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Confrontation entre le droit des procédures collectives et le droit des sûretés

44. L’évolution législative du droit des procédures collectives et du droit des sûretés révèle

qu’à mesure que le législateur cherche à sacrifier, au nom du sauvetage de l’entreprise, les intérêts 63

L’AUS consacre deux nouvelles sûretés réelles avec dépossession: le droit de rétention (art. 41 à 43) et le gage de créances (art. 50), et deux nouvelles sûretés réelles sans dépossession : le nantissement des actions et parts sociales (art. 64 à 68) et le nantissement de stocks (art. 100 à 105).

64

L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir. de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA, Editions Lamy, 2012, n° 4.

65

P. CROCQ, « Les grandes orientations de la réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés », Dr. et

part., novembre 2010, n° 197, p. 52 66

A. BOCCOVI, O. BUSTIN, « Rapport général sur l’Acte uniforme révisé OHADA portant sur l’organisation des sûretés », LPA, 25 septembre 2015, n° 192, p. 23.

67

P. CROCQ, « Le nouvel Acte Uniforme portant organisation des sûretés », D. 2011, p. 432 68

Cf. art. 284 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) et art. 103 de l’AUPC. 69

P. CROCQ, « Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés », Dr. et patr., novembre 2010, n° 197, p. 78.

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des créanciers et à protéger les débiteurs, se créent parallèlement des lois et des mécanismes permettant aux créanciers de résister efficacement à l’ouverture d’une procédure collective.

Ainsi, dès lors que la loi 13 juillet 1967 commença à imposer des sacrifices aux créanciers, même ceux titulaires de sûretés réelles70, et que la jurisprudence les soumit à la règle de la suspension des poursuites individuelles71, le législateur admit, quelques années plus tard, l’efficacité des mécanismes fondés sur la propriété. C’est ainsi que la loi n° 335 du 12 mai 1980 dite « loi Dubanchet » reconnue l’opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas d’ouverture d’une procédure collective72. De même, avec la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 dite « loi Dailly », le législateur consacra la validité des cessions ou des nantissements de créances professionnelles73. Ce constat est plus flagrant dans les années qui suivent.

Après le laminage par la loi du 25 janvier 198574 des sûretés réelles dans la procédure de redressement judiciaire75, le législateur de 1994 a dû, sous la menace des banquiers, revoir le statut des créanciers munis de telles sûretés76. Certains ont alors considéré qu’il s’agissait du printemps des sûretés réelles77. Cependant, la réforme de 1994 a vite montré ses limites, dans la mesure où seuls les titulaires d’un droit de rétention parvenaient à tirer leur épingle du jeu. En effet, les hypothèques et les gages sans dépossession « restent inanimés, meurtris sur le champ de bataille des procédures collectives »78.

Par la suite, la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 avait institué une nouvelle procédure collective en faveur des débiteurs : la procédure de sauvegarde. Elle permet à un débiteur qui n’est pas en cessation des paiements de se placer sous le contrôle judiciaire et de bénéficier des avantages de la procédure collective, notamment la soumission des créanciers à la discipline collective. Quelques mois plus tard, l’ordonnance du 23 mars 2006 avait profondément réformé le droit des sûretés

70

Les créanciers doivent consentir à des remises de dettes, ou encore, octroyer des délais de paiement au débiteur. 71

Cass. com., 24 janvier 1973, n° 71-14.19, Bull. civ. IV. n° 42; D. 1973, p. 255, note F. DERRIDA ; Cass. com., 8 novembre 1973, n° 72-12.407, Bull. civ. IV. n° 318 ; D. 1974, p. 54, note A. HONORAT et obs. F. DERRIDA; Cass. com., 27 juin 1977, n° 76-10.406, Bull. Civ. IV. n° 186 ; D. 1977, IR, p. 457, obs. A. HONORAT. Il résulte de ces arrêts que tant que les créanciers titulaires de sûretés specials n’avaient pas produit leurs créances, et que celles-ci n’avaient pas été admises, ils ne pouvaient engager des poursuites contre le débiteur.

72

E. DU PONTAVICE, « Intérêts et limites de la clause de réserve de propriété depuis la loi du 12 mai », Banque 1980, p. 1221 ; J. GHESTIN et C. JAMIN, « La protection du vendeur sous réserve de propriété et la survie de l'entreprise »,

Rev. Proc. Coll., 1989, pp. 291. 73

M. VASSEUR, « L’application de la loi Dailly », D. 1982, Chron. p. 273. 74

D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n° 14; En plus d’être soumis aux règles traditionnelles de la discipline collective (suspension des poursuites individuelles, déclaration des créances), les créanciers titulaires de sûretés réelles subissent des restrictions qui leur sont propres, comme l’interdiction des inscriptions (art. 57 de la loi du 25 janvier 1985 ou des altérations relatives au droit de suite et au droit de poursuite (art. 34 et 78 de la loi du 25 janvier 1985); Sur cette question v. aussi I. ADJAGBA, Le déclin des sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives

de redressement des entreprises, Th. Paris II, 1988. 75

Les droits des créanciers munis de sûretés réelles étaient préservés en cas de liquidation judiciaire. 76

Sur l’ensemble de la question v. G. AMIGUES, Les sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives après la

loi du 10 juin 1994, Th. Aix- Marseille, 1997. 77

M. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, « Le printemps des sûretés réelles ? », D. 1994, Chron., p. 243. 78

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réelles, notamment par la consécration de la clause de réserve de propriété en tant que sûreté et la création, dans le Code civil, d’un article spécifique au droit de rétention.

Aussi, en 2008, alors qu’avec la LME du 04 août, le législateur étendit le champ de la fiducie et créa un droit de rétention fictif au profit des créanciers gagistes sans dépossession, l’ordonnance du 18 décembre de la même année intervint en réglementant les effets de ces sûretés dans le cadre d’une procédure collective.

Quant à la réforme réalisée par l’ordonnance du 12 mars 2014, bien qu’elle ne modifie pas spécialement le droit des sûretés, elle se place dans le sillage de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 et de l’ordonnance du 18 décembre 2008. Cette ordonnance met l’accent sur la prévention et vise notamment à rendre plus attractif le privilège de conciliation. Elle crée aussi une nouvelle procédure : la sauvegarde accélérée.

45. En droit OHADA, cette confrontation, bien que présente, se remarque moins. D’abord,

contrairement au législateur français, le législateur communautaire africain ne se caractérise pas par une ardeur à légiférer. Ensuite, l’objectif prioritaire du droit des procédures collectives est resté, pendant longtemps, l’apurement du passif. Cela n’a toutefois pas empêché le législateur de 2010, réformant le droit des sûretés, de consacrer les propriétés-sûretés dans l’AUS et de renforcer l’efficacité du droit de rétention.

46. En tout état de cause, depuis plusieurs décennies, on assiste, surtout en France, à une

confrontation permanente entre le droit des procédures collectives et le droit des sûretés79. La doctrine ne manque d’ailleurs pas d’imagination pour qualifier les rapports qui existent entre ces deux branches du droit. Selon le professeur AYNÈS80, « le développement des procédures d’insolvabilité, souvent dirigé contre les créanciers, anime l’éternel combat du glaive et de la cuirasse ». Quant au professeur PÉTEL81, il affirme que « la confrontation du droit des procédures collectives au droit des sûretés tient de la rivalité millénaire du glaive et du bouclier ».

47. La confrontation de ces deux disciplines naît des objectifs divergents qu’elles poursuivent.

Alors que le droit des procédures collectives a pour finalité première le maintien des intérêts du débiteur par la poursuite de son activité, le droit des sûretés vise, en revanche, à protéger les créanciers contre le risque d'insolvabilité du débiteur. C’est donc lorsque le débiteur est confronté à des difficultés financières que le créancier se trouve en situation de ne plus pouvoir recouvrer sa

79

P. GERBAULT, « Droit des sûretés et droit de l’entreprise : influences croisées », RJ com., 2002, p. 150 ; F.-X. LUCAS, « L'efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », Rev. Proc. Coll., novembre-décembre 2009, n° 6, dossier 17, p. 60 ; Ph. ROUSSEL GALLE, F. PÉROCHON, « Sûretés et droit des procédures collectives, le couple infernal », Rev. Proc. Coll., janvier 2016, n° 1, dossier 12, p. 65.

80

L. AYNÈS, « Un droit en pleine évolution » in Droit des sûretés : analyse d’un renouveau, Dr. et patr., juillet 2002, n° 106, p. 44.

81

Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. - Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 » JCP E, 2009, 1049, n° 31

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créance normalement. La procédure collective réalisant ainsi la situation d’insolvabilité du débiteur, c’est à travers celle-ci que l’efficacité des sûretés se mesure véritablement.

48. Il convient de noter que l’article 2287 du Code civil prévoit que les dispositions du livre

IV (relatif au droit des sûretés) ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Toutefois, malgré les dispositions de ce texte, qui font du droit des sûretés un droit subsidiaire par rapport au droit des procédures collectives, en pratique, les créanciers cherchent toujours à se protéger du mieux possible contre les effets de l’ouverture d’une procédure collective. Cela passe notamment par la recherche de garanties efficaces.

49. Ainsi, on assiste, depuis quelques années, aussi bien en droit français qu’en droit

OHADA, à une sorte de retour dans le passé par la renaissance des mécanismes reposant sur la propriété ou la détention jadis considérés comme frustes ou archaïques. Naît alors un nouveau concept : l’exclusivité.

Une partie de la doctrine a d’ailleurs considéré que « la quête de la sûreté ultime, celle qui te donnera paix et tranquillité, touche peut-être à sa fin. La propriété renaît de ses cendres, pour t’offrir ce que tu as tant cherché pendant des années : l’exclusivité, le Saint Graal des sûretés fera de toi un créancier hors pair car hors concours »82. En effet, il apparaît de nos jours que dans la catégorie des sûretés réelles, ce sont celles qui positionnent le créancier dans une situation d’exclusivité qui lui garantissent une meilleure protection en cas d’ouverture d’une procédure collective83. Compte tenu de l’absence de concours, l’exclusivité place le créancier dans une situation relativement enviable puisqu’elle lui assure une plus grande sécurité de paiement.

50. Que faut-il donc entendre par sûreté réelle exclusive ?

La notion de sûreté réelle ayant été définie plus haut, il nous faut ici définir celle d’exclusivité. L’exclusivité vient du mot latin ex-cludere, qui signifie ne pas laisser entrer, faire sortir ou

chasser84. L’exclusivité peut se définir comme le droit que l’on a ou qu’on acquiert d’exploiter une production artistique, littéraire ou autre, à l’exclusion de tout autre personne85. Ainsi, comme le précise le professeur CROCQ86, « le caractère exclusif d’un droit ne signifie pas que seul le titulaire du droit peut exercer celui-ci (…) mais que le titulaire du droit est le seul à jouir de toutes les prérogatives reconnues par la loi sur l’objet du droit ».

82

B. MONASSIER, F. MICHEL, « Les sûretés ne sont plus sûres… », art. préc., p. 52. 83

S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties réelles dans le droit des procédures collectives, Th. Nice Sophia Antipolis, 2004, pp. 24 et s.

84

Dictionnaire latin-français GAFFIOT, voir « excludo, si, sum, ere ». 85

https://fr.wiktionary.org/wiki/exclusivité 86

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D’une manière générale, la notion d’exclusivité sous-entend celle de l’exclusion. Dans le cadre du droit des sûretés, il est admis que ce qui est exclu c’est le concours avec les autres créanciers87. L’exclusivité place donc le créancier à l’abri de tout concours88. Ainsi, l’exclusivité s’entend par opposition au droit de préférence.

L’articulation de nombreux ouvrages sur le droit des sûretés le démontre d’ailleurs89. C’est également la conception retenue par madame BOUGEROL dans sa thèse consacrée aux situations d’exclusivité90. De même, le professeur ANCEL91 distingue, lorsqu’il évoque le développement dans le domaine des sûretés réelles, le droit d’exclusivité des droits de préférentiels92. On peut également citer un arrêt du 15 octobre 2013 rendue par la chambre civile de la Cour de cassation. La Haute juridiction a considéré que « si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté

réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions »93. Avec cet arrêt, la haute Cour admet clairement qu’une sûreté réelle puisse ne pas conférer de droit de préférence au créancier bénéficiaire.

51. Ainsi, les sûretés réelles exclusives sont, à notre sens, celles qui confèrent à leur titulaire

un droit exclusif sur le bien objet de la garantie et qui le placent, en principe, à l’abri de tout concours. Quelles sont donc ces sûretés réelles qui donnent au créancier un droit exclusif et non un droit de préférence ?

Une bonne partie de la doctrine94 considère que l’exclusivité repose à la fois sur la propriété et sur la détention95. En effet, s’il est vrai que le droit de propriété permet au créancier de jouir à lui tout

87

Ibid, ns° 300 à 307; J.-D PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », art. préc., pp 8 et 9. 88

Sur une étude détaillée, v. L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., ns° 38 et s.

89

V. M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit. Ces auteurs distinguent « les sûretés hors concours » et « les sûretés par préférence dans le concours »; P. ANCEL, Droit des

sûretés, op. cit ; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit ; Y. PICOD, Droit des sûretés, op. cit ;Ph. THÉRY,

Sûretés et publicité foncière, op. cit. 90

L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit ; v. aussi, « Sûretés préférentielles et sûretés exclusives, une autre summa divisio ? », op. cit.

91

P. ANCEL, « Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés », JCP E, 1989, Cah. drt. entp., suppl. n° 5, p. 4. 92

V. aussi, C. GINESTET, « La qualification de sûretés (seconde partie) », Défrénois, 28 février 1999, n° 4, p. 203. 93

Cass. civ. 1ere, 15 octobre 2013, n° 12-14.944, 13-10.463, Bull. Civ. IV. n° 153 ; D. 2014, p. 187, note L. SAENKO ;

JCP E, 2013, 1679, n° 17, obs. Ph. DELEBECQUE. 94

J.-D. PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », art. préc, pp 8-9; Y. PICOD, Droit des sûretés,

op. cit. Pour l’auteur, les garanties plaçant le créancier dans une situation d’exclusivité tiennent d’une part, à « l’utilisation de la rétention à des fins de garantie » et d’autre part, à « l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie » (n° 370 et s.); F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », LPA, 11 février 2011, n°30, p. 59. Pour l’auteur, « l’exclusivité peut résulter non seulement de la propriété mais également de la rétention ». Cependant, l’auteur affirme que l’exclusivité est la caractéristique de la propriété-sûreté ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties

de paiement, op. cit. L’auteur qui étudie en profondeur les situations d’exclusivité oppose « l’exclusivité sur un bien du

débiteur » (droits de rétention) à « l’exclusivité sur un bien hors du patrimoine du débiteur » (reposant sur la propriété). Par ailleurs, l’auteur démontre que l’éviction de tout concours ne signifie pas l’éviction de tout conflit ( ns° 436 et s.); . BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir. de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA, op.

cit., ns° 185 et s. Ces auteurs distinguent « l’exclusivité négative » (le droit de rétention) et « l’exclusivité positive » (les

propriétés-sûretés). 95

V. la position particulière de P. ANCEL, « Droit des sûretés », op. cit. L’auteur fait entrer dans la catégorie des droits exclusifs non seulement les propriétés-sûretés qu’il qualifie de « droits exclusifs d’origine conventionnelle » mais aussi

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seul des prérogatives attachées au bien et le place de ce fait hors concours, il est tout aussi vrai que la rétention permet au créancier d’être exclu du concours avec d’autres créanciers. Par ailleurs, le droit de rétention ne confère pas à son bénéficiaire, contrairement aux sûretés réelles traditionnelles, un droit de préférence.

Il convient de préciser qu’en plus des mécanismes reconnus comme de véritables sûretés, il existe d’autres institutions qui confèrent au créancier une situation d’exclusivité. On y trouve notamment la compensation, les actions directes ou encore le crédit-bail. Cette liste n’est pas exhaustive96.

52. Cependant, conformément à l’intitulé de cette étude, seuls seront retenus les mécanismes

d’exclusivité reconnus comme des sûretés soit par le législateur français, soit par le législateur communautaire africain. Seront donc analysés les propriétés-sûretés et le droit de rétention.

Dans les propriétés-sûretés, il y a, d’une part, la propriété retenue à tire de garantie (la réserve de propriété) et, d’autre part, la propriété cédée à titre de garantie (la fiducie ou aliénation fiduciaire). À ce stade, quelques précisions sont nécessaires.

53. S’agissant de la propriété cédée à titre de garantie, seule sera ici étudiée la fiducie-sûreté

régie par le Code civil97. En revanche, seront exclues les autres fiducies dont la cession de créances professionnelles dite cession Dailly98.

Ce choix s’explique par plusieurs raisons.

En droit français, comme d’autres mécanismes tels que les différents transferts d’instruments financiers99 ou pour certains le gage-espèces100, on range généralement la cession de créances professionnelles dans la catégorie des fiducies101. Il s’agit en effet d’un transfert de propriété à titre de garantie102, donc une forme de fiducie parmi tant d’autres103. Pour cette raison, nous ne retiendrons que la fiducie régie par les articles 2011 et suivants du Code civil qui constitue la

d’autres mécanismes telle que la compensation et les actions directes, qu’il qualifie de « droits exclusifs d’origine légale

» (ns° 462 et s.). Toutefois, sans faire entrer le droit de rétention dans cette catégorie, l’auteur ne manque pas de

souligner que le droit de rétention peut aussi conférer à son titulaire une situation d’exclusivité (n° 463). 96

Sur l’ensemble de la question v. L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit 97

Cf. art. 2011 à 2030 pour le droit commun de la fiducie. 98

Elle est régie par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier. 99

On citera par exemple les opérations de pension (art. L. 211-17 du Code monétaire et financier) ou encore les contrats de garantie financière (art. L. 221-38 du même code).

100

La nature juridique du gage-espèces est discutée en doctrine ; V. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 500 ; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., n° 505 ; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n°457. Pour certains auteurs, il s’agit d’un gage tandis que d’autres y voient un transfert de propriété.

101

V. S. PIÉDELIÈVRE, Droit des sûretés, 2e éd., Ellipses, 2015, ns° 340-341 ; P. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit., ns° 496 et s ; M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., ns° 1263 et s; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., ns° 750 et s; M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 595 ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et

garanties de paiement, op. cit., ns° 257 et s. 102

Art. L. 313-24 du Code monétaire et financier 103

Certains auteurs les qualifient de « fiducies-sûretés innomées » (V. M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1262) ou encore de « fidusices-sûretés inavouées » (V. M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 595).

30

fiducie de droit commun104. Par ailleurs, d’un point de vue pratique, la cession Dailly est d’une efficacité redoutable105, notamment en cas d’ouverture d’une procédure collective. Dès lors que la notification a été faite, c’est le respect en toutes situations des droits du cessionnaire. Or, la fiducie du Code civil apparaît comme une sorte de compromis. Bien qu’efficace, ses effets sont quelques fois limités en cas d’ouverture d’une procédure collective.

En droit OHADA, la situation est différente.

Le législateur a effectivement consacré la cession de créance comme une véritable sûreté. En effet, dans le troisième chapitre de l’AUS relatif à la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, la seconde section qui traite de la propriété cédée à titre de garantie aborde, dans une première sous-section, la cession de créance à titre de garantie et, dans une seconde sous sous-section, le transfert fiduciaire de somme d’argent. Ainsi, curieusement, à la différence du droit français, la cession de créance semble être considérée comme une sûreté distincte de l’aliénation fiduciaire. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait qu’en droit OHADA, le transfert fiduciaire n’est prévu que pour des sommes d’argent.

Quoi qu’il en soit, la cession de créance est une sûreté à part entière et non une forme de fiducie. Pour cette raison, elle aurait dû rentrer dans notre champ d’étude. Cependant, bien que consacrée par l’AUS106, il n’existe à ce jour aucun article spécifique à la cession de créance dans l’AUPC,

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