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L‟Amazonie équatorienne : une population prise L‟Amazonie équatorienne fut coupée non seulement de la dynamique socioéconomique et

PARTIE 2. Vers une destination touristique minimale en territoire

6.1.1 L‟Amazonie équatorienne : une population prise L‟Amazonie équatorienne fut coupée non seulement de la dynamique socioéconomique et

touristique qui se développait autour du fleuve Amazone, mais aussi éloignée du reste du pays, et de ce fait, elle est restée en marge de l‟économie marchande. Une des raisons de cette fermeture était de l‟ordre de la nature : la barrière infranchissable que représentait la cordillère des Andes. L‟Équateur devenu indépendant en 1809, n‟avait pas à l‟époque les ressources économiques ni technologiques, pour développer l‟infrastructure nécessaire pour rendre cette partie du pays plus accessible. Le fait d‟avoir une frontière avec le Sud-ouest de la Colombie où la plus grande partie du territoire est couverte aussi par la forêt amazonienne, était une autre des raisons qui a contribué à maintenir cet hermétisme. La Colombie était un pays qui avait obtenu son indépendance en 1810 et, délimitée également par les Andes et avec les mêmes conditions économiques et technologiques que l‟Équateur, l‟Amazonie colombienne se trouvait à l‟écart du reste du pays. En plus le conflit civil armé qui se maintient depuis plus de 60 ans dans ce pays, où s‟entrelacent la production et trafic des drogues et la lutte de l‟État pour le contrôler, semble également avoir influencé cette fermeture (Tableau n°9).

Tableau 9 : Le conflit armée en Colombie

La guerre civile en Colombie a débuté en 1948, après l‟assassinat du candidat à la présidence Jorge Eliecer Gaitan. Cet événement qui a déclenché une prédominance de la violence politique, est qui est connu comme le „Bogotazo‟, s‟est prolongé jusqu‟aux années 1960. Cette période initiale fut associé aux conflits agraires et fut catalysée par l‟hégémonie d‟un système bipartite, libéral-conservateur, modèle d‟un régime politique où les classes dirigeantes exerçaient leur orientation idéologique au travers de ces mêmes partis. Au milieu des années 1960, d‟autres acteurs ont pris part à ce scénario de conflits politiques : les guérillas marxistes ou groupes d‟insurrection armée qui sont apparus comme un front d‟opposition au régime du bipartisme. Les forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), les plus importantes et les anciennes organisations de guérilla encore actives, ont vu le jour et se sont enracinées dans les localités paysannes et surtout dans ces zones abandonnées par l‟État, dont l‟Amazonie.

Le trafic de stupéfiants, apparu sur la scène nationale dans les années 1970, a fait exploser les statistiques de la violence. Renforcés dans les années 1980, lorsque les cartels ont pris le contrôle du trafic de stupéfiants, ces organisations ont attaqué de façon violente l‟État et les organisations qui voulaient les déstructurer. Toutefois, la force que le trafic a prise au sein de la société colombienne est venue de sa capacité à pénétrer les institutions de l‟État, surtout dans la classe politique, les instances

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de la justice et dans l‟armée. Cette stratégie a entraîné une impunité qui a contribué au renforcement du crime organisé et de la violence généralisée (Droulers, 1995).

Depuis les années 1970, la lutte pour le contrôle de la production et le trafic de cocaïne et d‟héroïne, n‟a pas seulement conduit à une guerre entre les cartels pour le monopole du commerce de drogue, mais a provoqué que les groupes d‟insurrection qui sont au départ restés en marge de ce phénomène, ont ensuite cherché à profiter du trafic de stupéfiants et se sont faits verser de l‟argent et des armes, contre la surveillance de champs et des usines de production de la drogue, la plupart localisés en forêt Amazonienne aux limites de l‟Équateur. Attaqués par les groupes d‟insurrection, les trafiquants ont organisé leurs propres armées.

Dans les années 1990, le conflit armé en Colombie est entré dans une phase plus complexe avec la prolifération de groupes paramilitaires crées par les trafiquants, les propriétaires fonciers et les industriels du pays, afin d‟affronter l‟extorsion pratiquée par la guérilla. L‟apparition officielle de l‟organisation paramilitaire des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC) en 1997, a pour but de structurer une opposition politique et militaire aux activités de groupes de guérilleros. Elle prétend prendre la place de l‟État, incapable de défendre les intérêts des Colombiens, en repoussant les activités du trafic de drogues –même si elle se nourrit de lui-, et défendre la propriété privée ainsi que les intérêts des classes moyennes (Lopez, 2010).

Le conflit armé en Colombie, au-delà du fait de constituer le principal phénomène de déstabilisation de la situation socio-économique et politique du pays, représente une constante menace pour les populations de pays voisins, surtout pour les personnes qui habitent les régions frontalières (Lopez, 2010, p. 70), qui sont notamment les représentants des peuples indigènes ayant une présence binationale. L‟Amazonie colombienne symbolise donc l‟un des principaux scénarios du conflit armé. Cependant cette entité naturelle dense est restée sans trop de présence des institutions de l‟État, peu équipée en voies de communication terrestre et en pistes d‟atterrissage licites

Néanmoins, il semble que le fait le plus important, qui a provoqué la fermeture de l‟Amazonie équatorienne, a été le conflit qui a opposé l‟Équateur et le Pérou et qui a abouti au Protocole de Rio de Janeiro en 1942. Aussi nommé « El tratado de Paz, Amistad y Limites de Rio de

Janeiro142 », le protocole de Rio de Janeiro fut le traité de paix d‟une guerre considérée comme l'une des principales confrontations qui ont eu lieu en Amazonie. Selon cet accord, l‟Équateur a dû concéder au Pérou une grande partie de son territoire amazonien qui représentait à l‟époque environ la moitié de son territoire national. En effet en 1916 le territoire équatorien s'étendait sur 470.000 km² ; après la guerre contre le Pérou, l'espace national équatorien s‟est trouvé réduit à environ 270.000 km².

195 L‟exploitation du caoutchouc en Équateur était marginale face à celle du Pérou. Les producteurs équatoriens n‟ont jamais créé de multinationales comme celles créées par les producteurs péruviens. Par contre, bien que marginale, l‟exploitation du caoutchouc en Amazonie équatorienne avait permis l‟articulation de cette partie du pays à l‟intérieur du bassin amazonien. En effet, pendant la période du « boom du caoutchouc », fin du XIXème siècle - début du XXème siècle, le gouvernement péruvien a favorisé le développement de la navigation et a mis en réseau des lieux de récolte du caoutchouc, généralement localisés au- delà des frontières du pays, le long des grands affluents andins de la rive gauche de l'Amazone et du Marañón: Chinchipe, Santiago, Morona, Pastaza, Napo et Putumayo. Lors du processus d‟occupation que le Pérou a développé sur les territoires des pays voisins143

et qui a été donné l‟origine du conflit entre l‟Équateur et le Pérou, la mise en réseau des lieux de récolte du caoutchouc a représenté un avantage pour le Pérou car c'est par ces mêmes affluents que l‟armée péruvienne s'est déployée dès 1935 vers la zone qu'elle occupera, en remontant jusqu‟à 300 kilomètres le long de ces fleuves. Cependant pour Jean-Paul Deler (1981, p. 94), la raison du conflit peut être une autre. Selon l‟auteur, ce conflit est apparu comme un épisode de la lutte entre deux importantes compagnies pétrolières : l‟anglo- saxonne Royal Dutch Shell et la nord-américaine Standard Oil New Jersey. En effet il existe une concordance entre la trace frontalière imposée par le Protocole de Rio de Janeiro et les limites orientales d‟une grande concession accordée par le gouvernement équatorien en 1937 à une filiale de la Royal Dutch Shell (Figure n°15). Selon l‟auteur, la concession accordée à la filiale de la Royal Dutch Shell représentait un obstacle pour les intérêts d'une filiale de la

Standard Oil of New Jersey144.

143 Selon Jean-Paul Deler (1981, p. 51), en 1802 lors de la mise en place du dernier projet colonial d'organisation

administrative de l'Amazonie espagnole, un évêché exclusivement amazonien a été crée, incluant Mainas, Quijos et Macas; celui-ci fut rattaché à l'archevêché de Lima et la charge des missions fut confiée aux Franciscains du couvent de Santa Rosa de Ocopa (situé dans les hautes Andes de Lima, l'ensemble des territoires de ce nouvel évêché fut soustrait à l'autorité administrative de Bogotá et de Quito pour passer sous l'autorité de la Vice- Royauté du Pérou. Quelques années plus tard, le Pérou indépendant (1821) trouva dans ce texte de 1802, la justification juridique de la politique d'occupation progressive d'une grande partie de la Haute Amazonie, au détriment de l'Équateur qui, de son côté, étayait son droit sur les nombreux textes coloniaux antérieurs à 1802, sur le poids de deux siècles et demi de tradition historique et sur les principes du droit international latino- américain. Désormais, la Haute Amazonie devenait l'enjeu de luttes inégales entre les républiques andines.

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Selon Jean-Paul Deler (1981), cette compagnie américaine qui, par une autre de ses filiales, exploitait les gisements du littoral péruvien à Talara, et se trouvait donc avoir des intérêts communs avec le Pérou, avait été impliquée dans un autre conflit quelque temps auparavant, – la guerre Paraguayo-Bolivienne du Chaco (1932- 1935) –, conflit meurtrier qui avait été résolu au bénéfice des intérêts pétroliers anglais et au détriment des intérêts américains et boliviens.

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Figure 15 : Processus de fermeture de l‟espace amazonien en Équateur

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