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DE LA REVISION DES PLANS DE SECTEUR *

2. ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES SUR LE FONCTIONNEMENT DES MARCHES FONCIERS

2.3 E FFETS DU ZONAGE SUR LES PLUS - VALUES FONCIERES : BILAN DES ETUDES EXISTANTES

Différents travaux empiriques ont traité explicitement du lien entre le zonage et les plus-values foncières. En Europe, ce sont sans conteste les Britanniques qui ont développé les études les plus poussées. Le questionnement général de ces travaux porte sur les possibles conséquences du relâchement des contraintes de l’aménagement ou, en d’autres termes, sur les effets d’une politique d’offre foncière.

2.3.1 La dimension idéologique des études

Le bilan bibliographique sur les études britanniques ayant abordé les interrelations entre le zonage et le fonctionnement des marchés fonciers renvoie très clairement au débat entre les

« expansionnistes » et « parcimonieux ». Sur ce thème, les divers groupes de pression ont, en effet, bénéficié de relais dans le monde scientifique (J. RUEGG, 2000, p. 168 et suivantes).

Lors de la décennie quatre-vingt, c’est la controverse entre A.W. Evans et W.S. Grigson qui a alimenté le débat (S. MONK et al., 1996, p. 498).

Chez Grigson (1986), on retrouve une vision « aménagiste » selon laquelle une limitation du zonage des espaces potentiellement constructibles n’affecte pas les niveaux de prix pratiqués. La vision aménagiste consiste à considérer que c’est la demande qui est le principal facteur s'il s'agit de rendre compte des prix pratiqués.

Par contre, chez Evans (1987), la conclusion est inversée. Selon cet auteur, si les contraintes urbanistiques sont trop fortes, elles empêchent l’adaptation de l’offre à la demande, ce qui conduit à une baisse de la production et, in fine, à une hausse des enchères. En dehors de toute analyse portant sur le contenu des développements de A.W.

Evans, il est frappant de constater que ses travaux sont publiés par une association professionnelle de constructeurs, ce qui renvoie explicitement à la dimension

« expansionniste ».

Plus récemment, lors de la décennie nonante, le débat a ensuite été alimenté par les travaux des équipes rassemblées autour des Professeurs Bramley et Monk. Lorsque l’on replace ces études dans leur contexte idéologique, c’est-à-dire « l’après-Tatcher », on se rend compte que, pour ses auteurs, il s’agit de prendre position par rapport à la dérégulation et à l’efficacité des politiques d’offre foncière (J. RUEGG, 2000, p. 170).

2.3.2 Les principaux résultats

En termes méthodologiques, ces études britanniques, dont la plus poussée correspond au travail de l’équipe du Professeur Bramley, ont consisté dans la construction de modélisations statistiques et économétriques. Les données traitées portaient sur la configuration des zones urbanisables, sur les niveaux de prix pratiqués, sur l’activité du secteur de la construction, sur les évolutions démographiques et sur la conjoncture économique. L’objectif central était de mesurer le niveau de réponse (l’élasticité) de la filière construction à la déréglementation urbanistique.

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Une conclusion commune aux deux études porte sur la conséquence de l’aménagement sur les densités bâties. Globalement, les districts ayant les dispositions réglementaires les plus restrictives ont aussi les densités les plus élevées pour les nouveaux quartiers. Une planification rigoureuse conduit donc à restreindre la variété des maisons et des densités bâties que l’on rencontrerait si le marché foncier était déréglementé.

Par contre, en termes de prix, les résultats divergent. Selon les conclusions de Monk et de son équipe, c’est le zonage trop restrictif qui explique pourquoi les prix du sol sont particulièrement élevés pour les terrains situés à la périphérie des agglomérations. De plus, selon Monk, les restrictions urbanistiques conduisent à intensifier l'augmentation des prix en période de forte croissance.

Selon Bramley, une augmentation des surfaces urbanisables n’entraîne qu’une faible diminution du prix et, surtout, l’effet est de durée limitée. Par exemple, une augmentation de 75 % des capacités des plans d’urbanisme n’entraînerait qu’une diminution du prix de 7,5 %.

« Des scénarios de libération plus radicale des disponibilités en terrains urbanisables, comme l’utilisation des terrains de la ceinture verte ou de toutes les zones naturelles qui ne sont pas classées comme espaces naturels protégés, ne provoqueraient qu’une petite baisse supplémentaire de respectivement 1,2 % et 1,4 % du montant des prix » (G.

BRAMLEY, 1994, p. 26).

« En concluant à l’effet négatif du zonage sur les prix, Monk plaide pour la dérégulation. En suggérant l’inefficacité des politiques d’offre foncière, Bramley défend l’aménagement et le zonage en relevant, par ailleurs, qu’ils fournissent aussi d’autres avantages en termes de planification des équipements, par exemple. Quant à l’objectif initial de réduire le coût des logements, Bramley adopte plutôt une ligne similaire à celle de Comby et de Renard (1996).

Il prône une implication plus grande des pouvoirs publics dans la production et la maîtrise de l’offre foncière » (J. RUEGG, 2000, pp. 170-171).

2.3.3 Les études britanniques à la lumière du contexte belge

Il est frappant de constater que les études britanniques n’analysent que les incidences d’une planification moins restrictives. A la différence des idées actuellement répandues dans les milieux planificateurs belges – wallons et flamands –, il n’est jamais question de la réduction des zones urbanisables. Le questionnement des britanniques porte en fait sur les effets possibles d’une politique d’offre foncière qui, en Belgique, a réellement été menée. Les modélisations théoriques des chercheurs britanniques peuvent donc être analysées à la lumière d’une expérience grandeur nature, l’expérience belge.

L’expérience belge confirme tout d’abord la conclusion selon laquelle l’abondance de l’offre foncière potentielle conduit à la production de formes urbaines particulièrement dédensifiées.

Par rapport au Royaume-Uni, il est en effet manifeste que la périurbanisation des villes belge se caractérise par des parcelles beaucoup plus vastes.

En ce qui concerne l’évolution des prix des terrains et des bien bâtis, la situation belge permet de départager les deux équipes de Monk et de Bramley puisque l’évolution récente s’accompagne d’une forte hausse du coût du logement. L’abondance des zones d’habitat n’a, en effet, pas évité les « fortes pressions foncières » et la difficulté croissante pour de nombreuses familles de trouver un logement adapté. Les caractéristiques des marchés fonciers belges s'inscrivent donc plutôt dans les conclusions de Bramley sur la faible efficacité des politiques d’offre foncière.

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2.4 C

ONCLUSION

Les réflexions présentées dans le cadre de cette revue bibliographique attestent que les interrelations entre le zonage et le fonctionnement des marchés fonciers sont multiples et complexes. S’il s’agit là d’une évidence pour quiconque ayant étudié ces marchés, il se doit pourtant d’être constaté que, lors de l’adoption des plans de secteur, ce sont les raisonnements mécanistes de la concurrence parfaite qui ont été pris en compte par de nombreux décideurs wallons. Ces raisonnements ont conduit à la mise en œuvre d'une politique d'offre foncière, ce qui s'est globalement révélé peu efficient. D’une part, la production des nouveaux logements a conduit à une urbanisation particulièrement extensive et étalée. D’autre part, en dépit de l’abondance de l’offre, les mécanismes de marché ont contribué à générer de la plus-value et de la rente foncière. Parce qu’elle enrichit certains propriétaires et opérateurs, c’est cette rente foncière qui explique pourquoi de nombreux ménages éprouvent des difficultés à se loger de manière qualitativement décente et spatialement adéquate (voir par exemple : MAISON DE L’URBANISME DU BRABANT WALLON, 1998, pp. 18-19).

Les effets globalement négatifs d’une politique d’offre foncière tiennent notamment au mécanisme du compte-à-rebours. Puisque la production du foncier viabilisé est essentiellement assurée par des opérateurs privés, c’est la demande immobilière qui conduit à déterminer les niveaux de prix, mais aussi les produits commercialisables et, in fine, les formes d’urbanisation.

Sur base de la revue bibliographique, il apparaît au final que la mise en œuvre d’une politique foncière adaptée aux objectifs du SDER implique de réorienter l’héritage de la politique d’offre foncière vers une politique de production foncière. Plutôt que d’accroître les zones potentiellement urbanisables, la puissance publique devrait sans doute accroître son rôle de producteur foncier.

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3. CONSTRUCTION D’UN INDICATEUR SUR L’OFFRE FONCIÈRE