• Aucun résultat trouvé

IV Place de la classe militaire dans la société saoudienne :

II III La Solidarité sociale, une valeur fondamentale :

II- IV Place de la classe militaire dans la société saoudienne :

1. Introduction :

La sociologie militaire est une branche de la sociologie basée sur une recherche théorique et empirique appliquée à l'étude des forces militaires armées, considérées comme organisation sociale, à l’étude des relations sociales au sein de cette organisation et de la communauté en général. Elle étudie également la guerre comme moyen de résoudre les conflits entre les groupes, les classes et les nations au sein de l'État lui-même188. On parle aussi parfois

de polémologie pour l’étude des conflits.

Les chercheurs spécialistes dans ce domaine ont identifié cinq domaines clés de la sociologie militaire :

1- Profession militaire : on considère que les militaires ont une culture et une organisation spécifiques., avec des normes des codes des valeurs qui leur sont propres.

C’est aussi un domaine particulier de la sociologie des professions

2- Organisation militaire : le corps militaire se compose de plusieurs unités organisationnelles, telles que l’armée de terre, l’armée de mer, les forces aériennes, la garde nationale, la police, les gardes-frontières, etc. Qui peuvent être l’objet d’études. 3- Les activités militaires et leur rapport à la société : ainsi la position de la communauté

par rapport à la présence de certaines installations militaires, ou par rapport à des exercices militaires en association avec des pays étrangers, ou par rapport à la hiérarchie militaire et la répartition des postes.

4- Relations civil-militaires : la participation politique, par exemple, et la détermination du pourcentage et du nombre de civils inscrits dans le service militaire, les effets de la coopération entre personnel militaire et personnel civil dans la mise en œuvre de la politique générale de l'Etat.

187 Abdul Karim, Fuad Mohamed Moussa (1998), L'idée de la solidarité nationale et les droits des victimes d'actes

terroristes, Le Caire, Dar Al Arab renaissance. P: 59-60.

188 Bebler, Anton (1976) : « Development of Military Sociology in Yugoslavia», Armed Forces and Society, Vol:

106

5- Sociologie de la guerre : cela concerne les fonctions de la guerre, la loyauté et le conflit entre les groupes189.

Avec la complexité croissante de la vie sociale, et la spécialisation de tous les domaines d’activité, la sociologie généraliste s’est elle aussi spécialisée. Cela a conduit à une expansion significative des champs de la discipline, et à une multiplicité de domaines spécialisés dans les études, l'analyse et l'interprétation des différents aspects de la vie sociale.

La sociologie militaire est un champ relativement moderne de la sociologie. De nombreuses études et des ouvrages spécialisés dans ce secteur présentent ce domaine de la recherche et des études scientifiques comme celui qui prend en charge l'étude de l'organisation sociale des forces armées, des relations avec les unités internes et de leur relation à la société dans son ensemble. Ce secteur aborde également la question des guerres et des différentes formes de conflits, enfin celle des prisonniers et des services offerts aux blessés et aux victimes, etc.

La sociologie militaire s’intéresse également, en partenariat avec la psychologie militaire, au moral, à la motivation, à ce qui peut inspirer l'esprit de sacrifice et de combat et la volonté de défendre les acquis de la patrie et le sol. Elle traite également des problèmes d'adaptation sociale du personnel militaire et de leurs familles, de leurs besoins et de la façon de résoudre leurs problèmes. Elle s’intéresse également aux questions de protection sociale et d’assurance maladie, de suivi et de soins aux prisonniers, aux blessés et aux victimes de la guerre190.

2. Le service militaire en Arabie Saoudite :

Au début de la création du Royaume d'Arabie Saoudite, la région centrale (région de Najd) restait à l'écart des influences extérieures ; elle n’était donc pas exposée à de nouveaux courants de pensée et la communauté a maintenu ses habitudes et ses traditions d’origine. La base de l'unité, fondée sur la communauté, était le Badia, ainsi que la communauté rurale dans les oasis. Au sein de ces deux contextes, la communauté des tribus et la communauté agricole, va se former un mouvement religieux, intellectuel et politique.

189 Khader, Ahmed Ibrahim (1980), La sociologie militaire, l'analyse sociologique de la disposition de l’autorité

militaire, Le Caire, Dar El Maarifa, la première édition. P: 41-43.

107

Dans le reste des régions du Royaume, la situation était différente en fonction de l'étendue de la communication avec l’extérieur, car l'ère de l'armée turque a laissé des traces tant au niveau des langues que des coutumes. Les régions de l'ouest sont considérées, en vertu de l’existence des lieux sacrés de l’islam, comme une source d'influences et de courants extérieurs avec les pèlerins qui affluent chaque année pour effectuer le Hajj ; cela a laissé un impact sur les traditions locales, les dialectes parlés et le service militaire. De même, dans la région orientale du pays, les contacts avec l'extérieur, en particulier les échanges commerciaux, ont eu un également effet sur la langue et sur les coutumes.

L'armée régulière du Royaume d'Arabie Saoudite est fondée en 1902, par le roi Abdul Aziz Al Saud, lors des efforts visant à unir le pays, dans le cadre de l'État saoudien moderne, qui rassemble les zones et les régions qui ont formé le premier et le deuxième État saoudien. Cette première armée d’Arabie Saoudite comprenait, à ses débuts, seulement soixante hommes, conduits par le roi Abdul Aziz à Riyad lors de la bataille de 1902. Au moment de la prise de la ville, le roi a posé la première pierre de la construction de l'État et entrepris la phase d’unification. Il a passé ensuite plus de vingt ans dans des batailles et des guerres sur de nombreux fronts.

Au début de la formation de l'armée, le niveau culturel des soldats était faible, peu de militaires savaient lire et écrire. Les officiers et sous-officiers, plus cultivés que la base, donnaient des cours d'éducation militaire aux soldats. Mais, lorsque certains officiers et sous- officiers, qui avaient servi dans l'armée turque ou sous sa direction, ont rejoint l’armée du Royaume, cela a fait évoluer progressivement le niveau général de l'éducation ; l’utilisation de mots turcs a commencé à entrer en vigueur dans la communauté militaire. Même l’uniforme militaire (pantalon et chemise) était étrange, pendant cette période, pour les résidents de certaines régions, surtout pour les habitants du désert ; seuls, ceux qui avaient voyagé pour rejoindre l'armée turque ou l’une des armées des pays arabes voisins, ou ceux qui avaient été affectés par les armées occidentales n’étaient pas surpris par cet uniforme. Le taux de participation dans l'armée régulière était très faible, ce qui a permis à ceux qui avaient déjà servi dans l'armée turque ou l'armée de Sharif de rejoindre plus facilement l’armée saoudienne.191.

En ce qui concerne les conditions financières et économiques, les ressources de l'État étaient limitées et les occasions de trouver du travail étaient donc rares. C’est pour cette raison

191 Salloum, Yusuf Ibrahim (2007), le service militaire dans le Royaume d'Arabie saoudite, le Royaume d'Arabie

108

que le service au sein de l’armée offrait, en plus de l'honneur de défendre le pays, une source de travail, et un moyen de subsistance, pour un grand nombre des personnes. Au départ, les soldats touchaient un salaire mensuel de sept riyals, puis celui-ci est passé à quinze riyals avec une pension alimentaire de sept riyals, et le salaire a continué d’augmenter jusqu’à la parution d’une première échelle des salaires des personnels de l’armée d’Arabie saoudite en 1953, dans le cadre général des employés de l'Etat. Les salaires ont continué à augmenter dans les années suivantes après la mise en place de nouveaux règlements concernant le service militaire, en fonction de la hausse du niveau de vie et de l’augmentation des revenus du royaume. La dernière augmentation des salaires des militaires date de 2011.

Dès les premières périodes, l’armée saoudienne exerça une forte influence. Cette armée était, et demeure le symbole de la souveraineté et du développement du royaume. Dès sa création, elle a participé à la guerre entre Saoudiens et Yéménites en 1934, puis à la première guerre de Palestine en 1948, puis à la guerre de l'agression tripartite contre l'Égypte en 1956. Les troupes saoudiennes ont participé également aux guerres successives entre les Arabes et Israël dans les années 1967 et 1973. Les forces saoudiennes étaient aussi présentes en Jordanie, au Liban et en Syrie au sein de la Force arabe de dissuasion. Grâce à ces missions, l’armée du royaume a acquis une expérience irremplaçable en matière de formation, d'organisation, d'armement, ce qui aura pour effet également de contraindre l’Etar à améliorer les conditions de travail dans le cadre du service militaire192.

Les forces saoudiennes ont également été présentes au sein des forces de maintien de la paix au Yémen, elles ont fait face à l’attaque, en 1969, contre une ville du Royaume, El Wadi’a, qui se situe à la frontière sud-est avec le Yémen, ce qui a permis à l’armée saoudienne de participer à la construction de l'État. Il s’agit de la deuxième phase du développement de l’Arabie saoudite, qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, en 1948 ; cette phase est celle de la construction de l'État et de l’évolution d’une société traditionnelle vers une communauté industrielle et commerciale, en particulier après la découverte et l'extraction du pétrole. Bien sûr, l’armée a joué un rôle à ce stade de la transformation, avec l'influence notamment de facteurs externes comme les missions militaires ; la première mission militaire a eu lieu au Soudan en 1924, puis la deuxième en Égypte en 1948, suivie par d'autres missions militaires en Angleterre, en France, aux États-Unis, en Espagne et au Pakistan.

109

Puis ce fut la troisième phase dans la formation des organisations militaires ; celle-ci a commencé, dans le Royaume d'Arabie Saoudite, avec l'ouverture des écoles, des collèges militaires et des centres de formation dans toutes les régions du Royaume. Cette période a coïncidé avec le retour des missions militaires de l'étranger ; les forces saoudiennes ont atteint le niveau des armées des pays voisins dans leur système et dans leur organisation. Actuellement, dans le Royaume, existent 6 collèges militaires, qui délivrent des diplômes aux officiers.

1- Collèges affiliés au ministère de la Défense :

a- Collège du roi Abdulaziz, collège militaire basé à Riyad. b- Collège du roi Faisal de l’armée de l’air, basé à Riyad.

c- Collège maritime du roi Fahd, dans la province d’El Jbel dans la région orientale. d- Collège de la défense aérienne du roi Abdullah, basé dans la province d’El Ta’if

dans la région de Makah (La Mecque).

2- Le Collège du roi Fahd de sécurité, basé à Riyad, filiale du ministère de l'Intérieur. 3- Collège militaire du roi Khalid, basé à Riyad, filiale du ministère de la Garde nationale.

On compte aussi le collège de commandement et d’état-major brigadier, à Riyad, dédié à la formation des officiers de toutes les forces armées ; il accorde des diplômes en état-major brigadier et des diplômes de chef de guerre. Notons aussi l'université arabique de Nayef, pour les sciences de sécurité à Riyad, qui accorde des maîtrises et des doctorats dans les domaines de la sécurité et du droit, et dépend du Conseil arabique des Ministres de l'Intérieur. Il existe, par ailleurs, dans toutes les régions du Royaume, environ 50 centres et instituts de formation militaire, et une école militaire, qui ont pour vocation de former et mettre en place des sous- officiers et des soldats dans tous les secteurs militaires de l'État, selon les besoins annuels de chaque secteur.

Des facteurs déterminants ont affecté le service militaire en Arabie Saoudite. Le plus important est le facteur géographique. En effet, l'expansion du Royaume sur un vaste territoire exige une présence militaire suffisante pour sa défense. Le facteur économique joue un rôle également : la découverte du pétrole en tant que ressource principale du pays, ainsi que celle des minéraux et leur exploitation, ont imposé la nécessité de la présence des forces militaires pour les défendre et les maintenir. Le facteur politique a également influencé le service militaire avec, par exemple, la participation du Royaume au traité de défense mutuelle entre les pays arabes. Tous ces facteurs ont joué un rôle, de façon objective, dans la progression des effectifs, l’équipement, l’organisation et l’efficacité de l’armée. Par ailleurs, les forces armées ont

110

influencé la société saoudienne en participant à la diffusion de l'enseignement, avec l’ouverture de cours du soir d'alphabétisation pour les soldats. Cette armée a aussi contribué à l’urbanisation en construisant des centres et des cités militaires ; elle a également joué un rôle dans le domaine de la santé avec la création des hôpitaux militaires. Dans le domaine social, elle a contribué au peuplement du désert, et favorisé le développement des individus engagés dans le service militaire en leur enseignant la discipline et le comportement militaires.

L’amélioration de la situation sociale, démographique et sanitaire des forces militaires, des forces de la Garde nationale et des forces de sécurité intérieure ainsi que le développement des systèmes de service militaire ont fait croître le nombre de demandes pour rejoindre le service militaire dans tous les collèges, instituts, écoles et centres de recrutement militaire, demandes qui dépassent la capacité de ces établissements.193

D’autres éléments ont exercé une influence sur le service militaire au cours des dernières années. Ce sont : la formation du Conseil de Coopération des États Arabes du Golfe, la composition de la force de « bouclier d’Eljazeera » pour défendre la région du Golfe, la participation des forces armées saoudiennes dans la guerre de libération du Koweït en 1990, les opérations militaires contre les infiltrés Houthi au sud du Royaume, enfin la guerre d’Al Khubah en 2009. On peut citer également la direction, par le Royaume, de la coalition internationale, composée de dix pays arabes, pour restaurer la légitimité au Yémen, la mise en œuvre du processus "Opération Tempête décisive" en 2015 contre les rebelles et les forces fidèles au président déchu Ali Abdallah Saleh ainsi que l'alliance militaire islamique annoncée le 15 Décembre 2015, pour combattre le terrorisme, composée de 34 pays et basée à Riyad.

3. La communauté militaire en Arabie Saoudite :

L’armée possède un mode de fonctionnement particulier car les militaires sont confrontés à l’éloignement de leurs familles : ils sont amenés à effectuer divers déplacements loin de leur environnement familial. En raison des exigences de ce secteur, des voyages et des déplacements dans le cadre de l'armée, qui concernent aussi bien les officiers que les soldats, El-Saif (2003)194 dans son approche de la société saoudienne estime que ce domaine est une

des structures sociales les plus importantes actuellement de cette société compte tenu de

193 Ibid, P.299

194 El-saif, Mohammed Ibrahim (2010), Introduction de l'étude de la société saoudienne, Riyad, Dar Khuraiji,

111

l’importance du personnel et de l'étendue des services qui composent l’armée. Cet auteur considère ce domaine comme essentiel pour la recherche scientifique, en raison de la nature même de la vie militaire, qui touche les familles et les enfants, en raison aussi des différents types de professions et des déplacements qui répondent à un besoin militaire ; tout cela nécessite une préparation sociale et psychologique des familles pour faire face aux effets psychologiques et sociaux de ces différentes professions.

Dans toutes les sociétés humaines, l’armée est l’un des domaines d’activité fondé sur une hiérarchie, en raison des clivages sociaux et économiques qui séparent les rangs des officiers entre eux ainsi que le rang des officiers et celui des sous-officiers qui sont aussi inclus dans la hiérarchie. Le militaire, lorsqu’il remplit sa fonction, obtient une position et un statut social qui le situent dans la hiérarchie militaire. À la fin de la phase de qualification, à l’issue de l'entraînement militaire, dans des collèges militaires ou des écoles supérieures pour les officiers, et dans les centres de réadaptation, les instituts de formation pour les sous-officiers et les soldats, la personne est admise à un grade militaire (officier, sous-officier ou soldat) ; ce grade détermine la valeur et l'autorité de chacun. Quiconque accède à un de ces échelons militaires accepte la communauté militaire dans son ensemble et assure de sa capacité à supporter les difficultés de la fonction militaire qui est généralement fastidieuse, violente et dangereuse. Cette adhésion à la communauté militaire signifie aussi que l’on accepte d’embrasser la carrière militaire et de respecter le système, ses règles, ses valeurs, les traditions et les normes de la communauté militaire, qui définissent la relation entre les supérieurs et les subordonnés, entre le commandement et les officiers, entre les officiers, les sous-officiers et les soldats195.

De nombreuses communautés sont désireuses de convaincre leurs membres de s’engager dans le service militaire, en accordant dans ce cas, des avantages qu’on ne retrouve pas dans les autres postes civils, en termes de récompenses matérielles ou de services dans le domaine de la santé et du logement. C’est une motivation positive forte, et elle permet, indirectement, d’accélérer le rythme les actions militaires entreprises. Dans la société saoudienne, un nombre important de membres de la communauté cherche donc à rejoindre le secteur militaire. Certains postulants, afin de maximiser leurs chances, postulent à plusieurs

195 Khader, Ahmed Ibrahim (1980), La sociologie militaire, l'analyse sociologique de la disposition de l’autorité

112

secteurs militaires afin de garantir leur admission dans l’un d’entre eux et, en cas de refus, répètent la tentative pendant des années.

L'étude d’Aba El Jeiche196, en 1994, montre que 18% des étudiants inscrits à l'École maritime et au Collège de la sécurité, ont fait des tentatives antérieures pour rejoindre les fonctions militaires et ont insisté pour être admis à ce collège militaire. L’environnement familial est une des principales raisons qui pousse à vouloir adhérer au service militaire, en particulier dans le domaine de la sécurité. En effet, la plupart des membres des familles travaillent dans ce secteur de la sécurité. Il apparaît que, pour les membres de la communauté, l’incitation la plus importante pour rejoindre les collèges militaires, en général, est d'obtenir un statut social au sein de la communauté, puisque les fonctions militaires donnent généralement aux individus un statut social privilégié. Ceux qui accèdent à des fonctions de sécurité semblent chercher à obtenir une position élevée dans la hiérarchie sociale, par l’occupation de postes militaires, contrairement à ceux qui s’inscrivent pour des fonctions dans l’armée de mer, où les principales motivations sont apparemment des raisons financières.

Selon l'étude d’El shahiri197 (1995), le motif principal qui explique l'inscription des

diplômés des collèges dans les fonctions militaires, est la possibilité qu’offre ce service militaire de poursuivre une formation et d’obtenir des bourses pour suivre des études supérieures à l’étranger, ainsi que l'existence d'incitations financières qu’on ne retrouve pas dans les emplois civils. Nombreux sont donc ceux qui désirent intégrer le service militaire car ils sont conscients de la rapidité de la progression dans la hiérarchie militaire et dans l'avancement professionnel en comparaison de l'avancement dans la hiérarchie, dans le cadre des emplois civils. On peut donc affirmer que l'accès à un certain statut social et le fait d’être reconnu socialement

Documents relatifs