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Hypothèse 3 La recréation d‟un éléments du patrimoine culturel immatériel est subordonnée à un ensemble

VI. Fonds du patrimoine culturel immatériel

1. Bolivie 2 Brésil

5.2 Problématique et hypothèses

5.2.3 Hypothèse 3 La recréation d‟un éléments du patrimoine culturel immatériel est subordonnée à un ensemble

de règles qui se trouve lié aux connaissances transmises, aux performances acquises, aux lieux de recréation, aux instruments associés, au porteur de la tradition lui-même ainsi qu‟à ses croyances. Cette régulation permet d‟assurer ce qui est, d‟une certaine manière, la fonction principale du patrimoine culturel immatériel : la survie tant physique que culturelle d‟un peuple indigène ici. Cependant pour le développement du tourisme, parfois, la soumission à toutes les règles devient une contrainte. Cela dit, l‟adhésion à tout l‟ensemble de

165 règles traditionnelles ne permet pas qu'un élément du patrimoine culturel immatériel d'un peuple indigène soit pratiqué par le tourisme. Le tourisme donne un nouvel usage à cet élément patrimonial mais il ne garantit pas sa sauvegarde.

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5.3 Se faire accepter en territoire Sápara

La première fois que j‟ai rencontré Bartolo Ushigua à Puyo, le président de la „Nacionalidad

Sápara del Ecuador‟ (NASE)121, organisation politique des Sápara, il m‟a dit qu‟il savait déjà

qui j‟étais. Il m‟avait auparavant rencontré dans ses rêves, et donc, il voyait mon arrivée avec bienveillance car, pour lui, tout était de ce fait prévu. Cette situation, m‟est encore arrivée deux autres fois. La première avec sa sœur, Gloria Ushigua. Elle m‟avait aussi déjà rencontré dans ses rêves quelques jours avant de faire ma connaissance et que j‟aille lui rendre visite dans sa maison à la périphérie de la ville de Puyo. La deuxième, avec son cousin, Arturo Santi, président de la communauté de Jandiayaku (Cf. Annexe E.1). Il m‟a bien accueilli car, selon lui, quand il avait rêvé mon arrivée dans sa communauté, tout s‟est bien passé. En effet, l‟accès à une communauté peut être accordé d‟après un rêve :

« De la façon dont j‟ai rêvé, je crois que l‟arrivée de gens étrangers est vraiment positif. J‟ai eu un rêve avant hier soir et maintenant nous sommes plus sereins. Je savais que tu viendrais. Dans mon rêve, on disait que vous (les techniciens de l‟ONG Altropico et moi-même) n‟étiez pas arrivés ici mais à Masaramu. Je le savais et c‟est pourquoi je suis tranquille. Nous avons parlé de mon rêve dans la communauté. Toi et les autres, vous êtes les bienvenus pour nous aider, pour nous apprendre des choses (…) Si tu ne fais pas de beaux rêves, tu ne dois pas parler avec ces gens-là. C‟est comme ça, parfois les gens sont mauvais et le rêve lui-même nous l‟annonce. Nos rêves sont comme ça. [Grâce à nos rêves] Nous savons qui sont ceux qui viennent de dehors car dans nos rêves, parfois, des petits animaux arrivent chez nous et tout se passe bien avec eux. Par contre, si les gens qui viennent sont des gens mauvais, il se passe des choses bizarres dans les rêves, c‟est une sorte de cauchemar »122.

Je ne saurai jamais s‟il s‟agissait vraiment de rêves et de présages venus chez eux de nulle part, ou d‟un rêve provoqué par mes tentatives de contacter les deux frères Ushigua en leur écrivant des courriels ou en les appelant par téléphone. Ou, si finalement, ils n‟ont jamais rêvé de moi et que tout était plutôt lié, dans leur conscient ou leur inconscient, au fait pour moi de

121

Cf. Annexe H.

122 „Como yo le soñé, creo que era buenazo de que llegaron unos de afuera, y más tranquilidad estamos, yo soñé

antenoche, ya sabia que venías para acá. En el sueño decían que no habían llegado acá, sino a Masaramu. Yo le conocí, por eso estoy tranquilo. Nosotros hablamos del sueño (en la comunidad), tu y el resto son bienvenidos para ayudar o para conocer, a tener una buena capacitación (..). Si te sueñas mal, no tienes que conversar con esa persona. Así es. Algunos son malas gentes que llegan y en el sueño mismo ya sabes. Así son nuestros sueños, ya sabemos, los que vienen de afuera, a veces llegan unos animalitos que están cerca y están con nosotros y todo se pasa bien. Pero a veces, viene una gente que esta odiando, y pasan cosas raras, es como una pesadilla‟.

Extrait d‟un entretien réalisé auprès d‟Arturo, président de la communauté de Jandiayaku. Jandiayaku, le 9 septembre 2010 (Cf. Annexe F.13).

167 venir chez eux pour essayer de faire le bilan de la première année du projet „Eco-guardianes‟ et de mettre en marche la deuxième année. Cependant, Anne-Gaëlle Bilhaut (2007, p. 32) 123, anthropologue de l‟Université Paris X Nanterre, elle-même annonçait déjà une expérience similaire chez les Sápara :

« Dans ce contexte mes rencontres avec Bartolo puis Kiawka124 ont été décisives dans cette étude. Ayant connaissance de mon arrivée, tous deux m‟attendaient. Ils me dirent plus tard qu‟ils m‟avaient rêvée et que cette expérience onirique avait joué en ma faveur, puisque nous y discutions de l‟histoire Sápara, un domaine qu‟ils veulent promouvoir. Lors de notre première entrevue, Bartolo m‟invitait en tant que président de l‟association à participer à la rencontre binationale Sápara en tant qu‟observateur. J‟y fis la connaissance de sa sœur Kiawka, déjà très attentive à défendre ma venue et soutenir la raison de mon séjour. Elle menait le groupe et les discussions, parlait haut et fort. Kiawka a une grande facilité à se lier avec les étrangers qui s‟intéressent à ce que font et ce que sont les Sápara. Elle veut absolument promouvoir l‟idée d‟un peuple différent de tout autre et constate que l‟intérêt qu‟ils peuvent susciter à l‟international offre bien plus de retombées : les contacts noués débouchent parfois sur des aides ».

Les rêves permettent aux Sápara d‟établir des relations, d‟abord, entre le sujet rêveur et ses interlocuteurs oniriques ; puis, entre le sujet rêveur et le récepteur de son récit ; et finalement entre le sujet rêveur et les individus externes à sa communauté ou territoire qui participent directement ou indirectement à son rêve et qui seront donc affectés à plusieurs niveaux. De ce fait, le bon présage que Bartolo Ushigua a eu dans son rêve, lui a permis lors de notre première rencontre, de me recommander de visiter les communautés de Conambo, Torimbo, Imatiño et Suraka. Ce sont des communautés localisées relativement proches les unes des autres et des rives du fleuve Conambo, joignables par des parcours importants mais faisables en canoë motorisé par des déplacements allant d‟une demi journée de navigation, à toute une journée, voire plus. Cependant, tout d‟abord, il faut trouver les moyens pour arriver au territoire traditionnel Sápara car ceci n‟est accessible au niveau physique que par voie aérienne ; et puis, une fois sur place, de trouver les moyens pour se mobiliser.

Un vol aller/retour entre la petite ville de Shell et une communauté Sápara, soit environ 45 minutes de vol, vaut environ 700 dollars américains. Puis, les conditions climatiques et l‟état de la piste de la communauté d‟arrivée peuvent ralentir tant l‟entrée que la sortie du territoire.

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J‟ai essayé de rencontrer Anne-Gaëlle Bilhaut avant mon départ sur le terrain mais je ne suis jamais arrivé à la contacter. À l‟époque, elle était la seule ethnologue spécialiste des Sápara en France. Bizarrement, je lui ai rencontré sur le terrain, à l‟aéroport de Shell. Elle était en vacances en Équateur et demeurait chez Gloria Ushigua. En effet, j‟ai fait la connaissance de Gloria grâce à Anne-Gaëlle.

168 Une fois que l‟on est arrivé en territoire Sápara, c‟est la question de la mobilité qui se met en place. Si l‟on veut visiter les quatre communautés recommandées par Bartolo Ushigua, on a besoin de trouver un canoë, un moteur hors-bord, un motoriste et un „puntero‟125 doués pour la navigation sur les fleuves amazoniens et, aussi, une guide accompagnateur reconnu et apprécié par les habitants des communautés à visiter. Tous les trois doivent-ils être, en plus, disponibles et prêts à quitter leur communauté pour quelques jours. Il faut également assurer l‟entrée de la quantité d‟essence et d‟huile à moteur que l‟on aura besoin pour faire le parcours planifié, des aliments et l‟équipement nécessaire pour séjourner en forêt : tente ou hamac, moustiquaire, lampe-torche, bottes de caoutchouc, vêtements imperméables...

Pour l‟année 2010, les services du guide, du motoriste et de son adjoint, le „puntero‟126

, étaient payés 10 dollars américains chacun la journée. Les 45 galons d‟essence et l‟huile faisaient environ 100 dollars. Pour réaliser un séjour de 15 jours en territoire Sápara, il fallait compter à peu près 1.200 dollars américains pour la seule entrée et les déplacements. Puis la nourriture et l‟équipement, 200 dollars de plus. Ce qui devenait relativement cher si l‟on compare avec un séjour touristique d‟une même période chez les autres peuples indigènes accessibles soit par voie terrestre ou par voie fluviale. À tout prendre, les premiers problèmes qui se sont posés pour accéder au territoire Sápara, c‟étaient donc les prix élevés des vols et de la mobilité, et pas seulement pour nous en tant que chercheurs mais de tout habitant du territoire Sápara qui voulait faire un aller/retour en ville : « C‟est cela le problème qu‟on a ici, tout est vraiment cher »127.

5.3.1 De l‟approche trompeur au vrai approche culturel

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