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Philippe se rend à l’institut de théologie comparée et demande s’il est possible d’obtenir les coordonnées de Claude Clabéroni, une doctorante. Un prêtre de service cherche dans ses listings. Elle est inconnue. Qui est donc cette Claude ? Un affreux doute le traverse : si elle ne fait pas de thèse sur le Cabazor, que faisait-elle à l’Institut quand il l’a rencontrée ? Et si elle l’avait suivi dans la bibliothèque et qu’elle était venue ranger un livre dans les rayons pour faire croire qu’elle était déjà là avant lui ? Cela aurait signifié qu’elle le suivait pour trouver un moyen d’entrer dans le palais de Shomashakar. C’est peut-être elle, après tout, qui avait pris contact avec le Fils Saint M’Hervé et non l’inverse. Ce ne serait donc pas lui qui aurait tué Shomashakar, mais… Claude. Philippe a l’impression de faire une crise de paranoïa. Il ne parvient pas à stopper la machine à se faire des idées.

Claude voulait peut-être défendre le Cabazor et la basilique. Elle devait avoir appris, il ne savait comment, que le Maharadjah préparait un lent attentat sur la basilique, pour que ça ait l'air d'un désaveu divin. Mais Claude n'est pas la seule à ne pas être claire. Sa voisine, Léo Scalviel, s'est opposée à ce qu'il poursuive en justice le Maharadjah qui n'avait pas rendu opaque la nuit sa verrière et ses clochetons de verre. Cette action aurait peut-être suffi à arrêter les travaux secrets d'excavation. Cette Léo Scalviel n'est arrivée que depuis peu dans l'immeuble et est liée à la Commission Bancaire. Il n’a pas été surpris d’apprendre, par son voisin du quatrième, qu’elle redéménage déjà, alors qu'elle n'a emménagé au second étage que depuis quelque mois.

Il décide de se rendre chez Léo Scalviel. Elle est déjà au milieu des cartons. Elle lui ouvre et lui dit de s'installer. Elle va ouvrir une fenêtre et disparaît aussitôt, en chute avant, à travers l’ouverture. Il la voit s'échapper au milieu des coupoles et des clochetons de verre. Il n'a plus pratiqué de sport depuis des années, sauf la mémorable promenade en âne avec Claude. Il ne

des chutes contrôlées dans sa direction. Elle se jette sur la paroi d’un clocheton de verre, puis s'accroche à la fenêtre du second étage et rentre finalement dans son appartement :

— Vous voyez si je voulais m'échapper, je n'aurai aucun problème, fait-elle à peine essoufflée.

Il est venu avec l’intention de la faire parler, mais s'aperçoit qu'elle ne lui dira que ce qu'elle veut bien ou est autorisée à lui dire. Peut-être même qu'elle inventera de toute pièce sa propre version. Décontractée, Léo Scalviel lui montre un emplacement sur son plancher, une trappe dissimulée dans le parquet permet de savoir ce qu’il se passe en-dessous. Léo lui révèle tranquillement qu’elle est membre du service action de la Commission Bancaire. Elle a été chargée de le surveiller à la demande de la banque Hussard pour éviter toute faillite pouvant avoir un effet systémique.

— Nous avons enquêté sur Claude qui essayait de vous influencer discrètement. Elle travaille pour Maître Taha et indirectement pour la société américaine Edidad. On lui a conseillé de rester loin de cette affaire. Elle a choisi de se retirer près de l’abbaye de Saint- Samson. Elle devait maintenir le contact avec vous en vous tenant en haleine sur le Cabazor. Quand nous avons compris cela, nous nous sommes dit avec Vic You que nous pourrions monter une opération de communication en prétendant qu'un attentat se préparait contre la basilique du Cabazor sur la colline au-dessus de votre immeuble. Votre voisin dont les sous- sols donnaient sur les fondations de l'église, M. Shomashakar, pouvait en être rendu responsable et la société Saint M'Hervé apparaître comme le mécène de la rénovation du bâtiment pour montrer qu'elle avait du cœur.

— Mais que vient faire le fils Saint M'Hervé dans cette histoire ?

— On pouvait faire d’une pierre deux coups en faisant suspecter le fils Saint M’Hervé de meurtre. Son père était inquiet puisque son héritier menaçait de dilapider la fortune familiale au bénéfice de la secte des fous du Kabazor et il nous avait demandé de le neutraliser, pas de le tuer.

— Qui a tué le Maharadjah, c’est vous ?

— Claude avait deviné quelque chose en s’approchant de vous. Je suppose qu’elle a cru que le Maharadjah préparait un attentat contre la basilique du Cabazor et a voulu l’en empêcher. — Mais pourquoi aurait-elle écrit « Kabazor » sur sa poitrine alors ?

— Ça, c’est moi qui l’ai ajouté. Quand j’ai compris ce qu’elle avait fait, je suis descendu et ai maquillé le crime en règlement de compte interne à la secte du Kabazor.

— Vous vouliez discréditer cette secte et impliquer le fils Saint M'Hervé ?

— Oui, ça faisait un peu too much et c’était dégueulasse à graver sur sa peau, d’autant que son cadavre commençait à durcir.

— Cela m’étonne quand même de Claude, j’ai passé du temps récemment avec elle et elle ne paraît pas spécialement perturbée. Et maintenant, on fait quoi ? Je ne peux pas tout révéler à la police.

— J’ai obéi aux ordres, on m’a redemandé de vous donner des explications. Mais maintenant je vais être exfiltrée. Je vais disparaître de la circulation. Vous avez vu, je peux m'échapper comme je veux.

Philippe a l’impression de revivre le « Popish Plot » réactualisé. La guerre pour le contrôle religieux du Cabazor continue. Il faut qu’il voit le président Saint M’Hervé. Il ne peut pas croire qu'il ait voulu impliquer son fils dans un meurtre qu'il aurait lui-même commandité. Il n’imagine pas non plus Claude couper la gorge au Maharadjah. Philippe appelle le président Saint M’Hervé sur son portable en laissant un message. Quelques minutes plus tard, le président lui donne rendez-vous par SMS à son bureau.