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La faculté de rétractation comme droit de se dédire

§ 1 - LES TECHNIQUES DE RETRACTATION DU CONSENTEMENT

A) La faculté de rétractation comme droit de se dédire

173. L’étude des règles relatives aux contrats que conclut le client avec sa banque illustre différentes hypothèses dans lesquels celui-ci bénéficie d’une faculté de revenir sur ses engagements. Parmi les facultés que prévoit le législateur, l’on citera, pour le crédit à la consommation, les articles L. 311-15 et L. 311-16 du Code de la consommation et l’article L.

121-20-12 du même Code pour le démarchage de produits bancaires et financiers227. Il s’agit donc de dispositions spéciales. Pourtant, ces techniques ne sont pas inédites.

174. Le caractère peu novateur de la rétractation de l’engagement en droit commun -. Déjà, le droit commun connaissait, en dehors de ces lois spéciales, des techniques de résolution du contrat, qui conduisent à l’anéantissement pur et simple de l’acte. Elles émanent de la volonté des parties ou seulement d’une seule partie. D’une part, la liberté contractuelle, si elle permet la formation du contrat sans intervention du législateur, par la seule rencontre des volontés, autorise aussi par parallélisme à le révoquer par mutuus dissensus228. Les effets de cette révocation sont pareillement déterminés par la volonté des parties, soit qu’elles ont voulu la rétroactivité229, soit qu’ils ne l’ont pas voulue.

D’autre part, pour les contrats conclus à durée indéterminée, le contractant peut révoquer la convention de son propre fait en vertu de la prohibition des engagements perpétuels. Tout au plus devra-t-il respecter l’exigence de bonne foi et procéder à cette révocation. C’est ainsi qu’en droit du travail, l’employeur devra justifier le licenciement de son employé230 ou en matière de crédit, le banquier devra notifier par écrit la rupture du concours à une entreprise et respecter un délai de soixante jours avant de le rompre effectivement231.

227 Issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 relative à la sécurité financière, et modifiée par l’Ordonnance n°

2006-387 du 31 mars 2006, la faculté de rétractation de l’article L. 341-16 du Code monétaire et financier est modelée sur celle de l’article L. 121-20-12 du Code de la consommation qui intéresse la vente à distance aux consommateurs de produits financiers. Ainsi, ce délai est de quatorze jours à compter de l’engagement de la personne démarchée ou de la remise des conditions contractuelles et des informations si celle-ci a lieu après la signature du contrat par les parties.

228 R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ. 1987, p. 252 et suivants.

229 En l’absence de stipulation contractuelle à ce sujet, la jurisprudence pose comme principe que la révocation par mutuus dissensus est rétroactive, V. Cass. civ., 27 juill. 1892, DP 92.1, p. 462.

230 Le législateur, par la loi du 13 juill. 1973, devenu l’art. L. 122-14-2 du Code du travail, exige d’ailleurs que le licenciement soit fondé sur une « cause réelle et sérieuse », ce qui implique de mentionner la cause de celui-ci dans la lettre de licenciement.

231 L’article L. 313-12 al. 2 du Code monétaire et financier dispose le banquier ne peut résilier l'ouverture de crédit que pour un motif convenu, en cas de faute de l’emprunteur notamment, ou s'il notifie sa décision par écrit et s'il lui fait produire effet seulement à l'expiration du délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours.

Au contraire, pour les contrats à durée déterminée, par principe, ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’une résiliation ou résolution unilatérale. Le législateur prévoit cependant de nombreuses exceptions232, et la jurisprudence autorise une telle faculté en cas de comportement gravement répréhensible du cocontractant233.

175. Le caractère spécifique du droit de rétractation en droit bancaire -. La révocation du consentement est différente de la résolution ou de la résiliation. Elle ne se rattache pas au stade de l’exécution du contrat, mais à celui de sa formation. C’est d’ailleurs ce moment que le législateur évoque à l’article L. 311-15 du Code de la consommation quand il dispose que « lorsque l'offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, le contrat devient parfait dès l'acceptation de l'offre préalable par l'emprunteur. Toutefois, l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement. Pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable. L'exercice par l'emprunteur de sa faculté de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier. » La faculté de rétractation est donc liée à la formation du contrat, ce qui la distingue de la résiliation et de la résolution.

176. Cette faculté de rétractation a une origine légale, et compte tenu du caractère d’ordre public des dispositions de la loi Scrivener234, les parties ne peuvent l’écarter contractuellement. Le stade de la formation est au cœur du mécanisme : en effet le contrat doit être conclu pour que la rétractation du consentement puisse s’opérer. Rétracter suppose d’avoir déjà consenti. Le contrat étant formé par l’acceptation de l’offre par le client, qu’il soit partie à un contrat de prêt ou à un contrat de prestation de services bancaires et financiers à distance, il devient alors possible de voir la faculté de rétractation comme un droit de dédit de l’engagement du client. A l’inverse, si le contrat n’est pas encore conclu, et que le

232 En matière de mandat, aux articles 2004 et 2007 du Code civil, avec la disparition de l’intuitu personae, pour le locataire avec l’art. 12 de la loi du 6 juill. 1989, pour l’assuré avec l’article L.113-12 du Code des assurances, pour le prêteur, à l’article L. 313-12 al. 2 du Code monétaire et financier, quand l’entreprise a un comportement gravement répréhensible ou si sa situation financière est irrémédiablement compromise, etc.

233 V. Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003; V. aussi Ch. CORGAS-BERNARD, la résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, sous la direction de C. JAMIN, th. Aix-Marseille, PUAM, 2006. L’on précisera que l’hypothèse de la résiliation diverge quelque peu de la révocation du contrat, en ce que la résiliation n’est pas rétroactive alors que la résiliation peut l’être. L’exemple du mutuus dissensus suffit à illustrer ce cas quand les parties ne disent mot quant à ses effets, V. Cass. civ., 27 juill. 1892, précité.

234 L. 313-16 du Code de la consommation.

client n’a pas accepté l’offre, il ne sera plus question de rétractation, mais de refus de contracter. A cet égard, le silence à la réception de l’offre émise par le banquier suffira235.

177. Si la technique de la rétractation paraît attentatoire à la force obligatoire des conventions, l’on peut d’édulcorer ce propos en avançant que le banquier est conscient du risque de rétractation. Certes ce risque lui est imposé, mais n’est-ce pas là une juste contrepartie du contrat d’adhésion par lequel le client se voit contraint d’accepter des stipulations dont il n’aurait pas toujours pu, lors de l’acceptation de l’offre, apprécier la pleine portée ? La faculté de rétractation apparaîtrait comme le moyen de pallier au déséquilibre contractuel née de l’incapacité à pouvoir négocier le contenu de l’offre par le client. Sans pour autant être entachée des clauses susceptibles d’engendrer un déséquilibre juridique manifeste sanctionné par la législation sur les clauses abusives236, la convention pourrait, finalement, ne plus présenter les mêmes avantages pour le client du banquier.

178. L’efficacité du droit de rétractation -. Il peut apparaître compliqué pour l’emprunteur à la consommation de se défaire de ses engagements quand le contrat a déjà commencé à être exécuté. A cet égard, l’effectivité de la faculté de rétractation est assurée par l’interdiction pour les parties d’exécuter leurs engagements, que cela soit pour le contrat de prêt aux termes de l’article L. 311-17 du Code de la consommation, ou à l’article L. 121-20-13 I pour le démarchage de produits bancaires et financiers. Il s’avère qu’il est en effet matériellement malaisé pour l’emprunteur de se rétracter alors que le contrat a déjà été exécuté. Le dédit engendrerait l’obligation de restituer les fonds qu’il peut déjà avoir engagé pour mener à bien l’opération principale. Cette restitution peut s’avérer impossible si les fonds ont été consommés.

179. Il convient de présenter finalement de borner ce délai de rétractation. L’article L. 311-15 relatif au crédit à la consommation dispose que la durée de cette faculté de dédit est de sept jours à partir de l’acceptation de l’offre préalable. La Directive européenne du 23 avril

235 Le silence ne vaut pas acceptation. V. en ce sens, Cass. civ. 1ère, 25 mai 1890, DP 70. 1, p. 341 ; Grands arrêts, n° 147 ; réaffirmé depuis, Cass ; civ. 1ère, 16 avril 1996, RTD civ. 1996, p. 894, obs. J. MESTRE. Il ne paraît en effet judicieux de considérer que le silence vaut acceptation alors que ce silence peut être interprété de façon ambiguë : il existe en effet des approbations muettes, des silences prudents, des silences désapprobateurs, etc.

236 V. L. 132-1 alinéa 1er du Code de la consommation qui dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

2008237 sur le crédit aux consommateurs tend à allonger ce délai à quatorze jours, ce qui unifie les délais de rétractation en droit français, notamment avec la législation sur le démarchage de produits bancaires et financiers238. Cette uniformisation des délais de rétractation a été réalisée par le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, adopté par les sénateurs le 17 juin 2009. Un nouvel article L. 311-12 du Code de la consommation dispose désormais que l’emprunteur peut se rétracter durant les quatorze jours qui suivent le jour de conclusion du contrat. Le nouveau texte fait l’objet d’une disposition spécifique pour le droit de rétractation, Le nouveau texte prévoit que le prêteur ne peut demander à percevoir une quelconque indemnité en cas de rétractation, de sorte que celle-ci doit être exercée sans charge pour le client du banquier. En dernier lieu, la rétractation emporte expressément la résolution de tous les contrats accessoires au contrat de prêt : c’est notamment le cas du contrat d’assurance groupe que l’emprunteur aurait pu conclure en cas d’invalidité ou de décès l’empêchant de pouvoir honorer le remboursement des échéances de crédit.

180. Spécifiquement quant au point de départ de ce délai, il commence à courir pour le démarchage bancaire à partir de la réception de toutes les informations que doit le banquier au client une fois l’offre acceptée démarchage239. Il en de même en matière de crédit à la consommation, aux termes de l’article L. 311-15 : il ne court qu’à compter de l’acceptation de l’offre de crédit contenant toutes les mentions légales de l’article L. 311-10 par l’emprunteur.

Deux remarques peuvent être tirées cette précision relative au départ du délai de rétractation.

D’une part, le banquier ne peut invoquer la forclusion de l’emprunteur au terme du délai suivant la conclusion du contrat tant que toutes les mentions de l’article L. 311-10, devenu l’article L. 311-6 I nouveau, ne figurent pas dans l’offre préalable. Il ne pourra donc pas transmettre toutes les informations obligatoires postérieurement à la conclusion du contrat au mépris de l’article L. 311-34, dans l’espoir de réduire l’effectivité du droit de rétractation.

Afin de s’assurer que cette technique de protection soit efficace, le législateur interdit aux parties d’exécuter leurs prestations durant toute la durée du délai de rétractation, aux termes de l’article L. 311-17. Clairement, le législateur considère que le contrat est parfait, ce qui implique le délai de rétractation doit être vu comme une faculté de dédit.

237 Directive européenne n° 2008-48 du 23 avril 2008

238 L. 341-16 du Code monétaire et financier qui prévoit un délai de 14 jours.

239 Article L. 341-16 2° du Code monétaire et financier.

Pour autant, et à l’inverse, lorsque l’offre de prêt est assortie d’une clause d’agrément de l’emprunteur, le client peut user de la faculté de rétractation alors que le contrat n’est pas encore formé, si bien qu’il devient effectivement possible de parler délai de réflexion avant d’être définitivement engagé.

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