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CHAPITRE V : FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE *

1. LE FINANCEMENT DES COMMUNES WALLONNES : ANALYSE STATISTIQUE

1.3 D' OU PROVIENNENT LES RECETTES COMMUNALES ?

1.3.1 Les trois vecteurs de financement des collectivités locales

En adaptant au cas belge la classification de Gilbert & Guengant (1991), on peut retenir trois vecteurs principaux de recettes financières pour les collectivités locales (figure V.1). Deux d'entre eux peuvent être déclinés en sous-vecteurs :

Les emprunts servent généralement à financer des travaux importants. Contrairement à d'autres pays (France, Allemagne) où cela est interdit, il arrive que certaines communes belges comblent un déficit de budget ordinaire4 par de l'emprunt. Depuis les mesures drastiques de gestion prises au début des années 80 (Heyndels, 1991), de tels cas sont devenus beaucoup moins nombreux et les emprunts sont généralement associés au financement des budgets extraordinaires. Toutefois, on remarque que ces dernières années les contraintes budgétaires de plus en plus fortes qui pèsent sur les budget communaux provoquent une recrudescence du recours à l'emprunt.

2 Ils ne doivent pas faire l'objet d'un accord des autorités de tutelles, représentées par le Fonctionnaire Délégué.

Remarquons toutefois qu'une décision récente du gouvernement redéfini le rôle du fonctionnaire délégué de sorte que toutes les communes voient leur liberté s'accroître en matière de délivrance de permis d'urbanisme.

3 Schéma de Développement de l'Espace Régional Wallon, document d'orientation en matière de développement territorial.

4 Le budget ordinaire correspond aux frais nécessaires au bon fonctionnement quotidien d'une administration. On y retrouve donc le salaire des fonctionnaires ou l'entretien des bâtiments et du charroi. Les dépenses qui modifient le patrimoine de la commune (achat d'un immeuble, d'un véhicule) sont reprises au budget extraordinaire.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 5 Les recettes issues de l'emprunt peuvent être considérées comme une « fausse ressource » puisque l'argent emprunté doit obligatoirement être remboursé, augmenté des charges liées aux intérêts. La commune devra donc puiser dans ses autres recettes pour financer le remboursement. La capacité d'emprunt sera déterminée par l'ampleur des moyens financiers disponibles et par le niveau des dépenses, en ce compris le remboursement éventuel d'emprunts antérieurs.

Figure V.1 - le financement des institutions communales en Belgique

Vecteur Sous-vecteur Origine des recettes

Emprunts - -

Fonds des Communes Dotations :

Montants non assujettis à une

obligation d'affectation Autres Fonds Transferts :

Les transferts constituent une dotation des pouvoirs supérieurs (Etat, Régions, Provinces) à la commune. Généralement l'ampleur du versement échappe totalement à l'action communale car il est fixé par le gouvernement central suivant des clés légales de répartition qu'il a lui-même fixé et qu'il est le seul à pouvoir modifier (Erauw & Gaube, 1998; Gilbert &

Guengant, 1991).

Lorsque les montants versés ne sont assujettis à aucune obligation d'affectation, on parlera de dotations (en Belgique, on utilise plus volontiers le terme « Fonds »). Dans le cas de montants accordés par le pouvoir subsidiant pour réaliser une tâche précise, on parlera plutôt de subsides. On constate directement le caractère plus souple de la première formule puisque dans le second cas il n'est pas possible de réaffecter les sommes concernées en fonction des aléas du territoire ou des options politiques du pouvoir communal.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 6 Trois buts différents sont poursuivis par les opérations de transfert. Les sommes versées peuvent être accordées en contrepartie d'impôts locaux réduits ou supprimés, servir à corriger les inégalités de ressources (on parle alors de "péréquation") et/ou de besoins et inciter au développement de nouveaux services (généralement par le biais de subsides).

Les recettes directes se composent de l'ensemble des rentrées financières sur lesquelles la commune à une emprise directe et individualisée. Principalement trois sous-vecteurs composent ce mode de financement.

La fiscalité locale est souvent perçue comme un symbole de l'autonomie communale. Il s'agit d'une série de mesures, sous initiative du pouvoir communal, visant à prélever de l'argent directement chez le citoyen.

Les impôts localisés consistent en un prélèvement périodique, le plus souvent annuel. Le calcul de la somme due se base généralement sur un montant variable d'un habitant à l'autre – l'ensemble des revenus, la valeur des biens immobiliers – sur lequel on applique un taux d'imposition commun.

L'autonomie fiscale est cependant souvent limitée. Dans de nombreux pays, la liberté se résume à la possibilité de fixer un taux d'imposition, plafonné ou non, sur une assiette fiscale définie par le législateur. C'est le cas en Belgique comme nous le verrons plus loin.

Les recettes de prestation et recettes de dettes représentent les deux autres volets qui composent ressources internes des communes. Les dividendes retirés de la fourniture de biens et services - piscine, salle de sport, spectacles, etc. - et les rentes retirées du patrimoine communal - loyers, etc. - constituent les recettes de prestations. Les intérêts et remboursements liés aux prêts consentis par la communes et les bénéfices des entreprises publiques dans lesquelles les communes sont partie prenante (régies, intercommunales, …) constituent les recettes de dettes.

Ces deux modes de financement - transfert d'une part, recettes directes d'autre part - constituent, pour le pouvoir central, des instruments aux objectifs opposés. En axant les revenus des pouvoirs locaux sur les transferts, le législateur aplanit les inégalités territoriales mais offre peu de liberté de gestion aux autorités communales. Au contraire, en privilégiant les recettes directes, l'Etat ou la Région offre aux édiles locaux l'instrument financier nécessaire au soutien des options politiques qu'ils se sont définis. L'histoire fiscale de la Belgique est jalonnée de mesures privilégiant l'un ou l'autre de ces deux aspects5.

1.3.2 Ventilation des recettes des communes wallonnes prises dans leur globalité

D'après les budgets de recettes ordinaires rentrés par les communes wallonnes en 1998, l'ensemble des rentrées financières des communes s'élève à 133,4 milliards de francs belges (figure V.2).

Nous avons signalé plus haut que les recettes ordinaires provenant d'emprunts sont exceptionnelles. Le Crédit Communal de Belgique, qui publie annuellement le détail de ces budgets, ne semble pas avoir comptabilisé les montants provenant de ce vecteur de financement.

5 Voir, par exemple, Van Dooren, (1998)

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 7 Un peu plus de la moitié des recettes des communes wallonnes proviennent des transferts de pouvoirs supérieurs (67 milliards de FB, soit 50,5% du total). Au sein de ce vecteur, les subsides versés aux communes sont plus importants (37,5 milliards de FB, soit 28,1% du total) que les dotations (29,9 milliards de FB, soit 22,4% du total).

Figure V.2 – Ventilation des vecteurs de financement des pouvoirs communaux en Wallonie d'après les budgets ordinaires de 1998

Taxes

Crédit Communal de Belgique (groupe DEXIA, 1998)

Les recettes directes (66 milliards de FB, soit 49,5% du total) sont dominées par la fiscalité locale (52 milliards de FB, soit 34% du total) au détriment des recettes de prestations et recettes de dettes (14 milliards de FB, soit 10,5% du total).

La fiscalité locale peut elle-même se décomposer en un impôt sur le revenu (20 milliards de FB, soit 15% du total), une taxe sur les biens immobiliers (20 milliards de FB, soit 15% du total) et d'autres taxes perçues en sus des prélèvements des autorités supérieures (1 milliard de FB, soit 1% du total) ainsi que différentes taxes entièrement définies et prélevées par les autorités communales (10,5 milliards de FB, soit 8% du total des recettes).

A l'heure actuelle, on constate un équilibre presque parfait entre les recettes transférées des autorités de tutelle et celles perçues directement par les administrations communales. Cet équilibre traduit bien le dilemme qui caractérise la politique régionale et nationale en matière de liberté des collectivités locales.

Comparé au reste du Royaume, les communes wallonnes apparaissent plus dépendantes des transferts financiers que les entités bruxelloises et flamandes (seulement 39% des recettes communales dépendent des dotations et subsides en Flandre et à Bruxelles réunis) et ce, au détriment de la fiscalité et des recettes de dettes, proportionnellement plus élevées dans le nord du pays.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 8 1.3.3 Evolution des modes de financement depuis 1980

La répartition que nous venons d'énoncer n'est pas statique : elle évolue d'année en année en fonction des décisions des mandataires régionaux et locaux et du volume des recettes issues des prestations et des différentes participations communales.

La figure V.3 reprend, à francs constants, l'évolution et la ventilation des recettes des communes wallonnes. On constate que ces dernières ont globalement augmenté d'environ 35% depuis la fin des années 70, passant de 58 milliards de FB de 1980 en 1978 à 78 milliards vingt ans plus tard6.

Figure V.3 – Evolution des vecteurs de financement des pouvoirs communaux en Wallonie depuis la fusion des communes (à francs constants de 1980)

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

1978 1983 1988 1993 1998

Fiscalite Fonds

Subsides Recettes de prestations Recettes de dettes

Millards de FB

Crédit Communal de Belgique (Groupe DEXIA, 1998), calculs personnels.

Cette augmentation des budgets communaux doit être mise en relation avec le gonflement des prérogatives communales (Conseil Supérieur des Communes et Provinces de la Région Wallonne, 1998) et les différentes réformes qui modifient régulièrement leur mode de fonctionnement7. Il semble d'ailleurs, à la lumière des récents événements, que ces recettes supplémentaires couvrent très difficilement la hausse des dépenses.

6 Tout les montants financiers qui suivent sont exprimés en francs de 1980.

7 Voir, par exemple, P-Y Goffaux (2000), Finances communales : impact des nouvelles décisions politiques, Documents, Notes du CEPESS, 4 septembre 2000.

CHAPITRE V:FISCALITE COMMUNALE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 9 La hausse des recettes ne touche pas tout les vecteurs de financement de manière uniforme. Alors que les dotations provenant du Fonds des Communes constituent la première source de revenu et plus du tiers du budget cumulé des Communes avant 1980, elles ne représentent plus qu'un cinquième des rentrées à la fin des années 90. En termes absolus, ce vecteur de financement s'est même érodé de 3 milliards de FB entre la fusion des communes et actuellement. Cette diminution se fait essentiellement par croissance de la fiscalité directe qui passe de 17 milliards de FB à la fin des années 1980 à 29 milliards actuellement. Le montant des subsides, à l'évolution plus erratique, a également cru depuis la fusion des communes (de 13 à 20 milliards de FB de 1980).

Remarquons toutefois que l'augmentation totale des subsides distribués aux pouvoirs locaux n'est pas pris en compte par ces chiffres. En effet, une partie des flux financiers ne transitent pas par le budget communal mais bénéficie aux intercommunales, aux A.S.B.L. publiques ou à d'autres structures autonomes mais dirigées par des édiles communaux. Il paraît toutefois très difficile d'en apprécier l'ampleur réelle.

Face à la lente érosion des recettes redistribuées par le pouvoir central, les communes wallonnes sont en quelque sorte livrées à elles mêmes. Il en résulte une pression fiscale directe en hausse et une dualisation croissante des pouvoirs locaux puisque le financement des communes dépend de plus en plus de leurs recettes propres et qu'en la matière toutes les entités ne disposent pas des mêmes avantages.