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5. LA VENTE A REMERE

5.2. L A VENTE À RÉMÉRÉ EN MATIÈRE D ’ AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Afin de mener une politique d’aménagement actif, il serait utile de prévoir un système de vente à réméré en matière d’habitat. Ainsi, les pouvoirs publics vendraient leurs terrains avec une faculté de rachat. Terrains qu’ils auront acquis à l’amiable, par préemption ou par expropriation.

Un tel mécanisme présenterait notamment l’avantage de contrôler l’utilisation qu’il est fait des terrains à bâtir. A noter que les plans communaux d’aménagement et les lotissements destinés à la construction permettent déjà de délimiter les conditions d’utilisation du sol.

Ceux-ci assignent une destination à chaque parcelle, déterminent le cas échéant l’implantation, la hauteur, le volume et l’aspect des constructions. La fixation des conditions d’utilisation dans un contrat de vente apparaît comme un relais essentiel entre les vues d’ensemble que le plan exprime et les modalités d’exécution de celui-ci au niveau le plus concret.

Un avant-projet de loi foncière portant sur ce mécanisme avait été instauré en 1968110 mais cet avant-projet n’a jamais abouti essentiellement à cause du phénomène de régionalisation de l’urbanisme qui était en cours à cette époque. Nous pouvons toutefois nous en inspirer.

Cet avant-projet ne portait pas uniquement sur les terrains non bâtis mais également sur les immeubles. En outre, il ne concernait pas uniquement les biens destinés à l’habitat mais aussi ceux destinés au commerce, à l’industrie ou à tout autre usage. A noter que cet avant-projet ne s’étendait pas, en dehors des exceptions prévues, aux immeubles aliénés par des particuliers. Il ne concerne que les biens cédés par les pouvoirs publics, de même que par les personnes privées associées aux opérations d’urbanisme, soit par le fait d’un plan particulier d’aménagement (PCA actuellement), soit avec leur accord.

5.2.1. Les autorités compétentes

Si une politique d’aménagement actif cohérente veut être menée, il est nécessaire que les autorités qui peuvent bénéficier d’un droit de préemption puisse aussi disposer de ce système de vente. En effet, ces pouvoirs publics acquerront éventuellement des terrains en exerçant leur droit de préemption, constituant ainsi une réserve foncière. Par la suite, lorsque ces pouvoirs publics désireront vendre ces terrains, une vente à réméré leur permettra de contrôler l’utilisation qu’il en est fait et le cas échéant, si les conditions d’utilisation ne sont pas respectées, récupérer le bien. Le champ d’application ne concernerait donc que les ventes d’immeubles réalisés par les pouvoirs publics ci-dessous.

Dès lors, pourront utiliser la vente à réméré :

− La Région ;

− Les communes ;

− Les régies communales autonomes ;

109 Entretien avec Monsieur Jean-Pierre Molle, Responsable du service vente, Société Wallonne du Logement

110 C.N.A.T., Avis de la Commission nationale de l’aménagement du territoire sur l’avant-projet de loi foncière, Doc. A. 19-c/Mba, T.6., 28 février 1968

CHAPITRE I :LES OUTILS DUNE POLITIQUE DAMÉNAGEMENT ACTIF 38

− Les CPAS ;

− La Société Wallonne du Logement ;

− Les sociétés agréées de logement social ;

− Les intercommunales ayant dans leur objet l’aménagement du territoire ou le logement.

5.2.2. Les conditions d’utilisation

L’exercice du droit de propriété est lié aux conditions d’utilisation du fonds. Ainsi, le contrat de vente contiendrait des conditions d’utilisation du terrain, qui devront être respectés si l’acheteur veut conserver le terrain.

Ces conditions varieront selon qu’il s’agit d’un terrain à usage agricole, industriel, commercial ou résidentiel. Elles pourront concerner l’affectation des constructions, les plantations qui peuvent et doivent y être établies ou maintenues selon la destination, l’importance, la valeur ou la surface utile de ces constructions. Ainsi, à titre d’exemple, un terrain sera destiné à recevoir un immeuble de cinq étages comportant 1.000 m² de surface utile de logements, 300 m² de garages et 400 m² de cour et jardin111. En outre, elles peuvent aussi fixer l’aspect et les autres caractéristiques des constructions et plantations à établir ou à maintenir, le délai dans lequel elles doivent être établies, ainsi que toutes modalités relatives à l’occupation et à l’usage du fonds, et à sa revente112.

Ces conditions sont établies par le vendeur moyennant l’avis conforme du fonctionnaire délégué et après consultation du Collège des bourgmestre et échevins. Une telle procédure est nécessaire puisqu’il faut s’assurer que l’acheteur aura toutes les chances d’obtenir un permis de bâtir incluant les conditions d’utilisation du terrain.

Ces conditions ont le caractère de servitude113 d’utilité public et pourront être modifiées pour permettre de tenir compte de transformations qui se manifesteront. Ces modifications pourront avoir lieu soit à la demande du propriétaire du fonds (la procédure d’avis conforme et de consultation devra alors à nouveau être suivie), soit par l’approbation d’un nouveau PCA qui entraîne une modification de la destination ou des conditions d’utilisation du fonds.

Dans ce dernier cas, le propriétaire peut soit se conformer aux nouvelles conditions, soit demander le rachat de son terrain.

La modification des conditions d’utilisation entraînerait une réévaluation du bien. Ainsi, le paiement d’un supplément ou la restitution d’une différence correspondant à la plus-value ou à la moins-value découlant du changement opéré pourrait intervenir.

En résumé, « les seules obligations qui sont faites à l’acheteur sont l’observation de ces conditions et l’adaptation de celles-ci à l’évolution des normes techniques de sécurité, de salubrité et de confort »114. A part cela, il conserve la pleine jouissance de son bien sans aucune limitation de durée. Il peut l’aliéner, l’hypothéquer, et même le transformer et le reconstruire pour autant qu’il respecte les conditions d’utilisation fixées.

111 C.N.A.T., Avis de la Commission nationale de l’aménagement du territoire sur l’avant-projet de loi foncière, Doc. A. 19-c/Mba, T.6., 28 février 1968, p. 29

112 Article 5, avant-projet de loi foncière

113La servitude est un droit réel immobilier. Elle ne pèse pas sur les propriétaires mais sur l'immeuble auquel elle s'applique et ce, en quelques mains qu'il passe. L'institution d'une servitude résulte , soit de la loi, soit de conventions entre voisins, soit de la décision du propriétaire qui l'a créé pour l'usage d'une terre qui a été ultérieurement divisée.

114 C.N.A.T., Avis de la Commission nationale de l’aménagement du territoire sur l’avant-projet de loi foncière, Doc. A. 19-c/Mba, T.6., 28 février 1968, p. 29

CHAPITRE I :LES OUTILS DUNE POLITIQUE DAMÉNAGEMENT ACTIF 39 5.2.3. Le prix de vente, fonction des conditions d’utilisation

Lier le prix de vente aux conditions d’utilisation serait à prévoir. Cela favoriserait un aménagement plus rationnel du territoire.

Ainsi, le prix de vente d’un terrain assorti de conditions dépendra :

− De la valeur vénale du bien

− Des conditions d’utilisation.

Exemple : La commune vend un terrain, si elle assortit cette vente des conditions suivantes (affectation à l’habitat, constructions d’autant de m², utilisation de briques, plantations de tels arbres, maintien de tel arbre, …) la valeur de vente sera moindre que si elle assortit cette vente d’une simple condition d’affectation à l’habitat.

L’avant-projet de loi foncière de 1968115 prévoyait la fixation par le Roi de valeurs unitaires au m² correspondant aux divers modes d’utilisation des biens-fonds selon l’affectation donné aux terrains (habitation, commerce, industrie ou tout autre usage). Ces valeurs seraient affectées de coefficients de variation en fonction de la qualité du bien.

Le montant global des valeurs unitaires d’utilisation applicables aux fonds est calculé d’après la surface du terrain, les matières premières exploitables qu’il contient, l’affectation des constructions et plantations qui peuvent ou doivent y être maintenues, et l’importance, le volume ou la surface utile de ces constructions116.

Ensuite, la détermination de la catégorie dans laquelle est classé le bien, en vue de l’application à celui-ci des coefficients correspondants de variation des valeurs unitaires, s’opère, pour chaque mode d’utilisation en fonction de l’état du marché immobilier, des conditions d’exploitations, de configuration du sol, de la composition des terres lorsqu’il s’agit de terrains de culture, de prairies ou de bois, et lorsqu’il s’agit de terrains destinés à l’habitation, à l ‘industrie ou au commerce, de la densité d’occupation réalisée ou prévue dans le voisinage, de l’aménagement, de la commodité et de l’attrait de celui-ci117.

De toute cette procédure résultera une grille permanente des terrains et de leur valeur.

Une telle procédure est à mon sens trop lourde à mettre en œuvre en Région wallonne.

Nous pensons qu’il est juste bon de préciser que le prix de vente doit dépendre des conditions d’utilisation prévues dans le contrat de vente et laisser au vendeur le soin d’en fixer le prix. De toute façon, si le prix est trop élevé, aucun acheteur ne se présentera et par conséquent, le vendeur se verra dans l’obligation de diminuer son prix s’il veut vendre son terrain.

5.2.4. La faculté de reprise

Après la vente, trois situations peuvent se présenter:

− Soit le propriétaire respectent les conditions prévues dans le contrat de vente ;

− Soit il ne respecte pas ces conditions d’utilisation ;

− Soit les conditions sont modifiées par l’approbation d’un PCA suite à l’évolution des données urbaines.

Dans les deux derniers cas, le pouvoir public cédant pourra racheter le bien vendu. Ainsi, le rachat du bien pourra être décidé dans les cas suivants118 :

115 Articles 9 à 16, avant-projet de loi foncière

116 Article 11, avant-projet de loi foncière

117 Ibid.

118 Inspiré de l’article 19, avant-projet de loi foncière

CHAPITRE I :LES OUTILS DUNE POLITIQUE DAMÉNAGEMENT ACTIF 40

− Si le propriétaire ne remplit pas les obligations découlant de son titre de propriété ;

− S’il ne remplit pas les conditions fixées par le PCA nouvellement adopté ;

− Si l’expropriation du fonds est décrétée pour cause d’utilité publique.

Cette faculté de rachat permet de:

− Se garantir l’exécution des obligations qui découlent de son titre de propriété ;

− Réaliser les plans d’aménagement et ainsi, pallier à l’inertie des propriétaires ;

− Se servir d’instrument d’exécution des décrets d’expropriation (HAUMONT, 1990, p.

279).

Un délai dans lequel cette faculté de rachat pourra être exercée devra être fixé. Ce délai devra être assez long pour permettre à l’acheteur d’obtenir son permis de bâtir et d’exécuter les travaux. Différentes possibilités se présentent :

− Soit fixer un délai applicable à toutes les ventes à réméré ;

− Soit fixer un délai maximum et laisser le soin au pouvoir public cédant de fixer un délai au cas par cas.

− Soit ne prévoir aucun délai et laisser la possibilité de fixer un délai dans l’acte d’aliénation.

A noter que le Code civil prévoit un délai maximum de 5 ans. Selon Francis Haumont, ce délai est incontestablement d’ordre public et par conséquent, il est impossible de prévoir un délai supérieur à 5 ans dans les conventions particulières de vente passées entre les particuliers et les pouvoirs publics. « Un délai si court met cependant à néant l’efficacité de cette politique foncière » (HAUMONT, 1990, p. 281). Ainsi, l’ancien article 89 du CWATUP relatif aux sites d’activité économique désaffectés n’hésitait pas à conférer aux pouvoirs publics un droit à réméré non limité dans le temps, en prenant vraisemblablement appui sur les fameux « pouvoirs implicites » reconnus aux régions par l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 (DOUCET, 1988, p. 53). En outre, le projet tel que pensé dans ce rapport limite la vente à réméré aux ventes d’immeubles par les pouvoirs publics.

5.2.5. Les droits d’enregistrement

La vente à réméré est une vente sous condition résolutoire. Cette vente donne lieu à la perception immédiate de droits d’enregistrements. Par contre, l’exercice du réméré, c’est-à-dire en cas de rachat du bien par le vendeur initial, n’est pas soumis aux droits d’enregistrement s’il est effectué dans les conditions prévues par la convention et par la loi (CUVELIER A., 1994, p. 107). Le bien n’est censé n’avoir jamais quitté le patrimoine du vendeur. En outre, l’exercice de la faculté de rachat n’ouvre pas au profit de l’acquéreur initial un droit à restitution de partie du droit payé pour l’achat. L’exercice d’une clause de réméré n’est pas une revente au sens de l’article 212 du Code des droits d’enregistrement.

Notons que le Code Civil prévoit en son article 1673 que le vendeur qui rachète son bien doit rembourser, outre le prix principal, les frais et loyaux coûts de la vente en ce compris les droits d’enregistrements. Une telle disposition devrait être également prévue dans le CWATUP le cas échéant.

Si le réméré est exercé par le vendeur en dehors des conditions prévues par la convention et la loi, il s’agit d’une véritable revente. L’impôt est calculé sur toutes les sommes que le vendeur décaisse pour récupérer son bien.

5.2.6. Conclusion

« La solution décrite ci-dessus n’est pas de nature à léser les intérêts légitimes de la personne qui acquiert un fonds en vue de l’utiliser selon sa destination, d’y construire, par

CHAPITRE I :LES OUTILS DUNE POLITIQUE DAMÉNAGEMENT ACTIF 41 exemple, des bâtiments. En revanche, il constitue un obstacle radical à toute spéculation sur la valeur des terrains auxquelles s’applique ce régime foncier »119.

A noter également que « la systématisation du recours au mécanisme de la vente à réméré ou avec faculté de rachat implique une gestion foncière qui peut être assez lourde » (HAUMONT, 1990, p. 457). En effet, il s’avère nécessairement de contrôler si l’affectation donnée au terrain vendu aux particuliers est conforme à celle prévue dans l’acte d’aliénation.

Fixer un délai maximum pendant lequel la faculté de rachat pourrait s’exercer permet déjà de limiter la lourdeur du système.