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L’entreprenant : un mot sans lien avec une activité spécifique

Dans le document L'entreprenant en droit OHADA (Page 96-102)

Conclusion du chapitre

Paragraphe 2. …Une particularité du statut d’entreprenant

A. L’entreprenant : un mot sans lien avec une activité spécifique

166. « C’est aux fruits qu’on reconnaît l’arbre ». Cet adage repris par Jérôme JULIEN et

Alexandra MENDOZA-CAMINADE166 traduit bien les développements qui suivront dans

cette partie. En effet, c’est à travers son activité qu’on reconnait un professionnel.

167. Dire que le statut d’entreprenant ne fait référence à aucune activité signifie qu’il ne

permet pas d’établir un rapport avec une activité en particulier. A son sujet, le professeur Santos AKUETE PEDRO affirmait qu’ « il n'est ni un commerçant, ni un non-commerçant, ni un artisan, ni un agriculteur.(...) Le législateur lui réserve une place particulière, propre o t e, l’auto-entrepreneur, l’EIRL so t des fo es pa ti uli es sous les uelles les diff e ts p ofessio els énumérés ci-dessus peuvent exercer. Pour expli ue e u’est le statut de l’e t ep e a t, plusieu s auteurs o t dit de lui u’il est "u ou el a teu ", "u p ofessio el". Mais e si es ualifi atifs e so t pas fau , il est i po ta t de soulig e u’ils e pe ette t pas de e e la otio d’e treprenant. Se questionner sur la véritable nature du « statut d’e t ep e a t » e ie t à se de a de s’il s’agit d’u e i e at go ie de

professionnel de la e atu e ue le o e ça t, l’a tisa , le p ofessio el li al ou l’ag i ulteu , ou

s’il s’agit plutôt d’u e ou elle fo e sous la uelle es uat e p ofessio els peu e t hoisi d’e e e leu a ti it . C’est ette de i e o eptio de l’e t ep e a t ui ous se le t e o e te. L’e t ep e a t est certes un nouvel acteur introduit dans le d oit des affai es de l’OHADA, u p ofessio el, ais a a t tout il

est e fo tio de so do ai e d’a ti it , u o e ça t, u a tisa , u p ofessio el li al, u ag i ulteu

ui a hoisi d’e e e so a ti it e se faisa t appli ue des gles pa ti ulières.

à lui, un véritable statut de professionnel indépendant »167. En effet, à la différence des

statuts traditionnels tels que le commerçant, l’artisan, l’agriculteur, l’entreprenant n’a, a priori, aucun lien avec aucune activité particulière. Le terme « entreprenant » ne renvoie à aucune activité et ne peut, dès lors, renseigner sur la nature de l’activité exercée. D’entrée de jeu, face à une personne qui se présente comme un entreprenant, l’on ne saurait dire si l’activité qu’elle exerce est civile, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Pourtant, face à celui qui s’identifie comme un commerçant, un artisan, un agriculteur ou un professionnel libéral, on connaît d’emblée la nature des activités qu’il accomplit.

168. De manière générale, c’est à partir de la nature d’une activité que l’on tire le

qualificatif de celui qui l’exerce. C’est de l’exercice du commerce que vient le qualificatif de commerçant ; dans le même ordre d’idée, le titre d’artisan vient de l’exercice d’une activité artisanale ; c’est par l’exercice d’une activité agricole que l’on est agriculteur et enfin, c’est à cause de la nature libérale de l’activité qu’on parlera de professionnel libéral.

169. Fort de ce qui précède, on pourra dire qu’un commerçant est un professionnel qui

exerce une activité commerciale, qu’un artisan est quelqu’un qui exerce une activité artisanale, qu’un agriculteur est une personne qui s’adonne à une activité agricole et que le professionnel libéral exerce une activité libérale. Par contre, par le seul vocable « entreprenant », il n’est pas toujours évident de deviner qu’il s’agit d’un entrepreneur et encore moins le type d’activité qu’il exerce. L’entreprenant va donc se distinguer des autres professionnels. En général, le terme employé pour qualifier ces derniers donne un indice sur le type d’activités qu’ils exercent. Il leur confère en quelque sorte une identité professionnelle168 qui permet au premier abord de déterminer leur domaine d’activité. Les titres professionnels permettent généralement d’identifier la profession ou la catégorie professionnelle à laquelle appartiennent ceux qui les portent. C’est ainsi qu’on sait, par

167 Co e tai es de l’AUDCG is ti s de OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés,

Juriscope, 4ème édition, 2012, p. 243.

168L’e p essio « ide tit p ofessio elle" e oie si ple e t à la fa ult u’u tit e a à e seig e su le

do ai e d’a ti it de elui ui le po te. M e si o e peut pas, d’e l e, di e a e p isio uel tie ce professionnel e e e, o a au oi s u e id e su la t a he d’a ti it à la uelle il appa tie t. E effet, dans chaque domaine, il peut exister des métiers différents. On aura par exemple, chez les commerçants, ceux qui achètent en vue de revendre, des exploitants de mines, des intermédiaires de commerce, etc. Chez les a tisa s o au a des a tisa s d’a t, des a tisa s de p odu tio , des a tisa s de se i es. Pa eille e t, chez les agriculteurs, on comptera des éleveurs, des cultivateurs, etc.

exemple, qu’un médecin effectue des actes médicaux ; qu’un policier est un agent des forces de l’ordre ; qu’un enseignant exerce dans l’enseignement ; etc…. Mais tout ce que l’on sait de l’entreprenant, c’est qu’il est un entrepreneur individuel sans plus. Rien ne permet a priori de savoir s’il exerce une activité commerciale, civile, agricole ou libérale. Le terme entreprenant devrait beaucoup plus être utilisé pour désigner un régime auquel certains professionnels peuvent bénéficier. Ce terme ne désigne pas d’abord le professionnel, mais les règles particulières qui s’appliquent à lui et qui, dès lors, le distinguent de ceux qui ne sont pas assujettis aux mêmes règles. Le professionnel est en réalité un commerçant, un artisan, un agriculteur ou un professionnel libéral bénéficiant de ce régime particulier.

170. Considérant cette particularité, certains pourraient penser que l’entreprenant est un

entrepreneur sans activité fixe, une personne qui entreprend tout ce qui lui passe sous la main. Cela ne serait pas d’ailleurs loin de ce que l’on observe dans la pratique169. Mais, même s’il a la possibilité d’exercer une activité civile ou commerciale sous un même statut, l’entreprenant a pourtant bel et bien une activité bien précise.

171. L’entreprenant n’est pas cet entrepreneur qui entreprend tout et n’importe quoi. Il

n’est pas un entrepreneur qui, à son gré, peut décider d’exercer telle ou telle autre activité sans accomplir aucune formalité. Le privilège qu’il a de choisir ou de varier la nature de son activité ne l’exempte pas d’accomplir certaines formalités. Dans sa déclaration d’activité initiale, il est tenu de fournir des renseignements sur la nature de son activité. En cas de changement de celle-ci, il devra procéder à une déclaration modificative dans laquelle il précise la nature de la nouvelle activité170. L’entreprenant ne saurait déclarer qu’il exerce une activité commerciale alors qu’en réalité il exerce une activité artisanale. Il est tenu de choisir, de déclarer et donc d’exercer une activité précise. En fonction de la nature de l’activité qu’il exerce, certaines personnes le considèrent comme un entrepreneur en miniature. Pour eux, il n’est rien d’autre qu’un petit commerçant, un petit artisan, un petit

169 En effet, plusieurs petits opérateurs du secteur informel entreprennent en fonction des opportunités qui

s’off e t à eu . L’a ti it peut a ie e fo tio des o e s, des saisons, de la demande, etc. Un jour on vend des produits champ t es, u aut e ’est la e te de ou itu e. C’est l’e e ple de et ag i ulteu ui, un jour vend les produits de son champ sans les transformer (vente du manioc). Le même agriculteur plus tard, décide de les transformer avant de le vendre (transformation du manioc en bâton de manioc, etc.)

170Voi da s l’AUDCG, l’a ti le 62 – ° de pou le o e e e t de l’a ti it et l’a ti le ali a pou le

agriculteur, etc.

172. Ces différentes conceptions de l’entreprenant ne sont pas fausses car l’entreprenant

est un entrepreneur dont le statut ne s’acquiert pas par l’exercice d’une activité en particulier.

B. L’entreprenant : un statut ne s’obtenant pas par l’exercice d’une activité 173. Si un statut renvoie à une activité particulière c’est parce qu’en général il découle de

l’exercice ce cette activité, autrement dit il s’acquiert par l’exercice de l’activité en question. L’exemple qui illustre le mieux ceci est celui du commerçant. Est qualifié de commerçant, celui qui fait de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession171.. En d’autres termes, celui qui exerce de manière habituelle une activité commerciale. Ainsi c’est par son activité que le commerçant se reconnaît. C’est par elle qu’il acquiert son statut.

174. La qualité de commerçant ne s’acquiert pas par l’accomplissement d’une formalité,

mais par l’accomplissement habituel d’actes de commerce par nature. Emmanuel CORDELIER faisait remarquer que la définition de commerçant « ne fait pas allusion aux démarches qui auraient pu être effectuées par la personne qui prétend à la qualité de

commerçant »172 et il en est ainsi aussi bien en Droit français qu’en Droit OHADA.

L’immatriculation, qui est la formalité principale que le commerçant doit accomplir, crée simplement une présomption de commercialité à l’égard de la personne immatriculée. Cela signifie que ce ne sont pas toutes les personnes qui sont immatriculées au RCCM qui ont la qualité de commerçant. C’est par ses actes qu’on reconnaît le commerçant173 et c’est

d’ailleurs à cause de la nature commerciale de ses activités qu’il a la qualité de commerçant. C’est donc dans les faits que sa qualité se prouve. La CCJA a réglé cette question en

171 C. TOHON, Le droit pratique du commerce informel, thèse, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p.

94.

172 E. CORDELIER, Droit commercial et droit des affaires, Bruylant, 2e éd., 2018, p. 317.

173Voi l’i t odu tio de l’ou age de G. RIPERT et R. ROBLOT, L. VOGEL, M. GERMAIN, Traité de droit des

affirmant que l’immatriculation « qui est une simple mesure de publicité, ne confère pas la

qualité de commerçant mais s’applique à une personne l’ayant déjà… »174.

Une personne qui ne fait pas de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession n’a pas le statut de commerçant bien qu’elle soit immatriculée. Si, a priori, son immatriculation fait croire qu’elle est commerçante, elle peut apporter la preuve du contraire dans les faits. Mais celui qui exerce une activité commerciale sans être immatriculé sera tout de même qualifié de commerçant. Il ne peut se prévaloir de sa non-immatriculation pour se soustraire à ses obligations de commerçant. Michel PEDAMON et Hugues KENFACK affirmaient qu’un tel entrepreneur n’a ni le droit ni les privilèges du statut de commerçant, mais en a les charges et les obligations175.

175. A l’image du commerçant, seront déclarés artisans ceux qui exercent effectivement

une activité qui relève du domaine artisanal ; ne seront considérés comme agriculteurs que ceux dont l’activité est classée comme agricole ; pourront être considérés comme des professionnels libéraux ceux dont l’activité est libérale. Un entrepreneur ne saurait porter un statut qui ne reflète pas la nature de son activité ni refuser la qualification qui est intrinsèquement attaché à son activité. C’est de la nature de l’activité exercée que découle le statut. L’appartenance d’un professionnel à telle ou telle autre catégorie professionnelle ne dépend pas de son bon vouloir, mais bien effectivement de la nature de l’activité qu’il exerce. Ce n’est pas la qualification que l’entrepreneur se donne lui-même qui importe, mais plutôt celle que donne la loi176 au regard de l’activité qu’il exerce. Une personne qui accomplit habituellement des actes de commerce ne peut choisir de se faire qualifier de professionnel libéral alors qu’au regard de ses activités elle est commerçante. Dans la même logique, elle ne peut refuser le statut de commerçant puisqu’elle rentre dans le moule de ce 174 CCJA, arrêt n° 008/2017 du 26 janvier 2017, Société GETMA Togo SA, Société MANUPORT Togo SA c/

Etablissement Comptoir International pour le Commerce (CIC).

175 M. PEDAMON et H. KENFACK, Droit commercial. Commerçants et fonds de commerce. Concurrence et

contrat du commerce, Dalloz, 4e éd., 2015.

176L’ad i istration chargée des formalités des entreprises ou le juge (en cas de litige) ne sont pas tenus de

ete i la ualifi atio u’u e t ep e eu se donne. Sur la base de critères définis par la loi, ils vont déterminer le statut exact auquel il appartient afin de lui appliquer la réglementation qui lui sied. En procédant à la déclaration de leurs activités, certains auto-entrepreneurs se sont vus classés dans des at go ies au uelles ils ’a aie t pas pe s . Pa e e ple, alo s u’ils o aie t être des professionnels

que la loi qualifie de commerçant.

176. Lorsqu’on revient au statut de l’entreprenant, on constate que la réalité est différente.

A l’opposé des autres professionnels, ce statut s’acquiert par l’accomplissement d’une formalité particulière : la déclaration d’activité. Ainsi l’exercice régulier et à titre professionnel d’une activité bien précise ne saurait conférer à son titulaire la qualité d’entreprenant. Rappelons-le, d’après l’alinéa 1 de l’article 30 de l’AUDCG, l’activité de l’entreprenant peut-être civile commerciale, artisanale ou agricole. Or, pour chacune de ces activités, il existe un statut précis. Face à celui qui exerce une activité commerciale, la pensée première est de croire qu’il est, au regard de l’activité qu’il exerce, un commerçant, un artisan ou un agriculteur. De prime abord, quand on observe un entrepreneur dans l’exercice de son activité, rien ne laisse présager qu’il est un entreprenant. Etant donné que l’entreprenant a la possibilité d’exercer les mêmes activités que le commerçant, l’artisan et l’agriculteur, ce ne sera certainement pas au travers de son activité qu’on pourra l’identifier.

177. Pourra véritablement se prévaloir du statut d’entreprenant, l’entrepreneur qui, bien

qu’exerçant une activité commerciale ou civile, aura au préalable effectué sa déclaration d’activité177. Ce n’est pas au regard de son activité qu’il sera entreprenant, mais au regard

de divers signes ostentatoires178 que l’on saura qu’il est un entreprenant. On ne saurait parler

d'entreprenant de fait. L’entrepreneur qui n’a pas effectué sa déclaration d’activité et qui n’a accompli aucune autre formalité prescrite pour se formaliser, est un simple entrepreneur individuel. Son défaut de formalisation fait de lui un entrepreneur de fait.

178. Le fait, pour l’entreprenant de tirer son statut de l’accomplissement d’une formalité,

le différencie davantage des autres statuts. Mais pour accomplir cette formalité, il faudrait que l’activité à exercer soit conciliable avec le profil que le législateur a dressé de l’entreprenant.

177 A ce sujet, voir : P. KEUBOU et F. C. KAMLA FOKA, « La sanction pénale du non-respect des formalités

relatives au RCCM da s l’espa e OHADA : le cas du Cameroun », in Revue de l’ERSUMA, (juin 2012), n° 1,

p.193.

178 Des signes tels ue le u o de d la atio d’a ti it sui i de l’i di atio du RCCM dans lequel cette

déclaration est enregistrée et la mention « E t ep e a t dispe s d’i at i ulatio ». Voi l’a t. 62 al. 3 de l’AUDCG.

Section 2 : L’exercice d’une activité conciliable avec le profil de

l’entreprenant

179. La présentation faite à l’alinéa 1 de l’article 30 de l’AUDCG donne l’impression

qu’avec le statut de l’entreprenant, il est possible d’exercer toutes les activités. Il s’apparente ainsi à une espèce de « fourre-tout », par le biais duquel un entrepreneur peut exercer tout type d’activité. Pourtant, quand on considère le profil des personnes ciblées par ce statut, on est forcé d’admettre qu’il n’est pas conciliable avec toutes les activités. Il y en a qui, malgré leur caractère civil ou commercial, s’accordent mal avec le statut d’entreprenant. Elles doivent, par conséquent, être cartées de son champ d’action. Même si on peut trouver dans la loi communautaire des indices qui permettent d’en identifier quelques-unes (paragraphe

1), il serait plus judicieux pour les législateurs (communautaire et nationaux) de définir des

critères d’exclusion précis (paragraphe 2).

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