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CHAPITRE V : FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE *

1. LE FINANCEMENT DES COMMUNES WALLONNES : ANALYSE STATISTIQUE

1.4 D ESCRIPTION DETAILLEE DU CALCUL DES MONTANTS PERCUS

1.4.2 Les recettes directes

1.4.2.1 La fiscalité locale

On peut distinguer deux groupes d'instruments de fiscalité à usage communal en Wallonie (Erauw et al, 1998):

• Les additionnels sont des prélèvements réalisés au profit des pouvoirs locaux en sus de la part prélevée par une autre autorité. La seule liberté laissée aux entités locales est d'arrêter le taux additionnel d'imposition (nombre de centimes ou de décimes1) à une base (assiette) fixée par l'Etat ou la Région. Trois outils composent ce groupe d'instruments qui représente environ 31% des recettes globales :

− Les centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques (IPP).

− Les centimes additionnels au précompte immobilier (PI).

− Les décimes additionnels à la taxe de circulation automobile.

• Les redevances et impôts communaux propres sont des taxes directement prélevées par la commune. Elles prennent en charge un peu plus de 20% des recettes fiscales communales, soit environ 8% du total des rentrées. Leur nature varie de commune à commune. "Imposantes par leur nombre et leur diversité, certaines taxes produisent parfois des recettes insignifiantes" (Erauw & Gaube, 1998). On les appelle aussi parfois "petites taxes" (Blavier & Laloux, 1997).

Les centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques

Le calcul de l'impôt local basé sur le revenu est simple. La commune perçoit sur la somme prélevée par l'état une part supplémentaire qu'elle fixe elle-même. En 1998, celle-ci variait de 5% à 8,5%. Pour cette même année, les recettes issues de cet impôt ont généré 20 milliards de FB, soit environ 15% du total des recettes communales.

Pour que ce prélèvement soit équitable pour le citoyen, il faudrait que la somme versée soit proportionnelle au revenu des ménages. En l'absence de données individuelles, il est possible de voir si cette hypothèse se vérifie lorsque l'on considère une série de ménages fictifs qui disposeraient chacun du revenu médian de chaque commune de Wallonie et de Bruxelles2.

1 Un centime [décime] additionnel représente un centième [dixième] de l'impôt dû par le contribuable à l'Etat ou à la Région. (MRW - DGATLP, 1996).

2 Dans la mesure où une partie des dynamiques wallonnes dépendent de la Région Bruxelloise, nous avons inclus certaines données relatives à cette dernière par soucis de comparaison.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 14 La figure V.5 reprend les coefficient de corrélation observés entre le revenu médian d'une commune et les impôts que celui-ci engendre. Remarquons que statistiquement, il n'existe aucune corrélation significative entre revenu médian et nombre de centimes additionnels. Il n'existe donc pas de relation revenu-prélèvement due aux décisions des mandataires locaux.

On constate que l'impôt local basé sur le revenu est globalement équitable même si, contrairement à la part versée au fédéral, il présente un caractère progressif3 beaucoup moins marqué. Il me semble que ces conclusions peuvent aisément être extrapolées au niveau intra-communal, la part additionnelle versée étant la même pour chaque habitant.

Figure V.5 – Relation entre l’impôt local sur le revenu et revenu des ménages

R2 = 0,7477

0 5 10 15 20 25

400 600 800 1000 1200

Part prélevée par l'Etat : R² = 0.955

Revenu médian (en 1000 Fb)

Imposition (en 1000 Fb)

R2 = 0,3572

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

400 600 800 1000 1200

Part prélevée par l'Etat : R² = 0.8139

Revenu médian (en 1000 Fb

Imposition (en % du revenu)

INS et calculs personnels.

Toutefois, si les additionnels à l'I.P.P. sont équitables lors des prélèvements, leur mode de répartition, en vase clos au sein de chaque commune, ne contribue pas à la redistribution des richesses.

Il est aisé de comprendre que l'arrivée sur le territoire communal de nouveaux résidents aux revenus élevés est perçu très positivement puisque cette nouvelle domiciliation gonfle les caisses communales. Bien que ces populations ont un statut socio-économique différent des habitants anciens et ont d'autres exigences en matière de service public, l'expérience montre que l'impact sur les dépenses de l'arrivée de ces nouveaux habitants est souvent sous-estimée.

3 Lorsque la part versée augmente avec le revenu, on parlera d'impôt progressif.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 15 Les centimes additionnels au précompte immobilier

Le calcul de l'impôt basé sur les valeurs immobilières apparaît plus complexe. Pour résumer, le montant perçu par la commune (appelé précompte immobilier noté P.I.) est, à l'instar des centimes additionnels à l'I.P.P., une proportion (le nombre de centimes additionnels au P.I.) d'une taxe régionale qui se définit comme un pourcentage du revenu cadastral (R.C.). Ce dernier correspond « au revenu moyen normal net de l’immeuble, c’est-à-dire au revenu qu’il générerait s’il était mis en location dans des conditions normales » (Scholsem et al., 1995).

Ajoutons encore que, en sus de la part communale, les provinces perçoivent une partie de cet impôt. En Wallonie et à Bruxelles, le taux de base est de 1,25% et le niveau de taxation moyen est, en 1998 de 2315 centimes additionnels pour les communes et 1323 centimes pour les provinces4. Le précompte immobilier moyen répond donc à la formule suivante :

PI = RC x 0.01 x [ 1,25 + ( 1,25 x ( 2315 + 1323 )]

,soit un taux moyen d'imposition d'environ 45% du revenu cadastral. Les pressions fiscales maximales se rencontrent à Brugelette et Binche (61,6%) et le minimum est atteint à Olne (23%).

Le revenu cadastral, base du calcul de cet impôt est estimé par un expert immobilier, fonctionnaire de l'administration fédérale du cadastre, dépendant du ministère des finances.

Quatre éléments sont théoriquement susceptibles d'influencer la valeur du RC : la qualité du logement, celle de l'environnement immédiat du bâtiment, l'évolution de l'index général des prix des loyers et celle des loyers pratiqués dans la commune qui reflète la pression foncière et immobilière locale. Deux maisons rigoureusement identiques et situées dans un environnement immédiat de même nature ne seront donc pas taxées de la même manière.

Dans la réalité cependant, seuls les deux premiers éléments cités ci-dessus affectent les revenus cadastraux de manière effective :

• Le revenu cadastral n'a fait l'objet d'aucune indexation entre 1980 et 1990. Depuis cette date, on lui applique l'indice des prix à la consommation. Par conséquent, le RC actuel est, toutes choses étant égales par ailleurs, supérieur de 16,7% à celui de 1975, alors que si on avait appliqué l'indice des prix depuis cette date il lui serait actuellement supérieur de 130%. La base de calcul de l'impôt n'a donc cessé de décroître entre 1980 et 1990. Pour compenser le manque à gagner que ce mécanisme entraîne, les communes adaptent le nombre de centimes additionnels. Jusque 1990, une partie de la hausse de la pression fiscale immobilière "visible", c'est-à-dire celle appréciée au travers des centimes additionnels, pouvait être attribuée à la non indexation du Revenu Cadastral.

4 Dans la région de Bruxelles – Capitale, on parlera d'additionnels "d'agglomération".

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 16

• Les revenus cadastraux n'ont jamais été adaptés aux réalités locales depuis 19805. Or, certaines régions ont vu leur attractivité se dégrader depuis cette date alors que d'autres ont subi une pression foncière et immobilière à la hausse. Ainsi, les loyers des logements non sociaux ont augmenté, entre 1991 et 1996, de 37% en Brabant Wallon alors qu'ils ne croissaient que de 24% en province de Liège. Dans cet exemple, l'absence de péréquation cadastrale est donc financièrement désavantageuse pour les communes du sud bruxellois, mais est de nature à séduire un peu plus encore le candidat résident, compensant ainsi partiellement les pertes. L'immobilisme qui prévaut depuis 25 ans participe donc à la réputation de "paradis fiscal" qu'ont acquis les communes périphériques des grandes villes, précipitant un peu plus encore les villes-centres dans les problèmes financiers (voir point 2).

Remarquons que dans la grande majorité des cas, la part de l'impôt touchée par la province est inférieure à celle ristournée à la commune6 et que les composantes locales et provinciales n'abondent pas toujours dans le même sens. Par exemple, si le nombre d'additionnels est supérieur dans les communes de l'agglomération bruxelloise comparativement aux entités de l'arrondissement nivellois, (1858 contre 2513 en moyenne non pondérée), le niveau de taxation n'y est pas plus élevé (37,8% contre 38,8% du revenu cadastral). Ceci découle du fait que les additionnels perçus par l'agglomération bruxelloise sont, depuis longtemps, à un niveau très bas (589 centimes en 1998), alors que, lors de la scission de la province de Brabant, sa composante wallonne, certainement soucieuse de financer son fonctionnement naissant, a brusquement décidé d'augmenter son prélèvement de 289%7.

La liberté accordée à certains pouvoirs locaux de fixer une part de leur pression fiscale se justifie généralement par la latitude politique et l'autonomie de gestion que cette faculté procure (Guengant, 1992). En y regardant d'un peu plus près, il n'est pas difficile de battre en brèche cette affirmation. Une rapide analyse des chiffres relatifs au taux d'imposition en matière immobilière ventilés par province (Figure V.6) montre que ces chiffres varient beaucoup moins au sein des province que dans l'ensemble de la Région.

Il semble que l'on puisse attribuer aux structures environnementales et géographiques des communes concernées cette homogénéité spatiale. Ainsi, en province de Hainaut, les autorités communales, à la fois engluées dans des opérations de revitalisation et confrontées à une assiette taxable de bas niveau, n'ont d'autres choix que de pratiquer une pression forte. Dans la province de Brabant, zones à revenus cadastraux élevés, les différentes entités, mises en situation de concurrence dans leur "chasse au niveau résident", s'entraînent mutuellement dans la création d'un îlot territorial fiscalement intéressant.

Figure V.6 - Statistiques relatives à la pression fiscale immobilière locale (1998)

5 La mise à jour de 1980 se base sur la situation de 1975.

6 La part provinciale (ou « d'agglomération » à Bruxelles) varie entre 16,5% à St Josse et 65,5% à Olne.

7 de 484 centimes en 1995 à 1400 un an plus tard, ce qui situe encore, à l'époque, le Brabant Wallon au second rang des provinces les moins taxées, derrière Liège.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 17 Province Moyenne Ecart - type Minimum Maximum

Bruxelles - Capitale 38,8 3,6 30,3 44,6

Brabant Wallon 37,8 4,9 24,1 46,3

Hainaut 54,9 3,0 46,6 60,3

Liège 42,1 5,2 23,0 53,8

Luxembourg 51,6 3,8 42,9 59,2

Namur 46,7 3,6 38,6 53,6

Wallonie - Bruxelles 46,7 7,5 23,0 60,3

Source : DGPL et calculs personnels Remarque : aucune pondération n'a été appliquée

Une rapide régression statistique montre qu'en termes de centimes additionnels, 40% de la variance peut être expliquée par les taux pratiqués dans les communes voisines. En ajoutant au modèle certaines variables liées à l'environnement (densité de bâti, proportion de bâtiments anciens, …), on peut aisément expliquer les deux tiers des niveaux d'imposition pratiqués.

De plus, la ressemblance entre la carte de l'assiette fiscale (le R.C.) et celle des prélèvements (le P.I.) prouve que la valeur du précompte immobilier est majoritairement influencée, non pas par le nombre de centimes décidés par la commune, mais par le revenu cadastral, fixé par le fédéral. Ceci se vérifie de manière statistique : le R² calculé entre le RC moyen et le précompte immobilier moyen des 281 communes wallonnes et bruxelloises est de 0,925, alors qu'il est de –0,251 entre ce dernier et le nombre de centimes pratiqués. Voici encore un argument allant à l'encontre des bénéfices énoncés de la décentralisation de l'impôt immobilier tel que pratiqué chez nous.

Dans son rapport à la population, l'impôt foncier pose également des problèmes éthiques soulignés par (Gilbert & Guengant, 1991). Tout d'abord, « …si l'impôt est assis sur la valeur du logement ou sur son loyer, et si l'on suppose que la part du revenu consacrée au logement décroît avec le revenu8, l'impôt est régressif ». Des études menées aux USA et en Grande Bretagne confirment cette hypothèse.

Ensuite, il convient de faire la distinction entre contribuables apparents et réels. Ne pas distinguer les propriétaires qui occupent leurs biens de ceux qui les louent entraîne des inégalités. Dans ce deuxième cas de figure, rien dans la législation n'interdit au propriétaire de faire supporter la charge de l'impôt par son locataire. Le premier peut donc tirer entièrement profit de sa plus value foncière et faire supporter au second, chez qui il prélève déjà du travail social via le loyer, la taxe communale. Quand on sait que le marché locatif est plus accessible que le marché acquisitif et que celui de la construction, ceci équivaut à délocaliser les impôts sur la frange la plus pauvre de la population. Au contraire, cette possibilité d'échapper à l'impôt n'existe pas chez le propriétaire occupant.

8 Ce que semble confirmé l'enquête de l'INS (1997) sur le budget des ménages, avec, suivant les quartile croissant, 26.8% - 22.2% - 18.9% et 13.6% de la part du revenu consacrée aux loyers bruts.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 18 En 1998, les recettes issues du précompte immobilier ont rapporté 20,3 milliards de FB aux communes, soit environ 16% des recettes totales. Toutefois, ces rentrées ne sont pas issues exclusivement de l'impôt payé par les résidents puisque tout bâtiment est soumis à l'impôt.

La valeur locative estimée de certaines infrastructures économiques sont susceptible de rapporter énormément à certaines communes. Ainsi, la taxation immobilière non résidentielle concerne à elle seule plus du quart du budget de la commune de Huy. Ce pourcentage élevé est du à la présence de la centrale de Thiange sur le territoire communal. Nous avons estimé la part des recettes issues du précompte immobilier qui proviennent uniquement des logements (cf. § 1.6.2.1). D'après nos calculs, les immeubles résidentiels couvrent environ 50% des ressources issues de l'impôt foncier, soit 7,5% des recettes globales.

Les autres taxes additionnelles

Les autres taxes additionnelles, principalement les décimes additionnels à la taxe de circulation automobile ne sont pas abordés ici dans la mesure où ces impôts sont de faible importance, tant du point de vue financier (moins de 1% des recettes totales) que du point de vue politique.

Les redevances et impôts communaux propres

Les redevances et impôts communaux propres rapportent plus 10,5 milliards de FB, ce qui représente 20% des recettes fiscales, soit 8% du total des revenus communaux. En la matière "tout ce qui n'est pas interdit est autorisé". Néanmoins, en 1997, le ministre wallon des Affaires Intérieures rappelait dans une circulaire que "les communes doivent se garder d'établir des taxes dissuasives qui auraient pour seul objectif d'empêcher des activités par ailleurs licites" (Blavier & Laloux, 1997).

Il existe en la matière une multitude de taxes différentes dont certaines ne procurent qu'un revenu insignifiant9 (Erauw & Gaube, 1998). D'un point de vue thématique, les taxes sur l'hygiène publique et celles sur les entreprises dominent (respectivement 42% et 36,5% des recettes issues des petites taxes en 1997). Les autres thèmes (taxes sur l'occupation des domaines publics, taxes sur le patrimoine, taxes sur les spectacles et divertissements, …) ne dépassent pas 10%.

A titre d'information, la figure V.7 reprend les taxes les plus fréquentes et la figure V.8 celles qui disposent du rendement le plus élevé.

Cependant, "il ne faut pas déduire que le seul but des petites taxes est de faire rentrer de l'argent dans les caisses. La fiscalité communale peut aussi avoir pour objectif d'accompagner la politique locale." (Blavier & Laloux, 1997). Cette remarque nous semble fondamentale en regard de tous les reproches que nous avons relevés à propos des recettes

"traditionnelles". Il me semble que le développement de ces petites taxes, dans un cadre réglementaire plus strict qui répondrait aux options des documents d'orientation (SDER, Contrat d'Avenir pour la Wallonie, …), serait de nature à rendre à l'outil fiscal sa dimension politique et constituerait un instrument idéal dans le cadre d'une révision du financement des pouvoirs locaux.

Figure V.7 : les taxes communales les plus fréquentes

9 40% des 113 taxes différentes recensées par la DGPL rapportent moins de 10 F/hab. dans les communes où elles existent.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 19 Nb de

com. intitulé

249 Taxe sur la délivrance de docs administratifs

238 Taxe sur l'enlèvement des immondices et résidus ménagers 236 Taxe sur la diffusion publicitaire

225 Taxe sur les secondes résidences 189 Taxe sur les exhumations

171 Taxe sur les inhumations, dispersion des cendres colombarium

170 Taxe sur la délivrance de récipients ou d'autocollants pour les résidus ménagers 162 Taxes sur banques et institutions financières

151 Taxe sur la force motrice

151 Droits d'emplacements sur les marchés

149 Taxe déversement sauvages d'immondices sur la voie publique 140 Taxe sur les agences de paris et de jeux

132 Taxes sur les forains, loges foraines et mobiles 113 Taxe sur les panneaux publicitaires

100 Taxe sur les antennes extérieures

96 Taxe sur les dépôts de mitraille, véhicules usagés, abandonnés 92 Taxe sur l'occupation des caveaux d'attente

89 Taxe sur les dépôts de matériaux 83 Taxe sur la délivrance des permis de lôtir

78 Taxe sur la délivrance des documents concernant les établissements dangeureux, incommodes et insalubres

77 Taxe pour le raccordement au réseau d'égouts 76 Taxe sur les terrains à bâtir non bâtis 73 Taxe de séjour

72 Taxe sur les kiosques à journaux, sur les baraques à frites 67 Taxe sur les biens exhonérés temporairement du PI