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Participation et tourisme participatif

4.5 Innovation ouverte et le développement de villes intelligentes

Les NTIC peuvent transformer la vie du territoire à travers des environnements interactifs et des systèmes innovateurs où les habitants ont une place centrale. Cette transformation, que nous vivons actuellement, est accélérée par l'accroissement de la population urbaine et les problèmes environnementaux. Les chiffres en sont une preuve : le taux d'investissement pour des villes intelligentes est passé de 8,1 milliards de dollars en 2010 à plus de 39 milliards de dollars en 2016, selon l'ABI Research71.

En 1998, les premières études sur la croissance des villes (projet intitulé "Smart places") ont eu lieu à l'Université de Pennsylvanie. Plus tard, on parlait de villes intelligentes. Les villes intelligentes attribuent la primauté aux NTIC dans le but de concevoir des espaces urbains innovants qui facilitent le développement durable et améliorent la qualité de vie de leurs résidents. Ce concept, fort et attractif, a pourtant besoin d'être opérationnel et mesurable. Ainsi, ces villes se structurent à partir de quatre vecteurs de développement : efficience, développement durable, intégration d'infrastructure et NTIC.

Les NTIC ne sont pourtant pas une fin en soi mais un moyen de promouvoir une bonne gouvernance. La gouvernance est l'essence des villes intelligentes et les NTIC sont leur moyen d'existence. Quelques outils fréquemment utilisés sont : portails multi-accès, points sans fil municipaux, capteurs urbains pour des informations sur la circulation des personnes et des véhicules, les valeurs environnementales, les déchets générés, etc., et systèmes puissants de traitement des données pour gérer les informations recueillies auprès de ces capteurs. Les villes intelligentes sont également marquées par leur capacité d'apprentissage et d'innovation, et sont représentées à partir de trois dimensions principales : la première est liée aux personnes et fait référence à la créativité et à l'inventivité ˗ la "ville créative" de Richard Florida (2002). La deuxième est liée à l'intelligence collective de la population ‒ les coopérations intellectuelles et l'apprentissage collectif rendus possibles et soutenus par les institutions publiques. Enfin, la dernière dimension est liée à l'intelligence artificielle mise à disposition de la population.

70 Aussi connue comme "génération net", le terme fait référence aux personnes nées notamment après 1980 et

qui ont grandi dans un monde digital, où les ordinateurs, Internet, etc. sont devenus de plus en plus présents..

71 Source: <http://www.atelier.net/trends/articles/concept-de-ville-intelligente-saffine-se-concretise> (Page

105 À partir des perspectives présentées tout au long de ce chapitre, nous considérons alors qu'une ville intelligente est une ville qui offre une meilleure qualité vie à ses habitants en optimisant leur bien-être, leurs déplacements, les ressources partagées, la gouvernance, l'environnement, etc. Cette transformation se fait au travers de la créativité des acteurs y compris les habitants, de l'innovation ouverte et des coopérations soutenues par les gouvernements, et se sert des NTIC pour faciliter les processus.

Il est alors possible de considérer qu'il n'existe pas une forme unique de ville intelligente mais plutôt une pluralité de types de villes intelligentes qui sont structurées selon les possibilités et les nécessités locales. On retrouve des exemples d'actions vers la "ville de demain" partout dans le monde :

· Au Canada, grâce à des applications de réalité augmentée, il est possible de repérer les stations vélos les plus proches et de savoir combien de vélos y sont disponibles (Bixi), ou encore d'avoir un réseau Wi-Fi gratuit partout dans les déplacements (Zap Québec) ;

· À Amsterdam, c'est par exemple un projet environnemental qui a vu le jour, en partenariat avec des sociétés hollandaises d'innovation et d'opérateurs réseaux. En s'associant étroitement avec les habitants, les entreprises et les pouvoirs publics, la ville avait mis en place des mesures écologiques visant à diminuer sa production en CO2 de 40 % entre 2011 et 2015 : des stations électriques pour les voitures et les bateaux permettant de réduire la consommation d'essence, l'installation de panneaux solaires pour se connecter à Internet ou encore le lancement d'études sur l'environnement dans les universités locales ;

· Helsinki expérimente des bus connectés qui envoient un signal de priorité à l'approche des feux de circulation, tandis qu'à l'intérieur des véhicules, les voyageurs ont accès à une information en temps réel grâce à un réseau Wi-Fi ;

· En France, les habitants des quartiers peuvent se retrouver sur la plateforme sociale "Peuplade.fr", qui permet de créer des contacts entre habitants et favorise l'entraide et la solidarité de proximité. C'est le même principe pour "Neighbourly", en Nouvelle Zélande ; · Google Maps, technologie largement connue, permet de connaître les embouteillages dans

les grandes villes en temps réel (remplaçant, par exemple, le bulletin de circulation à la radio ou le GPS) ainsi que l'offre des transports en commun et les voies cyclables (sentiers cyclables, pistes cyclables, voies douces et chemins de terre) (voir figure 4).

Si la ville est souvent perçue comme un amalgame d'infrastructure physique, grâce aux nouveaux outils mentionnés ci-dessus et bien d'autres, il est désormais possible aux acteurs publics et privés de faire l'agrégation des informations qui y circulent, pour mieux connaître ce qui se passe sur le territoire et ainsi pourvoir maximiser les services fournis aux habitants, mais aussi aux touristes.

En effet, dans ce contexte changeant, dominé par la nouvelle économie digitale et avec un profil de touriste plus exigeant, informé et hyper-connecté, les territoires misent également sur une transformation de leur modèle touristique en s'appuyant sur les concepts d'innovation, technologie, durabilité et accessibilité afin d'assurer le présent et l'avenir de leur tourisme. Le ministre du Tourisme au Brésil en 2014, Vinícius Lage, affirmait à ce titre que le concept de villes intelligentes devrait être exploité même dans le tourisme afin de créer des destinations touristiques intelligentes. Il semble que plusieurs entreprises du secteur touristique ont déjà saisi cette opportunité.

106 Figure 4. Exemple d'état réel de trafic sur le centre-ville de Toulouse avec Google Maps

La plateforme Airb'n'b, qui gère une offre de parahôtellerie proposée par des particuliers à des voyageurs souhaitant séjourner dans un quartier particulier de leur destination, a acheté la plateforme Localmind d'information géo localisée, qui travaille pour répondre aux questions sur les destinations touristiques en temps réel. L'intérêt était évidemment d'avoir une expertise locale, de mieux savoir ce qui se passe dans les villes et d'améliorer ainsi leur offre.

Les gouvernements commencent alors à s'approprient les NTIC pour améliorer la ville et la vie des habitants, ainsi que le séjour des touristes. La ville de Varsovie a créé un réseau de balises de géolocalisation (iBeacons) qui permet d'envoyer des informations précises aux touristes concernant l'environnement qui les entoure. Dans la ville de New York, un projet, le LinkNYC, a mis en place un réseau Wi-Fi gratuit et ultra performant ainsi que plus de dix mille bornes interactives disséminées dans la ville. Le réseau offre également la possibilité pour les touristes d'appeler gratuitement des numéros de téléphone aux États-Unis.

La ville de Lisbonne a participé à l'organisation de concours avec des partenaires privés (tel que Vodafone) pour encourager la création d'applications mobiles. Des projets comme "Spot in Lisbonne" (un guide pour smartphone) ou "Through my eyes" ont pu voir le jour. Cette dernière est basée sur le crowdsourcing et permet aux touristes de découvrir la ville au travers des parcours créés par des habitants. Mais les touristes peuvent, eux-aussi, créer leurs parcours, comparer et commenter les restaurants et les hôtels, le tout sur fond de réseau social. Ces villes et bien d'autres développent un "tourisme intelligent" (smart tourism) qui prône le développement d'une nouvelle offre touristique basée sur le cloud (stockage d'information à moindre coût), le open data (mise à disposition des données aux partenaires), l'Internet des objets (Beacons, informations contextualisées), des applications smartphones, etc.

Tout comme dans le concept des villes intelligentes, l'objectif du tourisme intelligent est d'apporter aux visiteurs une information personnalisée et en temps réel, mais également de pouvoir mesurer l'influence des lieux touristiques et de connaître les différents parcours des touristes. De cette nouvelle pratique émerge le concept de destinations touristiques intelligentes, qui se concentrerait sur la recherche d'un tourisme plus contrôlé, avec une

107 gestion plus efficace et durable, et une compétitivité plus importante dans l'ensemble de l'économie. Ce sujet tendance depuis 2015 a déjà fait, par exemple, l'objet d'une conférence de l'OMT à Murcia, Espagne, en 2017.

4.5.1

De villes intelligentes à destinations touristiques intelligentes

Une destination touristique intelligente (DTI) est définie par Antonio L. Ávila et Susana García (2013, p. 62) comme étant "un espace innovant, accessible à tous, établi sur une infrastructure technologique de pointe qui garantit le développement durable du territoire, facilite l'interaction et l'intégration du visiteur avec l'environnement et augmente la qualité de son expérience dans la destination, ainsi que la qualité de la vie des résidents." Bien que le concept de DTI soit né des villes intelligentes, il existe des différences importantes entre eux. Il existe d'abord une différence concernant les objectifs des villes intelligentes et des DTI. Les DTI sont liées à l'augmentation de leur compétitivité et à l'amélioration de l'expérience touristique, leur principal public cible étant donc le touriste. Les villes intelligentes visent à améliorer leur gouvernabilité ainsi que la qualité de vie des résidents, tandis que les DTI sont plus orientées vers la réalisation d'une valeur intrinsèque attrayante pour les visiteurs ‒ qui doit pourtant être compatible avec les intérêts et le bien-être des résidents.

Deuxièmement, on vérifie une différence concernant les limites géographiques des deux : celles des DTI peuvent coïncider ou pas avec celles de la ville. Enfin, la temporalité et la spatialité de l'interaction dans une DTI va plus loin que le séjour dans la ville elle-même : elle commence avant l'arrivée du visiteur à la destination et s'étend même après de son départ. L'intention de devenir une DTI implique la mise en place d'une stratégie de revalorisation de la destination qui permet d'accroître sa compétitivité grâce à une meilleure utilisation de ses ressources et attractions, à la création de ressources innovatrices et à l'amélioration de l'efficacité des processus de production et de distribution. Tous ces aspects visent la facilitation du séjour du visiteur, en tenant compte des principes du développement durable. Les DTI sont structurées sur quatre piliers fondamentaux : la technologie, l'accessibilité, l'innovation et le développement durable (figure 5).

Figure 5. Les piliers des destinations touristiques intelligentes

Source : Antonio L. Ávila et al., 2013. Réalisation : Auteure.

Destination touristique intelligente

Technologieie

Accessibilitété

Innovationon