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LE FORMALISME INFORMATIF, TECHNIQUE DE PROTECTION APPRECIE IN ABSTRACTO

267. Le consensualisme est intéressant en ce qu’il facilite la conclusion des contrats, puisque ceux-ci se forment par la seule rencontre des volontés, cette facilité a un revers : elle peut conduire à ce que le consentement soit donné sans réflexion, à la légère, surtout s’il est donné sans que la partie ne puisse apprécier la pleine portée de son engagement. Cette situation réside dans la discordance qui existe entre la volonté exprimée et la volonté réelle du contractant, si bien que ce à quoi il croit s’engager ne correspond pas à la teneur réelle de son engagement.

268. Afin permettre au contractant de prendre conscience que de la portée de son engagement par principe irrévocable, le formalisme trouve intérêt à s’appliquer. Il invite le contractant à plus de circonspection et attire son attention sur les éléments de nature à influencer sa réflexion dans le sens d’une acceptation ou d’un refus de l’offre de contracter qui lui est faite par le banquier. Il y différentes manifestations de ce formalisme. Probatoire, il permet aux parties de préconstituer la preuve de l’acte juridique. Ad validitatem, il impose une certaine forme de l’instrumentum à peine de nullité334. Formalisme d’opposabilité, protège-t-il les tiers dans le cas de la publicité légale d’un acte. Habilitant335, ce formalisme est requis en matière de représentation. C’est le cas de la conclusion d’un acte par le représentant d’un incapable qui contracte en son nom et pour son compte. Enfin, le formalisme peut revêtir un caractère informatif. C’est à notre sens l’illustration topique de la protection du consentement.

Ce n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser336, une technique très récente de protection. Dès les années 1930, le législateur a imposé au vendeur d’un fonds de commerce de mentionner dans l’acte de cession certaines informations337. Cette disposition est d’autant plus surprenante qu’elle s’applique entre commerçants, ce qui exclut l’idée reçue que le formalisme informatif est un formalisme typique du droit de la consommation. Cette même

334 Ainsi le cautionnement donné par une personne physique envers un créancier professionnel emporte-t-il l’obligation pour la caution de mentionner, par lui-même, l’étendue de son engagement. V. art. 341-2 du Code de la consommation, issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003.

335 B. THUILLIER, La représentation, étude de droit privé, th. Paris X, éd. 1996.

336 En effet, l’émergence de la consommation de masse, l’instauration du Code de la consommation, et surtout le développement des doctrines solidaristes, donne l’impression fausse que le formalisme informatif est né de ces phénomènes.

337 Loi du 29 juin 1935, devenu art. L. 141.1 du Code de commerce.

technique se retrouve dans des pans entiers du droit, en matière de contrat d’apprentissage338, dans l’enseignement à distance339, dans le mandat d’agent immobilier340, dans le contrat de time-share341, etc. Le domaine du formalisme informatif est donc large.

269. Il est de même pour les contrats liant la banque aux clients. Précisément, la matière cumule trois particularités qui rendent l’étude du formalisme informatif intéressant.

270. Tout d’abord la relation entre le banquier et son client est une relation d’affaires.

Or cette relation, à l’image des activités bancaires, est plurale. Précisément, le droit bancaire est le droit qui a pour objet de régir les activités exercées à titre de profession habituelle par les établissements de crédit342. Cela ne se résume pas au seul crédit343. L’activité bancaire vise toutes les activités exercées par le banquier.

Au terme de l’annexe I de la Directive n° 2006/49/CE du 14 juin 2006, la diversité de l’activité est palpable : la Directive régie la réception de fonds du public, les opérations de crédit et la mise à disposition de moyen de paiement. Ce à quoi il faut rajouter les activités extra-bancaires344 que sont la gestion de patrimoine, les opérations de change, la gestion financière et la gestion de valeurs mobilières. Dans le caractère très divers de l’activité bancaire peut être décelé des techniques de protection identiques : c’est le cas des règles visant à la protection du client par la protection du consentement.

Ainsi, le droit du crédit à la consommation, avec l’article L. 311-10 du Code de la consommation, le droit du compte avec l’article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier ou encore l’obligation de répondre à certaines exigences lors de la transmission d’information par le PSI à son client au travers de l’article L. 533-12 ont tous un trait commun : alors qu’ils touchent à des domaines très divers, ils se caractérisent par un certain formalisme. Le droit du compte impose l’écrit quand le droit applicable aux services d’investissement régit le contenu des documents remis à l’investisseur par le PSI en imposant l’écrit345.

338 Art. R-117-10 et suivants du Code du travail.

339 Art. L. 444-7 du Code de l’éducation.

340 Loi du 2 janv. 1970.

341 Art. L. 121-61 du Code de la consommation.

342 T. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 7ème éd., 2007, n° 2.

343 C. GAVALDA et J. STOUFFLET, Droit du crédit ; t. 1 : les institutions, Litec 1990, n° 1, p. 1.

344 C. GAVALDA et J. STOUFFLET, op. cit., n° 508, p. 343, qui emploient le terme « extra-bancaire », ce qui se réfèrent aux activités non-bancaires énumérées à l’article L. 511-3 du Code monétaire et financier.

345 A cet égard, en matière d’OPCVM, l’article 411-45-1 du Règlement général de l’AMF prévoit une disposition relevant du formalisme informatif en imposant la remise de documents écrits à l’investisseur, le prospectus complet et le prospectus simplifié.

271. Ensuite il peut a priori sembler que le formalisme informatif prône une forme rigide de l’instrumentum, qui opposerait aux caractéristiques de célérité et d’oralité de la pratique des affaires.

272. Enfin, la qualité des parties contractantes n’est pas sans incidence sur les règles qui organisent la protection par le formalisme346. Le formalisme est conditionné à la qualité des parties. C’est de la sorte que la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, dite loi Scrivener, relative au crédit à la consommation, exclut de son champ d’application l’emprunteur qui contracte en vue de financer les besoins de son activité professionnelle et les personnes morales de droit public347. Cette exclusion prise sur des considérations tenant uniquement à la qualité des parties illustre l’influence de la qualité de la partie sur la protection du client de la banque.

273. Le droit bancaire serait donc non seulement le droit régissant l’activité bancaire, mais aussi celui s’appliquant aux cocontractants de la banque. Il convient donc de relativiser le propos selon lequel il ne s’agirait que d’un droit de l’activité. Le professeur BONNEAU expose que le droit bancaire est à la fois « un droit des acteurs et un droit des activités »348.

Pour autant, prendre en compte la qualité des parties pour déterminer le champ d’application des règles protectrices du consentement n’inclut pas l’idée d’une protection qui tient compte de la situation personnelle du client. L’idée est que les techniques de protection du consentement peuvent avoir un caractère général lorsqu’elles s’appliquent indépendamment de la situation du client. C’est le cas du formalisme informatif. En sens, ces techniques de protection sont appréciées in abstracto (Section I).

Cette protection est en effet conditionnée par le recours à des critères légaux, la personne physique par exemple349. Nous montrerons en quoi cette technique est imprécise, voire injustifiée (Section II).

346 V. proposant une réflexion sur le lien entre le contenu matériel des dispositions protectrices et la qualité de la personne visée par celles-ci, C. NOBLOT, La qualité du contractant comme critère légal de protection : essai de méthodologie législative, th. Paris XI, Bibliothèque de droit privé, n° 382, LGDJ, 2002.

347 Art. L. 311-1 3° du Code de la consommation.

348 T. BONNEAU, op. cit., n° 2.

349 Ce critère de la personne physique » est retenu en matière de cautionnement lorsque le législateur impose la mention manuscrite de l’article L. 341-2 du Code de la consommation.

SECTION I

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