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Il convient en définitive de distinguer selon que l’accord du client a été reçu par le banquier ou non : c’est cette acceptation qui constitue le critère de distinction entre

LA PROTECTION PAR LA FORMATION SOLO CONSENSU DU CONTRAT DE PRET

B) L’influence du consensualisme sur les obligations des parties

56. Il convient en définitive de distinguer selon que l’accord du client a été reçu par le banquier ou non : c’est cette acceptation qui constitue le critère de distinction entre

ouverture de crédit et contrat de prêt.

57. Le législateur fournit une illustration de cette distinction entre engagement unilatéral et contrat, aux termes de l’article L. 311-15 du Code de la consommation :

« lorsque l’offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le

78 Cass. com., 21 janv. 2004, Bull. civ. IV, n° 13 , précité. V. aussi S. PIEDELIEVRE, JCP éd. G 2004, n° 16, p.

742-743 ; M. COHEN-BRANCHE, LPA 2004, n° 28, p. 5.

79 T. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 7 éd., 2007, n° 502.

droit d’agréer la personne de l’emprunteur, le contrat devient parfait dès l’acceptation de l’offre préalable par l’emprunteur ». Le banquier qui promet de créditer l’emprunteur, au travers de l’offre préalable, laquelle n’est qu’une invitation à contracter, est définitivement engagé par l’acceptation de cette offre. Précisément, le contrat n’est formé que lorsque son client y répond favorablement, et l’engagement du banquier devient alors un engagement de remettre les fonds. L’offre préalable joue alors le même rôle que l’ouverture de crédit : le prêteur s’engage, parfois pour une durée minimale80, à répondre à tout appel de son client qui accepterait la promesse. Ce dernier n’est engagé contractuellement sous l’effet du consensualisme qu’à partir du moment où il y répond favorablement. Si le consentement a une influence sur l’existence du contrat de prêt, il en a aussi une sur les obligations des parties au moment de la phase de naissance du contrat.

2° l’influence de la qualification de contrat consensuel sur la phase de naissance du prêt

58. Le « prêt consensuel » fait primer l’accord des parties sur la remise. Au moment de la remise, le contrat est déjà formé, la remise devient une obligation contractuelle, et non un élément de formation du contrat. Bien que la remise des fonds ne soit plus l’élément fondateur du contrat de prêt, il peut sembler paradoxal d’affirmer que les techniques de protection fondées sur le consensualisme ont renforcé l’importance de la traditio. La remise de la chose devient l’obligation de délivrer la chose. Or nous montrerons que cette obligation de délivrer les fonds trouve un intérêt nouveau dans la protection de l’emprunteur.

Il convient donc de définir la nature de l’obligation de remise des fonds. Dans le cas du contrat de prêt réel, déposer les fonds était une promesse de répondre à l’appel du client, ce qui s’analysait comme une obligation de faire. Quid de l’influence des techniques de protection fondées sur le consensualisme ?

59. Pour GRUA, la nature de l’obligation de remise des fonds est restée une obligation de faire, même pour les contrats de prêts formés solo consensu. Il justifie ce point de vue en avançant que l’obligation du prêteur consiste certes à verser une somme d’argent, mais que l’argent n’est pas utilisé ici « dans sa fonction de paiement (…) Il n’est que

80 V. ainsi l’article L. 312-10 du Code de la consommation qui impose au prêteur à maintenir son offre durant une durée de trente jours à compte de la réception de l’offre de financement immobilier par l’acquéreur.

l’instrument d’un service »81. Cette conception est séduisante : les fonds ne sont pas destinés à une acquisition, ils sont l’objet du service rendu par le professionnel du crédit, moyennant une rémunération pour ce service. Cette remise vue comme obligation au paiement d’une somme d’argent, l’emprunteur ne serait pas à l’abri d’une saisie d’un de ses créanciers qui aurait connaissance de l’existence du contrat de prêt. Celui-ci pourrait exiger la somme et l’emprunteur n’aurait alors plus qu’à rembourser la banque. Pareille solution s’appliquerait en matière de compensation lorsque le prêteur pourrait s’abstenir de délivrer les fonds au motif qu’il a contre son client une créance de somme d’argent. Elles seraient de même nature et rien ne les empêcherait de se compenser mutuellement. Ce n’est pourtant pas ce que la jurisprudence consacre, puisque l’emprunteur peut exiger l’exécution forcée.

60. Selon nous, l’application du consensualisme au contrat de prêt semble modifier les solutions retenues sous l’égide de la conception réelle du prêt. Comment concilier l’analyse de GRUA, qui ne voit pas d’obligation de donner, avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui consacre la théorie du contrat de prêt de nature consensuelle ? Cette dernière autorise l’emprunteur à pouvoir demander au prêteur l’exécution forcée de la remise des fonds. Nous rappelons ici que la solution fut formulée en ces termes : « le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel ; (…) l'arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par D. B. et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l'effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue82 ».

L’expression utilisée, « paiement de la somme convenue » doit attirer l’attention. Elle fait référence à l’existence d’une créance que l’emprunteur a sur sa banque, créance née du contrat de prêt. L’emprunteur est donc créancier sur sa banque de fonds promis. Or une dette de somme d’argent est une obligation de donner : elle ne peut donc être une obligation de faire.

61. Un autre argument vient renforcer ce point de vue. Pour le prêt de consommation, aux termes de l’article 1893 du Code civil, « l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ». Pour le prêt de la chose qui disparaît par son usage par l’emprunteur, ce qui est le cas

81 F. GRUA, Le prêt d’argent consensuel, D. 2003, p. 1492, spécifiquement n° 10. V. supra n° 50, la présentation de l’analyse de l’éminent spécialiste.

82 Cass.. civ. 1ère, 28 mars 2000, Bull. civ. I, n° 105, p. 70, précité.

du prêt d’argent qui a un caractère fongible, ce dernier en acquiert la propriété. Le banquier a, outre une obligation de donner, une obligation de transférer la propriété de la chose prêtée. En effet, les obligations de donner ont cette caractéristique qu’elles entraînent le transfert de propriété de la chose83, alors que la seule mise à disposition de la chose prêtée relève de l’obligation de faire, comme c’est le cas pour le bail.

Concernant l’argent, il convient de préciser le propos. La question soulevée par l’objet sur lequel porte l’obligation, la monnaie, étant spécifique84. Sur ce point, la doctrine, qui retient davantage la dichotomie entre les obligations en nature et les obligations monétaires que celles entre les obligations de faire et de donner85, décrit l’obligation de donner comme l’obligation de transférer la propriété d’un bien. En est-il ainsi de la remise des fonds par le banquier à l’emprunteur. La remise de fonds est donc une obligation de donner certes, mais aussi une obligation monétaire. Le contrat étant un contrat consensuel, comme pour la vente, le bénéficiaire de la promesse acceptée devient propriétaire des fonds promis, même si ce dernier a la charge de la restituer après usage. Cette situation n’est pas sans renforcer la protection de l’emprunteur. En effet, pour le cas où le banquier ne dépose pas les fonds promis, le client a une alternative, soit il demande l’exécution forcée, soit il décide d’attendre cette remise. La première solution se justifie par la nature de l’obligation de remettre les fonds, la seconde par le fait que l’emprunteur sera protégé par l’exception d’inexécution pour le cas où le prêteur lui demanderait de restituer ou de payer les intérêts.

62. La nature de l’obligation de restitution de l’emprunteur. Qu’en est-il justement pour les obligations de l’emprunteur ? Hormis l’obligation de respecter la destination des fonds prêtés86, quand elle est stipulée, l’obligation principale est de restituer les fonds avancés. Aussi est-il légitime de penser que cette obligation est influencée par la nature consensuelle du contrat.

Traditionnellement, il est avancé que l’obligation de restitution trouve son origine dans la loi et serait la contrepartie de la mise à disposition d’une chose pour en user, « à charge par

83 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., n°267.

84 J. CARBONNIER, Les obligations, Thémis droit privé, PUF, t. 4, 2004, n° 9 ; Ch. BRUNEAU, La distinction entre les obligations monétaires et les obligations de en nature, th. Paris II, 1974 ; R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, th. Paris I, 1992.

85 M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de l’obligation de donner, RTD civ. 1996, p. 85

86 V. J.-L. RIVES-LANGE et M. CONTAMINE-RAYNAUD, Droit bancaire, Dalloz, 1995, n° 354 ; J. HUET, Les principaux contrats spéciaux, Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, 2ème éd. 2001. n°

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le preneur de la rendre après s'en être servi87». L’analyse classique du contrat de prêt présentée est-elle toujours pertinente malgré le caractère consensuel du contrat de prêt du Code de la consommation ?

63. En premier lieu, le moment de la naissance de cette obligation de restitution ne

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