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2 Approche de terrain et production d’observables

M- O-T Mot épelé ou avec rupture

2.2.3 Approche et posture

La période d’apaisement et de liesse due au passage à la démocratie semble retomber et les premières mises en place des politiques nouvelles ne peuvent bien sûr pas résorber plus de quarante ans d’apartheid officiel en dix à quinze années. La ségrégation « raciale » se redéploie en ségrégation sociale, la grande majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et la violence se développe. Je remarque très clairement le manque de mixité des espaces sociaux53, mes questionnements autour du rapport à l’altérité me sont difficiles à expliciter pour moi et pour l’autre, tant ils sont nombreux et variés. Je réfléchis donc à la manière de prendre en compte et de travailler avec la notion d’altérité ainsi que celle d’expliciter mon parcours et mon implication, vers la manière dont je propose de « tisser » une interprétation.

Comment travailler avec des rapports à l’altérité très différents, puisque « logiquement, si l’on a affaire à l’altérité, on ne peut vouloir la manipuler, puisqu’elle perdrait alors ce qui la fait « autre » » (Robillard 2007b : 97) ? Pour ne renier ni l’apport de ma construction ni celle des témoins de la recherche dans la contextualisation de ce travail, il me fallait les travailler ensemble, en premier lieu parce que : « nous sommes différents les uns des autres, cette différence n’est pas « à déplorer car elle serait source de « subjectivité », mais à revendiquer, parce qu’elle est sans doute fonctionnelle et constitutive de notre humanité » (Robillard 2007b : 94). Travailler la rencontre des différents points de vues va me permettre de reconnaître explicitement leur importance dans la production des observables. Même si je suis dans le rôle de l’apprentie-chercheure et que c’est moi qui construis la présente recherche, je ne peux le faire que

53 Ce manque de mixité aura d’ailleurs légèrement évolué en 2009. Il me semble aujourd’hui dépendre notamment des villes et

grâce à mes interlocuteurs : c’est un travail de co-construction en tant qu’« attitude de rupture avec une conception asymétrique de la science fondée sur la captation d’informations par un observateur absolu qui surplomberait la réalité étudiée, mais n’en ferait pas partie » (Laplantine 1996 : 21).

Cette notion de posture a une importance notamment pratique et éthique, dans la manière dont l’entretien avec un témoin se déroule par exemple (Kaufmann 1996 : 47-48) avec les places/ rôles qui s’y jouent (comme vu supra). La posture revêt de plus une importance épistémologique puisque c’est la question du « comment (on veut) construire » une recherche et « pour quoi faire » qui va mettre en avant les « outils » les plus pertinents à investir et construire la viabilité de la recherche. Je me rapprocherai donc de la manière dont Robillard parle d’ontolinguistique, en tant qu’elle postule « l’importance des postures autant que des méthodologies » et questionne les notions que l’on utilise (2007b : 192).

Pour insister sur l’importance de choisir des méthodes adaptées à la recherche envisagée, je ne parlerai pas de méthodologie, qui rappelle trop une approche immédiatement disponible, « prête à l’emploi » quelque soit la recherche envisagée, mais de méthodes (re)combinables et (ré)adaptables en une approche de recherche contextualisée, élaborée « sur mesure » (Castellotti, Moore 2008b). Ce choix met également en avant l’intérêt de pouvoir faire appel à une approche plurielle dans le sens où l’on peut solliciter l’apport de plusieurs champs disciplinaires et les combiner, en fonction de chaque recherche, pour éclairer la construction de l’interprétation sous plusieurs angles.

Pour travailler ensemble ces différents rapports à l’altérité, il me fallait proposer une contextualisation de l’Afrique du Sud, tant dans son histoire que dans sa situation éducative qui est en pleine évolution. J’étais donc dans une approche réflexive de ma recherche sociolinguistique et didactique (Blanchet 2000, Robillard 2007b). Réflexive dans l’explicitation et l’analyse des aléas du terrain, ce que Beaud et Weber appellent les « surprises » (2003 : 297), et aussi critique car, en explicitant les conditions historicisées de construction des observables, j’explicitais mon implication dans la recherche (Blanchet 2000, Heller 2002, Robillard 2007b).

Il me semble en effet qu’il n’y ait pas d’autonomie du récit car celui-ci est construit par le chercheur : sa « signification est liée à l’activité de celui qui pose la question du sens » (Laplantine 1996 : 38). La recherche consiste donc en la confrontation d’un chercheur, particulier, et d’un groupe social et culturel, particulier lui (et ses membres) aussi. C’est cette rencontre et cette « interaction entre un chercheur et ceux qu’il étudie » que Laplantine (Ibidem) qualifie de « terrain » et que j’entends ici comme tel. Cela implique de fait une inclusion de l’observatrice que je suis aux côtés des « observés », en tant qu’observatrice aussi bien qu’observée, je construis comme je suis également construite, ce que Latour qualifie d’ « anthropologie symétrique » (1996 : 55, 67). Je suis donc, pour cette recherche, dans une position que Robillard qualifie d’ « altéro-réflexive » (2007b) dans le sens où construire une

représentation de l’autre me construit et que ces deux constructions participent d’un même processus « à la fois archéologique et téléologique : il est impossible de parler de l’autre si on ne s’autorise pas à exister face à lui » (Ibidem 98). Cette position est entendue comme « une interaction fondée sur une bonne connaissance de comment on se construit face à la construction de l’autre » dans un processus contextualisé (donc historicisé, cf. infra), pour « conserver, transformer et articuler ce qu’on a appris grâce à l’autre […] en fonction d’un projet de vivre ensemble » (Ibid. 121-122).

Le projet de la recherche de thèse étant de développer une analyse des observables construits au sujet de la situation sud-africaine, on ne développera pas plus avant la manière dont je continue de me construire en relation à cette recherche : « ce n’est pas soi qui importe mais l’autre (homme, femme ou objet) dans sa spécificité, sa différence, sa variation » (Laplantine Op. Cit. 48). On peut simplement noter que les connaissances produites continueront à me servir au delà de cette recherche (sous forme d’ « expérience »), dont les instruments conceptuels et l’organisation pourront être réinterprétés par d’autres. Le chercheur agit donc sur sa recherche tout comme la recherche agit sur lui en retour. Je n’utilise pas l’expression d’objet de recherche pour parler de l’interprétation produite car, dans sa conception durkheimienne, l’objet est « ce qui parvient à être séparé de la connaissance commune et de la perception subjective du sujet grâce à des procédures scientifiques d’objectivation » (Kaufmann 1996 : 19) : la recherche est-elle séparée de la « connaissance commune » ou vient-elle plutôt l’alimenter par une interprétation54 ? Comment objectiver une connaissance produite en interaction, par l’apprentie-chercheure et le témoin ? En effet, si l’on prend cet exemple, ce sont deux personnes situées différemment, qui construisent une image de l’autre et un échange qu’elles n’interprètent peut être pas de la même façon (et qui peut être lu encore autrement). La « chosification du social », comme la nomme Kaufmann, et l’objectivation semblent difficiles quand on traite de dynamiques humaines, par définition mouvantes et variables au sein d’une même personne (ipse) et entre personnes (altérité).

La posture adoptée fait alors que, à l’inverse de Laplantine, je parlerai de construction et d’interprétation plutôt que de description55. Ce dernier terme revient selon moi à nier l’implication du chercheur, sa part active et agissante. La notion d’interprétation me permet de souligner la prise de conscience de mon implication à plusieurs niveaux, dans la co-construction des représentations sociales en entretien par exemple (infra), quand les représentations analysées sont à contextualiser selon les conditions de leur production, notamment la relation à l’apprentie-chercheure enquêtrice. C’est également le terme qui m’a semblé approprié parce que ce travail propose une lecture possible des observables construits en

54 A cela, Kaufmann rappelle que l’ethnométhodologie considère que « savoir commun et savoir scientifique s’enchaîneraient

dans une parfaite continuité » (1996 : 22), ce à quoi Blanchet fait écho (2007 : 274). 55

En fait l’auteur réinvestit la notion de « description » comme une « activité de construction et de traduction ». Sa démarche est donc peut-être proche de celle adoptée ici mais le terme me semble trop connoté, tout comme celui de « traduction » peut également être ambigu si le terme n’est pas explicité.

interaction, dans le sens où d’autres lectures permettraient d’autres interprétations. En effet, je ne cherche pas à présenter une description de la situation linguistique sud-africaine (et décrire n’est-il pas déjà proposer une interprétation ?) mais une interprétation dans le sens « explicatif » de Calvet (2002a : 109), où l’on prend en compte explicitement le processus social de ce que l’on construit dans le contexte où il est construit. On se situe donc dans la construction d’un « terrain » dans le sens de Laplantine (Op. Cit. 38) plutôt que dans un « recueil de données56 » qui n’attendrait que notre passage (ou celui d’un(e) autre) pour être récoltées. On parle donc de « production d’observables » selon l’expression de Feussi (2006 : 113), ce qui souligne l’inscription dans une démarche épistémologique constructiviste (Le Moigne 1994) d’implication et de situation du chercheur, tout comme du témoin, dans la recherche.

L’altérité et l’historicité sont donc à prendre en compte, pour la posture qui me convient le mieux dans ce cas, mais également pour une approche des dynamiques sud-africaines qui me semble la plus honnête (pour les témoins, pour le lecteur, pour moi) et la plus éclairante pour analyser les pratiques et les représentations des langues. Proposer une version de l’histoire du pays, c’est prendre en compte la manière dont le rapport à l’autre s’est construit, afin de proposer une analyse éclairante de la manière dont ce rapport à l’autre influence le choix des langues à l’école (cf. chapitre 3.2). Proposer une version de l’histoire du pays, c’est en même temps prendre en compte le fait que je relève d’une autre construction et donc d’adopter une posture critique à son égard. C’est revendiquer une certaine altérité à la situation sud-africaine en m’historicisant :

« (s’) historiciser, c’est revendiquer sa construction dans le temps, d’une manière qui n’est pas entièrement prédictible, son humanité [...]. S’historiciser pour un chercheur, pour une science, c’est s’humaniser ou l’humaniser en se souvenant de l’étymologie de ce terme : c’est aussi faire des propositions humbles sur ce que peut, sait, faire une science » (Robillard 2007b : 90).

Cette revendication sociolinguistique participe à marquer sa distinction d’avec les épistémologies positives et réalistes, à travers une épistémologie constructiviste (Le Moigne Op. Cit.) pour « expliquer comment on construit le monde, la place des langues dans ce monde » que l’on explore ici (Idem 93). C’est donc exprimer des réserves quant à d’éventuels points de généralisation de cette analyse, puisque mon travail est par définition la construction d’une interprétation « subjective » assumée en tant qu’interprétation située (Blanchet 2000 : 88). Ma responsabilité est donc d’expliciter la manière dont j’agis dans la construction de cette recherche afin de proposer une interprétation qui soit lisible. Cela commence en admettant qu’en construisant une recherche, je construis une représentation de l’autre : l’objectif n’est donc pas de chercher à « réduire au maximum le fameux paradoxe de l’enquêteur » de

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La même question revient à différents moments de ce travail : face à un terme problématique, faut-il en trouver un autre ou réinvestir celui qui existe ? Selon les cas, j’ai opté pour l’un ou l’autre des choix, mais je me pose la question à plus long terme sur le plan épistémologique.

Blanchet (Idem 42) mais à l’assumer explicitement. S’inclure subjectivement à la recherche est une des démarches de construction scientifique en ethnologie (Laplantine 1996 : 24), la réflexivité permettant « d’expliciter cette expérienciation, d’en dégager des enseignements » (Robillard 2007b : 125) de manière critique. C’est ce que Payet reprend sous la forme d’une critique inscrite dans une mise au jour de la complexité des processus. Elle permet de :

« Se garder tant de dédouaner les institutions de leur responsabilité que de se réfugier dans l’utopie d’un monde enchanté. Si l’ethnographie a un intérêt, c’est bien de montrer l’action dans son caractère incertain, inachevé, réversible, de saisir des acteurs pluriels, ambivalents, pris dans des dilemmes. C’est aussi d’articuler différentes échelles et plans de l’action, en passant du local au global et du global au local […] en conjuguant la scène observée avec d’autres scènes absentes au moment de l’observation, mais présentes dans une dynamique processuelle » (2005 : 173).

Puisque l’on travaille à partir des langues et de leurs représentations, cette complexité des processus évoquée par Payet est proche de celle travaillée par Robillard autour du « chaos » (2001, 2007b). Pour étudier de tels phénomènes, l’approche à construire (en raison des va-et-vient fréquents entre l’approche et les observables, en raison de questionnements, de recadrages, de l’évolution de la réflexion et des interactions sociales étudiées, etc.) doivent être adaptables et sont à adapter aux processuscontextualisés que l’on étudie.

Il en va de même en didactique du français, où l’historicisation revêt une importance dans le questionnement de l’étendue et des limites de validité des orientations didactiques à adopter selon les contextualisations. Castellotti et Moore (2008b) reconnaissent l’intérêt de la promotion du plurilinguisme en Europe tel qu’il est travaillé dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (désormais CECR), mais questionnent une éventuelle portée universalisante de la notion et des politiques linguistiques éducatives qui y sont associées. Je rejoins ici cette position selon laquelle : « il existe DES plurilinguismeS […] dont les constructions contextuelles invitent à imaginer des options politiques et didactiques – partiellement au moins – diversifiées » (Castellotti, Moore Ibidem 196). Le contexte sud-africain s’est en effet construit différemment en termes de « principes et valeurs » socio-historiques (Ibid. 197), ce qui implique un certain questionnement et recadrage catégoriel dans l’analyse ainsi, peut-être, que d’autres options didactiques à envisager que celles connues.

Étudier la situation sud-africaine, dans sa contextualisation, permet alors de prendre en compte explicitement son altérité, par exemple dans ses rapports aux langues et au plurilinguisme, face à une interprétation dans un travail de thèse européen et français (cf. chapitre 3.3). En retour, cela pourrait contribuer à « réinventer une didactique de la diversité et de l’hétérogénéité, du mouvant et du composite, du paradoxe et de la différence » (Id. 198). La didactique s’inscrit en effet dans une perspective de mondialisation où elle ne se veut ni universalisante ni relevant d’un particularisme essentialiste. En revanche, ce champ de recherche s’inscrit dans le XXIe siècle en tâchant de prendre mieux en compte le

lien entre l’école et le social, en tant qu’« espace d’action et de responsabilité politique et éthique pour nos sociétés contemporaines construites dans la diversité et la complexité » (Id. 200).C’est bien ce dont il s’agit en Afrique du Sud, à travers la question du devenir des langues, entre des politiques linguistiques élaborées principalement en fonction des torts historiques à « redresser » et des pratiques didactiques incluant des rapports aux langues et à l’autre qui en sont encore empreints.

Pour tenir compte de ces différentes contextualisations qui se rencontrent dans l’analyse (développées dans la suite de ce chapitre), on peut se pencher sur la manière dont j’ai tenté de traduire, négocier puis tisser l’interprétation proposée dans cette recherche. J’ai dans un premier temps utilisé le terme de « négociation ». « Négocier » pour ne pas faire cadrer les observables à des méthodologies pré-établies ou à mes représentations de départ, ni, à l’inverse, occulter la manière dont j’agis sur la recherche, mais en les travaillant en une construction commune : cette construction renégocie, complexifie mon regard pour proposer une analyse du contexte sud-africain qui tient compte de la situation de cette recherche de thèse française.

Ce que j’ai mis un certain temps à formuler sous le terme de négociation, je l’ai par la suite trouvé chez Laplantine sous la forme d’une « médiation sans fin qui cherche à rendre compte linguistiquement, culturellement et historiquement du fait que cet écart ne pourra jamais être totalement comblé » (1996 : 39). Sauf que je ne cherche pas à combler cet écart entre mes représentations et celles des témoins, entre les différents rapports à l’autre à partir desquels je travaille. C’est justement à partir de ces écarts que l’interprétation devient intéressante et pose des questions. C’est la rencontre altéritaire qui est riche, sans vouloir réduire l’autre à un idem. C’est justement parce que l’autre contient une part d’ipséité que je suis moi57 (Ricœur 1990). C’est l’explicitation de ces écarts qui rend la construction possible, qui fait que l’interprétation est une analyse scientifique : pour rendre compte de la complexité des processus, je me rapproche dans cette recherche de la position de Laplantine, selon laquelle « la description ethnographique inscrit le regard dans un contexte et une histoire » (1996 : 47), avec une démarche incluant une certaine conscience des contextes mis en jeu de manière réflexive et non universaliste. Cela permet d’inclure les champs de la sociolinguistique et la didactique des langues, qu’il me semblerait difficile de dissocier ou d’étudier séparément, dans un projet de recherche historicisé, situé et contextualisé explicitement58 donc (j’aimerais l’espérer) lisible, transférable et réinterprétable par l’autre,

57 Cela reprend de manière étonnamment proche la philosophie sud-africaine d’Ubuntu, développée au chapitre 4.3.2.

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Si j’ai une certaine conscience de ma situation en tant qu’apprentie-chercheure française (notamment), le fait de situer et de contextualiser mon propos ne sous-entend pas que je prétends échapper totalement à la construction dont je suis issue. Etre consciente et réflexive autant que faire se peut sur la manière dont le français s’est construit historiquement et donc sur la manière dont ma scolarisation a contribué à certains de mes construits inclut toutefois la conscience de ne pas être sure d’y échapper totalement (d’ailleurs peut-on ?). Je ne prétends donc pas atteindre « de manière stable» la posture qui pour le moment me semble viable car elle se construit constamment et procède plus du projet que d’un « label » estampillé une fois

quelque soit sa « discipline d’attache ». Cela répond donc à la question de la scientificité d’une telle production qui est donc lisible par l’autre en ce sens. Cette idée de négociation est également présente chez Robillard sous la forme d’une « traduction » :

« Traduire « l’autre parlant » à un autre. Traduire et pas « comprendre » pour insister sur la responsabilité du chercheur, pour souligner que l’on ne peut pas totalement « comprendre » l’autre sans attenter à son altérité, et que le mieux que l’on puisse faire est d’en proposer une traduction, téléologique elle aussi, influencée par le destinataire, les objectifs » (2007a : 124).

Cette traduction porte l’intérêt d’une « expérienciation à plus d’une culture » soit d’une analyse tenant compte de différents discours historicisés (Robillard 2007b : 124) pour produire du sens. Cette précision délivre donc le terme de « traduction » d’une connotation liée à la traduction littérale pour une traduction qui n’assimile pas radicalement l’autre par identification ou « identisation » (Tap 1986[1980]) mais dans un processus plus complexe, une négociation reconnaissant de l’autre en soi et de soi en l’autre (l’ipse de Ricœur) sur des plans pertinents pour la problématique en fonction des observables construits sur le terrain. C’est cette négociation, cette traduction, qui permet l’interprétation.

C’est une forme de tissage, en tant que « texture, […] ce qui est entretissé » (Porquier, Py 2004 :13), de « toiles de savoirs, de connaissances et de conséquences matérielles et symboliques »(Heller 2002 : 12) que le chercheur construit par « détissage et retissage » (Huver, Lambert 2008) pour (re)construire des catégories d’analyse pertinentes en fonction des questionnements de la recherche, dans une contextualisation59 donnée. Ce terme de « tissage » est peut-être même encore plus intéressant que celui de négociation ou de traduction dans le sens où il implique l’idée d’une recontextualisation supplémentaire (entre les fibres-observables construits sur le terrain et celles que l’on retient dans l’analyse) qui permet toutefois de conserver une visibilité de la contextualisation préalable. C'est-à-dire que, dans l’analyse, on a les fibres-observables et le produit de leur tissage-interprétation quand dans la traduction, la version finale est bien souvent seule60, sans trace du cheminement qui a mené au produit final. De la même manière dans la négociation, le terrain d’entente est retenu au détriment du processus qui y a mené. Le tissage serait alors l’exploration des proximités, frictions et entrechocs tissés entre les