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l’harmonisation comptable internationale 1

1. La comparabilité des comptes

Un des objectifs des normes comptables est d’assurer une certaine comparabilité des comptes de différentes sociétés. Avec l’application des IFRS, cette comparabilité devait être élargie vers le plus grand nombre de pays possible et faciliter ainsi le fonctionnement de l’économie globale.

Le reproche le plus courant fait aux IFRS au titre de la comparabilité est celui que leur approche par des principes généraux remet justement en cause cette comparabilité. Ces principes risquent d’être interprétés différemment dans différents pays avec le risque de conduire à une adaptation des IFRS au contexte socio-économique national. Hoarau et Teller (2007, p. 10) ont soulevé cette question, et ils ne sont pas les seuls.

Dans l’article “Convergence IFRS - US Gaap : vers une hybridation des normes de nor-malisation ?“ (2007, p. 43), Christian Hoarau écrivait « aucune approche normative n’est satisfaisante en soi ». En effet, d’un côté « l’approche par les règles offre aux dirigeants l’opportunité de gérer les données comptables au moyen de la structuration des opé-rations ». De l’autre côté, l’approche par les principes, selon laquelle « les normes sont

 1. En guise de clin d’œil, le titre de notre papier pourrait être “Quelques réflexions sur l’évolution de la normalisation comptable internationale : vision d’aujourd’hui“ en référence au titre de l’éditorial de C. Hoarau et R. Teller dans le numéro de CCA de décembre 2007 “L’évolution du rôle des outils comp-tables : visions d’hier et d’aujourd’hui“.

2. ESCP Europe.

fondées sur des principes généraux et des conventions inclus dans un cadre conceptuel »

(Alexander, 1999), laisse aussi aux managers la possibilité de gérer les données comp-tables grâce à l’interprétation.

L’actualité récente tend à montrer que les arguments et les exemples développés par notre collègue sont toujours justifiés. Ainsi, les entreprises continuent de structurer leurs opérations dans des domaines comme les contrats de location (suite aux nombreux débats sur le sujet, la norme révisée n’est toujours pas publiée, le dernier Exposure Draft

datant de 2013) ou encore les sociétés ad hoc (Special Purpose Vehicle) et les Joint venture suite à l’application des nouvelles normes de consolidation IFRS 10 et IFRS 11. Les enjeux, en termes d’analyse, sont importants. En effet, l’impact d’un changement de méthode est parfois majeur. A titre d’exemple, nous citerons celui du passage de la consolidation proportionnelle à la méthode de la mise en équivalence pour la comptabili-sation des entreprises sous contrôle conjoint. Dans le cas du groupe automobile chinois Dongfeng Motor Group et suite au retraitement des comptes au 31/12/2012 4, le chiffre d’affaires baisse ainsi de 95 % (il passe de 124 milliards de RMB à 6 milliards de RMB), le ratio de marge nette s’élève à 150 % du CA (au lieu de 8 % dans l’ancien référentiel) et le

Return on assets (ROA) augmente de 72 % (il passe de 8,5 % à 14,6 %).

Dans le cas de la norme IFRS 11, la décision de l’IASB d’imposer la méthode de la mise en équivalence pour comptabiliser les joint ventures repose en grande partie sur l’objectif de convergence avec les règles américaines. Mais, de manière générale, l’IASB n’a pas choisi d’imposer des règles comme dans les normes américaines (traditionnelles). Il a conservé son choix de privilégier une approche fondée sur les principes tout en exigeant des prépa-rateurs des états financiers une grande quantité d’informations complémentaires. L’objectif est de mieux expliquer le contenu de la norme et de faciliter son application par la présence de nombreux exemples illustratifs et/ou des motifs détaillés pour les diverses dispositions. Un exemple qui illustre tout à fait cette approche concerne le thème de la reconnais-sance des revenus. Il est pour l’instant traité par deux normes, IAS 18 et IAS 11, ainsi que quelques interprétations. Ces normes et interprétations représentent un volume de 48 pages auxquelles s’ajoutent 52 pages d’explications, d’exemples etc., soit un total de 100 pages. Au printemps 2014, l’IASB a publié la norme IFRS 15 qui remplace ces anciens textes. Son volume est de 349 pages, soit presque 3,5 fois le volume des normes précédentes. Au-delà de la norme proprement dite de 89 pages, soit un peu moins que deux fois le volume de ses prédécesseurs, ce sont surtout les exemples et les autres explications qui avec 260 pages, soit 5 fois le volume des textes précédents, devraient permettre une application bien plus harmonisée de ces dispositions.

Hoarau (2007, p. 48) soulignait, dans le cas de la norme IAS 18 sur la reconnaissance du chiffre d’affaires, les variations des usages selon les pays et le besoin d’interprétations. Mais Il apparaît également que la taille des entreprises est un facteur explicatif de leur comportement en matière de publication d’informations. Par exemple, dans le cadre d’une étude sur les pratiques des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en matière d’information sectorielle dans trois pays européens, Alexander et al. (2013) ont montré que ces entre-prises divulguent moins d’informations que les entreentre-prises de grande taille. Réalisé dans le cadre de l’étude d’impact de la norme IFRS 8, cette recherche montre que des différences significatives apparaissent aussi selon le pays d’origine ou le secteur d’activité des firmes 5.

4. Les “joint arrangements“ qui étaient classés auparavant en sociétés contrôlées conjointement (et consolidés proportionnellement comme l’autorisait IAS 31) doivent être classés en Joint Venture d’après IFRS 11 et comptabilisés selon la méthode de la mise en équivalence.

Chapitre 3 : La normalisation comptable

Evolution (et perspectives) de l’harmonisation comptable internationale

Un autre thème qui permet d’illustrer et d’analyser les pratiques actuelles des entreprises qui appliquent les normes IFRS est celui du goodwill. L’évaluation du goodwill a fait l’objet de très nombreuses recherches théoriques et empiriques depuis de nombreuses années. A plusieurs reprises, Christian Hoarau a donné l’exemple du goodwill pour illustrer la difficulté de la normalisation comptable à atteindre les objectifs de comparabilité, de pertinence et de fiabilité de l’information (1995, p. 80 et p. 86 ; 2007, p. 48). Alors que l’amortissement du

goodwill reste la méthode obligatoire dans de nombreux référentiels nationaux, les normes internationales privilégient la dépréciation ponctuelle du goodwill lorsque l’analyse du test de dépréciation réalisé par le préparateur des comptes met en évidence une valeur recou-vrable inférieure à la valeur d’origine, cette dépréciation étant irréversible 6.

Aujourd’hui, même si les normes requièrent un nombre croissant d’informations pour aider l’investisseur à porter un jugement sur la performance de l’entreprise, de nombreuses sociétés ne publient que partiellement ces informations 7. Ainsi, l’étude par l’autorité de contrôle des marchés financiers européens, l’ESMA, (Anonyme, 2013) des états financiers 2011 de 235 entreprises domiciliées dans 23 pays européens révèle que plus d’un tiers des émetteurs qui comptabilisent une dépréciation du goodwill ou d’autres immobilisations incorporelles ne sont pas en conformité avec le § 130 (c) de la norme IAS 36 qui stipule que les faits et circonstances en relation avec la dépréciation doivent être expliqués dans les notes annexes. De plus, la majorité des entreprises qui publient ce type d’informations utilisent des termes vagues et ne précisent pas le pays et/ou le type de situation politique/ économique. Concernant les unités génératrices de trésorerie (UGT), les résultats de l’étude montrent que 86 % des entreprises divulguent des informations sur le niveau auquel les UGT sont définies pour le test de dépréciation et que dans près de 75 % des cas, ce niveau correspond aux segments opérationnels publiés par la société en conformité avec IFRS 8. La principale conclusion de l’ESMA est que les émetteurs devraient améliorer la publication des hypothèses clé – telles que requises par IAS 36 – tant en nombre qu’en nature 8. En effet, ces hypothèses – en complément de celles relatives aux taux d’actualisation et aux taux de croissance terminale – sont décisives pour aider les analystes à évaluer la fiabilité des tests de dépréciation d’un émetteur. L’ESMA considère aussi que certaines hypothèses semblent optimistes tout comme le soulignait déjà Hoarau (2007, p. 48). L’estimation de la valeur économique des goodwill, principalement fondée sur l’actualisation des flux de trésorerie et l’estimation de valeurs terminales, entraîne une fragilité des prévisions. En cela, elle demeure un instrument efficace de gestion/lissage du résultat comptable 9. De même, Amislarani et al.

(2013) confirment cette utilisation parfois “agressive“ des tests d’impairment et, comme Hoarau précédemment, ils questionnent notamment le choix effectué par de nombreuses entreprise d’appliquer un taux d’actualisation unique (le weighted average cost of capital ou WACC de l’entreprise) à l’ensemble des UGT en négligeant les différences dans leur profils de risques.

6. La norme IFRS 3 qui interdit l’amortissement du goodwill est le résultat d’un projet conjoint de l’IASB et du FASB. 7. Plus généralement, les études récentes sur les pratiques des entreprises cotées qui appliquent obli-gatoirement les IFRS depuis 2005 mettent en évidence une amélioration de la qualité de l’information comptable. En revanche, de nombreuses études montrent que les caractéristiques de l’environnement institutionnel national expliquent les variations dans la qualité observée (Alexander et al., 2014, p. 37). 8. L’étude récente et exhaustive de trois chercheurs de la CASS Business School à Londres (Hami Amiraslani, George E. Iatridis, Peter F. Pope, 2013) sur la comptabilisation des dépréciations d’actifs en Europe, dans les états financiers IFRS de 324 sociétés en 2010-2011, présente des conclusions similaires à celles de l’ESMA. La dimension réglementaire/institutionnelle est précisée pour expliquer les différences d’application de la norme IAS 36 dans les pays de l’Union européenne (plus la Norvège et la Suisse) objets de l’étude, ces pays étant classés en 3 groupes selon leurs caractéristiques institution-nelles en appliquant la méthodologie de Leuz (Amiraslani et al., 2013, p. 18).

Enfin, concernant l’impact du choix des taux d’actualisation dans le cadre des estima-tions faites par les managers, l’exemple de l’évaluation des provisions pour engagements de retraite du groupe EDF révèle les enjeux de manière particulièrement significative : le passage du taux d’actualisation, en 2012, de 5 % à 3,5 % a généré un impact négatif sur le résultat global du groupe d’environ 5 milliards d’euros.

2. La gouvernance de l’IASB et la prise en compte des parties

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