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La procédure de création d’une commune déléguée

la commune nouvelle

1) La procédure de création d’une commune déléguée

216.La CGCT prévoit une section entière du chapitre consacré aux communes nouvelles, à l’organisation et au fonctionnement des communes déléguées. L’attention particulière portée à cette question est une preuve de la volonté du législateur de démontrer que la commune nouvelle n’entraîne pas forcément la disparition des identités communales. Comme évoqué ci-dessus, cet argument est porteur auprès des élus municipaux comme des administrés. Au-delà des enjeux politiques, le code établit une règle de création très stricte pour les communes nouvelles qui diffère à plusieurs égards des règles en vigueur jusqu’alors. La loi du 16 mars 2015 « relative à l'amélioration du régime de la commune

nouvelle, pour des communes fortes et vivantes » précise par ailleurs, la procédure de création des communes déléguées.

a) Les dispositions en vigueur jusqu’en 2010

217.Comme évoqué ci-dessus, plusieurs projets visant à promouvoir le regroupement des communes par fusion prévoyaient le maintien des anciennes communes en tant qu’entités distinctes de la commune ou simple déconcentration administrative. Jusqu’au vote de la loi du 16 juillet 1971, la fusion de communes entrainait la disparition des anciennes communes au profit de la nouvelle commune655. La loi du 31 décembre 1970 a tenté

655

Thiébaut FLORY, La réforme du 16 juillet 1971 relative aux fusions et aux regroupements de communes,

150 d’atténuer la rigueur de cette démarche en prévoyant la possibilité de constituer des annexes à la mairie dans une ou plusieurs communes fusionnées, sans que cela ne soit considéré comme suffisant pour inciter les communes à fusionner656.

Dans le cadre de la loi du 16 juillet 1971 le dispositif de fusion pouvait prendre deux formes.

La première dénommée « fusion simple » conduisait à la disparition des communes fusionnées au sein de la nouvelle commune. La seconde, dénommée « fusion-association » prévoyait quant à elle, la possibilité de conserver les anciennes communes sous la forme de communes « associée ». « Les conseils municipaux des communes désirant fusionner

peuvent décider de procéder soit à une fusion simple, soit à une fusion comportant la création d’une ou plusieurs communes associées »657.

Le choix de la forme de fusion revenait aux conseils municipaux des communes désirant fusionner658. Ce choix était ensuite entériné dans l’arrêté préfectoral de fusion659.

Deux remarques peuvent être apportées à cette première information. Tout d’abord, il est important de noter que la question du maintien des communes fusionnées sous la forme de communes associées, au sein de la nouvelle commune, relève bien d’une décision propre aux communes désirant fusionner. Ce choix n’est pas anodin puisqu’il démontre la volonté du législateur d’inscrire le texte dans une dynamique de « volontariat » en laissant aux communes la possibilité de choisir entre plusieurs formules, sous le contrôle du préfet qui acte la fusion et ses modalités par arrêté. Mais ce choix démontre aussi la force symbolique donnée au maintien des communes associées. Il s’agit en réalité, au-delà d’une possibilité d’organisation interne de la nouvelle commune, d’une décision politique appartenant à chaque commune souhaitant fusionner. Ces dernières peuvent ainsi s’orienter vers trois possibilités : le refus de la fusion, le choix de la fusion-association, le choix de la disparition complète de leur commune, au sein d’un ensemble plus large. La commune associée est donc bien, en l’espèce, entendue comme une continuation de la commune sous une forme différente. C’est d’ailleurs de cette manière que l’article 9 de la loi la présente,

656

Loi n°70-1297 du 31 décembre 1970 sur la gestion municipale et les libertés communales, Article 34

657 Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 7 658

Article L112-11 du Code des Communes

151 puisqu’il indique qu’une commune peut choisir « que le territoire correspondant à sa

commune soit maintenu en qualité de commune associée »660. Cette explication a son importance au regard notamment du nombre très important de dé-fusions constatées depuis le vote du régime de fusion de la loi Marcellin. En effet, si la fusion est considérée comme une forme de concession en échange de laquelle la commune fusionnée garde des prérogatives et des droits, il paraît politiquement logique que des communes fusionnées aient souhaité faire machine arrière et finalement renoncer à ces concessions.

La seconde remarque porte sur l’acte final validant le maintien des communes fusionnées au sein de la nouvelle commune. En effet, cette décision revient au préfet lui-même, la délibération n’étant donc qu’une sollicitation661. En ce sens, l’autorité préfectorale

conserve un pouvoir de contrôle et d’appréciation sur ce choix. Elle se garde ainsi la possibilité de ne pas suivre l’avis des communes fusionnées, dans le cas par exemple où une illégalité manifeste serait constatée sur les délibérations évoquées ci-dessus662.

218.Le fait de conserver des communes associées au sein de la nouvelle commune pose par ailleurs question quant à la possibilité donnée à des communes désirant se regrouper d’émettre à ce sujet des choix différents.

La loi Marcellin prévoit cette possibilité en accordant un choix individuel détaché du projet collectif de fusion. L’article 9 du texte précise, que « lorsqu’une fusion est envisagée, le

conseil municipal d’une ou plusieurs communes concernées »663 peut décider de maintenir

sa commune sous la forme d’une commune associée. Ce choix à la carte n’est pas sans conséquence. Il implique en effet un fonctionnement à plusieurs vitesses de la nouvelle commune, compliquant largement sa gouvernance.

La loi Marcellin impose une autre possibilité de distinction entre anciennes communes. Il s’agit cette fois d’une interdiction puisqu’elle rend impossible la formation d’une commune associée dans l’ancienne commune devenue « chef-lieu » de la nouvelle commune. La notion de « chef-lieu » est avant tout administrative puisqu’elle renvoie au

660

Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 9

661 Thiébaut FLORY, La réforme du 16 juillet 1971 relative aux fusions et aux regroupements de communes,

AJDA, 20 septembre 1971, p 637

662

CE, 13 mai 1977, Glaunez et Fort, n°00597et n°00598

152 choix du siège de la nouvelle commune, déterminé par l’arrêté de fusion. Mais cette interdiction est aussi révélatrice d’une approche particulière de la loi Marcellin. Elle porte en germe une conception coopérative de la fusion de communes. En ce sens, la commune « chef-lieu » ne renvoie pas seulement à une notion administrative, mais bien à une anticipation des relations entre anciennes communes au sein de la nouvelle commune. Elle anticipe le risque d’une évolution de cette relation vers un rapport de domination du centre sur les périphéries664. Ainsi, la commune associée serait avant tout la garantie accordée aux communes périphériques de garder une existence propre face à une commune-centre, potentiellement hégémonique.

219.La loi du 16 juillet 1971 accorde donc la possibilité aux anciennes communes de choisir ou non de devenir des communes associées. Ce choix est négocié et individuel. La fusion-association n’a donc pas simplement pour but de facilité la répartition des compétences entre le niveau communal et le niveau infra-communal. Elle s’apparente surtout à un ensemble de garanties et de libertés offertes aux communes fusionnées dans le cadre d’une nouvelle commune.

b) Les évolutions législatives actées depuis la loi du 16 décembre 2010

220.A l’image de ce que la loi Marcellin avait institué en 1971, la loi du 16 décembre 2010 prévoit deux formes de fusions de communes. L’objectif poursuivi est le maintien d’une représentation institutionnelle souple des anciennes communes au sein de la commune nouvelle665.

Dans sa version votée en 2010, l’article L2113-10 prévoyait que dans un délai de six mois à compter de la création de la commune nouvelle « des communes déléguées reprenant le

nom et les limites territoriales de l'ensemble des anciennes communes dont la commune nouvelle est issue » sont constituées de droit666.

664

Gérard-François DUMONT, Territoires : un fonctionnement radial ou réticulaire, Population et Avenir, juin 2015

665P ojet de loi de fo e des olle ti it s te ito iales, O to e , Etude d i pa t

153 La loi du 16 mars 2015 a fait évoluer le texte en clarifiant cet article. L’article L2113-10 du CGCT est ainsi rédigé : « Des communes déléguées reprenant le nom et les limites

territoriales de l'ensemble des anciennes communes dont la commune nouvelle est issue sont instituées au sein de celle-ci, sauf lorsque les délibérations concordantes des conseils

municipaux prises en application de l'article L2113-2 ont exclu leur création »667.

Deux choix s’offrent donc aux communes concernées : Soit le maintien de communes déléguées au sein de la commune nouvelle, soit leur disparition. A la différence notable des dispositions prévues par la loi Marcellin, la loi du 16 décembre 2010 considère la fusion incluant la création de communes déléguées comme la procédure appliquée de droit aux anciennes communes. En faisant ce choix, le législateur prouve son engagement en faveur du maintien des identités communales. Il limite, par ailleurs, le pouvoir d’appréciation du préfet. La décision finale de l’institution des communes déléguées au sein d’une commue nouvelle relève bien du préfet et est précisée dans l’arrêté de création de la commune nouvelle668. Cette précision est notamment apportée en raison du fait que la loi prévoit que l’arrêté de création de la commune nouvelle « […] complète, en tant que de besoin, les

modalités » de la fusion669. A la différence d’autres modalités de fusion, il paraît inenvisageable que le préfet se prononce sur l’opportunité de la création de commues déléguées au sein de la commune nouvelle alors que la loi prévoit la formation d’office de communes déléguées, sauf décision contraire des conseils municipaux670. Dans ces conditions, le préfet agit en situation de compétence liée pour la mise en œuvre des communes déléguées prévues par la loi.

D’autres différences notables avec la loi Marcellin sont à souligner. Tout d’abord, la commune déléguée est un instrument aux mains du conseil municipal de la commune nouvelle. La version première du texte de 2010 prévoyait que le choix de former les communes déléguées relevait d’un vote du conseil municipal de la commune nouvelle et non pas des anciennes communes elles-mêmes, soulignant ainsi un changement net d’approche de la loi. Si, par souci de clarification, la loi a donné aux anciennes communes, à partir de 2015, la possibilité de déterminer leur choix par délibération, il s’agit bien d’une

667

Article L2113-10 du Code Général des Collectivités Territoriales

668

A t p fe to al po ta t atio de la o u e ou elle d E ou he-les-vallées, 26 Octobre 2015, Article 5

669

Article L2113-6 du Code Général des Collectivités Territoriales

670

154 délibération concordante qui implique qu’un arbitrage politique soit opéré en amont de la fusion par l’ensemble des maires concernés671. La modification de la loi en ce sens a

notamment été justifiée par le fait que le délai de six mois initialement prévu pour que la décision de maintenir des communes déléguées soit prise, était source de débats et de disputes inutiles entre anciennes communes sur une question qui aurait finalement pu être tranchée avant la fusion. Dans ces conditions, le choix de la loi du 16 mars 2015 de donner aux communes la possibilité par délibération concordante, de décider de créer ou nom des communes déléguées, n’a pas vocation, en soit, à redonner aux anciennes communes une liberté de choix quant à leur avenir dans la commune nouvelle. Il s’agit d’une simple mesure d’efficacité672.

Le fait qu’il y ait une nécessité préalable de consensus permet par ailleurs d’affirmer qu’un choix différencié de chaque ancienne commune est impossible. Ainsi, soit les communes fusionnées sont maintenues sous la forme de communes déléguées, soit elles ne le sont pas. Dans tous les cas, cette décision s’applique à l’ensemble des communes fusionnées.

Enfin, la référence à la notion de « chef-lieu » n’est pas reprise par la loi du 16 décembre 2010. Elle demeure une référence administrative évoquée dans les arrêtés préfectoraux673, mais n’a aucune conséquence sur l’organisation de la commune nouvelle en elle-même. Le fait qu’une ancienne commune devienne le « chef-lieu » de la commune nouvelle ne lui interdit donc pas de bénéficier du statut de commune déléguée.

Ces deux différences notables permettent d’améliorer et de simplifier la gouvernance de la commune nouvelle en empêchant un rapport différencié entre les anciennes communes et la commune nouvelle. Elles démontrent aussi une différence d’approche entre le régime de fusion instauré par la loi Marcellin et celui de la commune nouvelle. A la différence de la commune associée, la commune déléguée est moins considérée comme le prolongement des anciennes communes que comme le support d’une nouvelle organisation administrative infra-communale.

671 Ibid

672Catherine PIRES BEAUME, Rapport n°2310, Op. Ct

673

A t p fe to al po ta t atio de la o u e ou elle d E ou he-les-vallées, 26 Octobre 2015, Article 5

155 221.La philosophie de la création d’une commune nouvelle portée par la loi du 16 décembre 2010 est donc différente. La commune nouvelle ne s’inscrit pas dans une démarche négociée et différenciée de l’organisation infra-communale, mais bien dans une démarche de construction d’une organisation renouvelée de l’échelon communal. Cette distinction est d’ailleurs largement illustrée par les noms que donnent ces deux régimes aux communes fusionnées. La loi Marcellin parle bien de commune associée, soulignant ainsi la dimension partenariale de la « fusion-Marcellin ». La loi du 16 décembre 2010 parle de communes déléguées, mettant en avant la dimension organisationnelle de la commune nouvelle.

Cette observation ne conduit pas pour autant à considérer que la commune nouvelle n’a pas pour souci de maintenir l’identité des anciennes communes. Au contraire, le fait de considérer que le maintien des anciennes communes sous la forme de communes déléguées est bien la procédure de droit commun prévue par la loi, souligne l’attachement du législateur au maintien des identités communales au sein de la commune nouvelle674. La loi du 16 décembre 2010 prévoit, par ailleurs, que les périmètres des communes déléguées ainsi que leurs noms demeurent ceux des anciennes communes675. Si la commune nouvelle relève de l’institution d’une réorganisation interne de la commune nouvelle, elle conserve un lien identitaire avec les communes fusionnées.

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