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L’approche comportementale

2. Théories d’internationalisation par étapes

2.1. L’approche comportementale

En réaction aux théories précédentes, divers travaux théoriques et empiriques ont tenté d’élaborer le processus par lequel les firmes débutent, développent et soutiennent leur engagement à l’international. La plupart des travaux empiriques trouvent leurs fondements dans la théorie comportementale dite aussi "behavioriste" de la firme, considérant l’internationalisation comme un processus logique qui implique un engagement progressif de la firme sur les marchés étrangers37.

Deux modèles constituent la base de l’approche comportementale : le modèle d’Uppsala et le modèle d’innovation. Ces approches analysent la dynamique d’internationalisation en tant que processus d’apprentissage constitué d’étapes suivies par la firme en soulignant sa nature progressive et cumulative. Ce comportement peut être attribué au manque de connaissances et à l’incertitude liée à la décision d’internationalisation.

37Cyert R.M. & March J.G. (1963), "A behavioral Theory of the Firm", Prentice-Hall inc, Englewood Cliffs, New Jersey.

38 2.1.1. Le modèle d’Uppsala

Basé sur les résultats d’études empiriques et présentant les interactions entre engagement, expérience de marché et décisions de la firme, le modèle d’Uppsala (U-model) développé par Johanson et Vahlne (1977) est considéré comme une référence théorique de l’analyse du processus et non des causes de l’internationalisation. Selon les auteurs, le processus d’internationalisation comporte quatre étapes essentielles : l’exportation non régulière, la représentation via un agent, la succursale commerciale (vente sur place) et la mise en place d’une filiale de production.

Une première étude de Johanson et Wiedersheim-Paul (1975), basée sur un échantillon de quatre (04) firmes suédoises, s’appuie sur deux concepts afin d’expliquer le comportement à l’international : le processus d’apprentissage et la distance psychologique38.

- Le processus d’apprentissage renvoie au fait que l’expérience des marchés étrangers s’acquiert progressivement selon un processus séquentiel. C’est-à-dire, en entrant sur des marchés étrangers, les entreprises améliorent leurs connaissances de ces marchés et se donnent ainsi les moyens d’accroître leur engagement à l’international.

- La distance psychologique est l’ensemble des facteurs empêchant la circulation de l'information entre la firme et le marché extérieur et influent la prise de décision dans les transactions internationales (différences culturelles, linguistiques, d’éducation-formation…).

Ainsi, les firmes cherchent à accroitre leur engagement à l’international et à réduire le risque d’incertitude par l’accumulation de connaissances sur les marchés étrangers, qui leur permet d’augmenter leurs capacités d’apprentissage et ce, en exportant d’abord vers les pays proches psychologiquement, ensuite s’engager, avec l’expérience, vers des pays plus éloignés psychologiquement : "Plus l’expérience internationale s’accroit, plus la distance psychologique entre la firme et les marchés étrangers se réduit"39.

La seconde étude en 1977 représente un modèle plus abouti du processus d’internationalisation des firmes, par l’interaction entre deux aspects : statiques et dynamiques :

- Les Aspects dynamiques traduisent les décisions d’engagement de la firme et la performance des activités commerciales actuelles ;

- Les Aspects statiques sont composés de l’engagement des ressources (mesuré par le montant et le degré d’engagement) et de la connaissance du marché par expérience.

38Cheriet F. (2010), "Modèle d'Uppsala et implantation des firmes multinationales agroalimentaires. La présence de Danone en Algérie", Revue française de gestion, Vol.2, N°201. PP 45-64.

39Johanson J. & Vahlne J-E. (1977), "The Internationalization Process of the firm. A model of knowledge development and increasing foreign market commitments", published by Palgrave Macmillan Journals with Journal of International Business Studies, Vol.08, N°01. PP 23-32.

39 Les aspects statiques sont supposés influencer les décisions d’engagement et la manière dont les activités courantes sont réalisées – autrement dit, les aspects dynamiques – qui, à leur tour, ont des effets sur la nouvelle connaissance et expérience internationale de la firme et son engagement : le résultat de chaque étape aurait un effet sur le déroulement de l’étape suivante.

L’expérience conduira à une intégration progressive et une augmentation des opérations dans le marché où des mesures seront prises afin de corriger le déséquilibre causé. La croissance du marché accélérera ce processus (Cheriet ; 2010).

Figure 05 : Modèle d’UPPSALA 1977 Mécanismes de base de l’internationalisation

Source : Johanson J. &Vahlne J-E. (1977), op cit. P 26.

Sur le plan empirique, ce modèle n’a pas pris en considération les différences entre les grandes et petites firmes et la durée entre les étapes, mais il a été validé par plusieurs auteurs (Anderson 1993, Oviatt et Mc Dougall 1994).

2.1.2. Le modèle d’innovation

Les modèles d’innovation (I-model) décrivent l’internationalisation en tant qu’innovation pour l’entreprise. Les fondateurs de ces modèles se sont globalement inspirés de l’U-Model (1977) en se basant sur le modèle de diffusion de l’innovation de Rogers (1962). Ils ont étudié plus particulièrement l’exportation et ont appliqué le modèle aux petites et grandes firmes.

Simmonds et Smith (1968) ont d'abord examiné l'utilisation du cadre d'adoption de l'innovation dans la prise de décisions en matière d'exportation, mais des progrès significatifs ont été réalisés par Bilkey et Tesar (1977). L'analyse résumée de ces auteurs explore la pertinence d'un modèle d'étapes distinctes pour expliquer le comportement à l'exportation, en particulier des PME et que différents facteurs affectaient la prise de décision à chaque étape.

Les différents modèles sur résumés dans le tableau (03) mettent l'accent sur l'apprentissage lié à l'adoption d'une innovation. La plupart des classifications mises en évidence partagent les mêmes caractéristiques et les principales différences incluent le nombre d'étapes dans chaque modèle.

40 Ainsi, Bilkey et Tesar (1977) ont conceptualisé le processus de développement des exportations en fonction de l'implication croissante des entreprises dans l'exportation vers des marchés psychologiquement plus éloignés. Six étapes de développement sont définies, allant des entreprises qui n'ont aucun intérêt à exporter jusqu'à celles qui envisagent une exportation vers des pays psychologiquement plus éloignés.

Pour sa part, Cavusgil (1980) a proposé une classification à cinq stades fondée sur des décisions successives de l’entreprise d'exporter à une période donnée. En outre, il a été suggéré, sur une base de données empirique, que plusieurs facteurs (managériaux et caractéristiques propres à l'entreprise) agissaient en tant que déterminants dans le progrès des entreprises d'une phase à l'autre.

Reid (1981) a conçu une chaîne précise d'adoption des innovations en cinq étapes. Dans ce contexte, on a pensé que l'adoption de l'exportation nécessitait une attitude de gestion favorable, une opportunité de marché disponible et la présence de ressources et de réserves au sein de l'entreprise.

Wortzel et Wortzel (1981) ont pu présenter cinq étapes d'entrée et d'expansion sur le marché international, se distinguant, chacune, par le contrôle de l'exportateur de ses activités sur les marchés étrangers. En d'autres termes, chaque étape successive a été marquée par une plus grande internationalisation des fonctions de marketing, de production et d'administration auparavant exercées par des intermédiaires du marché étranger.

Czinkota (1982) a tenté de segmenter les entreprises afin de pouvoir cibler efficacement les besoins d'aide à l'exportation du gouvernement. Six groupes distincts d'entreprises sont ressortis, allant de ceux limités au marché intérieur (qui ne sont pas du tout intéressés par l'exportation) à ceux considérés comme de grands exportateurs expérimentés.

Lim et al. (1991) ont développé le travail de Reid (1981) et identifié quatre niveaux d'innovation à l'exportation. Des preuves solides d'appui à ce cadre ont été trouvées, ce qui suggère que l'adoption de l'innovation a une applicabilité considérable dans le contexte de la prise de décision à l'exportation.

Rao et Naidu (1992) ont analysé des groupes d'entreprises selon une répartition à priori d'entreprises en quatre classes. Cette classification a été testée et validée empiriquement en considérant que chaque étape a pris en compte les caractéristiques distinctes des activités d'internationalisation des entreprises.

41 Tableau 03 : Synthèse des différents modèles d’internationalisation liés à l’innovation

Etape 01 Etape 02 Etape 03 Etape 04 Etape 05 Etape 06

Source : Zapletalová Š. (2013), "Internationalization of entrepreneurial activities: innovation to entrepreneurial competitiveness". P 175.

42 A travers l'examen des différents modèles relatifs au processus de développement des exportations de l'entreprise, il apparaît que le I-model fait partie des courants les plus importants sur l’expansion des exportations. Une alternative intéressante consisterait à étudier ce processus dans un modèle global couvrant l'ensemble des mécanismes d'internationalisation, allant de l'initiative (exportation) au développement (filiale de commercialisation à l'étranger) et à la croissance (usine de fabrication à l'étranger)40.

La théorie béhavioriste a largement dominé les théories de l’internationalisation. Cependant, elle a été critiquée principalement suite à l’absence de la dimension temporelle et son aspect trop statique.

En effet, ces travaux ont analysé le processus d’internationalisation de l’entreprise sur un échantillon de firmes à une période déterminée, alors que le processus se déroule dans le temps. De plus, les raisons et les facteurs qui influencent le processus d’internationalisation n’ont pas été exposés. L’incapacité de cette approche à expliquer certains comportements des PME à l’international a permis l’orientation de la recherche vers d’autres approches, notamment les approches par les ressources, qui rajoutent le rôle du management dans ce processus et les approches par les réseaux.