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La Cour de cassation, reprenant le modèle consumériste du contrat de prêt à la consommation dans le souci de protéger tous les emprunteurs, étendit la modèle du contrat de

A) Une protection de l’emprunteur élargie par la jurisprudence

80. La Cour de cassation, reprenant le modèle consumériste du contrat de prêt à la consommation dans le souci de protéger tous les emprunteurs, étendit la modèle du contrat de

prêt consensuel à tous les prêts consentis par un professionnel du crédit par un important arrêt de la première Chambre civile du 28 mars 2000105. Elle jugea dans un attendu univoque « que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel », pour déduire « que la société UFB Locabail était, par l’effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue ». La Cour de cassation valide donc l’existence d’une technique de protection fondée sur le consensualisme.

81. Cette jurisprudence, réaffirmée106, conduit à penser que ce n’est plus la traditio qui rend l’acte parfait mais l’accord de volonté des parties sur les éléments substantiels du contrat de prêt. Cette solution vaut pour l’ensemble des prêts consentis par un professionnel

102 A cet égard, l’on peut constater que cette exclusion est définie sur des critères objectifs, ce qui permet de penser que la notion de rapport direct, utilisée par les tribunaux en matière de clauses abusives, ne pourra servir à viser certains professionnels. Ils sont donc tous exclus.

103 Cass. civ. 1ère, 8 juill. 1997, D. Affaires 1997, p. 1319 ; RD bancaire 1997, n° 167, obs. F. CREDOT et Y.

GERARD.

104 Cass. civ. 1ère, 27 mai 2003, JCP éd. G 2004, II, 10050, note BONNET ; Contrats conc. consom. 2003, n°

170, obs. G. RAYMOND ; Banque et droit sept.-oct. 2003, 74, obs. T. BONNEAU.

105 Cass. civ 1ère, 28 mars 2000, Bull. civ. I, n° 105, p. 70 ; JCP 2000, II, 10296, concl. Avocat général J.

SAINTE-ROSE; JCP N, 2000, p. 1270, note D. LOCHOUAM; Contrats, conc., consom. 2000, comm.. n° 106, obs. L. LEVENEUR; Defrénois 2000, art. 37188, n° 41, obs. J.-L. AUBERT; D. 2000, jur. p. 482, note S.

PIEDELIEVRE; ibid. 2000, somm. p. 1615, obs. M.-N. JOBARD-BACHELIER; D. 2001, somm. P. 1615, obs.

M.-N. JOBARD-BACHELIER; D. 2002, somm. p. 640, obs. D.-R. MARTIN ; H. CAPITANT, Les grand arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, t. 2, 11 éd. par F. TERRE et Y. LEQUETTE, 2000, § 270.

106 Cass. civ 1ère, 27 nov. 2001, Bull. civ. I, n° 297, p. 188 ; D. 2002, jur., p. 119, note Y. CHARTIER; JCP éd. G 2002, II, 10050, note S. PIEDELIEVRE ; Cass. civ. 1ère, 19 juin 2008, Bull. civ. I, n° 174 ; D. 2008, AJ, p.

1825, obs. X. DELPECH; D. 2008; chron. p. 2363, n° 6, obs. CRETON ; JCP éd. G 2008, II, 10150, note M.

CONSTANTIN ; Gaz. Pal. 2008, 5, p. 3398, obs. S. PIEDELIEVRE ; Contrats conc. consom. 2008, n° 255, obs.

L. LEVENEUR.

du crédit quelque soit le domaine pour lequel les fonds sont avancés. Aussi, il est pertinent de remarquer que, contrairement aux critères retenus par le Code de la consommation, la technique de protection n’est plus conditionnée par l’objet du contrat, mais par la qualité du prêteur.

La technique employée diverge manifestement de celle adoptée par le législateur qui a entendu protéger à raison de la « matière » et non de à raison de la « personne ». Doit-on considérer désormais que c’est uniquement le caractère professionnel du prêteur qui engendre la requalification du contrat de prêt en contrat consensuel ? On peut le penser au regard d’un arrêt rendu par la Première Chambre civile le 7 mars 2006107 dont l’attendu ne prête guère à l’incertitude : « le prêt qui n’est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise de la chose ». Il est donc permis de penser que quelque soit désormais l’objet du contrat de prêt, l’emprunteur pourra donc obtenir l’exécution forcée de la part du banquier dès lors que ce dernier a produit une offre de prêt acceptée par le client.

82. La chambre commerciale n’est toutefois pas en reste. L’on peut retracer l’évolution jurisprudentielle en deux temps : avant un arrêt du 11 février 2004 et depuis cet arrêt.

Pendant un premier temps, la Chambre commerciale sembla réticente, par un arrêt du 9 avril 2002, à adopter la même position que la Chambre civile, en affirmant que « la cause de l’obligation de restitution est la remise des fonds108 ». Elle réaffirma d’une manière moins nette sa position ultérieurement.

En effet, par un arrêt du 21 janvier 2004109, et sur une question touchant à l’ouverture de prêt, la Chambre commerciale rejeta un pourvoi contre un arrêt qui avait accordé à une telle ouverture le bénéfice du régime favorable des prêts garantis reconnu dans un plan de continuation de l’activité d’une entreprise en difficultés. Une ouverture de crédit fut accordée à une entreprise, garantie par un nantissement sur le fonds de commerce. Après sa mise en redressement judiciaire, la société a continué d’utiliser la réserve de crédit mise à disposition par la banque. Le plan de continuation prévoyait, pour les prêts garantis, des modalités de remboursement plus favorables que celles des autres créances. Excluant de ce plan la créance

107 JCP 2006 éd G, II, 10169, note S. PIEDELIEVRE.

108 Cass. com., 9 avr. 2002, n° 97-13093, Epoux Mounier c/ Crédit Lyonnais.

109 T. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 7 éd., 2007, n° 502 ; Rapport de Mme COHEN-BRANCHE, conseiller rapporteur, LPA 2004, n° 28, p. 5

de la banque née de l’ouverture du crédit, cette dernière agit en justice pour faire voir sa créance inclure dans le plan. Le pourvoi de la société débitrice soutenait « que l’ouverture de crédit est une promesse de prêt par laquelle le banquier s’engage à remettre les fonds dès que son client aura levé l’option », ce qui conduit à conférer une nature consensuelle au contrat de prêt.

83. La question est donc de savoir si l’ouverture de crédit110 au sens de l’article L.

313-1 du Code monétaire et financier, une fois l’option levée, vaut prêt. Cela conduit secondairement à déterminer si un accord de volonté portant sur le montant du prêt et ses modalités suffit à former le contrat. Techniquement, ce serait ainsi une utilisation par la Chambre commerciale de la technique fondée sur le consensualisme du contrat.

En d’autres termes, pour la Chambre commerciale, le contrat de prêt est-il aussi un contrat consensuel ?

L’attendu est net, « l’ouverture de crédit, qui constitue une promesse de prêt, donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client ». Deux éléments se dégagent de cet attendu.

Tout d’abord, l’ouverture de crédit fait naître au profit du client une promesse de prêt.

Celle-ci est une option qu’il peut saisir, la banque devant par la suite y répondre en lui remettant les fonds111.

Enfin, lorsque le contrat de prêt n’existe pas encore au moment de la promesse, quand le client n’a pas encore levé l’option, le banquier a simplement l’obligation de répondre, positivement ou négativement, à l’appel du client. Mais il n’a pas à mettre à disposition les fonds. La naissance du contrat de prêt n’interviendra donc qu’une fois la remise de ces fonds effectuée, comme l’attendu le suggère : « l’ouverture de crédit donne naissance à un prêt à concurrence des fonds utilisés par le client », autrement dit, le prêt naît une fois les fonds délivrés et utilisés par le client.

Cet arrêt ne retient encore pas la technique de protection fondée sur le consensualisme.

110 L’ouverture de crédit est selon l’article 313-1 du Code monétaire et financier « l’acte par lequel une personne, agissant à titre onéreux, promet de mettre à des fonds à disposition d’une autre personne ».

La doctrine la définit unanimement comme « la convention par laquelle un établissement de crédit s’engage à mettre un certain crédit, pour une certaine durée, à la disposition d’un de ses clients », V. notamment F. GRUA, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n° 324 ; Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET, Droit bancaire, Litec, 7ème éd., 2008, n° 3621 ; G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de droit commercial, LGDJ, 17ème éd., 2004, par Ph. DELEBECQUE et M. GERMAIN, t. 2, n° 2377 ; S. PIEDELIEVRE, Droit bancaire, PUF Thémis, 2003, n° 414 ; T. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 7ème éd., 2007, n° 502.

111 V. nos développements sur ce point, supra n° 35, infra n° 104.

84. Il en va toutefois autrement d’un arrêt de revirement de la Chambre commerciale

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