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Chapitre V : Termes, concepts et notions utilisés

2. Sociologie du secours

6.2. Historique des différentes formes de terrorisme 40 :

Lorsque l'étude systématique du terrorisme a commencé dans les années 1970, il était- accepté par certains que le terrorisme constituait plus ou moins le monopole de groupes d'extrême-gauche, tels que les Brigades rouges italiennes, l'Armée Rouge allemande, ou divers groupes d'Amérique latine. (Le terrorisme ethnique nationaliste, tel que celui de l ‘ Irlande du Nord, figuré aussi ce palmarès) Une conclusion apparaissait alors : le terrorisme existe là où les gens sont les plus exploités et les plus cruellement opprimés. Le terrorisme, par conséquent, pourrait facilement être éradiqué si l’on supprime l'exploitation et l'oppression dont il provient.

(39) Albalawi, Ibrahim (2005) : « Le terrorisme : problématique d'une définition », Synergies Monde Arabe, France, N°2. P : 116

(40) Voir : BETTATI MARIO, Le Terrorisme. Les voies de la coopération internationale. P :13-85, Aussi : Jérôme CALAUZENES, Le terrorisme depuis 1945 [En ligne], http://www.prepa-isp.fr/wp-content/annales/5- commissaire/histoire/2012.pdf, (Page consultée le 25 mai 2015, Dernière mise à jour non communiquée), Aussi : Walter Laqueur (2007), Terrorisme : Une brève histoire. Contexte historique pour le phénomène du terrorisme modern, [En ligne] http://iipdigital.usembassy.gov, Aussi : Thierry Vrilles (2001), Encyclopédie du terrorisme international, L'Harmattan.

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Cependant, il aurait dû être clair, même alors, que cette explication n’était pas correcte parce que le terrorisme a été totalement absent précisément dans les régimes les plus oppressifs du 20ème siècle, l'Allemagne nazie et la Russie stalinienne.

Une décennie a passé et la plupart des groupes terroristes d’extrême gauche a disparu. Au cours des années 1980, il est apparu dans une large mesure dans de petites cellules de l'extrême droite. On fait référence à des cas de détournements et d'attentats (comme à Lockerbie, en Ecosse) d’avions, et d’ambassades attaquées ou même saisies (comme à Téhéran), mais ces opérations ne sont pas effectuées par des groupes d'extrême gauche.

On peut considérer comme des actes de terrorisme des faits notés dans l'Ancien Testament, dans la tradition biblique, des incidents, des assassinats politiques, voire des assassinats systématiques, de même qu’on trouve aussi ce type d’actes violents dans l'histoire grecque et romaine. L'assassinat de Jules César, pour ne citer qu’un seul exemple, préoccupera encore nombre d’écrivains et artistes dans les termes à venir. Une réflexion d’ordre moral se pose en effet avec le tyrannicide (tel que celui entrepris par Guillaume Tell, le héros national des sagas suisses). Théologiens et philosophes ne départageront pas le débat.

Sur de telles questions, l'unanimité est impossible. Mais l'opinion majoritaire regarde le terrorisme, c’est à dire l’acte violent, comme autorisé dans certaines conditions. Quand un cruel oppresseur, un tyran, se comporte comme un ennemi de l'humanité toute entière, en violation de la loi de Dieu et de la justice humaine, il ne laisse alors à ses victimes aucun autre moyen de sortir de l'oppression que celui d'un acte que l’on qualifie aujourd’hui de terroriste et qui était, Ultima ratio, le dernier refuge des opprimés, les autres moyens de légitime défense ayant été épuisés.

Mais philosophes et théologiens savaient, même alors, qu'abuser de la doctrine du tyrannicide justifiable constituait un réel danger. La question philosophique de savoir quelles sont les raisons suffisantes pour que tuer devienne légitime se pose. Existait –il ainsi des raisons légitimes pour assassiner le bon roi Henri IV en France. ? En toutes circonstances n’existe-t-il pas d'autres façons d'exprimer la protestation et la résistance ?

Quoi qu’il en soit, l’histoire a vu maintes fois des petits groupes se livrer au terrorisme systématique sur de longues périodes. Ainsi la secte secrète des Assassins, une émanation des ismaéliens musulmans, opérait à partir du 8e et jusqu’au 14e siècle, sur le territoire de ce qui constitue aujourd'hui l'Irak et l'Iran, tuant gouverneurs, préfets, califes et un croisé roi de Jérusalem. Ce sont les pionniers du suicide terroriste. Leur arme était toujours le poignard, et leurs victimes, habituellement bien gardées, n’avaient aucune chance de leur échapper. La

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langue qu'ils utilisaient a survécu jusqu’à ce jour. Ainsi du terme « combattant » appelé un fida'i , un terme utilisé aujourd’hui encore.

Etymologiquement, l’origine du mot « terrorisme » est à rechercher à la fin du XVIIIe siècle, en France. Ce terme, issu du latin « terrere » qui signifie « faire trembler », se rencontre pour la première fois pendant la Révolution française, lorsqu’est mis en place le régime de la Terreur (septembre 1793-juillet 1794). À cette époque, la Terreur désigne la politique mise en place par l’État qui, pour faire régner l’ordre, n’hésite pas à terroriser la population et à recourir à la force (et à l’usage fréquent de la guillotine). Il s’agit donc d’un « terrorisme d’État » dirigé contre le peuple. Dans le courant du XIXe siècle, on y ajoute le compliment suivant : « stratégie violente utilisée contre l’État ou des membres du gouvernement, afin de déstabiliser les structures du pays, d’affaiblir un système ».

Aux alentours de 1858, on généralise l’emploi du terme « terrorisme », pour décrire les actions d’indépendantistes irlandais visant à déstabiliser le gouvernement britannique ; en 1919, naîtra l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise) et, avec elle, commence un cycle d’attentats suivis de phases de répression sans fin. À la même époque apparaît en Russie le terrorisme d’inspiration anarchiste qui vise à détruire l’État et tous ses symboles, dont ses principaux représentants, responsables de l’oppression du peuple. Dans ce cadre sera assassiné le Tsar Alexandre II en mars 1881. Les anarchistes cherchent à utiliser ce qu’ils appellent la « propagande par le fait », qui consiste à enthousiasmer les partisans et à semer l’effroi dans le reste de la population.

On voit donc que les raisons et motifs de ce qu’on qualifie de terrorisme sont très divers. De même, il existe toutes sortes de terrorisme, si on s’intéresse cette fois-ci aux actes posés: le terrorisme individuel (fréquent aux XIXe -XXe siècles : un individu seul fait exploser une bombe), le terrorisme organisé (plusieurs individus organisés en cellule planifient leurs actions ensemble), le terrorisme d’État (les États enlèvent, séquestrent, font assassiner des opposants) qui est fréquent en Colombie ou au Mexique, le cyber-terrorisme (piratage de systèmes informatiques d’État), l’éco-terrorisme (agressions durables de l’environnement), l’aqua- terrorisme (attaques sur les réseaux d’eau potable), le narcoterrorisme (lié à la drogue),. De façon anecdotique, il est également intéressant de constater que la pratique visant à étiqueter une personne ou un groupe de « terroriste » présente parfois un caractère subjectif. Certains terroristes d’hier sont les héros d’aujourd’hui. Par exemple, Jean de Selys Longchamps qui, aux commandes de son avion, attaquera le siège de la Gestapo à Bruxelles le 20 janvier 1943, sera considéré comme « terroriste » par les nazis, alors que l’histoire (« écrite par les vainqueurs ») en fera un héros de la Résistance. Il en est de même pour Mahmoud Abbas, lié à l’organisation

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« Septembre Noir » dans les années 1970 et qui est aujourd’hui président de l’État palestinien. Notons enfin que s’il n’existe pas de définition unanime du terrorisme, il existe cependant une liste d’organisations reconnues comme « terroristes » en Union Européenne et aux Etats Unis. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le terrorisme semble renaître et reprendre de l’ampleur. De 1945 à 1968, le terrorisme est surtout un outil en faveur de l’indépendance des peuples colonisés ou des populations dominées. L’objectif des actes terroristes est de faire entendre une cause de libération, l’enjeu étant l’occupation d’une terre ou la reconnaissance des droits d’un peuple ou d’une communauté.

À partir de 1968 et jusqu’à la fin des années 1980, le terrorisme se transforme et devient essentiellement un moyen de contestation à l’intérieur des États de l’ouest. Sous-produit de la Guerre Froide, il doit servir de catalyseur à la mobilisation des peuples et à la révolution contre l’impérialisme occidental et contre le capitalisme. Le terrorisme s’internationalise et cherche, à l’image de Che Guevara, qui aspirait à la révolution mondiale en 1967, à internationaliser les foules. Les mouvements issus de 1968 ont développé des groupuscules d’extrême gauche dont certains versent rapidement dans le terrorisme.

Entre 1969 et 1989, la république italienne, contrôlée presque sans partage par la Démocratie Chrétienne, est confrontée à une vague d’attentats d’extrême gauche (communistes : Brigades Rouges) et surtout d’extrême droite (Gladio).

En Allemagne également, on assiste au même type de contestation terroriste. Entre 1970 et 1989, la République Fédérale d’Allemagne contrôlée par la Démocratie Chrétienne (CDU/CSU en Bavière) rejointe par le Parti Social-démocrate (SPD socialiste) au sein d’une « grande coalition » , est confrontée à un terrorisme (34 morts) d’extrême gauche (communiste : RAF : Fraction Armée Rouge, dirigée par Andreas Baader – d’où son nom de « Bande à Baader » - et Ulrich Meinhof).

De 1968 à 1989, date du début de la chute du communisme, le terrorisme est essentiellement lié à la Guerre Froide. Il est surtout le fait d’organisations d’extrême gauche qui cherchent à mobiliser afin de réaliser le Grand Soir ou, à défaut, une insurrection propre à déstabiliser les pays occidentaux. Contribuant à l’installation d’un climat très lourd, à propos duquel on parle d’“années de plomb”, un terrorisme d’extrême droite lui répond. En même temps, le terrorisme essaime au Proche Orient par l’intermédiaire de la question palestinienne et sert ensuite de modèle à d’autres formes de contestation, essentiellement nationalistes ou régionalistes, en tout cas anti-impérialistes. À partir de 1989, pourtant, l’idéal communiste décline et n’est plus une cause pour motiver les actes terroristes. Le relais est pris par le religieux (et notamment l’islamisme), qui en fait également un moyen de contestation contre les États

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occidentaux, en même temps qu’on assiste à une multiplication et à une globalisation des actes terroristes. Le terrorisme djihadiste semble ainsi prendre le relais à partir des années 1990. Ce mouvement se développe encore plus à partir des années 2000 et les mouvements islamistes terroristes se multiplient.

L'acte terroriste le plus meurtrier aux Etats-Unis avant le 11 Septembre 2001, fut le bombardement d'un bâtiment fédéral à Oklahoma City, mené par la droite des sectateurs extrémistes, en 1995. Le terrorisme nationaliste a continué à se maintenir, (en Ulster, dans la région basque d'Espagne, au Sri Lanka, en Israël, et dans quelques autres endroits), mais le terrorisme islamiste qui figure en bonne place aujourd'hui n’existait encore que sporadiquement, dans certains pays du Moyen-Orient.

Aujourd'hui, le terrorisme pratiqué par Al-Qaida, Daesh et des groupes similaires, motivés par le fanatisme religieux, est pratiquement devenu synonyme de terrorisme parce que la plupart des actes de terrorisme contemporain est réalisée par leurs adhérents. Ces groupes représentent donc aux yeux de beaucoup tout le terrorisme. Ce rappel historique aura eu le mérite de montrer que des formes de violence illégitime que l’on peut qualifier de terrorisme ont existé longtemps avant cet islamisme militant et il est à craindre qu’après que les protagonistes actuels de djihadisme aient disparu, le terrorisme, lui, continue d’exister.

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PREMIÈRE PARTIE :

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