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Paragraphe 1/ Les fondement de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés en droit français

B- Les fondements spécifiques à chacune des sûretés

2- Les fondements spécifiques aux propriétés-sûretés

118. Tout comme le droit de rétention, les propriétés-sûretés ne sont pas visées par l'article L.

642-12, alinéa 1er. Elles sont donc exclues du domaine de la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession.

Qu'est-ce qui justifie alors cette situation ? Il faut ici rechercher si, en dehors des fondements communs à toutes les sûretés, il existe des fondements spécifiques à l'absence de réduction de l'assiette des propriétés-sûretés.

119. La préservation de l’étendue de l’assiette des propriétés-sûretés résulte d'abord et surtout

de la nature même du droit que celles-ci confèrent à leurs bénéficiaires. La clause de réserve de propriété et la fiducie-sûreté reposent sur un droit de propriété187. Les créanciers munis de telles sûretés sont propriétaires des biens grevés. Cette situation résulte soit d'un transfert temporaire de la propriété des biens (le fiduciaire), soit de la conservation de la propriété du bien par le biais d'une clause, et ce, jusqu'à l'exécution complète par le débiteur de l'obligation qui constitue la contrepartie du contrat (le réservataire). Le débiteur n'étant plus ou pas encore le propriétaire des biens grevés, il ne devrait pas, au risque de commettre un abus de droit, procéder à la cession de ces biens.

À ce fondement commun, s'ajoutent des fondements jurisprudentiels spécifiques à la réserve de propriété (a) et, dans une moindre mesure, à la fiducie-sûreté (b).

a- La préservation de l’étendue de l’assiette de la réserve de propriété

120. Bien que la jurisprudence ne se soit pas prononcée directement sur l'exclusion de la

clause de réserve de propriété de la règle de l'affection d'une quote-part du prix de cession, certains arrêts permettent toutefois d'en arriver à cette conclusion.

Le premier arrêt est celui du 9 juin 1992188 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. En l'espèce, des tôles vendues sous clause de réserve de propriété avaient été incluses dans un plan de cession, après que le vendeur ait exercé la revendication dans le délai légal. Ce dernier exigea alors que sa créance relative au prix des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété bénéficie des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985. Après qu'il fut, par un arrêt du 20 mars 1990189, débouté par la cour d’appel d’Aix, le vendeur s'était pourvu en cassation contre cette décision. La Cour de cassation avait cassé l'arrêt à elle déféré après avoir relevé que les marchandises litigieuses existaient en nature au jour de l'ouverture de la

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C. HOUIN-BRESSAND, « Fiducie-sûreté, clause de réserve de propriété, crédit-bail : quelle protection pour le banquier propriétaire ? », Rev. drt. banc. et fin., mars-avril 2010, n° 2, dossier 12, p. 95.

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Cass.com., 9 juin 1992, n° 90-16.804, Bull. civ. IV, n° 230; JCP E, 1992, I. 195, n° 10, obs. M. CABRILLAC ; D. 1993, p. 6, obs. F. DERRIDA ; RTD com. 1994, p. 126, obs. A. MARTIN-SERF.

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procédure collective, mais qu'elles avaient, après la revendication du vendeur exercée dans le délai requis, été incluses dans le plan de cession des actifs de l'entreprise arrêté par le tribunal, de sorte que l'administrateur ne pouvait, en exécution de ce plan, procéder à leur cession sans en payer la valeur. La Haute juridiction avait donc accordé le bénéfice de l'article 40 à la créance relative au prix des marchandises.

La jurisprudence s'est encore prononcée dans le même sens dans un arrêt du 8 juin 1993190. La Cour de cassation approuva ainsi la décision d'une cour d'appel qui, après avoir constaté que les matériels litigieux existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective, avait retenu que la créance éventuelle du créancier en paiement du prix de vente de ces matériels avait pour cause sa disparition postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, d'une part, et que les commissaires à l'exécution du plan ne pouvaient, fût-ce en vertu de ce plan, procéder à la cession des matériels de ce magasin sans en payer la valeur, d'autre part. La Haute juridiction a donc conclu que c'est à bon droit que la cour d'appel avait, après avoir ordonné la restitution des marchandises vendues sous clause de réserve de propriété, décidé qu'à défaut de restitution, les commissaires à l'exécution du plan seraient débiteurs de leur valeur au titre des sommes visées par l'article 40, alinéa 2.5°, de la loi du 25 janvier 1985.

121. Dans chacun de ces arrêts, il n'était pas question de l'affectation d'une quote-part du prix

de cession au créancier réservataire. Il s’agissait, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le sort des biens vendus sous réserve de propriété en cas d'inclusion dans un plan de cession. À deux reprises, la Haute juridiction affirme que, dès lors que le vendeur a exercé la revendication dans les délais, les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété et existant en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective et incluses dans un plan de cession, doivent bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985.

Comme l'a fait remarquer un auteur191, cette solution « n'est que la transposition pure et simple de la solution antérieure en vertu de laquelle le vendeur était créancier de la masse192 et qui était fondée, selon les arrêts, sur le droit acquis du vendeur au bénéfice de la revendication, sur la décision, au moins implicite, de continuation du contrat par le syndic, sur la gestion d'affaires opérée par le syndic en percevant le prix, sur la faute ou encore sur l'enrichissement sans cause de la masse au détriment du vendeur ».

122. Dans tous les cas, ces arrêts peuvent constituer un fondement à la préservation de

l’étendue de l'assiette de la réserve de propriété. En effet, contrairement aux créanciers munis de sûretés réelles préférentielles qui, conformément aux dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er,

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Cass. com., 8 juin 1993, n° 90-21.928, Bull. civ. IV, n° 234; D. 1993, p. 296, obs. F. PÉROCHON. 191

F. PÉROCHON, obs .sous Cass. com., 9 juin 1992, n° 90-16.804 et 8 juin 1993, n° 90-21.928, arrêt préc; D. 1993, p. 296.

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Cass. com., 26 mars 1985, n° 84-103.4, Bull. civ. IV. n° 109 ; JCP E, 1985. I. 14551; Cass. com., 7 juin 1988, n° 86-184.01, Bull. civ. IV. n° 193.

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se voient affecter une quote-part du prix de cession, le créancier réservataire est placé sous un régime différent. D’après la solution jurisprudentielle, le créancier réservataire va, en cas de cession des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété, bénéficier d'une créance postérieure privilégiée. Il échappe ainsi à la possibilité d'une réduction de l'assiette de sa sûreté.

Que penser de la fiducie-sûreté ?

b- La préservation de l’étendue de l'assiette de la fiducie-sûreté

123. Pour la fiducie-sûreté, la jurisprudence ne s'est pas véritablement prononcée sur la

question. Seul un arrêt du 4 novembre 2010, rendu par la cour d'appel de Paris, peut être cité193. Dans cette décision, les juges du fond ont considéré que les actifs transmis dans un patrimoine fiduciaire n'étant plus dans le patrimoine du constituant, ils ne peuvent être transférés dans le cadre d'un plan de cession, même si le constituant en a conservé l'usage et la jouissance par une convention de mise à disposition qui ne peut faire l'objet d'une cession forcée. Il en résulte une impossibilité de transfert des actifs fiduciaires dans un plan de cession.

On peut donc conclure que, comme le réservataire, le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté échappe à la possibilité d'une réduction de l’étendue de l'assiette de sa sûreté par le biais du mécanisme de l'affectation d'une quote-part du prix de cession.

En somme, les actifs fiduciaires194 et les biens faisant l'objet d'une réserve de propriété ne faisant plus partie du patrimoine du débiteur se soustraient, par principe, aux effets réels de la procédure collective de ce dernier. En conséquence, les mesures qui découlent de l'ouverture d'une procédure collective, en l'occurrence l'affectation d'une quote-part du prix de cession, sont inapplicables aux créanciers propriétaires.

124. Il ressort des développements qui précédent que, dans l’hypothèse d’une cession,

plusieurs éléments permettent de justifier la préservation de l’étendue de l'assiette des sûretés réelles exclusives. Cette situation résulte d'abord de l'exclusion de ces sûretés du domaine de la règle de l'affectation de la quote-part du prix de cession, puis de la finalité de cette règle. En effet, le mécanisme d'affectation d'une quote-part du prix de cession n'est possible qu'en présence de sûretés conférant un droit de préférence à leurs bénéficiaires, car il permet l'exercice des droits préférentiels. Enfin, certaines décisions jurisprudentielles constituent également un fondement à la protection des sûretés réelles exclusives contre la règle de l’affectation d’une quote-part du prix de cession. Tous ces éléments permettent d'affirmer qu'en droit français, les sûretés réelles exclusives sont protégées contre l’éventualité d’une réduction de l’étendue de leur assiette, notamment dans l’hypothèse d’un plan de cession. Cette solution est-elle également admise en droit OHADA ?

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CA Paris, 4 nov. 2010, jurisData n°2010-025412, Rev. drt. Banc et fin., juillet 2011, n° 4, comm. A. CERLES 194

F. MACORIG-VENIER, « Les biens fiduciaires (bien distrais des procédures) », Rev. Proc. Coll., janvier-février 2011, n°1, dossier 10, p. 89.

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Paragraphe 2/ Les fondements de la préservation de l’étendue de

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