• Aucun résultat trouvé

L’intérêt de retenir la nature consensuelle du contrat de prêt tient à la question de la sanction du défaut de mise à disposition des fonds. Cette question a occupé en

LA PROTECTION PAR LA FORMATION SOLO CONSENSU DU CONTRAT DE PRET

B) L’influence du consensualisme sur les obligations des parties

47. L’intérêt de retenir la nature consensuelle du contrat de prêt tient à la question de la sanction du défaut de mise à disposition des fonds. Cette question a occupé en

jurisprudence, et en doctrine, une place relativement importante. Un arrêt de la première chambre de la Cour de cassation du 28 mars 200066, qui étend le caractère consensuel du prêt à tous les contrats conclus avec un professionnel du crédit nous fournit une illustration de ce contentieux. Les héritiers d’un emprunteur souhaitaient bénéficier du prêt négocié par le de

65 T. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 7ème éd., 2007, n° 502 et suivants.

66 Cass. civ. 1ère, 28 mars 2000, Bull. civ. I, n° 105, p. 70 ; JCP 2000, II, 10296, concl. Avocat général J.

SAINTE-ROSE; JCP N, 2000, p. 1270, note D. LOCHOUAM; Contrats, conc., consom. 2000, comm.. n° 106, obs. L. LEVENEUR; Defrénois 2000, art. 37188, n° 41, obs. J.-L. AUBERT; D. 2000, jur. p. 482, note S.

PIEDELIEVRE; ibid. 2000, somm. p. 1615, obs. M.-N. JOBARD-BACHELIER; D. 2001, somm. P. 1615, obs.

M.-N. JOBARD-BACHELIER; D. 2002, somm. p. 640, obs. D.-R. MARTIN ; H. CAPITANT, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, t. 2, 11ème éd. par F. TERRE et Y. LEQUETTE, 2000, § 270.

cujus, lequel n’étant pas encore formé, puisque les fonds n’ont pas été remis avant son décès.

Un accord définitif était venu, préalablement au décès, sceller la promesse de la banque qui a refusé de considérer le contrat de prêt formé, faute de remise des fonds. L’enjeu est de savoir si les héritiers pouvaient ou non procéder à cette remise par exécution forcée. La sanction de la non-remise des fonds est l’élément principal du contentieux. Le banquier est-il simplement soumis au versement de dommages-intérêts pour inexécution de la promesse de prêt acceptée ou bien peut-on le contraindre à l’exécution forcée et donc à remettre les fonds promis ?

48. La réponse dépendra de la conception retenue quant à l’élément qui fait naître le contrat de prêt, et donc dépendra de la nature de ce contrat. Durant un temps, et par le truchement d’arrêts anciens, il semblait que le débat devait être solutionné en faveur de l’attribution de dommages et intérêts, et cela depuis un arrêt de la première Chambre civile en date du 20 juillet 198167. Il faut donc admettre que l’inexécution d’une promesse de faire paraît interdire le recours à l’exécution forcée68.

En effet, l’ouverture de crédit, au regard de la conception traditionnelle du prêt, se distingue du contrat formé en ce que doit être encore effectué la remise des fonds. Le promettant s’engage seulement à répondre au bénéficiaire qui lève l’option. L’obligation du prêteur est une obligation de faire, qui sera sanctionné en cas d’inexécution par l’attribution de dommages et intérêts, conformément à l’article 1142 du Code civil.

La solution était malcommode et peu protectrice de l’emprunteur. Elle avait le désavantage d’être peu pratique pour ce dernier qui a pu déjà s’engager de son coté, croyant être certain de bénéficier du prêt en vue de l’acquisition souhaitée. Spécifiquement pour les prêts sans condition suspensive d’obtention du prêt69, le banquier, qui n’est pas contraint de s’exécuter en cas d’inexécution de la promesse de prêt, peut mettre en position défavorable l’emprunteur qui devra financer l’acquisition d’un bien en trouvant urgemment une solution de financement autre. L’exécution forcée paraît donc plus équitable en ce qu’elle évite un

67 Les auteurs avancent que l’exécution forcée d’une obligation de faire est exceptionnelle, on va lui préféré la réparation par dommages et intérêts. Elle ne se justifie en effet que lorsque est en cause le droit de propriété du créancier.

Le principe est le recours à l’article 1142 du Code civil qui prévoit que la sanction d’une obligation de faire est l’octroi de dommages et intérêts. On explique ce principe par l’adage nemo precise coi ad factum, on ne peut forcer quelqu’un à faire quelque chose sous la contrainte, qui protège ainsi la liberté individuelle, V. en ce sens, P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Droit civil, Defrénois, 3ème éd., 2007, n° 3 et 1129

68 F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 10ème éd., 2008, n° 190.

69 V. Art. L. 312-12 du Code de la consommation, relatif au crédit immobilier, qui impose de plein droit la clause résolutoire pour le cas de la non-réalisation de l’opération principale financée.

préjudice causé par une faute du banquier, l’inexécution de la promesse.

49. La conception réelle du contrat de prêt conduit enfin à distinguer l’ouverture de crédit du prêt70. Cette distinction apparaît comme juridiquement ténue. En effet, on peut admettre que la promesse ne diffère que peu de l’exécution de l’obligation contractuelle née du contrat de prêt. A notre sens, la distinction s’effectue suivant que l’option née de la promesse a été acceptée ou non. Une fois acceptée, la promesse entraîne, que ce soit par remise des fonds ou par la rencontre des volontés, la naissance d’un contrat dont le contenu des prestations est par avance déjà fixé.

Peu importe donc la conception du contrat de prêt d’argent retenue, réelle ou consensuelle, le banquier doit à terme s’engager sur les prestations convenues. Le contraindre à indemniser en cas de non-exécution de sa promesse purgerait alors l’engagement du banquier de tout sens et ferait disparaître toute anticipation légitime de réception des fonds par le client. Précisément, le banquier pourrait trouver avantage à indemniser plutôt qu’à délivrer les sommes promises. La promesse de répondre à l’appel du client ne serait alors qu’un vœu pieux, et ce dernier ne pourrait être protégé si la promesse donne droit à une obligation de faire.

Au XIXème siècle, les juristes soutenaient d’ailleurs déjà sans difficulté que la violation d’une promesse née d’un contrat réel pouvait être sanctionnée par l’exécution forcée71. En définitive, si l’on pouvait contraindre le prêteur à remettre les fonds, même s’il ne s’agit que d’une ouverture de crédit donnant droit à une obligation de faire.

Il n’y aurait alors aucune différence entre cette ouverture de crédit et le crédit lui-même : en effet, dès l’ouverture de crédit, si l’on admet l’exécution forcée, l’ouverture de crédit aboutirait, de la seule volonté du client, à l’exécution des obligations du contrat de prêt.

Le banquier ne pourrait opposer à ce dernier un refus légitime de déposer les fonds, autre que tiré de l’existence d’un vice du consentement donné par ce client. Pour autant, il ne semble

70 V. pour une illustration prétorienne de cette distinction, Cass. com., 19 mars 1996, D. 1996, IR, p. 111 ; RTD com 1996, p. 720, obs. A. MARTIN-SERF ; RD bancaire 1996, n° 127, obs. M. CAMPANA et J.-M.

CALENDINI ; Rev. proc. coll. 1996, n° 490, obs. E. KERCKHOVE.

71 En particulier, T. DJUVARA, Du prêt à intérêt, th. Paris, 1868, p. 170 ; J. TALYANDE, Du prêt à intérêt en droit romain et en droit français, th. Paris, 1867, p. 132-133 ; G. BAUDRY-LACANTINERIE et P. DE LOYNES, Du nantissement, des privilèges & hypothèques et de l’expropriation forcée, Larose, t. 1er, 1895, n°

7 ; L. GUILLOUARD, Traités du prêt, du dépôt & du séquestre, A. DURAND et PEDRONE-LAURIEL Editeurs, 1892,v° art. 1919, n° 11.

Et au soutien de ces analyses, CR Colmar, 8 mai 1845, DP 1845, 2, p. 219 ; S. 1847, 1, p. 117.

pas possible de pouvoir retenir la solution proposée par ces auteurs classiques. Le banquier doit en effet pouvoir se dédire si la situation de son client évolue défavorablement.

50. Si le consensualisme conduit à retirer tout rôle dans la formation de l’acte par la

Outline

Documents relatifs