement", De Boeck Université́, Paris, Bruxelles. P 592

90 Cette stratégie encourage rarement l’industrialisation des PED, mais elle peut être une phase initiale d’industrialisation. Les PED exploitent les produits primaires, éventuellement traités localement et attribuent les recettes de ces exportations à la promotion de l’industrie et au financement des importations de biens d’équipement.

L'exportation de produits primaires non agricoles permet le développement d'une industrie extractive dont les effets d’entrainement favorisent la diversification, en optimisant l’emploi de facteurs de production disponibles et en élargissant leur répartition (Cheriet 2007).

Les pays ont connu d’importantes évolutions structurelles grâce à leurs exportations de produits primaires, mais ces changements ne sont qu’une partie du processus de développement, car, cette stratégie contient de nombreuses lacunes et obstacles, dont nous pouvons citer, entre autres :

- exploitation excessive des produits primaires qui mène au mal hollandais110 ;

- dépendance de l’Etat, ainsi que le fonctionnement de ses institutions aux fluctuations du marché mondial, suite au financement du budget de l’Etat par la rente d’exportation ;

- progression trop lente du marché des produits primaires, pour alimenter la croissance ;

- risque d’accroissement du coût des importations de biens d’équipement et accentuation de la dette extérieure suite à une dégradation des termes de l’échange des pays exportateurs de produits primaires en cas de crise. C’était le cas durant les années 1980, après divers chocs dus à la baisse des prix de ces produits ;

- instabilité de cette stratégie en raison de la forte volatilité des cours des produits primaires, ainsi que la concurrence et les pratiques protectionnistes des pays du Nord.

De ce fait, cette stratégie devrait être complétée par une stratégie plus efficace qui remplace l’exportation des produits de base par des produits plus demandés sur le marché mondial.

3.2. La promotion des exportations

Au lieu d’exporter les produits bruts qui apportent de faibles valeurs ajoutées, les PED se lancent de plus en plus dans l’exportation de produits manufacturés plus intensifs en capital et à plus forte valeur ajoutée comme les pays développés. La stratégie de promotion des exportations, appelée aussi ‘Substitution aux exportations’, a été appliquée dès les années 1950 à Hong Kong et à Singapour, suivis par la Corée du Sud et Taiwan dans les années 1960-1970, devenant les nouveaux pays industrialisés asiatiques (NPIA), ou les ‘Dragons asiatiques’.

110 En 1960, la Hollande a connu d’importantes découvertes de réserves de gaz naturel, lesquelles ont entraîné un essor des exportations et un excèdent de la balance des paiements. Cette rentrée de devise a conduit, pendant les années 1970, à une poussée inflationniste, une diminution de la part des exportations des produits manufacturés et une augmentation du chômage, ayant pour conséquence une diminution de la croissance économique. Ce paradoxe, baptisé ″ syndrome Hollandais ″ peut empêcher la croissance des produits primaires. Ce phénomène a été observé après le boom pétrolier des années 1973- 1974 et 1979-1980, et a généré des paradoxes semblables dans les pays de l’OPEP

91 Ces pays ont servi de modèle aux autres pays d’Amérique latine (le Brésil, le Chili et le Mexique) et dans les années 1980, d’autres pays asiatiques les ont rejoints, en l’occurrence la Chine, la Malaisie et la Thaïlande (Deubel 2008).

Il s’agit de substituer progressivement les exportations de produits de base par la promotion des exportations de produits manufacturés. Elle prévoit l’intégration progressive du progrès technique dans les produits manufacturés à fort contenu technique et assurer la formation de la main d’œuvre.

L'accélération de la croissance de la production tirée par les exportations active l'apprentissage empirique et un meilleur accès aux marchés mondiaux offre des possibilités d'adopter de nouvelles techniques. Cette stratégie est souvent précédée par l’une des stratégies introverties mentionnées en dessus, mais son efficacité dépend de la capacité des pays à développer leur spécialisation vers des produits à plus forte valeur ajoutée, surtout lorsqu’ils utilisent la dette extérieure pour le financement de leur croissance, la substitution aux exportations doit apporter les ressources nécessaires pour rembourser cette dette111.

En comparaison à la stratégie de substitution aux importations qui débute à partir de capitaux locaux, la promotion des exportations s’appuie sur l’afflux de capitaux étrangers. Cependant, les deux stratégies présentent plusieurs points communs : le positionnement central de l’industrie, l’importance du rôle de l’État dans le processus d’industrialisation, objectif final commun (structure productive nationale diversifiée), le contrôle du commerce international par les importations ou par les exportations etc. Elles sont même complémentaires dans certains cas. Par exemple, la promotion des exportations nécessite une protection contre certaines importations qui risquent de rivaliser avec l'émergence des nouvelles industries exportatrices encore fragiles. C’est cette complémentarité qui est en fait à l’origine de la réussite des NPIA dans leur développement, notamment par la réalisation des points suivants :

- assurer le développement des exportations en fonction des avantages comparatifs et des objectifs de spécialisation et encadrer les importations selon les besoins de l'industrialisation et des exportations ;

- l’ouverture au commerce international associée à des mesures de protectionnisme éducateur112 pour garantir le développement des industries exportatrices naissantes en dehors de toute concurrence internationale ;

- attirer les investissements des firmes transnationales afin de bénéficier de transferts technologiques.

111Montoussé M.et al (2007), op cit. P 608-609

112 Le principe et l’intérêt de ce protectionnisme est d’éduquer l’industrie d’une nation, c’est à dire protéger le marché national à moyen terme et sur des secteurs d’activités ciblés. Il préconise donc l’utilisation des droits de douane pour favoriser l’éclosion d’industries compétitives. Sur le long terme il vise une intégration dans le libre-échange. (https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/protectionnisme-educateur.html)

92 La stratégie de substitution aux exportations peut conduire à un véritable succès pour les pays qui ont réussi à développer leur spécialisation en remontant la chaîne de l’exportation et, dans le cas contraire, entraîne une crise économique pour le pays, si la relance ne se concrétise pas de manière satisfaisante.

Tel a été le cas de la crise asiatique de 1997 qui a secoué durement la Thaïlande et la Malaisie.

Etant pays ateliers des FMN, ces pays étaient dépendants de ces firmes qui pourraient démanteler leurs unités de production rapidement en cas de basculement politique, économique ou social. Cette stratégie connaît donc, comme toute stratégie, des limites dont nous pouvons citer :

- les pays nouvellement industrialisés, où leur avantage comparatif se basait sur le facteur travail, ont connu une envolée des salaires, due à la forte demande de la main d’œuvre, qui a dépassé celle de la productivité. En conséquence, leur compétitivité et croissance ont été remises en cause ;

- les connaissances techniques et scientifiques étant sous contrôle des sociétés mères des FMN, elles ne sont transférables que lorsqu’elles deviennent publiques. Par conséquent, la dépendance à l'égard de ces technologies étrangères et le faible niveau de qualification de la main d’œuvre locale demeurent présents dans les PED ;

- la forte dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs ;

- les entrées massives de capitaux étrangers sur le système bancaire et la balance des paiements, sous diverses formes (portefeuille, IDE ou prêts bancaires), augmentent la masse monétaire, source d'inflation (Cheriet, 2007).

Une perspective plus large peut être intéressante pour réorienter le développement et ouvrir de nouvelles voies aux futures stratégies de développement. Il s'agit d'une approche fondée sur la renégociation des règles du commerce international, de la dette et de l'aide au développement par le biais du partenariat international.