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Paragraphe 1 : La reventication du créancier réservataire admise dans les deux législations

A- La revendication du créancier réservataire en droit français

1- Les conditions de la revendication

Les conditions de la revendication tiennent, d’une part, à son objet (a) et, d’autre part, à sa procédure (b).

a- L'objet de l'action en revendication

294. Sous l'empire des législations antérieures, la revendication portait uniquement sur les

"marchandises". Cette notion qui réduisait quelque peu le champ d'application des revendications a été, dans la loi du 10 juin 1994, remplacée par la notion de "biens". La revendication va donc s'appliquer à l'ensemble des biens meubles, peu important qu'ils soient corporels ou incorporels358.

Les textes du Code de commerce359 ne visant que la revendication des meubles, les propriétaires d’immeubles sont donc dispensés d'avoir à exercer une action en revendication360. Ainsi, celui qui s'est réservé la propriété d'un immeuble est soumis à l'arrêt des poursuites individuelles, même lorsque le contrat dans lequel la clause est insérée fait l'objet d'une publicité.

356

P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.09 in fine. 357

Cf. ns° 760 et s. 358

Revendication d'un fond de commerce ; Cass. com., 21 novembre 1995, n° 93-20.531, Bull.civ. IV, n° 266 ; D. 1996, p. 211, note C. REGNAUT-MOUTIER ; D. 1996, somm. p. 214, obs. F. PÉROCHON ; Cass. com., 29 février 2000, n° 97-14.575, Inédit ; Revendication de brevet d'invention ; Cass. com., 22 octobre 1996, n° 94-17.768, Bull. civ. IV, n° 252; Rev. Proc. Coll. 1997, p. 321, obs. B. SOINNE.

359

Art. L. 624-9 et s. 360

124

Toutefois, la propriété des immeubles n’est pas souvent menacée par l’ouverture d’une procédure collective, puisqu’en règle générale le transfert de propriété des immeubles s'accompagne d'une publicité. Les immeubles ne peuvent donc être considérés comme donnant une solvabilité apparente au débiteur. L'ouverture d'une procédure collective à l'égard du détenteur précaire d'un immeuble n'a pas d'incidence sur la reconnaissance du droit de propriété de cet immeuble.

Quoi qu’il en soit, la revendication porte sur des biens meubles se trouvant entre les mains du débiteur (a-1) ou sur la créance du prix subrogée au bien (a-2)

a-1) La revendication des biens meubles se trouvant entre les mains du débiteur

295. Il résulte des dispositions de l'article L. 624-16 du Code de commerce que les biens

meubles existant en nature peuvent être revendiqués au moment de l'ouverture de la procédure. Cette condition suppose d'abord l'identification du bien. Le revendiquant doit se prévaloir d’un droit de propriété sur une chose identifiée dans le patrimoine du débiteur. Il doit prouver que les biens revendiqués sont les biens livrés par lui au débiteur ou à un tiers agissant pour son compte361. Après l’identification, le revendiquant doit rapporter la preuve de l'existence du bien en nature dans le patrimoine du débiteur, peu important qu'il détienne lui-même le bien ou qu'il soit détenu par un tiers agissant pour son compte362.

La condition d'existence du bien en nature s'apprécie au jour de l'ouverture de la procédure363 et non au jour de l'exercice de l'action en revendication. L'autorité de la chose jugée attachée à la décision irrévocable de la demande en revendication et en restitution, empêche la remise en cause de l'existence en nature du bien revendiqué au jour du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure364.

296. En pratique, la tâche qui incombe au revendiquant de rapporter la preuve de l'existence

du bien en nature, au jour du jugement d'ouverture, devrait être facilitée en raison de l'établissement obligatoire365 d'un inventaire dès le début de la procédure366.

Que se passe-t-il à défaut d'inventaire ? 361

Cas. com., 23 octobre. 1990, n° 89-13.486, Bull. civ. IV, n° 246 ; D. 1990, IR p. 277; Cass.com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103, Bull. civ. IV, n° 199.

362

Cass. com., 3 décembre 1996, n° 94-21.227; Bull. civ. IV, n° 301; JCP, E, 1997, I, 651, n° 16, obs. M. CABRILLAC; RD bancaire, 1997, p. 37, obs. M.-J. CAMPANA et J.-M. CALENDINI; Cass. com., 10 mai 2012, n° 11-17.626, Bull. civ. IV, n° 95; D. 2012. AJ. p.1326, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E, 2012. 1508, n° 6, obs. Ph. PÉTEL. 363

Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-19.980; Bull. civ. IV, n° 412; Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-18.437, Inédit; Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-18.438, Inédit.

364

Cass. com., 26 janvier 2010, n° 09-63.357, Inédit ; Gaz. Pal. 16-17 avril 2010, ns° 106 et 107, p. 43, note F. PÉROCHON.

365

Art. L. 622-6, al. 1er du Code de commerce. Dans la procédure de sauvegarde accélérée, le débiteur peut, sur demande au tribunal, être dispensé d’inventaire (art. L. 628-3, al. 2).

366

Si le débiteur ne l’établit pas lui-même et qui en fait la demande, l’inventaire est réalisé par un organe désigné par le tribunal ; il peut s’agir d’un commissaire-priseur, d’un huissier, d’un notaire, ou d’un courtier en marchandises assermenté (art. L. 621-4, L. 631-9 et L. 641-1, al. 4 du Code de commerce) Sous l’empire des législations antérieures, l’inventaire était réalisé par l’administrateur, le liquidateur ou le représentant des créanciers.

125

L'article L. 622-6 de Code de commerce précise in fine que l'absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en revendication et restitution. Une cour d'appel367 a estimé que cette formule ne signifiait rien d'autre que l'obligation pour le demandeur à l'action de rapporter la preuve de l'existence du bien en nature au jour du jugement d'ouverture. Une solution similaire a été posée en présence d'un inventaire imprécis368. Par ailleurs, la Cour de cassation avait, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, jugé que le défaut d'inventaire entraîne un renversement de la charge de la preuve. De la sorte, il appartient au liquidateur et non plus au revendiquant de rapporter la preuve de l'inexistence du bien en nature au jour du prononcé de la liquidation judiciaire369. Cette preuve peut ainsi résulter du constat fait par un huissier, même un an après l'ouverture de la procédure, complété par le jugement concordant d'autorisation de cession du fonds avant l'ouverture de la procédure collective370.

En tout état de cause, la condition d'existence en nature du bien revendiqué au jour du jugement d'ouverture est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond371.

297. L'existence du bien en nature devrait également supposer que le vendeur ne puisse

revendiquer que les biens existant dans leur état initial, c'est-à-dire tels qu’ils ont été remis à l'acheteur. Cette condition conduirait ainsi à exclure toute revendication d'un bien transformé ou incorporé. Mais, pour ne pas réduire l'assiette des revendications, le législateur et la jurisprudence autorisent, sous certaines conditions, la revendication des biens transformés 1-a) et incorporés (a-1-b).

a-1-a) La revendication des biens transformés

298. Par principe, la transformation du bien devrait faire obstacle à sa revendication puisque

le bien n'existe plus dans sa nature initiale. Cependant, la jurisprudence envisage la possibilité de revendiquer des biens transformés mais elle reste néanmoins assez libérale dans son appréciation. Il est donc admis que toutes les transformations ne font pas obstacle à la revendication.

Pour être revendiqué, le bien ne doit avoir subi aucune transformation matérielle ou juridique susceptible d'entraîner une perte de sa nature. Ainsi, ne peuvent être revendiqués, les biens dont les caractères et les propriétés ont été modifiés372 et ceux dont la transformation résulte d'un

367

CA Toulouse, 2e ch., sect. 2, 8 janvier 2008, RG n° 06/05022. 368

CA Paris, 3e ch. B, 19 septembre 2003, RG, n° 2002/14281. 369

Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-13.187, Bull. civ. IV, n°156 ; D. 2010, AJ, p. 12, obs. A. LIÉNHARD ; JCP

E, 2010, 1296, n° 12, obs. M. CABRILLAC ; Gaz. Pal. 17 avril 2010, ns°106 et 107, p. 42, note F. PÉROCHON ; RTD com. 2010, p. 424, obs. A. MARTIN-SERF ; RTD civ. 2010, p. 361, obs. P. CROCQ.

370

CA Toulouse, 8 novembre 2011, RG n° 11/459, BJE, 2012, p. 93, note M. LAROCHE.

371

Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103, Bull. civ. IV, n° 181; D. 2006. AJ, p. 2462, obs.A.LIÉNHARD; RTD

com. 2007, pp. 452 et 453, obs. A. MARTIN-SERF ; JCP E, 2007, 1004, n° 13, obs. M. CABRILLAC. 372

CA Versailles, 7 juin 1990, D. 1991. somm. p. 46, obs. F. PÉROCHON; CA Angers, 12 novembre 1986, Rev. Proc.

126

assemblage avec d'autres produits373. Il en sera de même en cas de transformation de peau en vêtement ou de laine en chandails374. Si le maintien du bien dans son état initial n'est pas requis, sa transformation ne doit pas entrainer la perte de sa substance ou même de sa spécificité.

299. L'appréciation du degré de transformation relève encore ici du pouvoir souverain des

juges du fond. Il a par exemple été jugé que le viticulteur qui a livré du raisin à la coopérative le retrouvait en nature sous forme de vin, de cette manière « l'incorporation des moûts les uns aux

autres et le processus d'évolution et de vinification des récoltes apportées n'avaient pas transformé leur substance »375. De cette solution, il est possible de rapprocher celle de l'admission de la revendication des champignons alors que l'acheteur n'avait reçu que le mycélium au moment de la livraison376.

En somme, si les modifications ne conduisent pas à une transformation de la nature des biens, la revendication doit être admise. Toutefois, la Cour de cassation estime, à juste titre d'ailleurs, que lorsque la revendication aboutit alors même que le bien a subi une transformation, le vendeur doit indemniser l'acheteur pour les modifications effectuées377.

Qu'en est-il lorsque les biens ont été incorporés ?

a-1-b) La revendication des biens incorporés

300. En cas d'incorporation d'un bien mobilier à un autre bien, la revendication n'est possible,

en principe, que lorsque la séparation de ces biens peut s’effectuer sans qu'ils en subissent un dommage378. Ainsi, a été admise la revendication du moteur d'un navire démontable379, ou encore de pneumatiques montés sur un véhicule automobile, sous réserve que ces véhicules n'aient pas eux-mêmes été vendus à un tiers380. Pour que la revendication soit admise, l'opération de démontage ne doit occasionner aucun dommage au bien revendiqué et au bien dans lequel il est incorporé. En revanche, si le meuble incorporé dans un autre bien (mobilier ou immobilier) ne peut être détaché sans détérioration, la revendication devient impossible. A par exemple été rejetée la revendication des pierres précieuses du fait de leur sertissage dans les bijoux, lequel rendait impossible leur

373

Cass. com., 6 juillet 1993, n° 90-21.711 ; Bull. civ. IV. n° 286 ; RJDA 1994/2, n° 216: matériels destinés à une chaîne de montage de voitures ; T. Com. Paris, 1er janvier 1981, Rev. Jurisp. Com. 1981, p. 378.

374

CA Toulouse, 27 novembre 1984, D. 1985. IR, p. 185. 375

Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103 ; Bull. civ. IV. n° 181 ; Act. Proc. Coll. 2006/16, n° 198, obs. F. PÉROCHON; JCP E, 2007, 1004, n° 13, obs. M. CABRILLAC; RTD com. 2007, pp. 452-453, obs. A.

MARTIN-SERF. 376

CA Orléans, ch. com. éco. et fin. , 25 octobre 2007, RG n° 07/00593; RJDA, 2008/1, n° 68. 377

Cass. com., 17 mai 1988, n° 86-19.546, Bull. civ. IV, n° 166 ; Cass. com., 6 mars 1990, n° 88-14.267, Bull. civ. IV, n° 73; D. 1991. somm. p. 46, obs. F. PÉROCHON.

378

Art. L. 624-16, al. 3 du Code de commerce et art. 2370 du Code civil ; CA Versailles, 24 juin 1999, RJDA 1999/10, n° 1110.

379

Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, Bull. civ. IV, n° 70. 380

127

restitution sans endommager les bijoux381. L'appréciation se fait ici en fonction du critère matériel du démontage.

301. Dans certaines situations, la jurisprudence va au delà-du critère légal. C’est le cas lorsque

le bien revendiqué est, du fait de son incorporation à un autre bien, devenu un élément constitutif d’un ensemble nouveau. Dans un arrêt du 19 juin 2012382, la Cour de cassation retient que « attendu

qu'après avoir relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du débat, que la mise en place des matériels livrés ne pouvait être réduite à une simple activité d'installation de composants juxtaposés aisément détachables mais devait être regardée comme constituant une opération d'intégration d'éléments constitutifs interconnectés entre eux et indissociables ayant eu pour conséquence la création d'un ensemble nouveau, la cour d'appel a pu en déduire que les biens revendiqués ne se retrouvaient pas en nature dans le patrimoine de la débitrice au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ». Ainsi, même lorsque le

démontage s’effectue sans dommage, la revendication peut être refusée au motif que le bien revendiqué n’existe plus en nature puisqu’il forme, avec les autres biens, un tout indissociable383. L’appréciation de l’existence en nature d’un bien incorporé ne se fait donc pas uniquement en fonction du critère matériel du démontage.

302. En tout état de cause, le dommage n'étant pas un critère économique, la revendication

peut être admise alors même que la reprise du bien entraîne un dommage économique384 ou fonctionnel385 au bien dans lequel l'incorporation avait eu lieu. La détermination de l'existence ou non d'un dommage est là encore laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. Cette liberté dont disposent les juges est à l'origine d'une jurisprudence abondante avec des solutions parfois différentes pour des situations a priori similaires386.

a-1-c) Qu’en est-il de la revendication des biens fongibles ?

Avant de déterminer la nature juridique de la revendication des choses fongibles (a-1-c-2), il convient au préalable de définir la notion de fongibilité (a-1-c-1).

a-1-c-1) La définition des « biens fongibles »?

303. Le législateur autorise la revendication des biens fongibles, c’est le cas lorsque des biens

de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute autre

381

Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-20.381, Inédit ; Gaz. Pal. 8-10 janvier 2010, ns° 8 et 9, p. 44, note E. LE CORRE-BROLY; RTD com. 2010, p. 425, obs. A. MARTIN-SERF.

382

Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-18.907, Inédit ; Gaz. Pal. éd. sp., 13 octobre 2012, n° 286, p. 30, note F. PÉROCHON ; RTD com. 2013, p. 145, obs. A. MARTIN-SERF.

383

V. sur la revendication des commandes numériques : Cass. com., 24 mars 2004, n° 10-10.280 ; Inédit; RLDA, mars 2005, p. 105, n° 37, obs. F. PÉROCHON ; Cass. com., 4 janvier 2005, n° 20-10.538 ; Inédit ; LPA, février 2006, p. 7. 384

Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-16.899 ; Inédit; Gaz. Proc. Coll. 2009/1, p. 52, note F. PÉROCHON. 385

CA Paris, 20 novembre 2008, RG n° 08/03836 ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1611. 386

128

personne les détenant pour son compte387. Sont considérés comme fongibles, des biens qui sont mesurés par leur qualité et quantité et susceptibles d'être remplacés par d'autres388.

Un des premiers auteurs à s'être intéressé à la question avait défini la fongibilité comme « le rapport d'équivalence existant entre deux ou plusieurs choses capables de remplir la même fonctionnalité libératoire »389. De cette manière, des biens fongibles étaient parfaitement substituables, produisant chacun un pouvoir libératoire à l'égard du créancier. Plus récemment, la fongibilité a été définie comme « l'aptitude des biens spécifiquement et qualitativement identiques à se substituer entre eux »390. Un autre auteur391 considère par ailleurs comme fongibles, les biens « objectivement et subjectivement interchangeables ». Dans le même sens, un auteur soutient que la fongibilité est une notion de droit qui se caractérise par l'interchangeabilité des biens. Elle s’oppose au corps certains qui ne peuvent se substituer les uns aux autres392.

Si la doctrine est relativement unanime sur la définition de la fongibilité, il n'en est pas de même pour la jurisprudence. La question divise encore les juges du fond. Une cour d'appel a considéré comme fongibles, des produits de même espèce et de même qualité que ceux qui avaient été livrés à l'acheteur393. Tandis qu'une autre refuse de considérer comme fongibles des appareils électroniques qui pouvaient être identifiés grâce à un numéro de série unique394. Une troisième cour d'appel a par ailleurs jugé fongibles des biens non seulement « interchangeables, identiques les uns aux autres », mais aussi des biens nécessairement « non individualisés »395.

304. Tout bien considéré, la jurisprudence ne définit pas la fongibilité. Bien plus, les

controverses jurisprudentielles sont de nature à entretenir la confusion dans la perception de cette notion. En effet, au-delà de la définition de celle-ci, il se pose également la question de la fongibilité des biens individualisés. Autrement dit, l’identification d’un bien fait-elle obstacle à son caractère fongible ? Un bien individualisé peut-il être considéré comme fongible ?

Là encore, la doctrine se démarque positivement. Elle considère que l'identification d'un bien ne remet pas en cause sa fongibilité. Des biens sont considérés comme fongibles dès l'instant qu'ils sont identiques et interchangeables, peu important qu'ils soient identifiables ou non396. Une partie de

387

Art. L. 624-16, al. 3 du Code de commerce et art. 2369 du Code civil, rédaction issue de l'ordonnance du 23 mars 2006.

388

CABRILLAC (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec 2002, p. 66 389

H. HUMBERT, Essai sur la fongibilité et la consomptibilité des meubles, Th. Paris, 1940. pp. 18-19. 390

P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle, Étude sur la qualification juridique des biens, préf. Ph. DELEBECQUE, LGDJ, Coll. A. Tunc, t. 4, 2004, n° 139.

391

F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », RLDA, mars 2005, n° 80, p. 105, sp. p. 112. 392

C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 888 ; V. F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 112.

393

CA Paris, 3e ch. A. 23 octobre 2007, RG n° 06/21634. 394

CA Paris, pôle 5, 9e ch. 6 mai 2010, RG n ° 09/005242. 395

CA Paris, 12 mai 2000, D. 2000, AJ. p. 329, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E, 2001, 221, n° 13. obs. Ph. PÉTEL. 396

F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 112 ; Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1619 ;

129

la doctrine397 a en effet affirmé que l'individualisation d'une chose ne constituait pas un obstacle dirimant à la fongibilité. Ce n'est pas parce qu'une chose porte des numéros ou des marques qu'elle cesse d'être fongible.

Cependant, en jurisprudence, la réponse n’est pas aussi simple. Il existe en effet quelques confusions quant à la fongibilité de certains biens. C’est notamment le cas des médicaments et des produits pharmaceutiques.

Dès les premières applications de la solution législative autorisant la revendication des choses fongibles, la fongibilité des produits pharmaceutiques et des médicaments a très vite divisé les juges du fond398. Certaines cours d’appel considèrent, en effet, que l'identification des médicaments empêche leur interchangeabilité ; en conséquence, les médicaments ne peuvent être considérés comme des biens fongibles. C'est dans ce sens que la cour d'appel de Paris a jugé que les médicaments ne sont pas fongibles car « ils sont conditionnés sous emballage portant une ou

plusieurs indications (date de fabrication, un numéro de lot, une date limite de vente) permettant de les individualiser »399. D'autres, en revanche, estiment que le fait de pouvoir identifier les médicaments ne fait pas obstacle à leur fongibilité. La cour d'appel de Lyon a en effet affirmé qu'«

un médicament est fongible par rapport à un autre de la même espèce indépendamment du conditionnement qui lui est propre, dès lors que, par sa nature, il possède la même composition, et partant les mêmes propriétés thérapeutiques »400. Dans le même sens, la cour d'appel de Paris a

jugé que « les médicaments et produits pharmaceutiques sont fongibles dès lors qu'ils sont

interchangeables en raison de l'identité de leur marque de fabrique, de leur conditionnement et contenance ainsi que de leurs formules et propriétés »401.

De ces développements, il ressort que l'admission du caractère fongible des médicaments divise énormément la jurisprudence et même qu’à l'intérieur d'une même cour d'appel, des divergences apparaissent entre les sections.

397

A. LAUDE, « La fongibilité », RTD com. 1995, p. 307. 398

La cour d'appel de Paris a eu l'occasion de se prononcer sur la question dans deux arrêts, l'un du 3 avril 1998, ( CA Paris, 3 avril 1998, D. Aff., 1998, p. 845, obs. A. LIÉNHARD ; RTD civ. 1998, p. 709, obs. P. CROCQ) , l'autre du 26 juin 1998 (CA Paris, 26 juin 1998, D. Aff., 1999, p.1401, obs. A. LIENHARD) relatifs eux aussi aux médicaments et produits pharmaceutiques vendus sous réserve de propriété. Dans la première affaire, le caractère fongible des biens revendiqués n'était pas contesté, mais le liquidateur, pour s'opposer à la revendication, soutenait que la rapidité de rotation des stocks d'une officine de pharmacie excluait l'identité entre les marchandises retrouvées en nature et celles vendues. Rejetant ce motif, la cour avait autorisé la revendication des marchandises retrouvées en nature chez le débiteur au jour du jugement d'ouverture, en l'occurrence celles mises en évidence par le rapprochement les factures de produits revendiqués et l'inventaire au jour du jugement. Dans la seconde affaire, le caractère fongible des produits pharmaceutiques était contesté par l'administrateur et le représentant des créanciers. Ils estimaient que les produits étaient individualisés par les laboratoires qui les fabriquent et qui apposent une date de fabrication, un numéro de lot et une date limite de consommation. Cet argument fut rejeté par les juges du fond. Ces derniers avaient en revanche considéré que les médicaments et produits pharmaceutiques sont des biens fongibles dès qu'ils sont de la même espèce et de la même qualité que ceux revendiqués, étant interchangeables en tant que produis de même nom et de même origine de fabrication. Le fournisseur de médicaments avait donc été admis dans la revendication.

399

CA Paris, 3e ch. Com, 12 mai 2000, D. 2000, AJ. p. 329, obs. A. LIÉNHARD. 400

CA Lyon, 3e ch., 5 novembre 1999, JCP E, 2001, 221, n° 13, obs. Ph. PÉTEL.

401

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