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La théorie de l'auto-efficacité définie par Albert Bandura

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 166-170)

CHAPITRE V : FONDEMENTS THÉORIQUES

5.2. Approche socio-psychologique

5.2.1. La théorie de l'auto-efficacité définie par Albert Bandura

Cette théorie se situe dans la perception qu'a un individu de ses capacités à exécuter une activité, elle influence et détermine son mode de penser, son niveau de motivation et son comportement. Albert Bandura prétend que les personnes cherchent à éviter les situations et les activités qu'elles perçoivent comme menaçantes, mais elles s'engagent à exécuter les activités qu'elles se sentent aptes à accomplir. Pour Bandura, « l'expérience vicariante », c'est à dire l'opportunité de pouvoir observer un individu similaire à soi-même exécuter une activité donnée, constitue une source d'information importante influençant la perception d'auto-efficacité. Cette expérience vicariante vaut pour les adultes comme pour les enfants, dans le domaine professionnel comme dans le domaine scolaire, voire dans bien d'autres domaines, y compris médical. L'apprentissage vicariant pourrait correspondre, dans le contexte scolaire, à ce que l'enfant peut apprendre en marge du discours du maître proprement dit : en regardant faire et en écoutant ceux qui savent faire ou encore, par extension, en analysant la production de ceux qui savent pas faire. Bien que la réalité de ce processus particulier ne soit niée par personne, celui-ci est cependant mal connu et généralement considéré comme marginal. Mais son rôle dans la problématique de l'échec scolaire pourrait avoir été indûment sous-estimé.

En se gardant de toute interprétation réductrice et caricaturale, le poids de cet écueil dans la genèse des processus d'échec et de rejet de l'école pourrait être plus important que l'on ne veut bien l'admettre. La théorie de Bandura affirme que l'apprentissage a lieu par l'observation d'autrui, et par la reproduction de leurs comportements. Ainsi, selon Bandura, si une personne voit qu'une autre obtient les résultats souhaités en adoptant tel ou tel comportement alors cette personne est plus susceptible de l'adopter à son tour. Ainsi, cela pourrait expliquer les compétences et les acquis expérientiels par les personnes peu scolarisées, mais exerçant une activité dans le secteur « informel ». L'apprentissage social selon Bandura est issu d'une combinaison de facteurs psychologiques et environnementaux.

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La théorie de l’apprentissage social d’Albert Bandura désigne trois procédures d’acquisition qui ont leur source dans l’entourage de l’individu :

- l’apprentissage dit vicariant est celui qui résulte de l’imitation par l’observation d’un pair qui exécute le comportement à acquérir,

- la facilitation sociale désigne l’amélioration de la performance de l’individu sous l’effet de la présence d’un ou de plusieurs observateurs - ce qui conduit à privilégier dans de nombreux cas les formations en groupe,

- l’anticipation cognitive est l’intégration d’une réponse par raisonnement à partir de situations similaires – ce qui conduira aux méthodes de l’éducabilité cognitive, essentiellement mise en place à l’intention des adultes.

Les origines de la théorie de l’apprentissage social remontent au behaviorisme et partagent son principe basilaire selon lequel les conséquences du comportement influencent sa répétition. Seulement, ils altèrent et innovent dans le sens où certains processus cognitifs qui ne peuvent pas être observés de manière directe (comme les expectatives, les pensées et les croyances) ont une influence sur le comportement humain. Bandura a été le pionner de cette théorie, en conjuguant les principes comportementaux et cognitifs afin d’expliquer les comportements humains, qui n’étaient pas suffisamment exploités du point de vue des théories classiques.

Ces résultats ont poussé Bandura à affirmer que certains comportements humains sont basés sur l’apprentissage vicariant, c’est-à-dire qui provient de l’observation du comportement (et des respectives conséquences). Ainsi, nous pensons que le travail informel au Cameroun est basé sur cet apprentissage social. Les personnes exerçant dans ce secteur n’ont jamais reçu de formation « officielle », ni reconnaissance officielle. Pour Bandura, l’apprentissage social ou vicariant peut être appris sans avoir été réalisé auparavant et sans que le sujet n’ait reçu aucun soutien.

Selon Bandura, le comportement humain est fondé sur le principe du déterminisme réciproque, c’est-à-dire que l’acquisition de nouveaux apprentissages résulte de l’interaction de trois principes : les comportements, le contexte et les cognitions (les actes internes qui influencent les perceptions et les actions). Bandura observe avec pertinence que la vision très consensuelle ne recouvre pas toute la réalité de l'apprentissage. Pour lui, les apprentissages par expérience directe surviennent en fait le plus souvent sur une base vicariante, c'est à dire en observant le comportement des autres et les conséquences qui en résultent pour eux.

L'apprentissage vicariant ne dispense certes pas dans tous les cas de l'expérience

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directe, mais il permet le cas échéant de la faciliter et incite à s'y investir si les conséquences observées sont positives. Le fait de pouvoir apprendre par observation rend en effet les individus capables d'acquérir des comportements ou des savoir-faire sans avoir à les élaborer graduellement par un processus d'essais et d'erreurs, affirme Bandura. Il se démarque ainsi des thèses habituellement béhavioristes des anglo-saxons. La théorie sociale cognitive est basée sur la notion d’interaction car Bandura (1986) précise qu’il ne suffit pas de considérer le comportement comme étant fonction des effets réciproques des facteurs personnels et environnementaux les uns sur les autres mais que l’interaction doit être comprise comme un déterminisme réciproque des facteurs personnels, environnementaux et des comportements selon le schéma

Graphique C : Déterminismes réciproques dans la théorie sociale cognitive de Bandura

P = personne C=comportement E=environnement

Pour Albert Bandura (1980, 1986), les croyances d’un individu à l’égard de ses capacités à accomplir avec succès une tâche ou un ensemble de tâches sont à compter parmi les principaux mécanismes régulateurs des comportements. Le SEP renvoie « aux jugements que les personnes font à propos de leur capacité à organiser et réaliser des ensembles d’actions requises pour atteindre des types de performances attendus » (Bandura, 1986), mais aussi aux croyances à propos de leurs capacités à mobiliser la motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un contrôle sur les événements de la vie (Wood et Bandura, 1989). Ces croyances constituent le mécanisme le plus central et le plus général de la gestion de soi (personal agency). En particulier, le SEP est supposé aider les gens à choisir leurs activités et leurs environnements, et de

P

C E

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déterminer la dépense d’efforts, leur endurance, les types de pensées (positives vs négatives) et les réactions émotionnelles face aux obstacles.

Le SEP influe positivement sur la performance. Il a un rôle direct en permettant aux personnes de mobiliser et organiser leurs compétences. Il a un rôle indirect en influençant le choix des objectifs et des actions. Les résultats de la méta-analyse effectuée par Sadri et Robertson (1993) confirment que le SEP est corrélé avec la performance (r après correction = .40) et avec le choix du comportement (r après correction = .34). La liaison du SEP avec la performance est plus faible dans les études en milieu naturel (r = .37) que dans les situations expérimentales (r = .60).

Le meilleur moyen de développer un sentiment d’efficacité personnelle est de vivre des expériences qu’on maîtrise et réussit. Les croyances dans sa propre efficacité peuvent aussi être développées par modelage en prenant connaissance d’expériences réalisées par d’autres personnes. La persuasion verbale, par exemple les encouragements, peuvent accroître le sentiment d’efficacité, mais celui-ci ne survivra pas longtemps à l’épreuve de la réalité s’il a été “artificiellement” mené à un niveau irréaliste. Enfin, les états physiologiques expérimentés dans certaines situations peuvent être interprétés par l’individu comme le signe de difficultés pour atteindre un résultat visé. Ainsi, les manifestations somatiques du stress sont-elles souvent attribuées à un manque de capacité.

L’ensemble substantiel de recherches sur les différents effets du SEP est résumé ainsi par Bandura (1995). Les personnes qui ont un faible SEP dans un domaine particulier évitent les tâches difficiles qu’elles perçoivent comme menaçantes. Elles ont des niveaux faibles d’aspiration et une faible implication par rapport aux buts qu’elles ont choisis. Confrontées à des difficultés, elles butent sur leurs déficiences personnelles, sur les obstacles et sur les conséquences négatives de leurs actes, plutôt que de se concentrer sur la façon d’obtenir une performance satisfaisante.

Elles diminuent leurs efforts et abandonnent rapidement face aux difficultés. Elles sont lentes à retrouver leur sens de l’efficacité après un échec ou un délai dans l’obtention de résultats. Elles considèrent une performance insuffisante comme la marque d’une déficience d’aptitude et le moindre échec entame leur foi en leurs capacités. Ces caractéristiques minimisent les opportunités d’accomplissement et exposent l’individu au stress et à la dépression.

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Au contraire, un SEP élevé augmente les accomplissements et le bien-être personnel de plusieurs façons. Les personnes avec une forte assurance concernant leurs capacités dans un domaine particulier considèrent les difficultés comme des paris à réussir plutôt que comme des menaces à éviter. Une telle approche des situations renforce l’intérêt intrinsèque et approfondit l’implication dans les activités.

Ces personnes se fixent des buts stimulants et maintiennent un engagement fort à leur égard. Elles augmentent et maintiennent leurs efforts face aux difficultés. Elles recouvrent rapidement leur sens de l’efficacité après un échec ou un retard. Elles attribuent l’échec à des efforts insuffisants ou à un manque de connaissances ou de savoir-faire qui peuvent être acquis. Elles approchent les situations menaçantes avec assurance car elles estiment exercer un contrôle sur celles-ci. Cet ensemble de caractéristiques d’auto-efficacité favorise les accomplissements personnels, réduit le stress et la vulnérabilité face à la dépression.

Bandura (1997), dans l’introduction du chapitre qu’il consacre à la vie professionnelle, affirme que la vie professionnelle est une « source majeure de l’identité personnelle et du sens de la valeur personnelle » et il souligne un peu plus loin l’enjeu et la difficulté de cette construction de soi :

En prenant des décisions pour leur carrière, les gens sont aux prises avec les incertitudes quant à leurs capacités, la stabilité de leurs intérêts, la recherche à court et long terme de différentes professions alternatives, l’accessibilité des carrières envisagées, et le type d’identité qu’ils tentent de se construire.

Cependant, avec la théorie sociale cognitive, on est moins, nous semble-t-il, dans une recherche de l’ensemble des potentialités de l’individu que dans l’évaluation et l’élaboration d’un projet relativement précis. Avoir confiance en ses capacités concerne nécessairement un domaine particulier. Sans être incompatible avec une recherche plus ouverte d’orientation, l’approche d’Albert Bandura n’a-t-elle pas le mérite d’être opérationnelle pour fournir des réponses à des questions concrètes voire immédiates ?

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 166-170)