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De l’action vers l’histoire : une présentation d’aval en amont

Les logiques des déclenchements

C) Le cadre de l’expérience

5) De l’action vers l’histoire : une présentation d’aval en amont

L’ouvrage sera organisé en deux parties de trois chapitres chacune. La première portera sur la dimension microsociologique des déclenchements protestataires et, par sa focale et certains matériaux utilisés, concentrera vraisemblablement l’essentiel du sentiment d’étrangeté qui pourra ressortir de cette thèse. La seconde partie explorera les questions sociohistoriques et macrosociologiques liées aux déclenchements. Elle permettra à la fois de saisir la portée des

70 Étienne OLLION et Julien BOELAERT, « Au-delà des big data. Les sciences sociales et la multiplication des

données numériques », Sociologie, vol. 6, n° 3, 2015, p. 295-310

71 Cf. Sylvain LAURENS, « “ ‘Pourquoi’ et ‘comment’ poser les questions qui fâchent ?” Réflexions sur les dilemmes

récurrents que posent les entretiens avec les “imposants” », Genèses, n° 69, 2007/4, p. 118-120.

72 Les noms des personnages ont été changés. Pour tenir l’anonymat, j’ai parfois modifié, en tâchant de ne pas en

éléments présentés dans la première et de renouer avec une approche un peu plus conventionnelle des sciences sociales.

Pour plus de détails, le premier des six chapitres portera sur les liens généraux entre les préoccupations du quotidien et ce qui se passe lorsqu’a lieu ou est envisagée une action collective. Deux approches seront opposées sur cette question. La première est celle des « conditions de la révolte » (le quotidien est le lieu de toute une série de frustrations ou revendications qui sont une condition de base de l’action), que l’on déconstruira. La seconde est celle d’une forme de continuité relative entre le quotidien et la mobilisation au niveau des préoccupations les plus ordinaires : entretien de rôles, de loisirs, d’un ou plusieurs groupes d’amis, etc. Cette discussion sera aussi l’occasion d’offrir au lecteur un premier bain dans les mobilisations étudiées.

Les chapitres qui suivent seront organisés de façon à expliquer les ressorts de l’action d’aval en amont. Le chapitre 2 vise à situer précisément mon objet dans le temps et le rythme de l’action. La discussion ouverte en introduction sur les différents seuils de progression de la mobilisation y sera approfondie, et on isolera précisément les seuils déterminants pour les mobilisations étudiées. Repérer ces seuils où se joue le passage à l’action nous amènera à la question suivante : quelles sont les conditions permettant de les franchir ?

Le chapitre 3 répond à cette question en portant le regard sur les préoccupations des acteurs en situation dans les jours, heures ou minutes qui précèdent le franchissement des premiers seuils d’engagement dans l’action. Ces préoccupations sont globalement orientées sur la question de la certitude (ou non) que l’action aura lieu. Ce constat me conduira à la question suivante : quelles sont les conditions permettant de construire ou entretenir cette certitude ?

Le chapitre 4 apportera une réponse en explorant les différents types et caractéristiques des ressources de probabilité de l’action. Dans le flux d’informations dans lequel la certitude se construit (ou non), il existe diverses sortes de ressources et éléments courants dont les propriétés seront étudiées ici sur la base de mes terrains et de la littérature scientifique. Je chercherai à expliquer comment ces éléments affectent dans un sens ou l’autre la croyance qui nous intéresse, à en étudier les différents types d’effets et en proposer un classement. L’axe théorique central du classement sera l’opposition entre l’explicite (appels exprès à l’action) et le tacite (signaux non expressément destinés à l’action mais ayant un effet, et aussi connaissances partagées sur le positionnement des personnes émettrices d’un appel explicite, etc.) et les effets différenciés qu’ils produisent. Les observations offertes par la littérature et que tendent à confirmer mes terrains d’enquête (notamment dans le chapitre d’après) mènent à souligner que l’aspect explicite est facultatif et insuffisant, tandis que les indices et signaux tacites sont cruciaux. Par les effets « allant de soi » dont ils semblent dotés (comme pour les événements déclencheurs des émeutes, ou comme pour le Premier mai), ils ont une influence décisive sur les croyances que n’ont pas les appels à

participer. Si bien qu’en pratique, j’opposerai les ressources de probabilité tacites non pas aux ressources explicites, mais aux ressources mixtes. S’en suivra la question qui achève notre mouvement vers l’amont : d’où viennent ces ressources ou indices ? Pour les ressources que constituent les appels explicites à l’action, elles viennent d’une décision de ceux qui les émettent, mais d’où viennent les appels tacites à l’action ?

Les chapitres 5 et 6 offrent une réponse constructiviste à cette question. Le chapitre 5 retrace la construction historique d’un exemple emblématique de ces signes tacites : la bavure policière, déclencheur « classique » d’émeutes dans le département du Rhône. Le chapitre 6 fera appel, au- delà des observations réalisées dans l’ensemble des enquêtes, à une analyse de données issues d’une revue de presse de plusieurs années pour montrer que nombre d’autres déclenchements contestataires reposent sur des traditions ou clichés équivalents. Des processus de construction ont tissé des liens forts entre certaines situations types et des modes d’action types. Des liens si forts que, bien souvent, malgré la diversité des préoccupations et calculs individuels, le déclenchement de l’action n’est pas le moment d’un choix stratégique mais celui où s’impose un mode d’action reconnu comme parfaitement évident par les participants : une « réaction collective type ».

Partie 1 :

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