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VI. Fonds du patrimoine culturel immatériel

1. Bolivie 2 Brésil

4.2.3 Division administrative de l‟État

On peut voir que l‟ensemble du territoire Sápara se trouve divisé en trois Parroquias, celle de Montalvo, celle de Rio Tigre et celle de Sarayaku. Montalvo, ex-Parroquia Andoas prise par le Pérou lors de la guerre de 1941, a été créée en 1911, en pleine époque d‟exploitation du caoutchouc en Amazonie. Celle du Rio Tigre a été créée en 1921, vers la fin de l‟époque d‟exploitation du caoutchouc. La Parroquia de Montalvo a une extension d‟environ 7.800 km2. Habitée depuis toujours par les peuples Andoas et Sápara, Montalvo renferme actuellement une partie des territoires et des communautés des peuples Achuar, Shiwiar, Andoa et Sápara. En revanche, la Parroquia de Rio Tigre a une extension de 5.421 km2, renfermant une partie des territoires et des communautés des peuples Shiwiar, Sápara et Kichwa, et une partie du territoire Achuar (Figure n°10).

Ainsi une „Junta Parroquial‟ regroupe des communautés sans tenir compte de leur filiation culturelle, ethnique, politique et territoriale, ce qui peut poser à un moment donné, beaucoup de problèmes. Carlos Duche nous explique cette situation :

« Selon ma conception, le territoire Sápara ne peut pas être défini par des frontières politiques administratives de l‟État. La raison principale est qu‟au niveau de l‟identité culturelle, le fait qu‟un peuple soit conduit par un autre est catastrophique. Il existe depuis toujours une rivalité entre les peuples indigènes : Shuar contre Achuar, Huaorani contre Taragaeris ou Taromenanis (…). Les Sápara de leur côté ont été si guerriers que, parfois, ils se tuaient entre eux lors d‟une simple salutation. Dans ces rivalités, les formes territoriales ont toujours été des causes de guerre. Des conflits de pouvoir sur les territoires sont toujours d‟actualité. Cependant, la Constitution politique de l‟État dit que les territoires où il existait des établissements traditionnels indigènes doivent être récupérés aujourd‟hui par leurs actuels représentants. C‟est une situation vraiment compliquée »99

.

99 Para mi concepto, el bloque Sápara no debe definirse en formas político-administrativas del estado. La razón

principal es que un pueblo no puede ser comandado por otra nacionalidad. Eso en términos culturales e identitarios es garrafal. Usted conoce la situación que siempre a existido de rivalidad entre las nacionalidades Shuaras contra Ashuaras, Huaoranis contra los Taragaeri Taromenanis, los Sáparas tan guerreros que fueron que solo para saludar se mataban a veces. Hay rivalidades, y las formas territoriales siempre han sido momentos de guerra, pugnas de poder por su territorialidad. Eso ha permitido que hasta ahora se de. Si vamos a la constitución dice que los territorios que estaban con asentamientos ancestrales dice que debe ser recuperado por su nacionalidad, que es lo mas duro‟. Extrait d‟un entretien réalisé auprès de Carlos Duche,

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Figure 10 : Division politico-administrative de la province de Pastaza en „parroquias‟

Source : réalisé d‟après Gobierno Autónomo Descentralizado Provincial de Pastaza. Plan de desarrollo y ordenamiento territorial [En ligne], 2011. Disponible sur http://www.pastaza.gob.ec/obras-y-proyectos/mapas

126 Aujourd‟hui, d‟après l‟article 229 de la Constitution de l‟État de 1998 et l‟article 17 de la Loi Organique des „Juntas Parroquiales‟ de 2000, une „Junta Parroquial‟ peut s‟associer à d‟autres pour se procurer un développement économique et social, et pour le management des ressources naturelles. Selon l‟article quatre de la même Loi, les „Juntas Parroquiales‟ peuvent coordonner avec les Cantons et Provinces, ou des autres institutions gouvernementales ou non-gouvernementales, leur développement touristique.

Dans un territoire traditionnel, une „Junta Parroquial‟ peut en conséquence représenter un important outil lors d‟un conflit de pouvoir entre les habitants eux-mêmes. Dans ce cas-là, on peut voir que si les communautés et les organisations politiques indigènes représentent l‟unité et la première forme d‟organisation indigène indépendante, une „Junta Parroquial‟ représente tout le contraire. La „Junta Parroquial‟ est présentée aujourd‟hui aux yeux des citoyens comme un outil gouvernemental qui s‟intéresse au développement des communautés et de leurs habitants. Cependant, sans garder une concordance avec les frontières territoriales traditionnelles, une „Junta Parroquial‟ peut provoquer à un moment donné, des conflits entre les représentants des peuples indigènes différents, ou entre ceux-ci et leurs voisins colons et paysans.

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4.3 Introduction au monde Sápara contemporain

Les communautés Sápara sont multiculturelles car les habitants du territoire ancestral Sápara sont issus notamment de trois groupes ethniques, dont Sápara, Kichwa et Achuar. Ils ont été considérés comme membres de la „Nacionalidad‟ Sápara d‟après trois critères. Premièrement, le fait d‟avoir la descendance ethnique Sápara, c‟est-à-dire d‟avoir des parents Sápara ou, au moins, la mère ou le père gardant une origine ethnique Sápara. Deuxièmement, le fait d‟être né dans l‟espace géographique où cette nation indigène s‟est établie, quoique « le fait d‟être

né ici ou là n‟est pas anodin, indifférent, voire aléatoire, parce que le lieu de naissance n‟est pas seulement celui où chaque homme voit le jour, parce qu‟il est aussi celui où, très précisément, il vient au monde et s‟éveille. Et que ce lieu de naissance, à l‟occasion rappelé par la phonétique d‟un nom, donne à chacune de ses répétitions, autant d‟occasions d‟assigner, si ce n‟est d‟assimiler, chaque homme à cette condition de lieu » (Lazzarotti,

2006, p. 5). Troisièmement, le fait d‟être membre de la „Nacionalidad‟ par concession ou par accord. Cette dernière s‟instaure à partir d‟un compromis, explicite ou implicite, entre un individu extérieur à la société locale et la société elle-même. Elle est liée souvent aux échanges traditionnels, aux alliances matrimoniales et aux migrations qui se sont produites généralement lors de guerres intertribales et, récemment, lors de l‟exploitation pétrolière.

Les membres de la „Nacionalidad‟ Sápara demeurent attachés au territoire ancestral Sápara particulièrement en raison d‟un argument historique, pour certain d‟entre eux, plus ou moins récent. Ils considèrent que, sur cet espace ont habité leurs ancêtres qui, en s‟adaptant au milieu, ont parallèlement adapté le milieu à leurs besoins en créant des lieux de résidence, de chasse, de pêche, de purina100… Ces lieux qui sont ceux qu‟ils habitent aujourd‟hui, génèrent pour eux, un sens d‟identité et d‟appartenance vis-à-vis de cet espace géographique. À cet égard, le sentiment d‟identité ou de lien entre habitants, s‟il existe, n‟est pas né d‟une relation historique partagée ni ancrée dans la pratique et la transmission d‟un patrimoine culturel immatériel commun mais de l‟attachement à l‟espace géographique. En revanche, lors de la cohabitation, des échanges entre habitants se produisent forcément. Des expériences, des connaissances particulières et des savoir-faire sont partagés. En effet, quand ils recréent l‟héritage ethnique qui leur a été transmis et qu‟ils doivent à posteriori transmettre, ils

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La purine est une pratique traditionnelle commune chez les peuples indigènes de la Haute Amazonie, qui a comme objet de permettre de compléter les besoins nutritionnels des groupes d‟individus. Il s‟agissait, autrefois, d‟un déplacement couvrant tout le territoire ancestral, qui se déroulait selon les cycles, saisons, quantité, qualité et localisation des ressources naturelles, pouvant durer jusqu‟à deux ans, avant de retourner au point de départ. L‟importance de cette pratique itinérante réside dans le fait que lors de sa recréation, le patrimoine culturel immatériel d‟un peuple indigène se conserve et principalement se transmet d‟une génération à l‟autre.

128 l‟adaptent en même temps aux besoins de leur époque et aux caractéristiques du milieu environnemental et social qui les entoure. À ce titre, tous les habitants des communautés jouent un rôle prépondérant lors de la recréation, la transmission, la production, bref la revitalisation d‟un patrimoine culturel immatériel qui devienne commun chez eux et qui ne sera désormais que Sápara.

Ce que l‟on connaît aujourd‟hui comme le peuple Sápara, est celui qui a réussi à reprendre non seulement des référents socioculturels ancestraux Sápara mais à introduire, adapter et créer d‟autres référents « non Sápara ». Les référents ancestraux sont transmis d‟une génération à l‟autre par les personnes qui pratiquent la langue Sápara, connaissent les mythes et légendes et identifient les savoir-faire, techniques et connaissances de leurs ancêtres. Ces individus garantissent la perpétuation du peuple indigène comme tel, car la transmission de référents ancestraux se fait toujours grâce à la pratique. Lorsqu‟il n‟y a plus personne pour occuper cette position de « porteur du patrimoine immatériel », le peuple original disparaît par assimilation ou intégration. Les Sápara ont affronté cette étape critique de leur histoire, - l‟interruption de la pratique de leur langue originelle et la disparition du dernier chaman. Selon Anne-Gaëlle Bilhaut (2007, p. 24), cette situation a fait que certains Sáparas développent une approche nouvelle de la connaissance du passé et de la continuité avec les ancêtres, grâce à laquelle ils parviennent à reconstruire la mémoire et la tradition, et à contribuer au processus de réinvention de l‟identité originale. Selon l‟auteur, parmi ces pratiques, la plus remarquable est l‟expérience onirique, telle qu‟elle est vécue, relatée et réinvestie par certains des représentants du peuple Sápara qui ont une ascendance Sápara. Par les rêves, ces individus se transportent dans un espace-temps qui leur offre une visibilité sur le passé, et les arguments pour réclamer une inscription territoriale et une « indigénéité » propre et différenciée de celle des autres peuples indigènes.

Les autres référents socioculturels « non-Sápara », ont été mis en place en raison des échanges matrimoniaux et commerciaux, ou à cause d‟autres échanges plus ou moins forcés, comme ceux qui ont eu lieu avec les représentants des peuples Kichwa et Achuar lors de l‟arrivée de l‟industrie pétrolière et qui ont abouti à la fondation de la communauté de Conambo. Les référents socioculturels non-Sápara, loin de dénaturer cette culture, l‟ont enrichie. En effet, une culture comme telle n'est pas immuable, même si ses changements sont parfois relativement lents. Dans ces conditions, nous considérons tout habitant du territoire Sápara, accédant aux ressources locales et participant inévitablement à la recréation du patrimoine

129 culturel immatériel commun, comme membre de la „Nacionalidad‟ Sápara. Cette idée est réaffirmée par l‟ex-président de la NASE, Bartolo Ushigua101

:

« Bien que le nombre de représentants du peuple Sápara ait augmenté grâce aux alliances avec des représentants des „Nacionalidades‟ Kichwa, Achuar et Shiwiar, les communautés tout entières s‟identifient en tant que Sápara. Tous les habitants des communautés, sans faire trop attention à leur origine ou à leur niveau de parenté avec les Sápara, ont adhéré à cette culture et à cette manière de vivre, en lui apportant en même temps un peu de leur culture »

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Dans le discours de Bartolo, on peut corroborer qu‟une culture est, comme le souligne Paul Claval (2012, p. 99), dans une large mesure, faite des mots qui traduisent le réel en le découpant, en le structurant et en l‟organisant. Selon l‟auteur, ces signes disent les lieux, la vie, les êtres ou les techniques : ils ont une valeur descriptive. Comme ils se lestent de connotations au cours de l‟existence, ils prennent une charge émotive. Pour l‟auteur, ce que l‟on acquiert en parlant des objets et des êtres, c‟est la capacité à leur donner une existence sociale. Bien que certains des énoncés que l‟on construit avec les mots aient une dimension prescriptive, ils n‟indiquent pas ce qui est, mais ce qui doit être. Par conséquent, les habitants du territoire ancestral Sápara en tant que „Nacionalidad‟ indigène, se présentent d‟une certaine manière comme les représentants des éléments communs d‟un patrimoine culturel immatériel des peuples indigènes de l‟Amazonie équatorienne, notamment Sápara, Kichwa et Achuar, dont ils sont ethniquement issus.

4.3.1 Le territoire ancestral Sápara : un espace approprié

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