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le réveil des parlementaires européens

3. Le champ de la normalisation

La normalisation a perdu en obligations de technicité comptable (détails des comptes, des états, particulièrement avec le souci d’alléger les charges des PME), mais elle s’est enrichie dans les domaines de la transparence et du reporting non financier, avec l’appui des parlementaires européens.

3.1. La transparence (2011/0308[COD])

La proposition de révision des 4e et 7e Directives, déposée fin 2011, avait pour princi-pal but de diminuer la charge administrative des entreprises de 25 % (en réduisant les annexes et le détail des comptes) mais comportait aussi quelques articles sur les

infor-22. http://ec.europa.eu/internal_market/accounting/docs/governance/reform/131112_report_en.pdf 23. http://www.efrag.org/Front/n1-1336/Reform-of-EFRAG-Governance-close-to-completion--General-Assembly-approves-revised-EFRAG-Statutes-and-Internal-Rules-and-welcomes-eight-new-members-. aspx 24. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=CRE&reference=20140312&secondRef=IT EM-016&language=FR

Chapitre 3 : La normalisation comptable

Normalisation comptable : le réveil des parlementaires européens

mations à fournir par les entreprises effectuant des paiements “de niveau significatif“ 25 à des gouvernements au titre d’industries extractives et d’exploitation de forêts primaires. Cette proposition a suscité de nombreuses réactions de la part des parlementaires, réactions dont nous extrayons les points suivants :

La commission des Affaires économiques a proposé que les informations ne soient fournies que par de grandes entreprises, et pour des montants annuels supérieurs à 30 000 € par pays, en précisant les chiffres d’affaires réalisés par pays, les coûts de production, etc. (52 amendements au total sur la proposition de Directive, 35 voix pour, 0 contre, 4 abstentions) 26.

La commission des Affaires Etrangères a précisé les informations à fournir sur les paiements faits aux gouvernements par les industries extractives et exploitation de forêts primaires : « Les versements ne devraient pas être déclarés si le montant total des sommes versées à un gouvernement ne dépasse pas 1 000 000 EUR ou si le montant total des versements pour un projet ne dépasse pas 200 000 EUR ». (17 amendements au total, 27 voix pour, 26 contre, 0 abstention) 27.

La commission Développement a proposé d’élargir la définition des paiements, de fixer le seuil de déclaration à 15 000 € et « d’obliger tous les secteurs de l’industrie à rendre publiques les commissions qu’ils versent par pays, et de faire en sorte que des informations financières supplémentaires soient divulguées pour aider les États membres de l’Union et les pays en développement à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales dans tous les secteurs ». (32 amendements, 25 voix pour, 0 contre) 28.

• Enfin, la commission des Affaires Juridiques, saisie au fond, a discuté de 267 amendements au cours de 4 séances de travail. Son rapport final présente 52 amen-dements (25 voix pour – unanimité –). En ce qui concerne la lutte contre la corruption :

« les sommes versées aux gouvernements devraient également être divulguées par les grandes entreprises et les entités d’intérêt public actives dans le secteur bancaire ou les secteurs de la construction et des télécommunications. Cependant, il ne devrait pas être nécessaire de divulguer les sommes versées si un versement individuel ou de multiples versements liés relatifs à un projet ne dépassent pas 80 000 EUR 29 ».

Finalement, les amendements adoptés en séance plénière (657 voix pour, 17 contre et 13 abstentions) résultent de “compromis“ entre le Conseil et le Parlement et en général réduisent les obligations des entreprises par rapport aux demandes des com-missions. En ce qui concerne les paiements faits à des gouvernements, le texte final de la Directive stipule « qu’un paiement, qu’il s’agisse d’un versement individuel ou d’une série de versements liés, ne doit pas être déclaré dans le rapport si son montant est inférieur à 100 000 EUR au cours d’un exercice » et que la déclaration ne concerne que

25. Le texte de la proposition de révision était très vague... « À la lumière de l’objectif général de promo-tion de la bonne gouvernance dans ces pays, l’importance relative des versements à déclarer devrait être évaluée en fonction du gouvernement bénéficiaire. Divers critères pourraient servir à déterminer le seuil d’importance relative, tels que la valeur absolue des sommes versées ou la fixation d’un certain pourcentage (par exemple, tout versement supérieur à un certain pourcentage du PIB d’un pays). Ces critères peuvent être définis au moyen d’un acte délégué » (délégué à la Commission…).

26. 2011/0308(COD) document PE 413.725, 15/07/2012.

Autres propositions : états financiers à établir en XBRL (eXtensible Business Reporting Language), et tableaux de flux de trésorerie (au-delà de certains seuils).

27. Ref : PE483.740 du 25/06/2012 28. Ref : PE487.943 du 20/06/2012

les « entreprises actives dans les industries extractives ou dans l’exploitation des forêts primaires » 31.

3.2. Les informations non financières (2013/0110[COD])

La Commission dépose une proposition de Directive le 16/04/2013 sur : « La gouvernance

d’entreprise : publication d’informations non financières et d’informations relatives à la

diversité par certaines grandes sociétés et certains groupes ». La proposition concerne les grandes entreprises (plus de 500 personnes, environ 6 000 en Europe 32) afin de les amener à publier d’une part, des informations pertinentes et comparables sur les questions d’environnement, sociales et de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption 33, d’autre part, des informations sur leur politique de diversité, notamment au regard des critères d’âge, de sexe, d’origine géographique, de qualifications et d’expérience professionnelle (les sociétés n’appliquant pas de politique de diversité devront seulement expliquer pourquoi) 34.

Huit commissions parlementaires ont donné leur avis :

La commission Développement propose 46 amendements, dont la réduction du seuil à 250 personnes, l’habilitation par l’UE d’agences de notation, la prise en considération des sous-traitants, etc. 35.

La commission des Affaires Etrangères précise que devrait être indiquée « la chaîne d’approvisionnement de la société et ses sous-traitants lorsqu’il s’agit d’acteurs majeurs de la chaîne d’approvisionnement » et que la « Commission doit élaborer des lignes directrices sur les méthodes et le recours aux normes internationales et aux indicateurs de performance non financière, afin d’aider les entreprises à publier leurs informations »

(17 amendements) 33.

La commission Femmes et égalité des genres demande que soit stimulée « la représentation des femmes au sein des conseils et aux postes d’encadrement dans l’objectif de renforcer l’efficacité de la prise de décisions en tant qu’impératif économique et commercial ». Elle suggère que la Commission établisse « dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente directive, des lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour la publication d’informations par les sociétés afin de les aider dans cette tâche », le seuil étant fixé à 250 personnes (28 amendements) 37.

La commission Marché Intérieur se prononce clairement pour une norme euro-péenne : « Étant donné que la pléthore des divers cadres de déclaration sape la compara-bilité des informations non financières et que, parallèlement, la diversité de ces cadres de déclaration peut entraîner des coûts pour les entreprises qui souhaitent se conformer à la

31. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013L0034&from=EN. 32. Seulement 2 500 environ publieraient actuellement (de façon lacunaire) ce type d’informations. 33. Informations à insérer dans le rapport de gestion, ce qui modifie la Directive Comptable adoptée en 2013.

34. Les entreprises devront inclure dans la déclaration sur le gouvernement d’entreprise (prévue à l’ar-ticle 20 de la directive 2013/34/UE) une description de la politique de diversité qu’elles appliquent à leurs organes d’administration, de gestion ou de surveillance au regard de critères tels que l’âge, le sexe, les qualifications et l’expérience professionnelle.

35. PE519.686 (24 pour, 1 abstention, 1 contre). 36. PE 516.784 (25 pour, 10 contre).

Chapitre 3 : La normalisation comptable

Normalisation comptable : le réveil des parlementaires européens

réglementation, il serait profitable que l’Union légifère pour créer un ensemble clair de critères d’information non financière » (à établir par la Commission pour le 31/12/2015 au plus tard). L’information doit être étendue à « la chaîne d’approvisionnement » (33 amendements) 38.

Le rapporteur de la commission Industrie« est d’avis que la divulgation d’informa-tions non financières, telle que la divulgation de la stratégie de RSE par les entreprises, doit continuer à relever de l’initiative des entreprises. Les efforts et les rapports dans le domaine de la RSE doivent être axés sur des questions essentielles à la stratégie de l’en-treprise, et compléter celle-ci, plutôt que constituer un simple exercice bureaucratique. Les entreprises sont variées, et ce sont elles les mieux placées pour déterminer quelles questions et quelles initiatives sont les plus pertinentes pour leurs propres activités de RSE ». Mais la commission se prononce ensuite pour l’instauration d’une norme euro-péenne et est l’une des seules à penser au travail des handicapés (19 amendements) 39.

La commission Emploi est bien sûr favorable : « L’accès des investisseurs aux informa-tions non financières doit aussi permettre un afflux d’investissements vers les entreprises socialement vertueuses » mais elle demande plus de précisions (objectifs, discrimination, développement durable, etc..) sans toutefois vouloir augmenter les coûts administratifs des PME (ce qui pourrait les conduire à réduire leur engagement social..) et suggère l’ha-bilitation d’agences de notation, ainsi qu’un label social européen (29 amendements) 40.

La commission Economique souhaite que soit précisée la publication d’indicateurs par pays, que les seuils soient abaissés, et que la transparence aille jusqu’à la publication des montages fiscaux (61 amendements) 41.

La commission des Affaires Juridiques (saisie au fond) dépose successivement 213 amendements le 15/11/2013 42, puis, après prise en compte des avis des autres commis-sions, une version révisée de la proposition le 10/01/04 43, comportant 28 amendements, dont ceux-ci :

- les PME devraient être exemptées d’exigences supplémentaires, et l’obligation d’inclure une déclaration non financière dans le rapport de gestion ne devrait s’appliquer qu’aux sociétés qui emploient en moyenne plus de 250 salariés et qui affichent soit un total du bilan supérieur à 20 000 000 EUR, soit un chiffre d’affaires net de plus de 40 000 000 EUR ; - la Commission détermine les meilleures pratiques et, en collaboration avec les organi-sations de la société civile, établit, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente directive, des lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour la publication d’informations par les sociétés afin de les aider dans cette tâche.

Le texte adopté par le Parlement le 15 avril 2014 44 est moins ambitieux (il ne s’applique qu’aux entreprises de 500 personnes, donne deux ans de délai à la Commission pour

38. PE516.976 (29 pour, 3 contre).

39. PE516.970 (34 pour, 15 contre, 2 abstentions). 40. PE519.836 (33 pour, 5 contre, 4 abstentions).

41. PE519.575 (19 pour, 7 contre, 9 abstentions). Notons que les acteurs de l’Union Européenne ont convenu de revoir la question du reporting fiscal pays par pays avant juillet 2018.

42. PE523.052

43. A7-0006/2014 (21 pour, 1 contre, 2 abstentions).

44. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P7-TA-2014-0368 Résultats du vote : 599 pour, 55 contre, 21 abstentions.(http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ summary.do?id=1346850&t=e&l=fr

donner ses lignes directrices, et surtout est moins précis que ne souhaitaient les commis-sions, même si les considérants sont plus argumentés). Il présente cependant le grand intérêt d’avoir été adopté tel quel par le Conseil européen le 19 septembre 2014 45 et sera donc applicable, après transposition, en 2017.

***

En conclusion, même si l’Europe n’a pu se doter de son propre organisme de régulation comptable, comme le souhaitait Christian Hoarau, ses politiques cherchent actuellement à faire produire et publier par les entreprises des informations qui ne soient pas unique-ment tournées vers les marchés financiers. Le foisonneunique-ment d’amendeunique-ments parlemen-taires entrevu plus haut montre tout l’intérêt d’une meilleure représentation de l’activité des entreprises pour les citoyens européens.

Bibliographie

• Burlaud A. et Colasse B. (2010), Normalisation comptable internationale : le retour du politique?, Compta-bilité – Contrôle – Audit, Tome 16, n°3, Décembre, pp. 153-176.

• Hoarau C. (2003), Place et rôle de la normalisation comptable en France, Revue française de gestion, 2003/6, n° 147, pp. 33-47.

• Hoarau C. et Teller R. (2007), IFRS : les normes comptables du nouvel ordre économique global ?, Comp-tabilité - Contrôle – Audit, Tome 13, n° 3, pp. 3-20.

• Hoarau C. (2013), Changer les normes financières pour un capitalisme responsable. Le Cercle des Echos, 7 octobre.

• Klee L. et Chambost I. (2010), La régulation comptable européenne : de l’articulation de l’expertise et du politique, Congrès AFC Strasbourg 2009, in halshs-00459756 (version 1, 25 février 2010).

45. Tous les pays ont voté pour, à l’exception de l’Estonie. http://www.consilium.europa.eu/uedocs/ cms_data/docs/pressdata/en/intm/144945.pdf

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