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Différences et complémentarités entre l’éducation moderne et traditionnelle

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 40-43)

1.2. Cadre et contexte de l’étude

1.2.2. Contexte général de l’éducation

1.2.2.8. Différences et complémentarités entre l’éducation moderne et traditionnelle

Le système éducatif actuel africain et particulièrement camerounais est un « avatar » de la colonisation. L’Occident a implanté en Afrique le monopole scolaire de la formation. De ce fait, il a éliminé le paramètre socioculturel de l’enseignement et a prôné la culture dominante du colonisateur à travers des mécanismes d’assimilation.

En ce sens, le système éducatif camerounais est crisogène : il ne fournit pas des outils pour préméditer l’avenir, et le présent est en débat, tout en conflits à cause d’une absence de politique d’éducation endogène. Aucune construction de véritables projets allant dans le sens de cette politique de développement endogène et qui permettent au pays d’atteindre un développement durable ne dépasse le stade des discours. Les fonctions de l’école n’ont pas été prises en compte, ni maitrisées. Ainsi, le système scolaire s’inscrit dans un processus de disjonction d’avec le contexte culturel et social local. Ceci a pour conséquence une société en perte de repères par rapport à son passé et à ses modes traditionnels d’enseignement/apprentissage.

L’éducation et la transmission moderne des savoirs ne semblent donc pas avoir produit les résultats escomptés à cause de leur inadaptation et de leur coût. Dès lors, des rapports très contrastés, pour ne pas dire antagonistes dans leur d’approche, entre l’éducation «traditionnelle» et «moderne» vont apparaître.

Les différences entre l’éducation traditionnelle et l’éducation moderne s’observent au niveau de leurs contenus éducationnels et pédagogiques et de la fonction sociale du système éducatif.

L’éducation traditionnelle est pratique. On donne ainsi à l’enfant un ensemble de connaissances utilitaires qui lui permettent d’affronter sans beaucoup de frustration les difficultés de la vie qui sera sienne. A contrario, le coté pratique de l’éducation moderne ne concerne que quelques matières, certaines filières spécialisées ou parfois un niveau élevé de scolarisation. Le contenu pédagogique de l’éducation traditionnelle est homogène. Il y a une uniformité dans les enseignements. Ainsi, l’éducation n’était pas marquée par des contradictions internes et tout adulte servait d’exemple pour les jeunes en fonction du type d’homme défini par la société. C’est une éducation intégrale et complète. Les disciplines ne sont pas fragmentés, ni isolées les unes par rapport aux autres comme dans l’éducation moderne occidentale. Tous les pans du savoir sont contenus dans chaque technique

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d’éducation. En conséquence, plusieurs savoirs sont transmis en même temps. Par exemple :

À travers un conte, on enseigne à l’enfant à la fois la langue (vocabulaire et phraséologie), l’art de conter (langage et rhétorique), les caractéristiques des animaux (zoologie), les comportements humains ou les conduites des hommes à travers celles des animaux (psychologie), le chant, le savoir-vivre en société (morale, civisme). (A. Mungala, ibid.)

Elle est donc constituée de techniques ou moyens d’action de transmission, à travers lesquelles tous les aspects du savoir de divers ordres sont révélés. C’est un contenu global où tout est lié. Ce contenu prend la forme de contes, de légendes, de proverbes, de devinettes, de jeux, de travaux physiques pour acquérir des techniques spécifiques, et de rites initiatiques. En outre, le système traditionnel est marqué par un contenu éducationnel où sont enseignées les valeurs. Pour Mungala, les valeurs sont ce qui est posé comme vrai, beau, bien, sur tous les plans. Selon des critères sociaux, elles servent de références, de principes moraux à la société.

Dans l’éducation traditionnelle, il s’agit de critères sociaux exclusivement. Les valeurs que l’éducation traditionnelle transmet sont les suivantes : la suprématie du groupe humain sur l’individu, la solidarité responsable et réciproque entre les membres, le respect dû aux aînés, aux vieillards et aux invalides, le respect des lois et des codes de vie, le respect de son rôle et rang social et de la cohésion du groupe, le travail collectif ou communautaire.

Par ailleurs, les qualités morales sont transmises : le courage, le respect de la parole, l’honnêteté, la politesse, la responsabilité, etc. Dans l’éducation moderne, l’école enseigne le droit, le contenu des codes juridiques mais néglige de donner à l’étudiant l’éducation morale dont il aurait grand besoin pour conduire sa vie. Une des différences majeures entre l’école traditionnelle et l’école moderne se situe au niveau de la fonction sociale de l’éducation dans ces systèmes respectifs. Le but ultime de l’éducation traditionnelle est de valoriser la cohésion du groupe. Elle a une fonction hautement sociale en Afrique traditionnelle. Ce qui est en jeu, c’est le rôle social que chaque individu doit jouer dans la société. L’éducation permet alors à chaque individu d’avoir une place au sein de son clan, de se situer par rapport aux membres de son groupe et de « tenir son rang ». C’est l’esprit communautaire qui est enseigné et valorisé. Toute action individuelle doit être faite dans l’intérêt du collectif. Un proverbe africain dit pour expliquer cet esprit communautaire : « Que suis-je et que puis-je sans les autres ? En venant, j’étais dans leurs mains, En partant, je serai

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dans leurs mains. » Nous voyons les valeurs que cet aphorisme exprime que sont la solidarité, la vie communautaire et la socialisation. Ces valeurs qui se différencient des idéaux de développement individuel, de compétitivité, de productivité, de quête effrénée de profit, dont se réclament l’éducation dite « moderne ». Les processus de transmission ne se construisent pas de la même manière dans les deux systèmes éducatifs. L’un est basé sur l’écrit uniquement et l’autre sur la parole (l’oralité) principalement, mais pas exclusivement. En effet, l’écrit n’est pas étranger à l’éducation traditionnelle africaine. Il existe une multitude de systèmes d’écritures répertoriés en Afrique, et toutes les langues africaines témoignent du phénomène et du concept de l’écriture. Seulement, l’écrit était réservé à la classe des « initiés » au sein de la société.

Dans l’éducation moderne, l’accès aux enseignements techniques et scientifiques supérieures (cycle d’ingénieur) est réservé aux « matheux », à ceux qui ont une aptitude à s’élever dans l’abstraction. Dans l’école traditionnelle l’accès à ces mêmes connaissances est réservé aux « initiés ». En effet, le savoir initiatique, qui se transmet par des rites, a aussi pour objectif de provoquer le développement spirituel de l’Homme, afin d’induire l’apparition des qualités morales très élevées et des capacités mentales supérieures. L’initiation transforme l’être humain en producteur de connaissances.

Bien que l’éducation traditionnelle soit en cohérence avec le contexte culturel africain, elle ne constitue pas, à elle seule une panacée aux problèmes éducatifs du pays, étant donné que la société est dynamique et mouvante, et que le Cameroun s’inscrit dans un contexte global et de mondialisation. Aussi, l’éducation traditionnelle souffre de ses limitations sur cet ordre. La pratique de l’oralité dans l’éducation traditionnelle impose des limites dans la transmission des patrimoines cognitifs.

L’oralité implique une société « close », car elle restreint la communication à ceux qui parlent la même langue. La pédagogie bien qu’elle soit répétitive est également fermée car elle requiert la relation physique entre le formateur et l’apprenant dans une situation concrète, elle peut ainsi exclure une auto-éducation. L’écrit, en permettant de consigner les informations dans des textes, rend la transmission autonome, et par là, rend autonome l’apprentissage (qui n’est plus forcement lié à une action et à la présence de l’instructeur). Cette distanciation présente un avantage car elle permet l’abstraction et la conceptualisation, et un inconvénient si

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l’apprenant ne se fonde plus sur la pratique. L’abstraction stimule l’esprit critique, la lecture d’un texte engendre un effort de réflexion.

L’écriture représente une capacité immense d’amasser des connaissances, de les conserver et de les répandre. L’absence d’écriture ou sa présence limitée dans le mode d’éducation traditionnelle a rendu difficile, voire impossible, la systématisation et la conservation des connaissances. D’où la disparition d’une bonne partie du patrimoine culturel africain. L’éducation moderne offre cette possibilité de transmission intégrale de tous les savoirs. Elle permet de s’arrimer, par ses modalités et ses constructions de savoirs, aux évolutions du monde. Les systèmes éducatifs traditionnels et modernes, malgré leurs différences, sont complémentaires dans le contexte actuel de mondialisation. Les différences témoignent de leurs spécificités, mais pas de leur opposition intrinsèque. En nous plaçant dans une perspective positiviste nous dirons que ces deux systèmes sont complémentaires malgré leurs imperfections relatives. Les transmissions de savoirs, des valeurs développées dans les deux systèmes, de par leur caractère ouvert et dynamique, offrent la possibilité d’être développées, réajustées, réorientées, et parfaites pour s’adapter aux contextes de vie.

1.2.2.9. Conclusion : éducation pour une construction culturelle et identitaire

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