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Chapitre II : LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 122

2. LA RECUPERATION DES PLUS-VALUES LIEES AUX PLANS D’AMENAGEMENT

2.1. L A TAXATION DES PLUS - VALUES D ’ URBANISME EN E UROPE

Plusieurs Etats européens ont institué une taxe qui essaye de récupérer directement la plus-value liée aux plans d’aménagement, du moins partiellement. La difficulté de l’analyse résulte moins des différences de législation et de réglementation de pays à pays, que de la diversité des situations. En effet, la plus-value peut être imposée en totalité ou en partie, selon une méthode forfaitaire ou par une évaluation réelle en prenant en compte ou non l’érosion monétaire. L’impôt peut être perçu au profit de l’Etat, d’une région ou d’une collectivité locale. Il peut également être perçu au moment où la plus-value est réalisée, lors du changement d’affectation (Flandre, Danemark) ou encore, lors de la délivrance d’une autorisation (Grande-Bretagne, France, Italie). Enfin, le régime applicable varie, selon qu’il s’agit d’Etat unitaire ou d’Etat fédéral, de particuliers ou d’entreprises, de personnes morales ou de personnes physiques.

Notre analyse se limitera donc à l’étude de quelques pays européens.

2.1.1. Le Danemark212

En 1992, Le parlement danois a adopté une loi sur la planification foncière instituant des dispositions spécifiques aux zones côtières, et procédant à une distinction entre zones urbaines et zones rurales. La taxation des plus-values de cessions sur les terres agricoles s’inscrit dans un dispositif législatif cohérent et relativement rigide qui interdit, par exemple, en zone rurale, l’édification de constructions autres que celles destinées à l’agriculture ou à la sylviculture, ainsi que le changement d’affectation des bâtiments existants. Des plans communaux déterminent l’affectation des terrains susceptibles d’être urbanisés.

La structure des taux de la taxe foncière est favorable aux propriétaires de terres agricoles : le taux de la taxe foncière applicable en zone urbaine est de 10 à 20 fois supérieures à celui concernant les biens situés en zone rurale. La fiscalité encourage donc les propriétaires à ne pas demander le classement de leurs biens en zone urbaine. La taxe d’urbanisation n’est que l’une des pièces d’un dispositif global tendant à préserver la terre agricole. Le Danemark part en effet du principe que le terrain est un bien rare et non reproductible.

La base d’imposition de la taxe d’urbanisation résulte de la différence entre le prix de vente des terrains urbanisables et la valeur initiale de la terre agricole (fixée à partir de la valeur locative cadastrale). Le taux de la taxe est élevé puisqu’il varie de 40% pour les transactions d’un montant inférieur à 200.00 couronnes (soit environ 1.000.000 BEF) à 60% pour les transactions d’un montant supérieur à ce plafond. La taxe est exigible dès le changement de statut des terrains, avant même leur urbanisation. Elle est perçue par les communes qui conservent 50% de son montant. Le reste retourne à l’Etat.

Ce mode de taxation des plus-values pénalise fortement le changement d’affectation des terres. En outre, il s’avère, qu’en pratique, les évaluations du prix de la terre agricole par l’administration sont inférieures à sa valeur réelle. Pour calculer l’assiette de la taxe, on recourt, en effet, à la valeur locative cadastrale laquelle est moins élevée que la valeur du marché. Ceci a pour effet de majorer l’assiette de la taxe et d’accroître, par conséquent, le produit de l’impôt.

212 Rapport d’info 415-1997/1998, « La gestion des espaces périurbains », Commission des Affaires économiques et du Plan, Sénat français

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 73 Ce système de taxation pénalise d’autant plus le changement d’affectation des terres que la taxe est applicable non seulement aux particuliers, mais aussi aux communes qui réalisent des ventes de terrains agricoles à des fins d’urbanisation. En outre, si elles procèdent à une modification du plan d’aménagement, les communes peuvent être obligées par les propriétaires de terrains frappés d’une taxe d’urbanisation à les racheter. En conséquence, ces collectivités sont fortement incitées à ne pas modifier le zonage qui relève de leur compétence.

2.1.2. La Grande-Bretagne

« Les diverses tentatives législatives de taxation des plus-values foncières s’inscrivaient dans le contexte d’une approche verticale de la planification urbaine. Dans le cadre d’une telle approche, le plan avait pour tâche d’exprimer une conception intégrée et consensuelle de la structure d’une ville, et s’accompagnait d’un financement essentiellement public de la production des biens d'équipement et d'infrastructure. Une telle approche avait pour présupposés à la fois :

− L’existence d’un intérêt public objectif univoque et consensuel ;

− La maîtrise par l’autorité chargée de l’élaboration du plan des ressources nécessaires à sa mise en œuvre (command) ainsi que sa capacité à contrôler les modalités de cette mise en œuvre (control) » (GALEY M., 1999, p. 170).

En pratique, lors de la demande de permis d’aménager, l’autorité locale d’urbanisme négocie au cas par cas l’obtention de gains d’aménagement (planning gains), sous forme de contributions à la construction d’infrastructures et d’équipements publics. Cette pratique s’est développée au cours des années 80 comme la pierre angulaire du système de la planification urbaine outre-Manche (GALEY M., 1999, p. 170).

2.1.2.1. Les tentatives législatives de taxation des plus-values foncières

Différentes tentatives de récupération des plus-values foncières au moyen d’une taxe213 ont été faites mais sans succès. Il s’agissait de « mettre les collectivités locales en position d’exercer un monopole de la production des terrains à bâtir». Introduit à chaque fois par un gouvernement travailliste, ces dispositions ont toujours procédé de la volonté de substituer les collectivités locales à la pleine propriété dans le rôle que cette dernière jouait auparavant du fait des particularités de la structure foncière en Grande-Bretagne » (GALEY M., 1999, p.

171).

L’idée était que d’une part, l’octroi d’un permis d’aménager était lier à l’obligation pour le propriétaire du fonds bénéficiaire de payer une taxe d’un montant équivalent à un pourcentage plus ou moins important214 de la différence entre sa valeur agricole et sa valeur de terrain à bâtir. D'autre part, les collectivités locales étaient investies d’une large faculté d’exproprier, soit indirectement par l’intermédiaire d'une agence foncière215, soit directement216.

Les différents essais ont tous révélé le même type de faiblesses: « la poursuite des transactions privées à des prix proches de la valeur des terrains à bâtir, le dispositif fiscal étant généralement répercuté sur l’acquéreur final ; faible rendement de l’impôt institué ; sous-utilisation du mécanisme d’acquisition foncière par les collectivités locales » (GALEY

213 Town and Country Planning Act (TCPA) 1947, Land Commission Act 1967, Community Land Act 1975

214 Ce pourcentage étant soit fixé directement à 100% (comme en 1947), soit à 40% dans un premier temps, avec le projet d’une augmentation progressive jusqu’à 100%.

215 TCPA 1947, Land Commission Act 1967

216 Land Community Act 1970

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 74 M., 1999, p. 171). Les systèmes mis en place ne sont jamais restés en vigueur plus de trois ans.

2.1.2.2. La taxation négociée des plus-values à l’occasion de l’octroi d’un permis d’aménager

Les autorités locales négociaient dans la pratique au coup par coup des gains d’aménagement à l’occasion de l’octroi d’un permis d’aménager. Ce développement a été favorisé par divers facteurs à la fois économiques et idéologiques.

« D’une part, aux échecs successifs des tentatives législatives de faire de la taxation des plus-values l’instrument d’une politique d’aménagement, se sont ajoutées les « coupes sombres » opérées par le gouvernement central dans le budget des collectivités locales durant les années 80. Cette évolution s’est accompagnée de l’affirmation d’une idéologie libérale préconisant le transfert vers les aménageurs privés du coût de certaines interventions de la collectivité publique » (GALEY M., 1999, p. 171). Cette technique permet, outre le financement d’équipements collectifs, de récupérer la plus-value qu’un terrain aurait

« bénéficiée » suite à son classement en zone aedificandi. Un système équivalent existe d’ailleurs en France.

En pratique, le permis d’aménager est subordonné à la conclusion, par voie d’obligations contractuelles, d’une convention préalablement négociée avec le demandeur. Des dérives ont toutefois été observées. Ainsi, des aménageurs (de grandes surfaces commerciales par exemple) assortissent fréquemment leur demande de permis de propositions de contribution dépourvue de tout lien, ou n’ayant qu’un lien ténu avec leur projet d’aménagement dans le seul but de supplanter un concurrent dans l’obtention du permis convoité217. Le gouvernement est intervenu et a édicter, dans une circulaire218 récente, une série de directives visant à empêcher la vente ou l’achat de permis d’aménager. Et enfin, des propositions de réformes allant dans le même sens ont été également formulées par le Planning and Environmental Law Reform Working Group dans un rapport récent219 (GALEY M., 1999, p. 175).

Notons qu’appliquer une telle taxe, perçue au moment de la délivrance d’un permis de bâtir ou de lotir, serait en contradiction avec la taxe sur les terrains à bâtir non bâtis qui incitent les propriétaires à construire sur leurs terrains.

2.1.3. Les Pays-Bas220

Rappelons que les Pays-Bas pratiquent une politique de production foncière caractérisé par un rôle essentiel de la puissance publique dans la production des terrains à bâtir. Toutefois, dans le cas où un terrain, qui n’appartiendrait pas aux pouvoirs publics, serait urbanisé, une taxe a été instaurée.

Depuis 1986, les plus-values de cessions liées à l’urbanisation des terres agricoles réalisées aux Pays-Bas sont en effet soumises à une taxation spécifique, lorsque cette urbanisation intervient moins de six ans après la vente.

217 En droit anglais, il n’est pas nécessaire d’être propriétaire pour constituer une demande de permis d’aménager. Ainsi, la Haute Cour a jugé que toute personne disposant d’un espoir d’acquérir un intérêt sur le sol peut formuler et obtenir une demande permis sur le terrain d’autrui (GALEY M., 1999, p. 144)

218 Department of Environment, Circular 1/97, planning obligation, §6

219 «Planning Obligations – Planning and Environment Law Reform Working Groups, 1999, JPL, p. 113

220 Rapport d’info 415-1997/1998, « La gestion des espaces périurbains », Commission des Affaires économiques et du Plan, Sénat français

CHAPITRE II :LA MODIFICATION DES PLANS DE SECTEUR 75 La base d’imposition résulte de la différence entre le prix de vente des terres urbanisables et leur valeur agricole initiale. Le taux d’imposition de la plus-value est de 45%, versé à l’Etat.

Est exonérée de la taxe, l’exploitant qui rachète une surface de terre égale à celle qu’il a cédée dans les trois ans qui suivent la vente initiale. Ce système est donc, en première analyse, fortement pénalisant pour les vendeurs. En réalité, il comporte des aménagements importants qui en diminuent la portée.

En premier lieu, un mécanisme transitoire a été mis au point afin de ne pas taxer les plus-values qui auraient pu être réalisées avant 1986. A cette fin, les agriculteurs ont demandé à l’administration fiscale de constater qu’entre 1986 et 1992, leurs terres auraient pu changer de destination avec l’édiction du système d’imposition. La taxation ne s’applique donc pas aux terrains qui étaient urbanisables avant 1986.

En second lieu, la taxation ne s’applique que si les terrains initialement agricoles sont urbanisés au cours des six années qui suivent la vente. Or, il semble que bon nombre d’agriculteurs tirent avantage de cette disposition pour anticiper le changement de destination. Ils vendent leurs terres et continuent de les exploiter durant six ans afin d’échapper à l’impôt lors de l’urbanisation qui survient la septième année.

En troisième lieu, les agriculteurs bénéficient d’exonérations substantielles sur la base d’imposition. Celles-ci varient de 20.000 florins (soit environ 360.000 BEF) si l’agriculteur a moins de 55 ans, à 45.000 florins (soit environ 820.000 BEF) si l’agriculteur a plus de 55 ans.

Le système de taxation néerlandais est donc, en pratique moins dissuasif que le système danois. Les pouvoirs publics envisagent d’ailleurs son renforcement.