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Chapitre II : LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 122

1. L’INDEMNISATION DES SERVITUDES D’URBANISME

1.5. L’ INDEMNISATION DES SERVITUDES D ’ URBANISME EN E UROPE L’indemnisation des servitudes d’urbanisme peut être de deux types :

1.5.1. L’indemnisation directe

1.5.2.2. L’indemnisation indirecte dans le cadre de la propriété privée

En bonne logique, « l’indemnisation indirecte » dans le cadre de la propriété privée devrait être le principal moyen de compenser les charges liées au développement urbain (JEGOUZO Y., 2000, p. 108). L’urbanisation étant par essence inégalitaire, il n’y a aucune raison que seuls les pouvoirs publics interviennent dans l’indemnisation des moins-values.

La solution serait donc d’établir, par le biais d’un impôt, une compensation entre les moins-values et les plus-moins-values liées aux plans d’aménagement159.

Il semble toutefois plus logique et équitable de répartir les bénéfices et les sacrifices liés au développement urbain entre les personnes directement concernées, à savoir les propriétaires (JEGOUZO Y., 2000, p. 108). Les pays européens ont dès lors développés différents mécanismes qui vont en ce sens.

Deux grands systèmes peuvent être dégagés :

− La compensation générale des charges d’urbanisme, dont le droit espagnol offre le modèle le plus achevé. Il prévoit, en effet, une répartition équitable des bénéfices et des charges de l’urbanisme qui s’effectue par le jeu de mécanismes financiers classiques de compensation entre les propriétaires. Le succès de ce système est toutefois largement dépendant de la structure du marché et de ses acteurs (JEGOUZO Y., 2000, p. 108).

− La restructuration foncière, qui conduit, outre des échanges de valeur ou de droits à construire, à remembrer puis à redistribuer la propriété privée au vu des règles d’urbanisme.

g) La compensation

La compensation consiste à accorder aux propriétaires touchés par des charges d’urbanisme des droits à construire qui équilibrent plus ou moins les sacrifices qui leur ont été imposés. Cette compensation peut se faire entre les propriétaires et les personnes publiques ou, entre les seules personnes privées.

157 Zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés (article L. 311-1, Code de l’urbanisme)

158 La création de zones d'aménagement différé permet de rendre constructibles des zones d’urbanisation future (zone NA).

159 Cfr . point 2 : La récupération des plus-values liées aux plans d’aménagement

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 55

• La compensation entre personnes publiques et personnes privées

Celle-ci est la plus ancienne et la plus aisée à mettre en œuvre car la présence de personnes publiques permet de dynamiser le processus. Nous retrouvons un tel dispositif en Suisse. En compensation des servitudes d’urbanisme, la collectivité publique peut accorder au propriétaire le droit de construire sur une autre partie de sa propriété non touchée par la servitude (MOOR P. & DONZEL V., 1999, p. 312). L’accord du propriétaire est, toutefois, le préalable nécessaire à cette compensation. Ce même accord est aussi exigé au Portugal. La Loi de Base sur la politique d’aménagement du territoire et d’urbanisme portugaise va plus loin encore. Elle considère que l’indemnisation ne devrait être qu’un procédé supplétif par rapport aux mécanismes de péréquation des bénéfices et des charges résultant des plans urbains.

Cette péréquation entre personnes publiques et personnes privées posent cependant quelques problèmes. D’une part, cela suppose que les propriétés privées soient suffisamment étendues pour que l’on puisse organiser cette compensation au sein d’un même propriétaire. D’autre part, attribuer des droits de construire supplémentaires suppose que la zone soit encore capable d’accueillir de l’urbanisation. Et enfin, l’attribution de compensations sous forme de redistributions de droits à bâtir est suspectée, dans de nombreux pays, d’encourager la dérogation contractuelle en dehors du cadre légal. Ainsi, en Grèce, le Conseil d’Etat a contesté le dispositif du transfert des droits à construire160 dans la mesure où il conduit souvent à porter atteinte à l’environnement en favorisant l’urbanisation de zones naturelles (JEGOUZO, 2000, p.

110).

• La compensation entre personnes privées : les droits négociables et les péréquations Dans sa forme la plus simple, cette technique consiste à s’échanger, entre propriétaires, par voie contractuelle, des droits qui « permettent d’utiliser de manière optimale les droits à construire qui découlent de l’application des règles d’urbanisme » (JEGOUZO Y., 2000, p. 111). Cette technique repose donc largement sur l’organisation d’un marché des droits à construire dont le libre jeu doit ensuite assurer les redistributions nécessaires.

L’émergence du thème des droits négociables s’est largement développée depuis quelques années, à partir de la question générale du changement climatique, de l’effet de serre et de la pollution atmosphérique qui en est l’un des facteurs. Le protocole arrêté à la fin de la Conférence de Kyoto en décembre 1997 a en effet retenu la possibilité de recourir aux échanges de quotas ou crédits d’émission.

Notons toutefois des différences entre le droit à polluer et les droits sur le sol. « En matière de pollution, il s’agit de négocier un droit à émettre en permanence un flux de pollution, mesurée par exemple en tonnes d’oxyde d’azote rejetées annuellement dans l’atmosphère. Il s’agit donc d’un flux continu, et les quotas correspondants peuvent eux-mêmes être achetés ou vendus de façon permanente. En matière de sol, le droit correspondant est vendu une fois pour toute, ou pour une longue durée. Certes, il peut n’être vendu qu’en partie, ou peut-être racheté par la suite, mais l’objet de la transaction n’est pas relatif à un flux continu. Ceci emporte évidemment d’importantes conséquences dans l’utilisation de l’outil en matière d’allocation et de conditions de rachat de droit » (RENARD V., 1999).

Cette technique s’incarne en particulier dans la longue pratique américaine. En France, nous retrouvons le transfert de coefficient d’occupation du sol (COS). Il permet à un propriétaire de céder ses droits au propriétaire d’un terrain voisin et d’obtenir ainsi, de façon indirecte, une indemnisation pour les servitudes d’urbanisme dont est frappé son terrain. Toutefois, son application est exceptionnelle. En Italie, les plans communaux

160 Article 2, Loi 880/79

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 56 auraient tendance à distribuer les droits à construire dans un périmètre assez large sans distinguer nettement les zones constructibles et inconstructibles. Les propriétaires sont dès lors encourager à se redistribuer ces droits par accord et échanges. Cette technique est assez nouvelle et n’a pas encore été consacrée par la loi. La légalité d’un tel système se pose actuellement (FERRARI E., 1999, p. 226).

Plusieurs pays européens ont toutefois été plus loin en organisant cette péréquation.

L’Espagne notamment a établit un mécanisme d’équidistribution en application des plans d’aménagement (MENENDEZ REXACH A., 2000, p. 105). Il est prévu, dans le cadre de périmètres d’aménagement, la redistribution conventionnelle des droits à bâtir entre les propriétaires des terrains déclarés constructibles et ceux des fonds classés en zone protégée. Un accord préalable entre tous les propriétaires de la zone aménagée doit évidemment exister. Ces transferts sont encouragés par le fait que la construction est conditionnée par la mise en œuvre préalable de ces échanges. Le Portugal a prévu également un mécanisme de péréquation de même nature : fixation d’un indice moyen d’utilisation, d’un espace de cession moyen, d’un coefficient de superficie et la répartition des coûts d’urbanisation.

Une tendance générale au développement de l’indemnisation indirecte et en particulier des mécanismes de péréquation des charges et des plus-values d’urbanisme paraît ainsi se manifester en Europe. Quelques difficultés apparaissent tout de même. Premièrement, la péréquation nécessite une articulation très fine entre le projet d’urbanisme, les structures foncières et le marché afin d’éviter que celle-ci ne conduise à un blocage généralisé. Deuxièmement, les acteurs économiques doivent intervenir et « jouer le jeu ».

Notons que ce problème s’apparente aux problèmes rencontrés en matière de « droit à polluer ». « La différence est que le marché des droits à construire ne peut fonctionner que dans un cadre plus étroit et qu’il ne met pas en présence que des entreprises habituées à la négociation contractuelle mais également des propriétaires fonciers sans aucune pratique » (JEGOUZO Y., 2000, p. 112).

Ces différents problèmes impliquent qu’un système de péréquation, pour être efficace, doit s’accompagner de mécanismes de restructuration foncière.

h) La restructuration foncière ou remembrement

La restructuration foncière consiste à « jumeler la redistribution des droits à bâtir avec une réorganisation totale de la propriété foncière et la réalisation d’une opération d’aménagement » (JEGOUZO Y., 2000, p. 113). Elle permet de prélever les « emprises publiques » nécessaires à la réalisation des équipements publics rendant le périmètre constructible et de regrouper les secteurs constructibles et ceux qui font l’objet de servitudes de protection. L’opération permet également de financer l’ensemble des équipements et du remembrement (JEGOUZO Y., 2000, p. 113).

Cette technique ne date pas d’hier. En France, comme en Belgique, elle a été mise en œuvre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de la reconstruction des villes sinistrées. Les propriétés urbaines ont été remembrées, de nouveaux plans parcellaires adaptés aux exigences de la modernisation des villes et à la réalisation des équipements nécessaires ont été établis.

A l’heure actuelle, en Suisse, les propriétaires peuvent prendre l’initiative de demander un plan de quartier et un remembrement qui redistribue les droits à construire de manière plus avantageuse pour chacun des propriétaires regroupés. La collectivité tire également avantage dans l’attribution par prélèvement sur la masse des emprises nécessaires à la réalisation des équipements publics, espaces verts, parkings, etc. (MOOR P. & DONZEL V., 1999, p. 312). En Allemagne, le Code de l’urbanisme accorde une place importante au

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 57 remembrement161. Dans le cadre des procédures de rénovation162 et de développement163, il est prévu des mécanismes fonciers et de financement visant à faciliter la réalisation de ces opérations. Ils consistent à la fois à organiser des échanges de terrains dans l’intérêt des propriétaires et à procéder aux déductions nécessaires aux emprises collectives (voiries, besoins publics). Ces restrictions foncières n’ouvrent pas, en principe, de droit à indemnisation sous réserve, toutefois, du respect de la règle de l’équivalence des échanges.

Nous retrouvons également en Espagne un mécanisme semblable. En Grèce, ce mécanisme est même organisé par la Constitution164.

Un tel mécanisme concilie le développement urbain avec une répartition équilibrée des charges et des bénéfices qui en découlent. Il permet la valorisation des secteurs en cours d’urbanisation sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’expropriation, les emprises publiques résultant du remembrement opéré. En outre, il permet de répartir la charge du financement de l’opération entre les collectivités publiques et les propriétaires concernés, qui doivent trouver dans les plus-values apportées par l’aménagement, les ressources nécessaires pour couvrir leur participation (JEGOUZO Y., 2000, p. 114).

Toutefois, que ce soit en Espagne ou en Suisse, ce dispositif s’avère long, coûteux et difficiles à coordonner avec la planification (JEGOUZO Y., 2000, p. 114)).

1.6. L’

INDEMNISATION DES SERVITUDES D

URBANISME EN

R

ÉGION WALLONNE