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Les institutions a ttribuées d’office par la loi aux communes déléguées

la commune nouvelle

B. La commune déléguée : une subdivision administrative aux apparences communales

1) Les institutions a ttribuées d’office par la loi aux communes déléguées

230.La formation de communes déléguées au sein d’une commune nouvelle entraîne l’instauration d’office de plusieurs institutions, dont l’ampleur est limitée.

a) L’absence de sectionnement électoral

231.La loi prévoyait pour les communes associées, l’attribution de droit, d’institutions infra-communales. Celles-ci étaient dotées, d’une section électorale694.

La section électorale est la particularité première des communes associées. Prévue par l’article L255-1 du code électoral, elle a été conçue « […] à l'origine pour garantir, dans

les communes rurales, la représentation au conseil municipal de hameaux isolés »695. Cette

693 CE, 12 janvier2017, Commune nouvelle de Moret-Loing-et-Orvanne, n°406663

694 Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 9

695

Michel DELEBARRE, Rapport n°250, Sénat, 19 décembre 2010, fait au nom de la commission des lois o stitutio elles, de l gislatio , du suff age u i e sel, du ‘ gle e t et d ad i ist atio g ale, Projet

de loi o ga i ue elatif à l’ le tio des o seille s u i ipau , des d l gu s o u autai es et des o seille s d pa te e tau et su le p ojet de loi elatif à l’ le tio des o seille s d pa te e tau , des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral

161 mesure est étendue aux communes associées par la loi du 16 juillet 1971, en vue notamment de leur accorder un statut particulier comportant une représentation distincte696. Elle revêtait plusieurs caractéristiques propres qui la différenciaient des sections électorales de droit commun. Ainsi, en dérogation avec les dispositions de droit commun prévues à l’article L254 du code électoral, une commune associée pouvait n’être représentée que par un seul conseiller municipal697. Par ailleurs, la création des sections électorales étant une attribution d’office prévue par la loi, il n’était pas nécessaire que la procédure d’enquête préfectorale instaurée par l’article L255 du code électoral soit mise en application pour que la section soit constituée698.

Dans un arrêt du 23 avril 2009, le Conseil d’Etat a reconnu la possibilité, pour une commune associée, de refuser le sectionnement électoral699. Il établit que « il ne résulte

[…] pas de l'instruction, et en particulier de la convention de fusion qui ne mentionne pas le sectionnement électoral, que la commune de Loupiac aurait demandé à bénéficier du sectionnement électoral au sens de l'article L. 255-1 ; que, dès lors, les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 à Causse-et-Diège n'avaient pas à être organisées sur la base d'un sectionnement électoral »700. Cette jurisprudence tranche une imprécision législative qui semble imposer de droit aux anciennes communes devenues associées, un sectionnement électoral, tandis qu’elle semblait que le proposer dans les dispositions de l’article L261 du code électoral. Le sectionnement n’est donc qu’une proposition, dont l’application se fait à la demande des anciennes communes, dans le cadre négocié de la convention de fusion.

232.A la différence notable des dispositions portées par la loi Marcellin, la loi du 16 décembre 2010 n’accorde aucun sectionnement électoral aux communes déléguées701. La commune nouvelle forme une circonscription électorale unique702. L’article 27 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des

696 CE, 19 janvier 1996, Commune de Moorea-Maio, n°173519

697

Article L255-1 du Code Electoral

698

Ibid

699

CE, 23 avril 2009, Commune de Causse-et-Diège, n°318218

700

Ibid

701

162 conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, supprime par ailleurs le sectionnement électoral pour l’ensemble des communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants et supérieure à 30 000 habitants703. Il n’est donc plus envisageable pour les communes nouvelles dont la population ne serait pas située dans cette fourchette démographique, de constituer un sectionnement électoral selon la procédure de droit commun704.

En proposant l’instauration d’un sectionnement électoral, la loi Marcellin favorisait le maintien, à l’échelle des anciennes communes, des particularismes politiques et électoraux et d’une conscience communale qui ne sera pas sans conséquences sur la durabilité et le fonctionnement politique des nouvelles communes créées705. Le législateur a refusé d’accorder aux communes nouvelles cette garantie, conscient notamment de l’impact de ce choix sur la pérennité de la fusion706. Le sectionnement revêtait par ailleurs, un inconvénient majeur, celui d’empêcher les administrés des communes associées démographiquement les plus faibles de se prononcer sur la composition complète du conseil municipal. En effet, les anciennes communes de faible taille n’avaient à élire qu’un nombre très limité de conseillers municipaux, ce qui les empêchait de choisir réellement la majorité municipale qu’elles souhaitaient élire et par conséquent de peser indirectement sur le choix du maire de la nouvelle commune. La création d’un seul corps électoral a permis de lever cet obstacle démocratique majeur707.

b) L’institution de droit d’un maire délégué

233.La loi du 16 juillet 1971 prévoyait l’institution d’office d’un maire délégué aux communes associées708. Ce dernier bénéficiait de compétences propres ne faisant pas pour autant de lui un maire de plein exercice709.

702

Déclaration de Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'intérieur, sur les communes

nouvelles, au Sénat le 22 novembre 2017

703

Article L261, Code Electoral

704

Article L261 du Code Electoral

705 Jacques CAILLOSSE, Op. Ct, p 199

706 Compte rendu des débats, Assemblée Nationale, séance du 31 octobre 2014

707

Ibid

708

Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 9

163 La loi précisait par ailleurs que l’indemnité d’exercice de la fonction de maire délégué était identique à celle versée au maire des communes de droit commun710.

La commune associée n’avait pas de personnalité morale. Elle ne pouvait en ce sens, être assimilée à une collectivité territoriale711. Juridiquement elle dépendait de la nouvelle commune et, à ce titre il n’existait aucune similitude de nature entre la commune associée et une commune de plein exercice.

Le parallèle institutionnel est pourtant flagrant. Cette ressemblance a d’ailleurs largement été favorisée par le législateur qui y voyait un moyen de favoriser les fusions. Ces dispositions étaient ainsi regroupées dans le titre II de la loi du 16 juillet 1971, intitulé «

Dispositions tendant à faciliter les fusions de communes »712. Elles pouvaient par ailleurs répondre à des besoins d’organisation propres aux communes rurales, comme l’explique le ministre de l’Intérieur, devant le Sénat, le 16 juin 1971. « […] il pourra arriver que dans

un département où il y aura une commune de 3 500 habitants et à côté une commune de 200 habitants qui se trouve éloignée de 5 kilomètres, qui ont intérêt à fusionner, qui sont d'accord pour fusionner, mais qui ne fusionnaient pas jusqu'à maintenant pour les raisons que j'ai déjà dites, ces deux communes pourront maintenant fusionner »713.

Pour Raymond Marcellin, au risque d’ailleurs de susciter la confusion auprès des parlementaires, la commune associée était une possibilité offerte aux communes qui le souhaitent, de coller au plus près de la réalité communale714. Le choix de la similitude paraissait si prononcé, que certains parlementaires en sont venus à questionner l’intérêt même de la fusion. « Maintenant, je vais être plus « gentil » en vous demandant

simplement la différence qui peut exister entre une commune fusionnée et celle qui ne l'est pas ! »715

710 Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 9 711

Réponse à la question écrite n°03712, Journal Officiel du Sénat, 22 mai 2008

712 Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes 713 Compte rendu des débats, Sénat, Séance du mercredi 16 Juin 1971, p 961 714

Ibid

164 234.Dans des conditions comparables, la loi du 16 décembre 2010 impose de droit l’institution d’un maire délégué à toutes les communes déléguées de la commune nouvelle716. Le maire délégué rempli dans la commune déléguée, les missions d'officier d'état civil et d'officier de police judiciaire. Il peut être chargé dans la commune déléguée, de l'exécution des lois et règlements de police717.

L’article L2113-19 du CGCT accorde des garanties aux maires délégués dans les mêmes termes que celles accordées aux maires de plein exercice718. Ces garanties portent sur les autorisations d’absence, le crédit d’heures, de protection du salarié, le droit à la formation, le remboursement de frais, la protection sociale, la protection fonctionnelle et les indemnités de fonction prévues pour les maires des communes par le chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales719.

Conformément aux dispositions de l’article L2113-13, le maire délégué exerce de droit la fonction d’adjoint au maire de la commune nouvelle. Cette désignation l’ajoute à la liste des adjoints élus dans le cadre des dispositions de l’article L2122-2 du CGCT720.

Bien que les maires délégués ne puissent être considérés comme des maires de plein exercice, que leurs attributions soient limitées, la dimension symbolique du terme de maire donne au maintien des communes déléguées une force politique. Ce choix vise à la fois à maintenir à l’échelle des anciennes communes, un service de proximité, mais a aussi pour but de faire perdurer la dimension communautaire des communes fusionnées721. Le législateur aurait d’ailleurs parfaitement pu faire usage d’un autre terme en recourant notamment à la notion d’adjoint spécial, déjà prévue par les textes en d’autres circonstances722. Le choix du terme employé n’est donc pas innocent. Il a pour but de démontrer une forme de pérennité politique et sociale des anciennes communes au sein de la commune nouvelle.

716 Article L2113-11 du Code Général des Collectivités Territoriales 717 Article L211-13 du Code Général des Collectivités Territoriales 718 Article L211-19 du Code Général des Collectivités Territoriales 719 Compte rendu des débats, Sénat, séance du 15 décembre 2014 720 Article L211-13 du Code Général des Collectivités Territoriales 721

Compte rendu des débats, Sénat, séance du 15 décembre 2014

722

165 235.S’il existe une similitude de fonction et d’attributions entre les maires délégués de la loi Marcellin et ceux institués par la loi du 16 décembre 2010, la question de leur désignation est très différente.

Les deux textes prévoient une phase transitoire durant laquelle les maires délégués sont de droit les maires des anciennes communes élus lors du renouvellement précédant la création de la commune nouvelle. L’article 9 de la loi du 17 juillet 1971 prévoit ainsi que « Le

maire de l'ancienne commune en fonction au moment de la fusion devient de droit maire délégué jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal ». Dans des termes comparables, l’article 21 de la loi du 16 décembre 2010 prévoit que « le maire de

l'ancienne commune en fonction au moment de la création de la commune nouvelle devient de droit maire délégué jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal ». Durant cette phase transitoire, les maires des anciennes communes devenus maires délégués, peuvent être élus maire de la nouvelle commune723.

C’est à l’issue de ce premier renouvellement que les approches diffèrent. En effet, en raison du sectionnement électoral, la loi Marcellin prévoit que les maires délégués sont choisis par le conseil municipal, parmi les conseillers élus dans la section correspondante ou, à défaut, parmi les membres du conseil municipal724. La question du choix du maire délégué est ainsi liée au sectionnement électoral. Dans un arrêt du 19 décembre 2008, le Conseil d’Etat a considéré que la loi ne faisait pas obstacle à ce que le conseil municipal désigne comme maire délégué un conseiller municipal qui aurait été élu dans une section électorale représentée par lui seul725. Il est possible d’en déduire, que le maire délégué d’une commune associée ne peut être désigné que parmi les conseillers municipaux élus au sein de la section électorale de la commune associée concernée. Une exception à cette règle est admise lorsque ceux-ci refusent d’assurer cette charge726.

Tel n’est pas le cas dans le cadre des communes nouvelles. La loi établit que le maire délégué est « désigné par le conseil municipal de la commune nouvelle »727. L’absence de sectionnement électoral n’impose donc aucune contrainte au conseil municipal qui à l’issue

723

Article L211-13 du Code Général des Collectivités Territoriales

724 Loi n°72 588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, Article 9 725 CE, 19 décembre 2008, Commune Saint-Martin-Valmeroux, n° 317664

726

Ibid

166 du premier renouvellement peut désigner un maire délégué de son choix. La loi du 16 décembre 2010 n’établit ainsi aucune distinction entre les conseillers municipaux de la commune nouvelle, à compter de l’acte prononçant la fusion. La réalité est différente dans le sens où avant le renouvellement intégral du conseil, les conseillers municipaux sont naturellement associés par affinité et fidélité politique aux communes dans lesquelles ils ont été élus. Le fait de donner la possibilité aux anciens maires de se maintenir en tant que maires délégués, permet d’apporter la garantie aux anciennes communes que leurs intérêts seront portés auprès du maire de la nouvelle commune jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal. Cette mesure permet aussi d’éviter que des querelles politiques naissent d’une éventuelle désignation comme maires délégués, de conseillers issus d’une autre commune fusionnée, voire de la seule commune démographiquement dominante, ce qui pourrait s’apparenter à une main mise politique de la commune dominante sur les anciennes communes. Cet encadrement est cependant limité dans le temps, puisqu’à compter du premier renouvellement la loi n’impose aucune obligation de résidence aux maires délégués désignés par le conseil municipal728.

236.Le régime de la commune nouvelle accorde d’office des institutions aux communes déléguées. La manière avec laquelle la loi du 16 décembre 2010 aborde cette question est particulièrement évocatrice de l’approche parfois ambivalente dans laquelle a souhaité s’inscrire le législateur. Ce dernier propose ainsi la désignation d’un maire délégué représentant les intérêts des anciennes communes, sans souhaiter associer à cette désignation la création d’une section électorale venue compléter cette représentation par une légitimité démocratique. Ainsi, si l’institution d’un maire délégué garantit à elle seule la subsistance d’une communauté politique autour des anciennes communes, elle demeure de l’ordre du symbole puisque sa désignation relève de la discrétion pleine et entière du conseil municipal de la commune nouvelle.

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