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Théories du développement international des firmes

Ces théories sont les plus nombreuses et ont été développées rapidement à partir des années 1960, dès que le processus d’internationalisation s’est réellement propagé. Il s’agit notamment, des théories des avantages spécifiques, du cycle de vie du produit, d’économie des coûts de transaction, ainsi que la théorie éclectique.

1.1. La théorie des avantages monopolistiques

Hymer est parmi les premiers chercheurs à proposer une théorie relative à l’IDE et à la production internationale en 1960, en mettant l’accent sur les imperfections structurelles des marchés, sources de l’existence d’avantages oligopolistiques, comme vecteur de l’internalisation et condition nécessaire à l’IDE. Il explique, selon l’optique des avantages spécifiques, comment une entreprise étrangère préserve sa capacité concurrentielle face à des entreprises locales qui ont une meilleure connaissance de l’environnement, le soutien de leur gouvernement et produisent sur leur propre marché, tout en supportant des coûts d’implantation de sa production à l’étranger30. Selon Hymer, cette firme :

29Levesque B. (2001), "Le partenariat : une tendance lourde de la nouvelle gouvernance à l’ère de la mondialisation.

Enjeux et défis pour les entreprises publiques et d’économie sociale" Cahiers du Crises N°ET0104, 23èmeCongrès international du CIRIEC Avril. P 02

30Amelon J-L., Cardebat J-M., Idrac A-M. (2010), "Les nouveaux défis de l’internationalisation : quel développement international pour les entreprises après la crise ?", Ed. DeBoeck, Bruxelles. P 137.

33 - Possède et exploite des caractéristiques qui lui sont propres et ne sont pas à la portée de ses concurrents, constituant des avantages ‘spécifiques’ de plusieurs ordres (technologie, brevet, capitaux, économies d’échelle, différenciation des produits, ressources managériales…), ou ; - Elle est en bonne position pour tirer parti des imperfections du marché, afin de compenser les coûts d’implantation et les risques de production à l’étranger. Cela lui permet de concurrencer les entreprises locales sur leur territoire national et de s’imposer sur leurs marchés.

Plus tard, Kindleberger et Caves élargissent la réflexion de Hymer. Kindleberger (1969) a distingué entre la condition nécessaire d’un IDE (l’intérêt et la motivation) et sa condition suffisante (avantage spécifique). C’est-à-dire, que les firmes, afin de compenser les coûts générés par une implantation à l’étranger, développent des avantages spécifiques tels que la différenciation des produits, des techniques de marketing, détention d’un accès exclusif à certains facteurs, bénéficier d’aides gouvernementales et développer des économies d’échelle internes et externes, qui peuvent être à la base de l'expansion internationale d'une firme.

De son côté, Caves (1971) a expliqué que la différenciation des produits permet une adaptation du produit des grandes entreprises aux préférences et aux conditions de marchés de divers pays. Elle est donc considérée comme un comportement oligopolistique.

L’approche ‘HKC’ inspirée par les trois auteurs donne plus d’importance aux avantages monopolistiques (pouvoir de marché) qu’à la recherche de profits et d’une meilleure position sur le marché. Cette vision explique certaines réalités de l’intégration verticale et souligne que l’avantage spécifique est une condition nécessaire mais insuffisante pour l’internationalisation, car la firme peut également l’exploiter en produisant dans son pays avant d’exporter. Porter a repris le concept d’avantage dans sa théorie de l’avantage concurrentiel, tandis que Williamson a traité l’imperfection des marchés en termes de coûts de transaction.

1.2. La théorie du cycle de vie du produit

Pour développer sa théorie du cycle de vie des produits en 1966, Vernon s’est inspiré des recherches effectuées par Williams, Kindleberger, MacDougall, Hoffmeyer, et Burenstam-Linder, visant à expliquer les raisons d’implantation des FMN américaines à l’étranger. Il souligne que dans les principaux courants du commerce international, une théorie qui négligerait les rôles de l'innovation, de l'ignorance et de l'incertitude serait incomplète.

Vernon montre que l’internationalisation s’explique par la dynamique du monopole d’innovation, qui s’articule autour du concept de cycle de vie du produit et de l’écart technologique entre les pays. Sur cette base, l’accès aux connaissances existantes dans différents domaines (scientifiques, chimiques, physiques, biologiques…) est à la portée de tous, mais cette égalité d’accès ne signifie pas une égalité dans la maîtrise de ces principes dans la réalisation de nouveaux produits.

34 Il existe un écart entre la connaissance d'un principe scientifique et sa transformation en produit commercialisable, ce qui fait que ces différences, notamment technologiques, expliquent les spécialisations internationales des firmes31.

La vie d’un produit est constituée par un cycle de trois stades successifs : émergence, maturité et déclin. Les firmes appliquent des stratégies différentes d’internationalisation passant de la production locale du produit à son exportation, puis à sa fabrication à l’étranger et enfin à son réexportation vers le marché d’origine.

- Phase d’émergence correspondant au lancement du nouveau produit par la firme innovatrice, qui se fait de manière progressive pour tester son produit. Dans cette phase, le prix du produit étant élevé, sa fabrication est limitée et la vente se fait sur le marché local suite à l’exploitation du monopole ;

- Phase de croissance et maturité vient suite à une forte demande de l’intérieur et de l’extérieur du pays provoquant la fabrication du produit en masse et son prix commence à baisser avec la standardisation et les économies d’échelle. Arrivant à maturité, le produit voit sa demande se saturer et fait l’objet de cessions de licence et d’imitations par les entreprises concurrentes, l’entreprise perd alors son avantage technologique. Afin de faire face à cette concurrence et récupérer des parts de marché, elle délocalise la production vers les pays où les coûts des facteurs de production sont plus faibles. L’investissement direct se substitue ainsi, à l’exportation et apparaît comme une stratégie défensive destinée à préserver les marges sur les différents marchés.

- Phase de déclin correspond à la période de vieillissement du produit qui se banalise totalement, où sa production s’arrête dans son pays d’origine en raison de la quasi-inexistence de la demande. La firme satisfait la demande existante par les importations en provenance de ses filiales à l’étranger (Mucchielli, 1998).

Ainsi, le modèle du cycle de vie international du produit explique le processus du développement des échanges et des investissements internationaux. Chaque étape est associée à une phase d’échange. La firme aura un ‘portefeuille’ de produits à des stades différents de leur cycle de vie et, grâce aux investissements en recherche-développement, elle fait émerger en permanence de nouveaux produits et sa position est liée aux performances économiques en termes de productivité et de taux de croissance, comme le synthétise le schéma ci-dessous.

31Vernon R. (1966), "International Investment and international trade in the Product cycle", the quarterly Journal of Economics N°319, vol.80, Issue 02. Havard University, Cambridge May. PP 190-207

35 Graphe 02 : Courbe du Cycle de vie du produit

Source : Delapierre, M.et Milelli C. (1995), op cit. P58

Élaborée à l'origine pour expliquer le développement international des FMN américaines pour les produits à cycle long dans les années 1960, la théorie de Vernon a été critiquée en raison du fait qu’elle s’applique moins à la réalité actuelle des FMN : les firmes américaines ne sont plus les seules firmes innovatrices.

Aussi, la transformation de l’environnement économique mondial et l’accélération du progrès technologique ont entraîné un raccourcissement du cycle de vie des produits, ce qui a rendu la théorie de Vernon moins pertinente32.

1.3. La théorie d’économie des coûts de transaction

Parmi les principales contributions théoriques sur le développement des modèles d’internationalisation des firmes fondées sur l’existence de coûts de transaction, nous pouvons citer les travaux de Coase (1937), relatifs à la réduction des coûts par opération, ainsi que ceux de Williamson (1975), sur le marché et les hiérarchies. Un coût de transaction est un coût lié à un échange économique résultant des imperfections et défaillances des marchés et ne devrait pas exister dans un marché de concurrence pure et parfaite.

Le marché peut générer des coûts de transaction tels que les coûts de recherche et d’information liées à l’exportation (prospection et études de marché, renseignements sur les prestations proposées, sur la réglementation, les prix, les barrières tarifaires et non tarifaires, taxes locales etc), coûts de négociation et de décision (juridiques, de conclusion et rédaction de contrats), coûts de fonctionnement (contrôle et exécution de la prestation et/ou livraison…)33. L’existence de ces coûts conduit les firmes à chercher une meilleure organisation afin de les minimiser. Williamson propose deux modes de coordination, le marché et l’entreprise, où l’arbitrage se fait entre les coûts de transactions relatifs à l’exportation et ceux relevant de la hiérarchie. La firme est incitée à internaliser ses activités sur d’autres marchés plutôt que d’exporter ses produits tant que cette forme d’organisation minimise les coûts de transactions de ses activités.

32Guillochon B. (2001), "Economie internationale", DUNOD, 3ème Edition, Paris. P 115.

33Chesnais F (1997), "La mondialisation du capital", Ed SYROS, Paris. PP 103-106.

36 Le choix de l’internalisation peut aussi s’effectuer en fonction de la spécificité de ses actifs, lui permettant d’assurer ses approvisionnements et de renforcer sa technologie et ses avantages spécifiques. Toutefois, Williamson souligne l’existence de rapports qui vont au-delà de l’exportation sans pour autant aller à l’intégration totale. Il s’agit de la coopération inter-firmes comme troisième modalité d’allocation des ressources (joint-venture, sous-traitance, concession, réseau, etc).

1.4. La théorie éclectique ou paradigme OLI

La théorie éclectique de Dunning (1976) constitue une approche globale des théories expliquant les facteurs d’internationalisation et des coûts de transactions. Elle offre un cadre général des facteurs qui influencent l'engagement de l’implantation étrangère par les firmes et la croissance de leur activité, d’où le choix du mot éclectique. L’approche s'appuie sur plusieurs courants de la théorie économique et les IDE ne sont que l'un des nombreux canaux possibles de la participation internationale des firmes, chacun étant déterminé par un certain nombre de facteurs communs34.

Selon le modèle, la pénétration du marché étranger est organisée autour de trois choix : IDE, licence et exportation. Le choix de s’engager dans la production internationale (IDE) est fonction de l’existence de trois conditions nécessaires, appelées avantages OLI : avantages spécifiques d’une firme, avantages spécifiques des pays et avantages de l’internalisation35.

- Avantages spécifiques (Ownership advantage) Représentent des avantages exclusifs que peut avoir la firme vis-à-vis de ses concurrents et prennent la forme d’actifs, lui permettant de réduire ses coûts et de disposer d’un certain pouvoir de marché. Il peut s’agir de savoir-faire spécifiques (innovations et technologie ou connaissances spécialisées), des économies d’échelle ou d’autres avantages de nature monopolistique (Amelon et al ; 2010).

- Avantages de localisation (Localisation advantage) sont liés aux caractéristiques du pays d’implantation, tels que la stabilité, l’environnement des affaires et surtout les différentes incitations offertes (approvisionnements en facteurs de production, cadre institutionnel et qualité des infrastructures etc). La firme optimisera la localisation de l’implantation de son activité où elle maximise le plus ses avantages spécifiques en fonction de la situation économique et politique du pays hôte.

- Avantages de l’internalisation (Internalization advantage) relatifs à l’organisation de la firme, à travers la détermination de la forme la plus optimale lui permettant le contrôle de ses activités, l’amélioration du processus productif ainsi que la réduction des risques, notamment ceux liés à la vente de technologie aux autres entreprises, entraînant son exposition à la concurrence36.

34 Dunning J.H. (1988), "The Eclectic Paradigm of International Production: a restatement and Some Possible Extensions", ed.Palgrave Macmillan. Journal of International Business Studies, Vol.19 N°01. PP 1-31

35 Dunning J.H. (1980), "Toward an Eclectic Theory of international Production: Some empirical Tests", Journal of International Business Studies, Vol.11, N°01. PP 9-31.

36 Lemaire J.P. & Petit G. (1997), "Stratégies d’internationalisation", ed. DUNOD, Paris. P 220-221

37 Le modèle de Dunning étudie également les autres alternatives relatives à la décision de la firme d’exporter, si elle détient un avantage spécifique et un avantage à l’internalisation (OI), ou simplement privilégie la vente de licence si elle ne possède qu’un avantage spécifique (O), dans ce cas, la firme vend une licence à une entreprise locale qui exploite le marché. Les différents modes de pénétration selon Dunning sont synthétisés dans tableau 02, ci-après :

Tableau 02 : Les Choix de localisation dans le Modèle OLI de Dunning

Mode de pénétration des marchés Avantages

O L I

Investissement direct + + +

Exportations + - +

Licence + - -

Source : Amelon J-L. et Al. (2010), Op cit. P 142