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Lecture contextualisée : des processus d’assimilation au rejet de l’autre

3 Contextualisation des rapports aux langues et à l’altérité

3.2.2 Lecture contextualisée : des processus d’assimilation au rejet de l’autre

Ce chapitre propose un survol rapide de la manière dont j’interprète l’histoire sud-africaine à la lumière de la construction des identités et des dynamiques altéritaires qui mènent au contexte actuel. On aborde donc la situation sud-africaine à partir de la période dite néerlandaise18, quand l’escale du Cap se transforme rapidement en colonie de peuplement, avant de passer sous domination britannique. Les conflits d’intérêts qui vont se jouer sur plusieurs siècles poussent à l’éclatement des identités collectives construites, puis à la formation d’alliances pour le pouvoir, vers l’apartheid.

3.2.2.1 Vers la colonie de peuplement : processus d’assimilation des différences

Le Portugais Bartolomeu Dias de Novaes est le premier Européen connu, en février 1488, à contourner l’Afrique et à dépasser ce qui sera par la suite appelé le Cap de Bonne-Espérance19, les relations avec les populations pastorales sont houleuses et le navigateur est de retour à Lisbonne avant la fin de la même année. Dix ans plus tard, son compatriote, Vasco de Gama, y retourne et aborde les côtes à l’Est qu’il nomme Natal20, avant de poursuivre son expédition jusqu’aux Indes, puis de rentrer au Portugal au tournant du siècle. Les Portugais ne colonisent pas l’Afrique australe et ne font qu’escale au Cap, alors délaissée par les grandes puissances, avant d’être convoitée par la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales21. Un premier comptoir est créé en 1645, puis en 1647 dans la baie de la Table, où des contacts

douter de l’efficacité de la redistribution des terres telle qu’elle a eu lieu ces dernières années, puisqu’elle me semble être une des conséquences directes de la perte de revenus du pays et de sa situation actuelle.

18 En anglais l’adjectif « Dutch » désigne à la fois les termes « néerlandais » et « hollandais ». Les sources sollicitent

diversement l’un ou l’autre des adjectifs, par exemple, la VOC (cf. note 21 infra) est communément appelée « compagnie hollandaise » dans différentes sources en langue française, alors que le terme d’origine est « neerlandsche », qui signifie néerlandaise. Lugan (1986) et Coquerel (1992a : 60) parlent des « Hollandais » pour désigner les colons ; Bullier distinguent les deux termes ici : « les premiers arrivants comprennent des néerlandais des provinces de Hollande, Zélande, Utrecht » (1988 : 51) mais les utilise indistinctement par ailleurs, pour désigner les personnes par exemple : « fermiers hollandais » (Ibidem 63), « les néerlandais » (Ibid. 81). J’adopte ici le terme de néerlandais, pour la langue et la nationalité.

19 Nommé ainsi par le roi Jean II du Portugal, B. Dias le nommait « Cap des tempêtes ». Il est aujourd’hui « Cape of

Good-Hope » en anglais sud-africain. 20

Région baptisée ainsi le 25 décembre 1497 en relation à la fête chrétienne de Noël.

21 Vereenigde Nederlandsche Ge-Octroyeerde Oost-Indische Compagnie (VOC) : « Née de la fusion de huit compagnies

sont noués avec les Khoïsan. L’établissement d’une station permanente sur place est décidé suite à un rapport aux autorités néerlandaises, dans l’instruction claire de ne pas coloniser cette partie de l’Afrique. De 1652 à 1662, la Compagnie est représentée par Jan Van Riebeeck, qui prend possession du Cap et y installe un comptoir commercial. Le développement de l’agriculture, nécessaire au ravitaillement des navires sur la route des Indes et à l’autosuffisance de la colonie, rencontre des difficultés. Le gouverneur concède alors des parcelles de terres à neuf Néerlandais : des « anciens fonctionnaires [qui] prennent le nom de Vrijburghers22» (Coquerel 1992a : 20) sous les conditions strictes de la compagnie. Ces « citoyens libres » s’installent à l’est du Cap où les premiers conflits liés à l’occupation et l’exploitation des terres éclatent avec les Khoïsan, rapidement mis en défaite par les armes à feu coloniales. Une pénurie de main d’œuvre voit l’arrivée d’esclaves javanais (Coquerel 1992a : 20) qui se fondent rapidement à la population néerlandaise, puis des esclaves malais, malgaches, angolais et guinéens : « les premiers Noirs atteignaient la région du Cap de Bonne–Espérance. L’histoire n’en est pas à un paradoxe près qui voit le début du peuplement noir de cette région comme une volonté de l’administration hollandaise » (Lugan 1989 : 53).

On recense environ 168 Blancs en 1670, qui arrivent seuls ou en famille d’où une certaine « homogénéité de la société qui se met alors en place au Cap : ces Blancs parlent des langues relativement proches et partagent un ensemble de valeurs communes, issues de la culture réformée » (Coquerel, 1992a : 21). Le nouveau gouverneur encourage l’immigration européenne à partir de 1680, afin d’asseoir numériquement la position de la colonie. Les Boers se déplacent de la colonie vers l’intérieur des terres où plusieurs villes sont fondées23. La France s’intéresse à l’Afrique australe dès la première moitié du XVIIe mais Colbert renonce à s’en emparer, notamment en raison des coûts à engager dans ce projet et le fait que le Cap reste accessible en temps de paix. Au-delà des voyageurs accompagnant les périples précédents, on peut dater l’arrivée du français24 en Afrique du Sud juste après 1685 au moment où, en France, le français devient langue de l’administration (Picoche, Marchello-Nizia 2001 [1998] : 30), mais également alors que la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV fait fuir certains Huguenots vers l’Afrique du Sud.

La Compagnie a besoin de voir augmenter sa population blanche, les Français aux Pays-Bas sont invités à se joindre aux Freeburghers volontaires pour le départ, surtout quand ils sont viticulteurs (Walker 1963 :

22 « Citoyens libres » en néerlandais : ce sont des citoyens libres par opposition à ceux restés fonctionnaires de la compagnie.

On leur donne des terres à cultiver, ils sont contraints en échange à subir les règles économiques de la Colonie. Variantes :

Vrijburghers, freeburghers, burghers.

23 Paarl est créée en 1679, Stellenbosch en 1680, Drakenstein en 1687. Les plus éloignés des colons sont alors dans un rayon de

100 km autour du Cap en 1700, rayon qui passe à 400 km en 1750, puis à plus de 800 km de la Baie de la Table en 1795 (cf. carte, annexe 1a p. 10).

24 Le français est ici entendu selon le sens que lui donne l’ordonnance de Villers-Cotterêts de François Ier de 1539 (Picoche,

Marchello-Nizia 2001 [1998] : 29), qui impose la langue du roi au pays, comme marqueur du début de la francisation : le français des Huguenots est à prendre dans le contexte de l’époque, il n’est sans doute ni arrivé sous une forme « homogène », ni n’a été la seule langue à arriver avec les Huguenots.

133 ; Lugan 1986 : 55). C’est à ce moment que le comptoir devient un véritable établissement agricole colonial plutôt qu’une escale de ravitaillement.

A leur arrivée en 1688, les Huguenots français représentent 1/5e de la population blanche de la colonie. Majoritairement viticulteurs et agriculteurs (avec quelques artisans, médecins et le Pasteur Simond), Simon Van der Stel leur accorde des terres à exploiter, qu’il place à proximité de celles des colons afin de ne « pas prendre le risque de leur accorder une autonomie territoriale trop importante » (Lugan 1986 : 56). En effet, le gouverneur est « inquiet que ne se développe une situation semblable à celle du Québec » (Coquerel 1992a : 21), il les contraint donc à se disperser entre Drakenstein et Stellenbosch, parmi les fermiers néerlandais et allemands.

Walker commente l’attention néerlandaise à la perte de l’identité française25 : « les colons français n’étaient pas autorisés à rester français » (1963 : 133), que ce soit en termes politiques, de nationalité, mais aussi en termes linguistiques et culturels. Les quelques 180 Huguenots sont installés au Nord-est du Cap (région de Paarl) par la Compagnie et l’arrivée de pasteurs et instituteurs français est rapidement interdite. Attachés à leur(s) langue(s) et à leur culte religieux, les Français demandent en 1689 l’autorisation d’ouvrir un temple dans lequel prier en français, ce à quoi les autorités consentent sous la condition que les enfants apprennent obligatoirement le néerlandais à l’école. La population française sur place comportant de nombreux jeunes, cette mesure participe à la régression de cette langue.

En 1702, Adriaan Van Der Stel, fils et successeur du précédent gouverneur, rend les prêches en néerlandais obligatoires, « ne tolérant l’usage du français que pour les vieillards ne parlant que leur langue maternelle » (Lugan 1986 : 57). En trente ans, le français n’est plus parlé dans la colonie. L’exploitation particulière des terres agricoles et viticoles allouées aux Huguenots a rendu la région visible dès cette période sous le nom du « coin français » (« De Fransche Hoek » en néerlandais) jusqu’à nos jours (désormais Franschoek). C’est une des seules traces du passage des Huguenots26, accompagnée par les patronymes français qui se sont « afrikanisés »27 avec le temps, certains traits de la religion protestante (cantiques, liturgie) ainsi que des noms de propriétés vinicoles ou de régions du Franschoek, réexploitées plus récemment dans la région du Cap.

25 « The [VOC] authorities could not forget that, although they were refugees, they belonged to the nation whose king was still

threatening the very existence of the Republic. Moreover, France had latterly become a dangerous rival in the East. Hence the French colonists were not to be allowed to remain French. The sooner they lost their nationality the better the XVII would be pleased » (Walker 1963 : 133).

26 The Cambridge History of British Empire mentionne toutefois une intervention française ponctuelle pour protéger le Cap des

Britanniques en 1781, qui aurait relancé l’économie locale et une certaine vie culturelle sur place : « Cape Town became a gay little town with a French theatre and with manners and morals that led to its being described as a miniature replica of Paris » (Walker 1963 : 159).

27 Terme utilisé par Coquerel (1992a : 21). Cf. Lugan pour des exemples de patronymes et leurs origines (1986 : 57-59), par

exemple : du Pré est devenu Du Preez, Villon est devenu Viljoen ; certains demeurent intacts, comme Joubert ou Durand. Cf. Boucher (1983) pour un parcours détaillé des Huguenots français, de différentes régions de France à la colonie du Cap, pendant le premier siècle de la colonisation sud-africaine.

Le XVIIIe siècle voit l’arrêt de l’immigration européenne, qui est une population difficile à contrôler par la Compagnie, au profit d’un accroissement de l’importation de population servile, à tel point qu’en fin de siècle cette dernière est plus nombreuse que celle des colons. Pour asseoir sa domination, la Compagnie doit faire en sorte que le projet d’installation se structure dans une perspective coloniale, soit en s’assurant que les populations européennes demeurent sous l’allégeance néerlandaise et que les populations esclaves restent asservies. Si l’installation des Huguenots français a été contrôlée par la Compagnie, ce projet semble menacé par d’éventuelles revendications à venir des premières générations nées sur place, qui risquent de faire éclater le groupe « néerlandais », rallié sous cette dénomination pour justifier la présence de la Compagnie.

Ce groupe, pour des raisons d’autonomisation face à la VOC tout autant que des raisons religieuses, va éclater en différents groupes identitaires tels que les Néerlandais, colons et membres de la VOC ; les (Vrij)burghers ; les Boers ; puis les Trekbœrs qui s’enfoncent dans les terres (du Cap vers l’Est, cf. annexe 1a, p. 10). L’avancée dans le pays de ce groupe fondateur du groupe afrikaner, agissant selon des principes politico-religieux marqués, est favorisée par la possession de chevaux et d’armes à feu. Les « guerres cafres » ont déjà commencé, notamment contre les Xhosa. La VOC s’y oppose et n’obtient des Boers que la proclamation de la première république des Vrijburghers, les émancipant de tout engagement avec la compagnie coloniale néerlandaise. Ce tournant va marquer une identification locale de ces groupes en tant qu’« Africains » (donc comme légitimes sur place), qui revendiquent leurs origines européennes, notamment par distinction des autres populations avec lesquelles ils sont en conflit.

C’est au tournant du XIXe siècle que le rejet de l’autre va s’exacerber. Les Trekboers s’organisent en

kommandos quand ils rencontrent des résistances à leur avancée dans le pays, ou quand ils souhaitent

régler des conflits de bétail. Les peuples khoïsan sont bientôt réduits en esclavage ou refoulés vers le Nord. Certains sont asservis, d’autres le refusent comme les Griqua28, qui migrent vers la région confluente des fleuves Vaal et Orange, accompagnés d’autres Khoïsan. L’avancée des Trekbœrs vers l’Est aride les fait également rencontrer les premiers Noirs (hors esclaves), du groupe linguistique Nguni29 vers 1775 : cette rencontre de deux peuples pasteurs, éleveurs, donne lieu à un siècle d’affrontements liés aux frontières géographiques du territoire de chacun, ce qui donnera lieu aux huit « guerres cafres » (Lugan 1986 : 63, Coquerel 1992b : 27) entre 1779 et 185330. La VOC est en faillite en 1793, notamment en raison de la perte de ses marchés européens, dont s’emparent les Britanniques et les Français.

28 Nés de pères néerlandais et de mères khoïsan.

29

Dont les Xhosa, les Zulu et les Swati, leur territoire s’étend sur la bande fertile entre l’actuel Swaziland et l’est de la Province du Cap.

3.2.2.2 L’affirmation de la distinction des identités

En 1795, les armées françaises occupent les Provinces Unies soutenues par les contestataires de Guillaume d’Orange qui se réfugie à Londres. Les Anglais s’installent au Cap de peur que les Français ne le fassent, mettant ainsi fin à 150 ans de domination néerlandaise sans partage. Des politiques ambiguës prennent alors place : la VOC essaient de ménager Khoikhoi, Xhosa et Boers. Les Britanniques vont prendre le pouvoir tout en tâchant de s’allier les Boers, dont certains quittent la colonie en 1835 pour démarrer le grand trek, fuir la domination britannique et vivre selon les préceptes que les Voortrekkers31 interprètent dans la Bible32. Ce trek a longtemps été présenté comme un symbole mythifié de la libération boer du joug britannique, une libération biblique d’un martyr en partie lié à la menace de cette langue et la culture afrikaner dans un contexte d’anglicisation (Barbier 2001). Si on « se livre à une lecture idéologique du grand trek » (Coquerel 1992a : 36), il est bien le résultat d’un heurt entre Boers et Britanniques que tout oppose. Coquerel décrit les communautés boers comme « très marquées par leur environnement africain, aux mentalités conservatrices, imprégnées de mysticisme, animées d’une foi austère et sincère, parfois proche du fanatisme, caractérisée par un individualisme forcené et une indigence culturelle » (Ibidem) ce qui les poussent à partir en quête de la terre promise, alors que les Britanniques, nourris par le contexte européen, sont opposés au racisme et cultivent un sentiment de supériorité sur les Boers.

La cohabitation avec les Britanniques est un choc pour les Boers, qui « subissent de plein fouet le choc idéologique et culturel du XIXe siècle dont les modèles fondés sur le rationalisme et le libéralisme sont très éloignés des schémas de pensée élaborés dans la colonie du Cap durant un siècle et demi » (Coquerel 1992a : 31). En réaction à la population boer qui gronde, les 4 000 Britanniques présents en 1806 sont rejoints par 5 000 de leurs compatriotes en 1820 afin d’établir un certain équilibre démographique en cas de conflit. L’Afrique australe compte alors 15 000 Blancs. La manière d’administrer la colonie de Londres ainsi que la position britannique en faveur d’une certaine défense des autres populations va heurter les convictions boers et susciter de nouvelles tensions. Si l’égalitarisme et l’individualisme règnent chez les Boers, leur relation avec les autres groupes de populations « évolue vers un racisme de plus en plus dogmatique » pour Coquerel (1992a : 25). Pour oser un raccourci, le XIXe siècle va être celui de la conquête des espaces et du pouvoir.

Les Voortrekkers vivent en quasi-autarcie dans des micro-états fragiles exposés aux menaces des groupes africains et aux ambitions britanniques qui les considèrent toujours comme des sujets. Cette situation pousse les premiers à prendre leur autonomie et à se fédérer autour de leurs principes en une nation

31

Membres du grand trek, 1834-1846.

32 Les Trekboers et les Voortrekkers se voient comme le « peuple élu » sur le chemin de la Terre promise (Lugan 1989 : 88).

afrikaner. Ils créent les états libres d’Orange et la république du Transvaal en 1837 (cf. cartes aux annexes 1a et 1b, p. 10 et 11). A partir de 1835 et jusqu’en 1848, le grand trek se compose de plusieurs vagues de migration durant lesquelles des micro-états sont fondés. Cette colonisation provoque de profonds bouleversements dans des espaces déjà soumis à l’émergence du royaume zulu. Ces régions, affaiblies par le Mfecane33, seront envahies par les Boers, puis écrasées par la puissance militaire britannique. Les territoires libres commencent à se faire rares et suscitent un « immense brassage des peuples » (Lugan, 1989 : 100). La modernité des armes européennes fait finalement battre en retraite les traditions guerrières africaines en affirmant une domination coloniale britannique sur tous. Le groupe boer va s’en distinguer en se construisant une légitimité africaine face à eux, tout en se fédérant autour d’un noyau politique et religieux. Ces deux groupes d’origine coloniale vont tour à tour exploiter les autres populations dans leur quête du pouvoir.

La création des deux républiques Boers, dans la première moitié du XIXe siècle, amène l’ère d’une séparation sociale et spatiale. C’est en effet à cette période qu’il semble que la relation des Boers change à l’égard des populations noires : d’une attitude paternaliste quand « les serviteurs, nés sur les terres de leurs maîtres, demeuraient souvent attachés à ces derniers » (Lugan, 1986 : 105), ils passent à une considération des « Noirs34 » comme représentant l’ennemi. Au milieu du XIXe siècle, les Boers installés en Orange ou dans le Transvaal doivent établir des rapports de coexistence avec les Noirs puisque, même s’ils préfèreraient ne pas avoir à les inclure à leur organisation, ils sont conscients de la main-d’œuvre indispensable que ces populations représentent pour un développement vible de leurs États. Dès les années 1838-1840, des territoires séparés apparaissent, les peuples noirs sont poussés à la sédentarisation et isolés les uns des autres par les établissements boers. A partir de 1849, les Noirs ne peuvent plus pénétrer sur le territoire des Blancs, sauf s’ils travaillent pour eux (Lugan 1989 : 106). Dès 1856, le

Grondwet, loi fondamentale du Transvaal, proclame l’inégalité des Noirs et Blancs, alors que leur

interdépendance économique et sociale s’accroît. Les fermes boers sont isolées donc fragiles, la seule manière que trouvent alors leurs propriétaires pour en garder le contrôle est une répression massive en cas de soulèvement35. Certains conflits sont l’objet de négociations entre Boers et Britanniques, notamment à travers l’exemple de la Convention de Sand River en 1852, où les Boers acceptent de renoncer à soutenir

33 Le « martèlement » ou « l’écrasement » en zulu, l’Impi correspond aux descentes zulu dans différentes régions pour

s’approprier terres, personnes et biens, qui auraient vidé le plateau central sud-africain dans lequel se sont installés les Trekkers.

34 Les « Noirs » regroupent ici, par amalgame, toutes les populations considérées « non-européennes » me semble-t-il.

L’expression est reprise ici des ouvrages historiques faute de mieux, mais en soulignant que cet amalgame a perduré et a été exploité par la suite dans le pays.

35 A l’exemple d’un soulèvement noir en 1854, au cours duquel 23 boers sont tués : en retour, un kommando boer s’organise et

les Sotho en échange de l’indépendance des communautés établies au Transvaal. Londres ratifie la convention, puisque la colonie du Cap, point essentiel vers la route des Indes, est sécurisée.

Existent alors deux colonies britanniques et deux républiques boers (cf. carte, annexe 1b, p. 11), fonctionnant de manière autonome et très différente, notamment dans leurs rapports aux autres populations. L’état boer reprend le fonctionnement traditionnel de la VOC, l’autoritarisme règne, le calvinisme devient la religion d’État, l’usage exclusif du néerlandais est appliqué aux textes officiels tandis que l’afrikaans est utilisé au quotidien. Une rigoureuse politique de discrimination « raciale » est instaurée : le droit de suffrage censitaire n’est accordé qu’aux Burghers et l’article 9 de la constitution du Transvaal stipule que « la nation ne reconnaît aucune égalité entre les Blancs et les Indigènes36 » (Coquerel 1992a : 45). La constitution de l’État libre d’Orange précise en article 1 que « seuls les Blancs sont citoyens de la République » : les Voortrekkers, selon Coquerel (Ibidem) mettent en place leur