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Participation et tourisme participatif

3.2 Démocratie participative sous la perspective du développement durable Un développement plus durable et participatif prône des changements dans les modèles

3.3.3 Colab, exemple de plateforme collaborative au Brésil

Colab et SeeClickFix sont deux exemples de plateformes collaboratives qui offrent à la fois une opportunité pour l'habitant de dénoncer de petits problèmes quotidiens qu'il rencontre, en allant au travail ou en faisant du sport, et la possibilité pour les gouvernements de "surveiller" de plus près la ville et de répondre aux demandes des habitants : les deux acteurs travaillent alors ensemble pour une meilleure ville.

Malgré quelques petites différences, souvent selon le territoire où la plateforme est implantée, les fonctionnements sont assez similaires : pour les habitants, il suffit de télécharger l'application mobile pour pouvoir y contribuer. Ils prennent en photo le problème (cela peut être un panneau mal placé, un trottoir non adapté, des poubelles jetées par terre, etc.), en choisissent la catégorie (encombrants, parking irrégulier, nettoyage urbain, etc.) et la localité, et peuvent en faire une description plus détaillée. Cette proposition d'idée est alors publiée sur la plateforme et devient accessible aux autres habitants qui en font partie et qui peuvent laisser des commentaires et/ou la soutenir.

Le gouvernement de la ville, ayant subi en amont des formations nécessaires sur l'usage de la plateforme et avec une équipe dédiée à ce travail, est en mesure de faire un suivi constant des problèmes publiés, de les transmettre aux services responsables et faire des retours aux habitants directement sur la plateforme. Pour les gouvernements, ces plateformes sont un outil qui permet d'améliorer la gestion des services publics à travers une communication avec les résidents mais aussi au sein même de l'administration.

Le gouvernement qui adhère à ce type de plateforme reçoit normalement des supports et un accompagnement de la part d'un expert de l'entreprise, qui l'aidera à comprendre l'outil et à en faire bon usage, tant au niveau externe, avec les habitants, qu'à l'interne, entre les différents services. En quelques mots, ce type d'outil permet aux organisations publiques de :

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· Collecter les demandes de services via les applications mobiles, formulaires online, etc.

(selon la plateforme), designer et transférer les demandes selon type ou localisation ;

· Gérer la communication avec les habitants et le personnel, du moment de la soumission à

la résolution, à travers une seule interface ;

· Gérer le flux du travail et l'équipe par le biais d'une communication simple et rapide à

l'intérieur de l'organisation ;

· Utiliser des applications pour centraliser l'information, les services et les notifications en

les intégrant aux outils de gestion de l'organisation ;

· Analyser les données avec des outils adaptés afin de pouvoir prendre de meilleures

décisions.

Il s'agit finalement d'un outil de communication et de la gestion de celle-ci qui accroît la participation, maximise l'efficience et améliore la qualité des services : "essentiel pour une ville plus ouverte, collaborative et connectée", explique Rodrigo Neves, maire de Niterói, Rio de Janeiro, et "un moyen pour consolider une nouvelle relation avec les habitants et améliorer les services locaux", affirme Jonas Donizette, maire de Campinas, São Paulo.

Ces deux villes se trouvent parmi les plus de cent villes brésiliennes qui utilisent la plateforme Colab, créée en 2013 par des jeunes de la ville de Recife, pôle d'innovation digital du pays (chapitre 6). À Niterói, ville de plus de 496 mille habitants, ce sont plus de trois mille contributeurs, la plupart ayant entre trente et cinquante ans. Campinas compte avec la collaboration de plus de sept mille résidents (sur une population d'un peu plus d'un million d'habitants) dont la moitié se retrouve dans une tranche d'âge de 30-50 ans.

Ces chiffres sont plutôt positifs si on considère la nouveauté du service, mis en place pour tenter de relever le défi de rétablir la relation brisée depuis longtemps entre les pouvoirs publics et les citoyens (méfiance et une incrédulité vis-à-vis de la politique) ainsi que d'impliquer davantage ces derniers dans les affaires publiques de leurs villes.

Une nouvelle application a été développée en 2016 par Colab dans l'objectif d'aider les villes à lutter contre les épidémies de Dengue, de Zica et de Chikungunya dans le pays. Le mode d'emploi pour les habitants est le même, sauf que dans ce cas-ci, il s'agit de dénoncer les endroits propices à la reproduction des moustiques.

Cette application intègre la plateforme déjà existante dans les villes adhérentes dans une sorte de "nouvel onglet", mais permet aussi à d'autres villes qui n'utilisent pas la plateforme collaborative de base, comme São Paulo, de mettre uniquement ce service à disposition de sa population. Elle compte déjà plus de trente villes au Brésil et un dialogue semble être établi avec d'autres villes en Amérique Latine.

Colab réalise également des enquêtes et des consultations publiques en partenariat avec d'autres acteurs via sa plateforme. Les résultats servent de base à des documents transmis au gouvernement local dans l'objectif d'exercer une certaine influence sur ses décisions. Avec cet outil, il est également possible de croiser les données sur les participants (sexe, âge, géo localisation, etc.), avec leur accord, pour pouvoir creuser l'analyse.

Ainsi, une enquête (réalisée en juillet 2015) sur la fermeture aux voitures de l'avenue Paulista, à São Paulo, tous les dimanches a montré que 77,44 % des participants étaient à faveur de la

93 mesure. Grâce au croisement des données, il a été possible d'identifier, par exemple, que parmi ceux qui étaient à faveur, 42,13 % étaient des femmes et 57,87 % des hommes, et que la grande majorité des participants avaient entre 26 et 35 ans.

Toujours à São Paulo, une nouvelle enquête (octobre 2015) a porté sur le projet du gouvernement qui consistait à utiliser des aliments bios dans les cantines des écoles publiques de la ville. Les résultats montraient que 79,19 % étaient à faveur, que 54 % des participants étaient des hommes, que seulement 7 % des participants avaient entre 36 et 45 ans, et que c'était le public de moins de 25 ans et celui entre 26 et 35 qui avaient le plus participé (29 % et 28 % respectivement).

Ce type de plateforme offre ainsi différentes propositions de services : le plus basique est normalement gratuit et permet aux gouvernements de le connaître et de l'essayer. Puis, selon les nécessités rencontrées, des solutions "sur mesure" payantes peuvent être proposées et dévelopées. Malheureusement, cet outil rencontre (du moins dans certains pays, comme le Brésil) la difficulté récurrente dans le secteur public de la lenteur du processus de sa mise en place, qui peut prendre parfois plus d'un an.

Il existe pourtant un système assez similaire et indépendant, où il suffit de connaître quelqu'un qui maîtrise le langage informatique pour créer des outils à travers des softwares libres : les logiciels en "open source" ont alors les codes disponibles en ligne et accessibles à tous. Dans ce cas, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui collaborent à l'amélioration des softwares et essayent de trouver des solutions pour les difficultés rencontrées.

La page Web GitHub œuvre dans ce sens et proportionne le partage et la collaboration dans le développement de softwares. Dans le cas bien connu de l'Islande, présentée dans la prochiane partie, une organisation sans but lucratif a utilisé "Your Priorities" (disponible sur GitHub61) au moment des élections et cela a été le facteur central de la victoire du Best Party.

Ce thème étant tellement vaste, nous ne pouvons malheureusement pas décrire en détail toutes les initiatives intéressantes qui se développent dans le monde dans l'objectif de mobiliser et de donner plus de voix aux habitants : Cidade Democrática, Avaaz, Change.org, Nossas Cidades, Tummi, Loomio, Occupy, Liquid Feedback...en seraient d'autres exemples. Quoi qu'il en soit, il semblerait que les habitants sont plus disposés et intéressés à participer aux questions concernant leur territoire de vie, et que les gouvernements sont de plus en plus ouverts au dialogue, notamment via le Web depuis quelques années.

Ce processus se trouve au cœur d'une transformation non seulement technologique, mais de modèles d'innovation dans les organisations (publiques mais aussi privées), qui se retrouvent face à des défis nouveaux et sont amenées à chercher des solutions rapides, efficaces et positives vis-à-vis des usagers. Pour arriver à une transformation structurelle sur le long terme, le premier pas consiste à s'intéresser aux habitants et travailler avec eux. Le développement durable aurait alors deux nouveaux partenaires pour mettre les habitants au centre du projet et générer plus d'impacts positifs sur leur vie : la technologie, certes, mais aussi l'innovation ouverte et le design, qui seront analysés par la suite.

61 Codes disponibles sur <https://github.com/rbjarnason/open-active-democracy> (Page consultée le 22 mars

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4. Innovation, allié du développement durable participatif

Dans le premier chapitre de cette thèse, nous avons pu comprendre que le XXème siècle a été marqué par des changements importants sur plusieurs plans ‒ politique, économique, technologique ou encore socioculturel. Dans ce contexte turbulent, le concept de développement durable est apparu comme moyen pour repenser l'économie et le projet de développement de nos sociétés. Parallèlement, une autre notion s'est imposée comme moteur de développement des sociétés (Corneloup, 2009) : l'innovation.

Les processus innovants sont abordés de différentes façons par les sciences (en gestion, sociologie, économie, géographie, etc.). L'innovation peut se caractériser, de manière générale, par une transformation d'une logique et, notamment en entreprise, la production d'une nouveauté. Dans ce sens, il est important de ne pas confondre invention et innovation, cette dernière n'ayant lieu que si un changement social significatif des usages sociaux est vérifié (Corneloup, 2009, p. 118).

Dit autrement, le processus d'innovation n'a de succès que s'il produit des résultats désirables et qui sont assimilés par le public. Il est possible alors d'avoir différents types d'innovation : innovation de processus, innovation institutionnelle, innovation conceptuelle, innovation technologique, innovation organisationnelle et systèmes d'innovation.