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Quelques cas de requalification De la simple idée d’entreprise à la réalisation de

Dans le document L'entreprenant en droit OHADA (Page 36-38)

PREMIÈRE PARTIE L’ACCES AU STATUT D’ENTREPRENANT

Paragraphe 1. L’exigence de la forme individuelle de l’entreprise

A. L’exercice de l’activité en nom propre

53. Quelques cas de requalification De la simple idée d’entreprise à la réalisation de

celle-ci, il est possible de voir intervenir plusieurs personnes. Il arrive très souvent qu’un projet d’entreprise soit mené ou partagé par plusieurs individus qui, parfois injectent de l’argent pour la concrétisation dudit projet et interfèrent dans le fonctionnement de l’entreprise créée. Des questionnements et quelques fois des litiges surgissent sur le fait de savoir si l’entreprise appartient à une ou à plusieurs personnes. En réalité, cette interrogation soulève le problème de la nature juridique de l’entreprise créée. On se demande s’il s’agit effectivement d’une entreprise individuelle ou d’une société. Évidemment, il ne suffit pas de déclarer administrativement qu’une entreprise est individuelle pour qu’elle le soit effectivement sur le plan juridique. L’existence officielle d’un seul déclarant, unique propriétaire de l’entreprise, ne suffit pas juridiquement pour que la qualification d’entreprise individuelle soit reconnue. Les faits y participent également. L’entreprise individuelle pourrait être requalifiée en société s’il était démontré que l’entrepreneur déclaré n’est pas

seul à exercer le pouvoir de direction, mais qu’il existe au sein de l’entreprise des dirigeants de fait qui s’immiscent dans les fonctions de direction en prenant des actes positifs en toute indépendance et souveraineté59. En s’impliquant dans la gestion de l’entreprise, ces dirigeants de faits partagent les bénéfices et supportent les pertes avec l’entrepreneur déclaré. Selon Brigitte PEREIRA et Alain FAYOLLE, une telle requalification « résulte du comportement de personnes qui ont participé ensemble à une œuvre économique commune dont elles ont partagé les profits et supporté les pertes. On dit que ces personnes se sont, en

définitive, conduites comme des associés sans en avoir pleine conscience »60.

Ce fut le cas dans l’affaire El hadji Khouma GUEYE contre Mouhamadou Bamba GUEYE61 ou dans celle opposant Jacques KAGO LELE contre Christophe TCHOUPO62.

En l’espèce, une entreprise individuelle fut requalifiée en société de fait. Bien qu’officiellement monsieur TCHOUPO fut l’unique créateur de l’entreprise, il avait été démontré qu’il entretenait avec monsieur KAGO des relations similaires à celles qu’entretiennent des associés. En effet, monsieur KAGO avait contribué à l’achat du four à main utilisé dans l’entreprise (apport), avait en outre participé à la prise de décisions en proposant d’embaucher un salarié de l’entreprise. En plus de cela, les bénéfices de l’entreprise avaient été partagés entre les parties. Dans des correspondances qu’il adressait à monsieur GAKO, Monsieur TCHOUPO utilisait la mention « cher associé ». Au regard de tous ces éléments, la Cour d’appel du Centre a estimé qu’il existait entre les parties une société de fait et a partiellement infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi qui avait estimé qu’il s’agissait d’une entreprise individuelle dans la mesure où le statut de fonctionnaire de Monsieur GAKO était incompatible avec celui d’associé d’une société commerciale.

59 F. ALEXANIAN, La direction de fait par personne interposée, mémoire de Master, Université Panthéon-

Assas- Paris II, 2015 ; D. LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, Paris, Dalloz, 25e éd.,2019.

60 B. PEREIRA et A. FAYOLLE, « Confia e ou d fia e, le pa ado e de l’auto-entrepreneuriat », in Revue

française de gestion, vol. n° 231 (27 mai 2013), no 2, p. 35-54.

61Cou d’appel de Daka , a t du ja ie , El HADJI KHOUMA GUEYE / Mouha adou BAMBA GUEYE,

Ohadata J-03-147.

62 Cour d'appel du Centre, arrêt n° 380 /CIV/2008 du 05 novembre 2008, Jacques KAGO LELE c/ Christophe

Ce fut également le cas dans l’affaire Bernard ADOKO SESSINOU contre Désiré

NACOULMA, Michael YANOGO, SONGNABA et Claudine COMPAORE63. Monsieur

ADOKO avait saisi la cour d’appel de Ouagadougou pour qu’elle infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Ouagadougou dans lequel il reconnait l’existence d’une société de fait entre les parties. Il fondait sa demande sur le fait que l’autorisation d’ouverture administrative de l’établissement porte son nom seul et qu’à cet effet, il en était l’unique propriétaire. Mais, considérant que les intimés avaient participé à la constitution du capital social de l’établissement en versant chacun la somme de 2 500 000 francs, qu’ils avaient régulièrement des réunions au cours desquelles Monsieur ADOKO leur rendait compte de la gestion de l’établissement les appelant par abus de langage cofondateurs, et que, pendant les années qui ont suivi la création de l’établissement, ils se partageaient les bénéfices et les risques, la cour d’appel a estimé que le premier juge avait fait une bonne application de la loi en requalifiant l’établissement en société de fait.

Un troisième cas que nous pouvons citer en guise d’exemple est celui opposant monsieur Tino ATCHIMOU contre les ayant droits de feu Yao NDRI AKA64. Dans cette

espèce, Tano ATCHIMOU prétendait être le seul exploitant d’une plantation d’hévéa. Mais les ayants droits de feu Yao NDRI AKA estiment qu’il existait entre leur grand-père et le recourant une société de fait. La cour d’appel d’Abidjan a retenu cette dernière qualification en estimant que les conditions de constitution d’une société de fait étaient réunies, à savoir un apport et le partage de bénéfices. La cour a considéré que le fait pour M. NDRI de mettre son champ à la disposition de M. ATCHIMOU constituait bel et bien un apport ; et que la somme de 250 000 francs que M. ATCHIMOU avait remise à M. NDRI après exploitation de la plantation constituait une preuve incontestable du partage des pertes et bénéfices entre les deux hommes. Au vu de ces éléments, la CCJA a conclu que c’est à juste titre que la cour d’appel d’Abidjan avait retenu l’existence d’une société de fait entre eux et a prononcé la dissolution de celle-ci.

54. La probabilité pour que l’entreprise individuelle soit requalifiée est grande lorsque

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