• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 122

1. L’INDEMNISATION DES SERVITUDES D’URBANISME

1.6. L’ INDEMNISATION DES SERVITUDES D ’ URBANISME EN R ÉGION WALLONNE En matière de servitudes d’urbanisme, un mécanisme d’indemnisation est prévu à l’article 70

1.6.1. Le relevé statistique des dossiers de demandes d’indemnités 165

1.6.2.2. Les cas d’exceptions à l’obligation d’indemnisation

L’article 70 du CWATUP prévoit dix cas d’exceptions à l’obligation d’indemnisation. Deux types d’exceptions peuvent être distingués :

− Celles pour lesquelles aucun pouvoir d’appréciation n’est laissé à la Région et au pouvoir judiciaire et qui sont « facilement » évaluable ;

− Celles où la Région et le pouvoir judiciaire ont une marge d’appréciation.

L’objectif serait pour la Région de déterminer plus facilement les cas dans lesquelles aucune indemnité n’est due. La Région devrait donc préciser certaines exceptions.

j) Les exceptions ne laissant aucune marge d’appréciation

Parmi les dix cas d’exceptions, six ne laisse aucun pouvoir d’appréciation au pouvoir judiciaire: soit on se trouve dans le cas prévu et donc aucune indemnité n’est due, soit on ne s’y trouve pas et une indemnité est due moyennant le respect des autres conditions prévues à l’article 70180.

• Interdiction de bâtir ou de lotir, résultant d’une prévision d’expropriation du bien, et ce, sous réserve de l’application de l’article 68 (introduit en 1962)

Lorsqu’une prévision d’expropriation du bien est envisagée, aucune indemnité au titre de l’article 70 n’est due, sous réserve du droit à l’indemnité prévu suite à l’indisponibilité du bien au-delà du délai de réalisation des expropriations. Dès le moment où l’adoption du plan prévoit que tel terrain doit être exproprié, le refus de lotir ou de bâtir ne donnera pas droit à indemnité, du fait que le propriétaire doit s’attendre a être indemnisé dans le cadre de la procédure d’expropriation.

Notons qu’en cas d’expropriation, les plus-values et les moins-values découlant du projet pour lequel l’expropriation est poursuivie ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’indemnité.

• Interdiction de couvrir une parcelle de constructions au-delà de ce qui est permis par le plan ou de dépasser dans un lotissement la densité d’occupation fixée par le plan (1962)

Exemple : vous êtes propriétaire d’un terrain et le plan ne vous autorise à construire qu’à concurrence des quatre cinquièmes ou des trois quarts de ce terrain. Dans un tel cas, aucune indemnité n’est due dans ce cas pour cette parcelle.

• Interdiction de continuer l’exploitation d’établissements dangereux, insalubres et incommodes au-delà de la période pour laquelle l’exploitation a été autorisée (1962)

180 A ce sujet, nous vous renvoyons à l’annexe.

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 63 L’exploitation d’établissements dangereux, insalubres et incommodes est soumise à permis d’exploiter. La délivrance de ce permis s’effectue, à l’heure actuelle, sur base d’une notice d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement et si jugé nécessaire, d’une étude d’incidences sur l’environnement. Une fois le permis délivré, il est valable pour une durée limitée et au maximum 30 ans. Cette procédure de délivrance du permis permet à l’autorité d’estimer si l’exploitation d’un tel établissement est compatible avec la situation de fait (le voisinage) et de droit. Si en cours d’exploitation, un changement d’affectation de la zone est décidé par l’autorité compétente, il se peut que l’exploitation ne soit plus considérée comme compatible avec la nouvelle situation. Le renouvellement du permis pourrait être refusé. Dans un tel cas, ce refus ne donnera pas droit à indemnisation.

• Interdiction de bâtir ou de lotir un terrain pour lequel un permis d’urbanisme ou de lotir précédemment accordé était périmé à la date de l’entrée en vigueur du plan entraînant cette interdiction (1970181 et 1997)

Le cas présent vise la situation dans laquelle un permis de lotir a été délivré mais est périmé182, faute de réalisation suffisante du lotissement. Un changement d’affectation de la zone intervient, rendant le lotissement incompatible avec la nouvelle zone. Dans ce cas, si le lotisseur introduit un nouveau permis, le refus de celui-ci n’ouvrira pas un droit à indemnisation. Les raisons de cette exception à l’obligation sont les suivantes183 :

− D’une part, les lots non bâtis d’un permis de lotir périmé ne confère pas la qualité de terrain à bâtir à ces lots. Ils ne rencontrent donc pas les conditions requises pour donner lieu à indemnisation ;

− D’autre part, le permis est périmé en raison d’une carence du lotisseur. Il a en effet eu l’occasion de lotir son terrain mais ne l’a pas fait. Pour cette raison, ce cas d’exception a été étendu au permis de bâtir périmé en 1997.

Il en a donc été déduit que le changement d’affectation n’ouvrait pas un droit à indemnisation lorsque un permis de lotir ou de bâtir, périmé avant ce changement d’affectation, portait sur ce terrain.

• Pour les bâtiments ou installations fixes détruits par une calamité naturelle, lorsque l’interdiction de leur reconstruction résulte de l’arrêté royal pris en exécution de l’article 12,

§3 alinéa 1er, de la loi du 12 juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles (1976)

Suite à la survenance d’une calamité naturelle, le Roi peut, par arrêté royal, interdire la reconstruction, dans la zone sinistrée ou dans certaines parties de celles-ci, des biens immeubles détruits184.

Par calamité naturelle185, on entend des phénomènes naturels de caractère exceptionnel ou d'intensité imprévisible ayant provoqué des dégâts importants, notamment les tremblements ou mouvements de la terre, les raz de marée ou autres inondations à

181Cette exception a été insérée lorsque la péremption des permis de lotir a été introduite.

182 Le permis de lotir est périmé après 5 ans si au moins un tiers des lots n’a pas fait l’objet d’une vente enregistrée. Si des charges d’urbanisme accompagnaient ce permis, celui-ci est périmé si dans les 5 ans, ces charges n’ont pas été réalisées.

183 Doc. Parl., Sénat, Session, 1968-1969, 559, pp. 15 , 24

Doc. Parl., Sénat, Session, 1969-1970, 525, pp. 16-17, Rapport Hambye-Merchiers

184 Article 12, §3, alinéa 1er, Loi relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles, 12 juillet 1976, M. B. 13/08/1976

185 Article 2, ibid.

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 64 caractère désastreux, les ouragans ou autres déchaînements des vents (calamité publique)186;

Ainsi, les terrains ayant subi une telle calamité et pour lesquels le Roi a pris un arrêté interdisant la reconstruction des biens détruits ne sont pas indemnisés lors de leur changement d’affectation.

• Interdiction de bâtir ou de lotir résultant de l’élaboration d’un plan communal d’aménagement visé à l’article 54, 1°, ou de la révision d’un plan communal d’aménagement visé à l’article 54, 2°, b (1997)

Les plans communaux d’aménagement visé sont ceux élaborés en vue de :

− D’une part, réviser ou annuler tout ou partie d’un permis de lotir non conforme aux plans entrés en vigueur postérieurement ou s’opposant à des travaux d’utilité publique187.

− D’autre part, se conformer au plan de secteur entré en vigueur postérieurement.

Le but de ces exceptions était d’éviter une double indemnisation, à charge de l’auteur du plan de secteur puis à charge de la commune auteur du plan communal de révision ; l’indemnisation étant due sur base du plan de secteur.

L’avant-projet de décret prévoit la suppression du premier cas d’exception. Les motifs invoqués sont les suivants. Ce texte vise les permis en cours d’exécution ou les demandes de permis d’urbanisme dans un lotissement. Dans le premier cas, l’exception peut difficilement être mise en rapport avec un refus de permis de lotir comme l’exige l’alinéa 3 (de l’article 70). En ce qui concerne d’éventuels refus de permis d’urbanisme dans des lotissements révisés par PCA, aucune indemnisation n’est due et en outre, l’exception n’est pas articulée avec les mesures sociales de rachat des alinéas 8 et 9 qui visent précisément l’indemnisation de celui qui est, ou n’est que, propriétaire d’une parcelle dans un lotissement et à qui est apposé une interdiction de bâtir. Cette exception est donc considérée comme injuste et devrait être appelée à disparaître.

k) Les exceptions laissant une marge d’appréciation

• Interdiction de bâtir sur un terrain ne possédant pas les dimensions minimales fixées par le plan d’aménagement (1962)

Les plans d’aménagement (plan de secteur ou plan communal d’aménagement plus généralement) peuvent fixer des dimensions minimales que le terrain doit requérir afin d’être construit. Un terrain qui n’aurait pas ses dimensions, même en étant en zone urbanisable, ne pourrait pas obtenir un permis d’urbanisme. Ainsi, si un plan change l’affectation de la zone en la rendant non urbanisable, aucune indemnité ne pourra être versée car avant l’entrée en vigueur du plan, il n’était pas susceptible d’être construit.

Pour quantifier adéquatement le nombre de cas d’indemnisations, il serait utile que la Région détermine les dimensions minimales des terrains à bâtir.

• Interdiction de bâtir sur un terrain n’ayant pas d’accès à une voie suffisamment équipée compte tenu de la situation des lieux (1962)

186 Notons qu’il existe également des calamités agricoles définies comme des phénomènes naturels de caractère ou d'intensité exceptionnels ou l'action massive et imprévisible d'organismes nuisibles ayant provoqué uniquement des destructions importantes et généralisées de terres, de cultures ou de récoltes, ainsi que les maladies et intoxications de caractère exceptionnel ayant provoqué, par mortalité ou abattage obligatoire, des pertes importantes et généralisées d'animaux utiles à l'agriculture

187 L’article 274bis du CWATUP énumère les travaux d’utilité publique Il s’agit par exemple d’installation d’infrastructures de communications routières, ferroviaires ou fluviales, de constructions d’aéroports, de centrales destinées à la production d’électricité, de centres d’enfouissement techniques, …

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 65 La notion de voie suffisamment équipée a donné lieu de multiples interprétations doctrinales et jurisprudentielles. On en déduit que correspond à une voie suffisamment équipée une voirie pourvue d’un revêtement solide et d’une largueur suffisante, équipée en eau, téléphone et électricité. En parallèle avec le développement de la législation environnementale relative aux plans d’égouttage et aux systèmes d’épuration des eaux ainsi qu’à la prise de conscience collective dans ce domaine, la présence d’égout commence à être considérer comme essentielle dans la détermination de la suffisance de l’équipement188.

Afin de quantifier clairement et précisément les cas relatifs à cette exception, la Région devrait définir précisément cette notion de « voie suffisamment équipée ». Elle pourrait y intégrer l’existence d’un raccordement à l’égout et ainsi, réduire les cas donnant lieu à indemnisation. Les Cours et Tribunaux seront ainsi liés par la définition donnée dans le décret.

• Interdiction de bâtir ou de lotir en dehors des agglomérations en raison des nécessités impérieuses résultant de la sécurité de la circulation (1962)

La notion de nécessités impérieuses résultant de la sécurité de la circulation est une notion vague laissant aux Cours et Tribunaux un large pouvoir d’appréciation.

A notre connaissance, il n’existe aucune jurisprudence relative à cette exception. Il serait donc utile afin de la rendre « opérationnabilisable » que la Région en définisse précisément la portée au même titre que la notion de « voie suffisamment équipée ».

• Interdiction de bâtir ou de lotir un terrain exposé à une contrainte physique majeure visée à l’article 136 (1997)

Par contrainte physique majeure, on entend les inondations, l’éboulement d’une paroi rocheuse, un glissement de terrain, l’effondrement karstique ou minier, le risque sismique et la protection des eaux souterraines. L’avant-projet de décret d’optimalisation du CWATUP ne parle plus de contrainte physique majeure mais de risque naturel, étendant ainsi la notion au risque technologique189. A notre connaissance, le risque technologique n’a pas été défini. Afin d’éviter d’alimenter la jurisprudence, il serait utile d’en définir la portée.

Des périmètres de risque naturel prévisible ou de contrainte géotechnique majeure190 sont inscrits au plan de secteur en surimpression. La définition de ces périmètres recouvre la notion de « contrainte physique majeure ». Ceci implique donc que les terrains se trouvant dans ces périmètres n’auront droit à aucune indemnisation lors de leur changement d’affectation.

La notion de contrainte physique majeure inclut la protection des eaux souterraines. La législation sur la protection des eaux de surfaces191 prévoit l’instauration de zones de prise d’eau, de prévention et de surveillance dans lesquelles le gouvernement peut interdire, réglementer ou soumettre à autorisation certaines activités. Dans ce cadre

188 Rappelons qu’en cette matière, l’épuration individuelle n’est admise que si le raccordement de l’habitation à l’égout engendre des coûts excessifs en raison de difficultés techniques rencontrées. (article 7, Arrêté du Gouvernement portant réglementation sur la collecte des eaux urbaines résiduaires, 15 octobre 1998, M. B.

15/12/1998)

189 Notons que certains états européens ont prévu l’indemnisation des risques technologiques à charges des exploitants des ouvrages et installations qui produisent ces risques dans le cadre du principe pollueur-payeur (JEGOUZO Y, 2000, p. 102).

190 Anciennement « zone inondable »

191 Notamment le Décret du 30 avril 1990 sur la protection et l’exploitation des eaux souterraines et des eaux potabilisables, M. B. 30/06/1990

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 66 précis, une indemnisation est prévue à charge de l’exploitant de la prise d’eau192 ou de la Région193.

Par contre, un terrain situé dans une telle zone de protection, s’il change d’affectation et devient non urbanisable, n’aura pas droit à une indemnisation au titre de l’article 70 du CWATUP.

l) Les exceptions en droit flamand

Le décret flamand portant organisation de l’aménagement du territoire reprend en grande partie les exceptions prévues en droit wallon mais en ajoute deux194 :

− en cas de refus d’une demande de modification de la fonction d’un bâtiment ;

− lorsque la moins-value calculée entrant en ligne de compte pour une indemnisation, ne dépasse pas 20% de la valeur du bien au moment de l’acquisition, actualisée jusqu’à la date de naissance du droit à l’indemnisation et majorée des charges et frais.

Ce dernier cas est intéressant puisqu’il permet de ne pas indemniser les propriétaires d’une parcelle lorsque la diminution de valeur n’est pas de grande importance. Il serait intéressant d’inclure cette exception dans le texte de l’article 70.

1.6.3. Le remembrement

Le remembrement-relotissement, tel qu’il est organisé par le CWATUP, est une institution originale, proche à la fois de l’expropriation pour cause d’utilité publique et du remembrement légal des biens ruraux. Il est toutefois peu connu dans la pratique et l’absence de jurisprudence en la matière nous le confirme. Pourtant, ce procédé a le mérite de concilier, autant que faire se peut, les exigences de l’intérêt public avec le respect de la liberté individuelle. A ce titre, nous pouvons le considérer comme un outil utile à l’aménagement du territoire et qui permettrait à la Région d’éviter, dans le cadre de la révision des plans de secteur, de verser des indemnités en compensant les plus-values et les moins-values.

Comme nous l’avons vu, ce système est utilisé dans les pays européens afin d’établir une compensation entre les propriétaires privés, suite aux changements d’affectation de leur bien. Nous retrouvons également ce système en Région bruxelloise195 et en Région flamande196 mais comme en Wallonie, aucun application n’en a encore été faite. Nous estimons cependant utile d’en détailler ci-dessous les grands principes.