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II III La Solidarité sociale, une valeur fondamentale :

II- V L’appartenance sociale et son renforcement dans les familles des victimes du terrorisme :

2.2 Les conséquences de l’absence du père

Evelyne Sullerot, sociologue de la famille, s’est intéressée aux effets de l’absence du père dans les familles divorcées mono parentales et pose la question « Si les pères sont manquants, les fils ne seront-ils pas manqués, puisqu’ils dépendent l’un de l’autre ? »214.

L’étude menée par Fry, en 1983, sur un échantillon de soixante enfants âgés de neuf ans et demi, qui ont tous été privés de leur père à un âge précoce, confirme l'impact de l’absence du père dans le développement de l'interaction sociale chez les enfants. Les réponses ont été comparées avec les mesures de pratiques et d’interactions sociales dans un groupe d’enfants vivant avec leurs parents. L’étude montre un manque de compétences sociales chez les enfants qui ont grandi sans leur père215.

Un enfant de sexe masculin a besoin d'un modèle masculin qui lui serve de modèle d’identité sexuée ; l'absence de père signifie donc que l’enfant risque de ne pas accéder à l’intégrité comportementale. Il risque également d’être privé de la maturité culturelle propre à l’« habitus masculin »216. L'une des fonctions du père, dans la vie d'un enfant, est de réguler la

relation entre la mère et l'enfant C’est également lui qui permet à l’enfant d’atteindre un certain équilibre et de développer l’estime de soi, c’est-à-dire qu’il assure la transition entre le niveau biologique et le niveau social. Si, très schématiquement, la mère représente le plan biologique, le père représente lui, le plan comportemental et sociétal ; l'enfant doit combiner ces deux niveaux dans sa construction psychologique. Il passe du plan biologique au plan comportemental grâce la conjugaison de l’indépendance et de l’imitation217.

Une étude a été réalisée en 1996 par le Bureau de développement social de la Direction des Recherches et des Études du El-Diwan El’Amiri, au Koweït, sur un échantillon de 150 enfants des deux sexes. La moitié de ces enfants a vu disparaître le père pendant la guerre de libération du Koweït en 1990. Les autres enfants de l’échantillon vivent toujours avec leur père. Cette étude a montré que les enfants qui vivent avec les deux parents sont plus équilibrés

214 Sullerot, Evelyne, Quels pères quels fils ? 1982, Paris, Dunod.

215 Fry, P.S (1983): « Father- Absence and defictism in children's Social – Cognitive development, Implication for

intervention and training », psychological Abstract, Vol: 71. P: 671.

216 On reprend ici à Pierre Bourdieu la notion d’ « habitus » qui désigne les façons de penser d’ëtre et de faire

propres à un groupe d’individus.

217 Faraj Ahmad Faraj, Les phénomènes agressifs chez les délinquants : une étude dans l'analyse psychologique

en utilisant le test de comprendre le sujet ; (Mémoire) ; Le Caire, Université Ain Champs, Faculté des arts, 1964. P:50.

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psychologiquement et socialement, et qu’ils se reconnaissent beaucoup mieux dans le comportement propre à la masculinité ou la féminité que les enfants qui ont perdu leur père et qui vivent seulement avec leur mère. Cette étude a également montré que les enfants qui vivent avec leurs deux parents ont plus de chances de réussir à l’école que ceux qui vivent avec un seul parent. Les résultats de l'étude ont montré également que l'oncle est la meilleure alternative au père218.

La perte du père, si on ne la traite pas avec sagesse et justesse, peut, quoi qu’il en soit, avoir des conséquences désastreuses sur l'enfant. Ce dernier est en effet exposé, en premier lieu, à un choc qui réapparaît un certain temps après la mort du père, ce qui est connu sous l’appellation de « syndrome de stress post-traumatique – SSPT »219. Il est prouvé que la

séparation entre les parents en raison d'actes de guerre et de la violence peut conduire à des troubles post-traumatiques220. Les effets les plus graves de ces troubles post-traumatiques,

surtout chez les enfants, sont des attitudes négatives envers les gens, la vie et l'avenir ; l'enfant croit que l'avenir est une scène pleine de fantômes terrifiants, de rochers et de lagunes. Les symptômes liés à ces troubles apparaissent dans les performances des enfants, les mauvais résultats scolaires et le refus d'aller à l'école ; l'enfant a donc une croyance limitée dans l'avenir qui n’est pas, pour lui, porteur d’espérance221.

Afin d'éviter ce choc, lors de l’événement, il est important que ses proches agissent de manière appropriée et s’efforcent de comprendre la réaction des enfants. La tâche la plus importante revient à la mère. Elle même subit également le traumatisme de la perte de son mari, mais en raison de sa responsabilité parentale cherche à limiter les débordements excessifs d’émotions afin d’en préserver l’enfant.

218 La construction psychologique des enfants de victimes et leur relation avec certains changements

psychologiques et démographiques 1998, le Koweït, le Bureau du développement social, la Direction de la Recherche et de l’Etude – El-Diwan El’Amiri, première édition. p.182.

219 Le SSPT est considéré comme une crise clinique, il est cité dans les recherches scientifiques selon la quatrième

édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association American de Psychiatric. DSM- (IV, 1994).

220L'UNICEF indique que 25% des enfants koweïtiens souffrent du syndrome de trouble post-traumatique après

l'invasion de l'Irak en 1990. Le médecin Kamel Mehanna, professeur à l'Université libanaise et chef de l’association Amel au Liban, a présenté une étude lors d'un séminaire organisé par des institutions jordaniennes et internationales à Amman le 19 et 20 Novembre 2008. Cette étude est menée sur l’état des enfants libanais pendant la guerre, ils sont exposés à cinq ou six expériences traumatisantes dans leur vie. Le magazine à Londres (le magazine) a rapporté, le 28 Septembre 2008, que le Dr. Haider Maliki, un psychologue irakien, qui travaille à L'hôpital central pédagogique des enfants à Bagdad, a souligné, dans une interview à Channel (NBC), que 2% des enfants irakiens souffrent, dans une certaine mesure, du syndrome de stress post-traumatique, et que leur nombre augmente.

221 Zakaria El-Sherbini, et Rashad Damanhouri (2006), La psychologie dans les domaines militaires et de la guerre

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