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Caractéristiques économiques et politique industrielle des PED

Partenariat industriel et performance économique des PED

Section 01 : Les stratégies industrielles dans les PED

1. Caractéristiques économiques et politique industrielle des PED

Les caractéristiques des pays en développement étaient très similaires au début des années 60, mais leurs situations historiques, géographiques, démographiques et économiques sont désormais fort distinctes les unes des autres et ne peuvent être regroupées sous forme d'une simple catégorie commune.

Cependant et malgré leurs différences, ces pays ont tous un développement plus ou moins déséquilibré et grâce à des stratégies plus adaptées, certains pays de l’Asie de l’Est se sont engagés dans un processus de développement qui leur a permis de sortir progressivement de leur sous-développement88. Ces stratégies consistent à s’engager dans un développement centré sur l’exportation des produits locaux, en renonçant à la politique de substitution d’importations.

Les pays de l’Amérique latine ont essayé également de réduire l’inflation et s’ouvrir aux flux de capitaux, tout en réduisant les barrières commerciales et en limitant le contrôle de l’Etat sur l’économie. Malgré ces efforts, la plupart des PED se caractérisent au moins de quelques points suivants :

- Pouvoir politique représentant le centre d’action du développement économique et contrôle de l’Etat sur les domaines stratégiques de l’économie, tels que : le commerce international, le taux de change, les grandes entreprises industrielles, les opérations financières et la consommation publique, ainsi que les fortes dépenses budgétaires. La réduction de ce contrôle diffère entre les PED durant les dernières décennies 89;

- taux de chômage et instabilité de l’emploi élevés ainsi qu’un faible niveau de salaires réels, en raison d'une croissance de la population active90, supérieure à la croissance économique ; - financement inflationniste des dépenses et des investissements, entraînant un fort taux d’inflation qui menace la croissance de l'économie ;

88Montoussé M. &Chamblay D. (2005), "100 fiches pour comprendre les sciences économiques", Bréal 3ème Ed., Paris. P 73

89Krugman P-R., Obstfeld M. (2003), "Economie Internationale", DeBoeck, 4ème Ed, Bruxelles. P 753

90La population active est toute personne en âge de travailler (entre 15-64 ans selon la convention internationale), qu’elle ai un emploi ou qu’elle soit en chômage (Benissad 1982. P287).

81 - lenteur des réformes du secteur financier, rendant les institutions financières vulnérables et sensibles aux crises lors de la libéralisation des marchés financiers de ces pays ;

- allocation inefficace de l'épargne, résultant principalement des prêts octroyés en fonction des rapports personnels plutôt que sur la rentabilité estimée du projet ;

- contrôle sur les mouvements de capitaux en limitant les transactions en devises relatives aux opérations sur des actifs, mais certains pays ont ouvert leur compte de capital ;

- bureaucratie et lourdeurs de l’administration encourageant la corruption dans divers secteurs ; - dualisme économique, caractérisé par un secteur industriel moderne à forte dimension capitaliste et un secteur agricole traditionnel et défavorisé, avec l’absence -ou rareté- d’effet d’entrainement entre les deux secteurs91, renforçant la migration rurale-urbaine qui amplifie le chômage et peut accentuer les symptômes du dualisme (Krugman & Obstfeld 2003) ;

- présence d’un secteur informel à très faible productivité ;

- commerce extérieur dépendant des importations : les recettes d’exportation de ces pays proviennent de quelques produits primaires (ressources naturelles ou productions agricoles), alors qu’ils importent la plupart des biens de consommation manufacturés. Cela conduit à l’affaiblissement des termes d’échange sur les marchés internationaux en raison du coût des importations, nettement plus élevé.

Les principaux traits caractéristiques fondamentaux sont d'ordre économique qui semble fortement déséquilibré et extrêmement dépendant du marché mondial en termes de financement de la croissance, d'acquisition de technologies ou même d'autosuffisance de la population. Le déséquilibre des activités productives fait de la politique industrielle un outil stratégique employé souvent par les gouvernements afin de promouvoir le développement économique.

Les stratégies visant à renforcer les capacités productives nationales et à mobiliser des ressources résultent de multiples choix économiques qui reposent sur les caractéristiques propres à chaque pays et qui doivent être suffisamment flexibles pour faire face aux divers impératifs. Cela permet aux pays la conception de politiques en accord avec leurs priorités nationales de développement92. Ces différents choix peuvent être des choix :

d'orientation (stratégie extravertie ou introvertie du développement) ;

de financement, à travers la mobilisation et l’encouragement de l’épargne interne, mais l’accumulation de capital ne nécessite pas un financement total par l’épargne puisqu’il est possible d’obtenir des capitaux de l’étranger sous forme d’investissement direct, de prêts bancaires et d’aide internationale ;

91 L’effet d’entrainement est un mécanisme par lequel la croissance d’un secteur est censée entrainer l’expansion d’autres secteurs de l’économie du fait du poids ou de l’avancée technologique du secteur leader.

92 CNUCED (2008), "Mondialisation et développement : perspectives et enjeux", rapport de la CNUCED à la 12èmesession de la conférence des nations unies sur le commerce et le développement. P 37

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de contenu, en favorisant un secteur par rapport aux autres selon la politique adoptée, en encourageant la technologie et le transfert de savoir-faire… 93 ;

L’industrialisation au niveau des PED a été l’objectif central de leurs stratégies de développement, visant la réduction de l’écart avec les pays développés. L’enjeu principal est donc de réaliser une diversification économique, une formation rapide de capital, une progression technologique et la création d’emplois de qualité à travers une stratégie qui comprend la participation au commerce mondial et aux réseaux de production.

Définie comme "Un processus de restructuration d'un ensemble économique et social sous l'influence d'un complexe coordonné de machine"94, l’industrialisation a fait l’objet de diverses politiques ambitieuses mises en œuvre dans les PED, associées par une protection douanière conséquente selon la stratégie de substitution aux importations.

Le bilan de cette politique est mitigé ; dans un premier temps, elle a permis de développer l’industrie manufacturière et a donné des résultats assez satisfaisants, notamment en Amérique latine (Brésil) et en Afrique (Côte d’Ivoire), mais n’a pas apporté les progrès globaux escomptés en matière de développement économique. En conséquence, elle a été sévèrement critiquée par la plupart des économistes, affirmant qu'elle a encouragé un système de protection coûteux et inefficace. Les PED ont connu des taux de croissance élevés entre les années 1960 et 1970, en raison de la rapide mutation structurelle qui a soutenu la croissance économique par l'industrialisation, notamment en Amérique latine et en Asie de l'Est95.

Plusieurs pays asiatiques ont adopté des politiques industrielles qui comprennent non seulement des droits de douane, des restrictions à l'importation et des subventions à l'exportation, mais aussi d'autres mesures telles que les prêts à faible taux d'intérêt et le soutien public à la recherche et développement. Toutes ces économies ont réalisé des taux de croissance très élevés en adoptant des politiques différentes les unes des autres : dirigisme économique détaillé à Singapour, promotion des grandes industries en Corée du Sud, dominance des petites sociétés familiales dans l’économie Taïwanaise et le laisser-faire à Hong Kong.

Selon la Banque mondiale, ces pays se sont centrés sur des industries ciblées plus vite que les autres pays. Cependant, les défaillances de leur politique industrielle ont aussi existé. Entre 1973 et 1979, la Corée du Sud a développé une politique d’industries ‘lourdes et chimiques’

(chimie, sidérurgie, automobile...) mais a été abandonnée, après l’avoir jugé onéreuse et prématurée. Le point le plus important est que la politique industrielle n'a pas été le facteur clé du succès de ces pays.

93Heurtevent D. (2005), "Stratégies de développement : des raisons d'espérer ?", Revue Ecoflash N°203.

94 Martin J-M. (1966), "Processus d’industrialisation & développement énergétique du Brésil", travaux et mémoires de l'Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine, Université de Paris. P 10

95 CEA (2011), "Politiques industrielles en vue de la transformation structurelle des économies africaines : options et pratiques optimales", travaux de recherche sur les politiques N°02, Addis-Abeba – Ethiopie. P 18

83 En effet, le processus graduel d’innovation, le taux élevé d’épargne permettant de financer des taux d'investissement très élevés et des industries de plus en plus sophistiquées, sans oublier l’énorme effort d’enseignement et d’éducation déployé pour leur population, sont autant de facteurs à ne pas négliger.

Dans les années 80, alors que les pays d'Asie de l'Est continuaient leur croissance rapide, les pays d'Amérique latine ont traversé une longue période de faible croissance et de forte instabilité et l’Afrique, de son côté, dépend encore des exportations de matières premières vers les pays industrialisés. De nombreux pays africains ont choisi l'industrialisation comme élément central de croissance et de développement après leur indépendance. Ils ont adopté, dans les années 1960 et 1970, le modèle d'industrialisation par substitution aux importations (ISI) afin de protéger les industries naissantes derrière des barrières réglementaires.

Les investissements publics ont été considérables notamment après la nationalisation de plusieurs entreprises. Mais avec la mise en place de programmes d'ajustement structurel (PAS) dans la plupart des pays du continent, un nouvel environnement de libre-échange totalement opposé à l'approche ISI a émergé, instaurant une phase de désindustrialisation qui a accentué la dépendance à l’égard des produits manufacturés importés. Les gouvernements ont, de ce fait, appliqué une série de mesures protectionnistes notamment des barrières tarifaires et non tarifaires, telles que les quotas et les licences (CEA 2011). De plus, il n’y a pas eu transfert de technologies après la nationalisation des entreprises étrangères. Les centres de recherche étaient distincts des industries et n’étaient pas protégés des pratiques politiques nationales.

De leur part, les entreprises étrangères ont bénéficié de plusieurs faveurs, notamment des restrictions les mettant en situation de monopole, telles que les droits d’exploration exclusifs, les contrats en exclusivité de fournisseur et exclusivité sur le marché intérieur etc. Les IDE étaient presque entièrement consacrés aux secteurs des produits de base et des matières premières. Par conséquent, aucun pays d’Afrique n'a réussi à concevoir d’industries compétitives sur le plan international, en revanche une industrie extrêmement inefficace se développe dans certains cas, malgré l'accumulation rapide de capital, entraînant une faible productivité des facteurs.

D’autres causes ont entraîné la situation défavorable de l'industrialisation des pays africains, à savoir, un faible niveau d'infrastructure et de technologie, des politiques inadéquates d'investissement industriel et la taille du marché etc. Les conditions cruciales à une industrialisation moderne demeurent la qualité de l'enseignement et le progrès technologique.

De ce fait, divers pays africains tentent de mettre en œuvre des stratégies d'industrialisation axées sur l'exportation, qui impliquent la production de biens de qualité. Actuellement, plusieurs PED envisagent de recourir à des mesures ambitieuses concernant leur politique industrielle en suivant les expériences réussies de l'industrialisation, notamment :

- la mise en place de politique macroéconomique plus complète visant à relancer les investissements et à compenser tout effet défavorable sur le bien-être et la formation de capital ;

84 - création de conditions favorables à l'amélioration des bénéfices des entreprises et au réinvestissement permettant le financement de programmes de diversification de production ; - promouvoir l’investissement dans les secteurs à fort potentiel de développement de compétences, d’économies d’échelle et de progression de productivité, afin de réaliser le meilleur rendement sur l’investissement.

Le choix des secteurs à soutenir par la politique industrielle dépend des caractéristiques de chaque pays et de ses avantages comparatifs dynamiques potentiels. En Amérique du Sud, par exemple, le Brésil, pays aux infrastructures industrielle bien développées, privilégie des secteurs tels que les biens d'équipement, l'électronique et les produits pharmaceutiques, l'Uruguay et devant les contraintes de la petite taille de son marché intérieur, soutient la biotechnologie, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les secteurs culturels96.

Or, il existe plusieurs moyens de coopération susceptibles d'accroître les chances de réussite.

Pour bénéficier des technologies industrielles, les PED ont deux options : produire avec des licences et produire par l'innovation. La première option conduit au développement de la technologie et à la croissance, tandis que la seconde, provenant de la recherche et développement, occupe une place considérable dans la production industrielle. C'est donc la base de la croissance, grâce à l'utilisation de technologies modernes et la formation de nouvelles connaissances97.

Figure 09 : Les stratégies de développement industriel

Source : Etabli par nous-mêmes

96 CNUCED (2016), "Amélioration de toutes les formes de coopération et de partenariat pour le commerce et le développement en vue d’atteindre les objectifs de développement adoptés au niveau international", 4èmeSession, Genève 15 & 16 Avril. PP 12-13.

97Enayati S. (2016), "Coopération industrielle et transfert de technologie : le cas de l’Iran", thèse Doctorat en sciences économiques, Université Nice Sophia Antipolis, France. P 19-20

85 Les principales stratégies d’industrialisation mises en œuvre par les pays nouvellement indépendants en économie de développement se résument essentiellement à la substitution aux importations, les industries industrialisantes et la valorisation des exportations (Figure 09).