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résilience de l’autoritarisme : outils d’analyse et démarche de recherche

1.2 Démarche de recherche

1.2.3 La collecte des données : déroulement et outils

Après avoir présenté la méthodologie de l’enquête de terrain au niveau général, cette partie s’intéresse spécifiquement au processus de récolte des données et à ses outils.

1.2.3.1 Préparation et déroulement de l’enquête

Le premier terrain de recherche (février - mai 2015) a été préparé au cours de l’été et de l’automne 2014 avec le développement du projet de recherche, du cadre méthodologique ainsi que l’élaboration de questionnaires ciblant les différentes catégories d’acteurs que j’envisageais d’interroger. Un certificat du Comité d’éthique de l’Université de Montréal a également été obtenu. Les démarches administratives afin d’obtenir le visa pour le Soudan et les autorisations de recherche ont toutefois retardé le départ sur le terrain de plusieurs mois. Après avoir obtenu une lettre d’invitation de l’Université de Khartoum par l’intermédiaire du Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales de Khartoum (CEDEJ-K)41, je suis entrée en contact avec l’ambassade du Soudan à Ottawa pour obtenir le visa. Il s’est avéré que son personnel était réticent face à ma demande, en particulier du fait de ma nationalité française et non canadienne. Je décidai finalement de faire ma demande auprès de l’ambassade du Soudan à Paris, qui m’accorda un visa de trois mois sans difficultés. Je fis de même lors de mon second départ sur le terrain en septembre 2015.

41 Antenne délocalisée du CEDEJ du Caire, cette institution, qui dépend conjointement du CNRS et du Ministère

des Affaires Étrangères et du Développement International français, fait partie du réseau des Instituts Français de Recherche à l’Étranger.

Le déroulement du premier terrain me conduisit à modifier mon projet de recherche et à m’intéresser au Nord Kordofan. Faute de temps, il se déroula uniquement à Khartoum, où je rencontrai des volontaires chargés de mobiliser les Kordofanais habitant dans la capitale. Le second terrain (septembre - décembre 2015) me donna l’occasion de me rendre dans le Nord Kordofan, à El Obeid. J’eus également l’occasion de réaliser un voyage d’une journée dans la ville voisine de Bara.

1.2.3.2 Les outils de collecte et de traitement des données

L’enquête de terrain a eu recourt à cinq des six formes de production de données identifiées par Olivier de Sardan (2008, 46 - 47) : l’insertion, des entretiens formels, l’observation, les sources écrites et enfin les données audiovisuelles42. Seuls les procédés de

recension semi-quantitatifs n’ont pas été utilisés.

L’insertion correspond à ce qui est traditionnellement appelé observation participante, et réfère aux données collectées par l’immersion quotidienne de plus ou moins longue durée. L’insertion est bien entendu le contexte dans lequel les autres outils sont utilisés, mais elle est aussi une méthode de production des données en soi. En effet, les éléments observés et les conversations tenues de façon informelle peuvent devenir des donnés à travers la prise de note systématisée dans un journal.

Les entretiens ont été conduits de façon semi-directive, avec au total 53 entretiens au long des deux terrains. Ceux-ci ont été conduits avec des acteurs de milieux divers : citoyens sans responsabilités dans la Renaissance, fonctionnaires, universitaires investis dans

l’initiative…Il faut noter qu’il était souvent difficile de déterminer le degré de participation et les responsabilités précises de mes interlocteurs par rapport à la Renaissance. Certains entretiens sont devenus des entretiens collectifs, que ce soit par la nature même de l’espace dans lesquels ils avaient lieu - comme ce fut le cas pendant mes entretiens sur un marché de Khartoum - ou de façon inattendue - comme à Bara, où plusieurs personnes m’attendaient sans que j’en ai été avertie à l’avance. Plusieurs entretiens ont eu lieu en présence d’un traducteur ou d’une traductrice, en particulier à El Obeid, et à l’exception des premiers entretiens réalisés, aucun n’a été enregistré. J’ai pris la décision de ne recourir qu’à la prise de note après m’être aperçue que la présence de l’enregistreur inhibait mes interlocuteurs, qui tenaient un discours bien moins convenu lorsqu’il était éteint. Par ailleurs, il me fut impossible pendant mes entretiens au marché de Khartoum de sortir l’enregistreur ou de prendre des notes, car il s’agit d’un espace dans lequel la présence de l’appareil de sécurité est forte et cela aurait attiré l’attention des agents de police, coupant court à ma recherche.

Une dizaine d’observations ont également été réalisées, la plupart de façon spontanée car les opportunités se présentaient à l’imprévu sur le terrain, à l’exception d’événements clairement circonscrits comme les expositions ou les visites des infrastructures en cours de construction. Des photographies ont été prises pour compléter la prise de note, mais cela n’a pas toujours été possible. Il est en effet interdit de photographier des bâtiments officiels au Soudan, ceux-ci étant parfois difficile à identifier. Je ne désirais par ailleurs pas attirer plus d’attention que nécessaire.

Les sources écrites regroupent les documents officiels acquis auprès des individus en charge de la Renaissance et qui ont ensuite été traduits. Il s’agit d’un document contenant la

Convention de la Renaissance, la reproduction d’un discours prononcés par le gouverneur devant le Parlement du Nord Kordofan le 2 mars 2014 et d’une lettre du Président de la République, d’une brochure s’intéressant plus spécifiquement à la situation de l’eau au Nord Kordofan intitulée « Ensemble pour le nafîr », et enfin d’un fichier disponible sur le site officiel de l’initiative qui présente les sommes récoltées pour la Renaissance entre octobre 2013 et avril 2014 ainsi que leur provenance.

Enfin, les données audiovisuelles sont composées de sept vidéos mises en ligne sur la chaîne Youtube officielle de la Renaissance du Nord Kordofan.

L’analyse des données a été effectuée de façon systématique au retour du terrain avec l’aide du logiciel d’analyse quantitative NVivo. Les entretiens et autres données écrites ont été relues et codées en fonction des thèmes qui émergeaient. Ce premier codage, essentiellement descriptif, a ensuite été affiné en faisant appel à des concepts plus analytiques. Le logiciel a également permis de faire des codages par cas, permettant de réunir dans le même dossier tous les éléments liés à l’un ou l’autre des projets afin de connecter des informations qui étaient souvent dispersées dans différents entretiens. Cela a notamment facilité la triangulation et permis de mettre en évidence tant les aspects consensuels que les incohérences et parfois même les contradictions.