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Quelques exemples du potentiel de convergence des entreprises vers le reporting intégré

Le cas d’Orange

2. Quelques exemples du potentiel de convergence des entreprises vers le reporting intégré

Nous exposons dans cette seconde partie notre synthèse de l’exploitation de la base docu-mentaire de l’IIRC et de la documentation publique d’Orange, illustrant successivement le mou-vement vers le RI perceptible au niveau international et la capacité d’une entreprise française, à partir de l’information réglementée disponible, à construire la maquette d’un rapport intégré.

2.1. L’état des lieux

Dans le panel constitué à ce jour de 89 rapports mis en ligne par l’IIRC au titre des bonnes pratiques inspirées par les principes du RI 19, sur la période 2011 à 2013, nous n’avons recen-sé aucun “rapport intégré“ strictement conforme au cadre conceptuel officialirecen-sé récemment par l’IRCC, mais selon les cas, soit un document supplémentaire autonome par fusion du rapport annuel et du rapport de développement durable / RSE, soit un document remplaçant le rapport annuel et le rapport de développement durable / RSE par fusion ou enrichissement des informations qui y figuraient. La base de données de l’IIRC inclut ainsi des éléments de contenu démontrant la mise en œuvre progressive d’un processus de RI. En parallèle, l’obligation faite aux sociétés cotées sud-africaines de publier un rapport intégré 20 au sens du

code sud-africain pour la gouvernance d’entreprise, permet de disposer d’une quinzaine de

cas concrets de déploiement de cette démarche ; depuis plusieurs années le RI prend éga-lement forme en Australie (KPMG, 2011, p. 6-9) ; le continent américain (Etats-Unis, Canada, Brésil) n’échappe pas non plus à ce mouvement. Parmi les entreprises européennes, celles présentes au Royaume-Uni 21, probablement en raison du rôle de ce pays dans la genèse du RI évoqué en préambule, aux Pays-Bas 22 et en Italie 23 figurent en bonne place ; bien que non primées par l’IIRC, certaines sociétés allemandes comme BASF, précurseur en matière de RI (UBS, 2012, p. 55-56), Puma 24, qui a innové par l’utilisation d’un “compte de résultat environnemental“ assignant une valeur monétaire à l’impact environnemental (UBS, 2012, p.

50-53 ; Zeitz, 2012, p. 37-39) ou encore Solarworld (PwC 2012, p. 16, 20-21, 44-45, 70-71)

ont également contribué à la conceptualisation d’une forme de RI 25.

19. [En ligne], http://examples.theiirc.org/home

20. La troisième et dernière version en date du code sud-africain pour la gouvernance d’entreprise, publiée en 2009 sous le nom “King III“, encourage toutes les organisations (publiques, privées ou asso-ciatives) à publier un rapport descriptif de leur stratégie, leur gouvernance et leur politique de déve-loppement durable ; il définit le rapport intégré comme « une représentation holistique et intégrée de la performance de l’entreprise, à la fois en termes financiers et de développement durable » (Baheux Guez, 2013, p. 35 ). Bien qu’à l’origine ce code n’ait valeur que de recommandation, il est suivi par les entreprises sud-africaines (Rivals, 2013, p. 19) ; l’obligation de s’y conformer s’impose en outre depuis le 1er mars 2010 à toutes les entreprises cotées du Johannesburg Stock Exchange (JSE), dont le contenu des rapports intégrés est dans l’ensemble de bonne qualité à l’aune des critères mêmes de l’IIRC, qui complètent les principes de “King III“ en apportant les modalités de leur application (EY, 2014, p. 21-26). 21. Anglo American, BAE Systems, BHP Billiton, Diageo, Fresnillo, Go-Ahead, HSBC, J Sainsbury, King-fisher, Marks & Spencer, National Grid, Rio Tinto, Tullow Oil, Vodafone, Xstrata.

22. Aegon, Royal DSM, Schiphol, Unilever. 23. Atlantia, Enel, Eni.

24. Filiale du groupe français Kering (ex-PPR), et portant la marque allemande de “Sport & Lifestyle“ du groupe. 25. Les prescriptions du Code de développement durable allemand (Nachhaltigkeitsrat), dont le conseil allemand pour le développement durable est l’instigateur, offrent depuis 2011 un terrain fertile à ces ini-tiatives ; contrairement à la législation française, elles reposent sur le principe du volontariat à y adhérer.

Chapitre 4 : L’utilisation de l’information comptable

Reporting intégré : état des lieux et perspectives

Nous avons recensé dans le tableau ci-dessous, sur les 89 rapports cités par l’IIRC 26, la fréquence des critères de sélection de l’IIRC en lien avec les éléments constitutifs du RI tels que définis et lettrés (en majuscules) en première partie. Cette fréquence se décom-pose en trois strates, reléguant les critères (B), (G) et (H) au dernier rang, par rapport aux critères (A) et (E) et dans une moindre mesure (C), (D) et (F) ; aux deux extrêmes de cet intervalle, la gouvernance et les perspectives sont ainsi clairement sous-documentées dans les rapports sélectionnés par l’IIRC, tandis que l’organisation et les lignes straté-giques y apparaissent de manière plus saillante.

Dans le tableau suivant, nous avons couplé, sur cette même population, les éléments constitutifs du RI et, en en mesurant l’occurrence, les principes directeurs de l’IIRC tels que définis et lettrés (en minuscules) en première partie, énumérés par l’IIRC pour chaque rapport sélectionné ; les trois strates susmentionnées sur lesquelles se répartissent les éléments constitutifs du RI réapparaissent, tandis que la seconde entrée de la matrice met en évidence le poids prépondérant des principes directeurs (a), (b) et (e), par rapport à (c) et (d) et a fortiori (f) et (g) ; aux deux extrêmes de cet intervalle, la fiabilité et la complétude de l’information, ainsi que la cohérence et la comparabilité des données doivent être nettement améliorées par rapport à la présentation des priorités stratégiques et orientations futures, la connectivité de l’information et le principe de concision, qui ressortent plus couramment.

26. Certaines sociétés sont citées au titre de rapports se rapportant à plusieurs années successives.

Eléments constitutifs du RI Organi-sation Ecosys-tème (A) Gouver-nance (B) Busi-ness model (C) Risques Opportu-nités (D) Stratégie Res-sources (E) Mesure perfor-mance (F) Perspec-tives (G) Prépa-ration Présen-tation (H) Total occu-rences Total en %

Principes directeurs de l’IIRC

a Présentation des priorités stratégiques et orientations futures

b Connectivité de l’information c Relations avec les parties

prenantes d Sélectivité e Concision f Fiabililé et complétude de l’information g Cohérence et comparabilité des données 26 28 25 10 25 3 3 3 3 2 4 2 15 16 3 2 17 10 13 6 10 13 1 35 27 8 8 21 2 1 13 14 5 3 12 10 4 3 4 1 1 1 1 1 106 105 50 34 97 7 16 26 % 25 % 12 % 8 % 23 % 2 % 4 %

Total en nombre d’occurences 120 14 53 53 102 57 12 4 415 100 %

Total en % 29 % 3 % 13 % 13 % 25 % 14 % 3 % 1 % 100 %

Tableau 2 : Croisement entre les éléments constitutifs du RI et les principes directeurs de l’IIRC (en % d’occurrences sur l’ensemble des rapports sélectionnés par l’IIRC)

Eléments constitutifs du RI Organisation Ecosystème (A) Gouvernance (B) Business model (C) Risques Opportunités (D) Stratégie Ressources (E) Mesure performance (F) Perspectives (G) Préparation Présentation (H) Total en nombre de rapports 37 7 23 18 33 18 6 1 Total en % sur 89 rapports 42 % 8 % 26 % 20 % 37 % 20 % 7 % 1 %

2.2. Le cas d’Orange

La qualité de la communication d’Orange dans le domaine du développement durable et de de sa traduction au sein du groupe sous le vocable RSE a entre autres été saluée, au travers du rapport RSE 2011, par la remise du Trophée de la qualité des informations environnementales et sociales 2012  27 dans la catégorie des sociétés du CAC 40. Le rapport RSE 2013 que nous avons comparé à celui distingué par le CSOEC prolonge la communication RSE d’Orange sur cinq axes : 1) démarche RSE, 2) salariés, 3) clients, 4) Société, 5) Environnement (Orange, 2013a, p. 1) ; ce document comporte en annexes le rapport d’un des commissaires aux comptes sur le “processus de reporting de res-ponsabilité d’entreprise“ concluant, selon la formule d’assurance modérée consacrée, à l’application des lignes directrices du GRI (G3) à son niveau le plus élevé (A+), ainsi que

de nombreux indicateurs environnementaux et sociaux déclinés par zone d’implantation

et par pays (Orange, 2013a, p. 104-119). Orange figure également parmi les entreprises les mieux notées 28 dans le classement RSE des entreprises du CAC 40 en date d’octobre 2014, élaboré par Enjeux Les Echos, son partenaire l’Institut RSE et un comité d’experts 29 à partir d’un questionnaire regroupant huit thèmes équipondérés dans la notation : trans-parence, gouvernance, modèle économique, supply chain 30, produits et relations clients, éthique et droits humains, environnement et relations sociales (Bauchard et Lupieri, 2014). En marge de la communication institutionnelle, le groupe Orange va jusqu’à interagir avec les internautes 31 en leur permettant de découvrir les douze domaines d’actions RSE du

groupe et de choisir les trois d’entre eux leur paraissant les plus importants.

Parallèlement, le document de référence très volumineux d’Orange, dans sa version 2013 (420 pages), relaye certaines des informations du rapport RSE au chapitre 2 : “environne-ment de l’activité, stratégie et facteurs de risque“ et au chapitre 5 : “gouvernance et RSE“ (Orange, 2013b, p. 11-44, 313-380). Le recoupement que nous avons opéré en annexe entre les objectifs constitutifs du RI et les thématiques traitées dans ces deux rapports distincts montre qu’un rapport intégré pourrait naître de leur hybridation.

Nous avons également relevé des esquisses de “connectivité“ entre les données finan-cières et extra-finanfinan-cières à l’examen des supports de présentation des résultats annuels aux investisseurs et aux analystes (investors data book, roadshow de la direction générale,

ISR presentation,…) ; force est toutefois de constater que même si au sein des groupes du CAC 40, Orange se distingue, avec l’Oréal et Michelin, sur cette caractéristique

fon-damentale du RI (Baheux Guez, 2013, p. 53), le contenu de ces supports ne peut encore

s’assimiler à la connectivité au sens de l’IIRC, qui la définit comme « un récit exhaustif de génération de la valeur, les associations, corrélations et dépendances entre les éléments qui présentent un caractère important au regard de la capacité de l’organisation à générer de la valeur au fil du temps » (IIRC, 2013, p. 18).

27. Manifestation organisée le 21 février 2013 par le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC).

28. 82 points sur une note globale de 96. 29. Parmi lesquels Dominique Ledouble.

30. L’information sur la supply chain s’avère de plus en plus déterminante dans l’attractivité des groupes à l’égard d’investisseurs attentifs aux risques de perte d’image induits par des pratiques plus ou moins scrupuleuses tout au long de la chaîne des achats.

31. [En ligne], http://www.orange.com/fr/actualites/2013/decembre/la-RSE-d-Orange-s-exprime-autre-ment

Chapitre 4 : L’utilisation de l’information comptable

Reporting intégré : état des lieux et perspectives

2.3. Synthèse

Notre étude met en évidence à la fois la marge de progression des entreprises engagées dans le processus de rapport intégré quant à la documentation de certains éléments constitutifs du RI et le respect des principes directeurs de l’IIRC, et s’agissant d’Orange pris à titre d’exemple d’un groupe non encore engagé dans cette démarche, l’existence, parmi les supports publiés, des informations de base qui permettraient de l’initier.

3. Conclusion : le concept de reporting intégré

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