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et basé sur les réalités locales et les attentes des

2. Thérapie : traitement annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux.

6.5 Deux acceptions du terme tourisme participatif

6.5.1 Signification économique du tourisme participatif

Dans le langage courant des acteurs économiques du tourisme, le tourisme participatif représente l'immersion des visiteurs dans les modes de vie locaux et en contact avec les résidents. Il s'agit souvent d'une activité touristique associant une partie de la population d'accueil aux activités touristiques. Les touristes participent ainsi aux activités traditionnelles ou typiques de la localité et côtoient les résidents qui, en qualité d'acteurs du tourisme, leur montrent les modes de vie locaux et leur racontent les histoires et les anecdotes de la communauté. L'identité locale et les habitants sont ainsi remis au centre du processus.

Dans cette première signification, le tourisme participatif relève alors de la participation de la population d'accueil à l'exécution des activités touristiques. Le discours est souvent celui d'une réponse à la demande d'authenticité de la part des visiteurs, qui souhaitent rencontrer les habitants et découvrir le territoire de l'intérieur, à l'écart des flux touristiques et des séjours standardisés. Néanmoins, il convient de souligner le risque de folklorisation dans ce cas, notamment si cette pratique est peu réfléchie ou seulement d'un point de vue de marketing. Les principaux objectifs de cette pratique sont de créer du lien social entre visiteurs et visités, d'éliminer le sentiment des premiers d'être de "simples touristes", et de retrouver une hospitalité annulée par le tourisme de masse. Toutefois, pour certains acteurs, il s'agit simplement d'un nouveau marketing touristique où l'humain se trouve au cœur de la communication. Dans cette vision, des activités de tourisme participatives sont un outil de fidélisation de la clientèle grâce à l'offre d'expériences "uniques" aux touristes.

Cette idée est intrinsèquement liée au concept d'économie d'expérience de Joseph Pine et James Gilmore (1999), selon lequel l'association de trois caractéristiques, personnalisation- émotion-souvenir, permet de dépasser une économie de marché et de services, centrée sur la valeur d'usage, pour développer et vendre des expériences, centrées sur la valeur émotionnelle. Cette notion est fondée sur la progression de la valeur économique, qui pourrait être résumée par quatre stades principaux :

· L'économie des matières premières : le savoir-faire essentiel consiste à cultiver et extraire les marchandises de la terre ;

· L'économie industrielle : le savoir-faire essentiel consiste à produire des produits manufacturés en grande quantité donc largement standardisés ;

· L'économie de services : l'enjeu commercial essentiel consiste à fournir un service de qualité ;

· L'économie d'expérience : le savoir-faire consiste à faire vivre une réelle émotion et fournir un souvenir inoubliable au client avec une forte dimension de personnalisation.

Participer à la fabrication du cidre dans les Asturies, en Espagne84, visiter Londres avec un habitant et un regard local85, ou encore partager la culture et les expériences millénaires de la

84 Cf. <https://www.hosteltur.com/comunidad/003669_hazloturismo-el-turismo-participativo.html> (Page

135 communauté de Huayllaphara, au Pérou86 sont quelques exemples d'activités parmi les multiples offres vendues aux touristes aujourd'hui sous le terme de tourisme participatif.

6.5.2 Tourisme participatif en tant qu'ouverture des processus décisionnels

Cependant, l'acception du terme à laquelle nous nous référons dans notre recherche est celle plutôt liée à une gestion participative du tourisme. À aucun moment nous ne prétendons analyser des pratiques participatives du tourisme telles que celles mentionnées auparavant, ainsi que leurs retombées pour la population locale. Afin d'éviter une confusion entre les deux idées, nous préférons le terme de développement participatif du tourisme à la forme plus courte de tourisme participatif. Toutefois, celle-ci ne peut pas être évitée car il s'agit en effet de l'expression utilisée par plusieurs acteurs (économiques et publics) du tourisme87.

Dans cette deuxième signification du terme, la population participe au tourisme non comme un acteur économique impliqué dans l'accueil des visiteurs et dans leur séjour, mais en tant que décideur aux côtés des autres acteurs, publics et privés. Elle prend ainsi part dans les débats autour du développement et des politiques touristiques, et est "capable" (dans le sens d'Amartya Sen) de donner son avis et de décider de l'avenir de son territoire. La "démocratisation du tourisme" (Suresh, 2006) que nous avons énoncée auparavant, prône le développement d'un tourisme qui porte une attention spéciale aux besoins et aux attentes de la population, qui est ainsi écoutée et soutenue dans sa lutte contre un tourisme nuisible.

La participation au tourisme peut également être une initiative de la population, ceci étant souvent le cas dans le tourisme communautaire (TBC). Dans cette forme de tourisme, la population prend l'initiative de la lutte pour défendre son territoire, sa culture et ses modes de vie face à une stratégie de développement ressentie comme nocive et qui bénéficie plutôt les acteurs publics et privés. Le tourisme est ainsi développé par ces communautés en tant qu'outil de défense et de protection de leurs intérêts.

Le cas d'étude sur le réseau Tucum (chapitre 9) dénonce la lutte constante contre les intérêts privés et capitalistes de grands investisseurs (souvent soutenus par les pouvoirs publics) qui menacent la permanence de ces peuples sur leurs territoires. Le tourisme communautaire est pourtant un exemple à part entière en raison de ses enjeux particuliers. Nous concevons la participation dans le tourisme de façon plus vaste et avec les pouvoirs publics, contrairement au problème vécu par le réseau Tucum et d'autres cas de TBC.

Le premier degré de cette participation est, d'après nous, le droit à l'information, comme nous l'avons mentionné auaparavant. En effet, nous voyons aujourd'hui que la communication entre les responsables touristiques et les habitants est faible, voire inexistante. Nous soutenons alors l'importance d'informer les habitants sur ce qui se passe sur le territoire au niveau touristique (projets, plans, politiques, législations, etc.). Cette première action peut également être menée en parallèle de campagnes ou de programmes de sensibilisation au tourisme, lors desquels la population comprend davantage les enjeux et les retombées liés à l'activité touristique.

85 Cf. <https://www.ceetiz.es/londres/turismo-participativo> (Page consultée le 12 avril 2017).

86 Cf. <http://www.peru-cusco.com/tour-turismo-participativo-en-huayllaphara-es> (Page consultée le 12 avril

2017).

87 Des exemples au Brésil peuvent être retrouvés dans les articles suivants, qui annoncent des réunions publiques

sur le "tourisme participatif" dans deux villes : l'une à São Luís do Maranhão <http://www.blogsoestado.com/zecasoares/2013/11/04/turismo-participativo/> et l'autre à Guaratingutá <http://www.tursan.com.br/turismo-participativo-e-tema-de-palestra-em-guaratingueta/> (Pages consultées le 09 avril 2017).

136 Cependant, ces deux actions ne suffisent pas pour donner la parole aux habitants. Ainsi, la démocratisation du tourisme prône la mise en place de moments et d'espaces de débat, de consultation, de concertation et de codécision entre les différents acteurs, publics, économiques, institutionnels et les habitants.

De cette façon, la participation peut éventuellement contribuer à la qualité de vie locale et à l'ensemble du processus politique car elle fait ressortir des intérêts et des valeurs (HarmoniCOP, 2005) en donnant la voix à ceux qui sont les plus affectés par ces mêmes politiques. Il s'agit, dans ce sens, d'un élément compris dans une évolution plus vaste qui concerne l'ensemble de la relation au politique, bien au-delà du tourisme.

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7. Conclusions

La participation est à la fois une méthode et un nouveau modèle de système démocratique étendu aux citoyens qui est développé notamment depuis les années 1960, bien que les premières actions dans ce sens datent d'avant. Cette demande de prise de parole et d'expression par la population, encouragée notamment par des mouvements sociaux, était au départ une contestation sociale vis-à-vis d'une démocratie représentative qui s'est révélée inapte à résoudre les diverses crises et à répondre aux revendications de la population.

Bien que la participation des habitants à la prise de décisions soit aujourd'hui plus institutionnalisée, avec une officialisation des processus, elle est toujours un débat complexe de l'actualité politique et citoyenne mondiale. Cette question a été renforcée dans les années 1990 par les débats autour du développement durable. Si cette participation était alors soutenue particulièrement pour des questions environnementales, elle est aujourd'hui prétendue pour toute question pouvant influer sur le cadre de vie de l'habitant.

Nous avons exposé dans ce chapitre les différents objectifs et bénéfices de la participation (André et al., 2006), tout comme ses principes de base (André et al., 2006 ; HarmoniCOP, 2005 ; Involve, 2005) et les formes d'implication des habitants (Arnstein, 1969 ; Involve, 2005). Nous avons souligné que la participation est avant tout une démarche qui exige une planification détaillée et objective (HarmoniCOP, 2005 ; Involve, 2005).

Les processus participatifs font face à différents blocages parmi lesquels on retrouve souvent le choix et la mobilisation des participants, l'absence d'un facilitateur efficace, des investissements en moyens et en temps, des méthodes peu adaptées, etc. Concernant ce dernier aspect, nous avons observé que les méthodes participatives sont normalement choisies selon le nombre de participants, les ressources, la durée du processus, le niveau de participation souhaité et les résultats qu'elles peuvent produire (Involve, 2005).

Ensuite, nous avons étudié de nouvelles pistes pour impulser la participation surtout au niveau local grâce au développement des technologies et notamment à l'Internet. Notre analyse a d'abord visé les questions de l'innovation (ouverte et sociale) et du design : des façons de penser des problèmes nouveaux à partir de la collaboration, dans l'objectif de générer des résultats qui sont à la fois souhaitables pour les personnes, financièrement intéressants et techniquement possibles aux entreprises et gouvernements.

L'innovation est aujourd'hui impulsée par les NTIC et l'Internet et on voit apparaître de nouvelles formes de collaboration entre gouvernements et habitants via le Web. Pour certains auteurs (Sisk, 2001), cette démocratie virtuelle facilite l'implication des habitants notamment parce qu'elle est moins onéreuse et permet d'établir un dialogue avec les habitants plutôt qu'une communication unidirectionnelle. Nous avons ainsi étudié les avantages de ces types de processus participatifs et ses caractéristiques via les réseaux sociaux et les plateformes participatives.

Afin d'exemplifier ce type de démarche, nous avons présenté le cas de Reykjavik, en Islande, pays connu pour le succès de ses projets innovateurs en s'appuyant sur une démocratie virtuelle. L'expérience de démocratie participative virtuelle dans cette ville a mis en évidence que l'emploi d'Internet peut favoriser la production de résultats positifs en termes de participation sous condition que d'autres méthodes soient employées en parallèle, telles que les réunions avec les autres acteurs.

138 Cependant, il convient de reconnaître que le succès de ce type d'initiative est fortement dépendant du contexte dans lequel elle a lieu. À Reykjavik, la population a un large accès à Internet et la municipalité est engagée dans la mise en place des processus de participation innovateurs. L'absence d'un de ces facteurs pourrait, en effet, influencer les résultats obtenus. Toutefois, le cas de Reykjavik montre également l'importance de réfléchir à la partie de la population qui n'utilise pas Internet et donc d'envisager d'autres possibilités de participation. Finalement, nous avons introduit le sujet central de ce travail de recherche en rapprochant la participation au tourisme. Cette analyse n'avait pourtant pas prétention à l'exhaustivité étant donné que cette question sera abordée à plusieurs moments tout au long de cette thèse. Nous avons souhaité plutôt exposer ici quelques idées préliminaires et globales dans l'objectif d'introduire notre propos et de donner un cadre plus clair aux analyses et aux réflexions postérieures.

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Chapitre 3

Cadre méthodologique de