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Epidémiologie du burn out

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 156-159)

L’OFFRE DE SOINS

4.2.10. Le burn out des médecins libérau

4.2.10.4. Epidémiologie du burn out

La fréquence du burn out a été évaluée dans la plupart des pays occidentaux grâce à un questionnaire spécifique. Les résultats sont contrastés. En Suisse, 19% des généralistes seraient atteints de burn out contre 32% à Madrid (Vaquin-Villeminey 2007). En France, les études ont été menées au niveau régional : 22,7% en Bretagne, 47% en Bourgogne. En Ile-de- France, 53% des répondants à l’enquête de l’URML se déclaraient menacés de burn out en 2006, 90,1% notaient une diminution de l’accomplissement individuel, 85% une dégradation de la relation à l’autre, 84,8% une altération de la qualité des soins et 12,3% envisageaient de changer de métier. Cette dernière enquête établissait une liste des causes du burn out par ordre décroissant : l’excès de paperasserie (95,9%), la non-reconnaissance du travail du médecin (90,1%), la charge de travail trop lourde (89,1%), l’augmentation des contraintes collectives (88,6%), la longueur des journées (85,3%), le manque de temps pour sa vie privée et l’exigence des patients (84,1%), le risque de contentieux juridique (83,9%) (URML Ile-de- France 2007). Cette liste est intéressante pour notre propos, car aucune cause n’est en lien direct avec le revenu et la première place donnée au tâches administratives est en contradiction avec l’importance réelle de celles-ci, ce qui montre combien l’essentiel n’est pas l’importance objective d’un phénomène, mais son importance subjective telle que la ressentent les acteurs dans l’action concrète. Les sources de stress des médecins libéraux peuvent être classées en six champs : administratif, reconnaissance sociale, temps professionnel, interface vie privée/vie professionnelle, entourage/société et pratique médicale. L’interface vie professionnelle/vie privée serait l’élément explicatif majeur du stress perçu devant la demande de l’entourage du patient et les contraintes administratives incluant les référentiels scientifiques et les objectifs de santé publique (Galam 2007b). L’étude de

assez de temps à leur famille, 55% trouvaient qu’ils travaillaient trop, la moitié que les contraintes administratives et les gardes étaient trop importantes, un tiers estimait le risque médico-légal trop important et 30% se déclaraient prêts à changer de profession s’ils en avaient la possibilité.

Parmi les facteurs permettant de prévenir le burn out ainsi que l’intention d’abandonner la profession, le plus important est la qualité du travail d’équipe. Une enquête menée en milieu hospitalier montre que lorsque la qualité du travail d’équipe est mauvaise, le désir d’abandonner la profession est quatre fois plus important. Les autres facteurs préventifs sont le fait de travailler dans une équipe stable, les relations interpersonnelles, l’étendue de l’accès à l’information, aux ressources et aux opportunités de l’environnement de travail qui réduisent les ambiguïtés et le stress ainsi que des structures partagées de gouvernance (Estryn- Béhar et al. 2009). A contrario, les médecins libéraux qui ne bénéficient pas de travail d’équipe constituent un groupe à risque beaucoup plus important que les médecins hospitaliers.

Ces données sont confirmées par une enquête des conseils départementaux de l’Ordre des médecins de l’Eure et de Seine-Maritime (CDOM 27 et 76) selon laquelle 47% des médecins libéraux ayant répondu craignaient d’être psychologiquement indisponibles aux demandes de leurs patients et 45% de devenir incapables de travailler. Par ailleurs, 21% pensaient à changer de mode d’exercice, 13% pensaient à quitter définitivement la profession, 59% craignaient de faire des erreurs, 57% qualifiaient les gardes d’insupportables, 58% se sentaient fatigués, 23% ressentaient un épuisement psychique, 19% un épuisement physique. Enfin, 69% déclaraient que ce qu’ils aimaient le plus dans leur activité était la relation avec le patient, le contact humain, l’écoute, ce qu’ils aimaient le moins, la surcharge administrative, la « paperasserie ». Les revenus étaient jugés satisfaisants par rapport aux besoins dans 81% des cas, au niveau de qualification dans 47% et au temps de travail dans 35% (26% pour les généralistes), seuls 6% déclaraient avoir une situation économique difficile et moins de 1% très difficile (CDOM 27 et 76 2008).

4.2.11. L’insécurité

Le conseil national de l’Ordre des médecins a reçu à la fin des années 1990 et au début des années 2000 de la part des conseils départementaux des échos faisant état d’actes d’agressions plus ou moins graves. Devant cette réalité, il a été décidé de consacrer un « Jeudi de l’Ordre » à « L’insécurité des médecins, une entrave à l’exercice professionnel » le 10 mai 2001. Les participants relatent certaines agressions particulièrement violentes et traumatisantes pour les victimes et font état de la vulnérabilité des médecins libéraux, particulièrement ceux exerçant de manière solitaire dans des zones sensibles. Par ailleurs, il est fait état des résultats d’une enquête réalisée dans l’Isère selon laquelle le profil des agresseurs était par ordre de fréquence, des malades à profil psychologique particulier (27%), des toxicomanes (27%) et des patients dont les exigences n’étaient pas satisfaites (21%). Il est rappelé l’insécurité particulière des médecins : « …l’insécurité de l’exercice au quotidien dans le cadre de la

relation avec les patients exprimant des demandes de manière violente tant verbale que physique. Dans ce cas, le médecin ne peut et ne doit pas répondre et se trouve dans une situation de victime » (Ordre National des Médecins 2001, p. 6). La situation la plus

préoccupante concerne les visites de nuit, notamment pour les femmes médecins. Il faut noter que les professions libérales de santé sont assimilées à un service public, lequel est désacralisé dans la société. Cela expliquerait le fait que les médecins ne sont plus épargnés par les actes de violence.

Devant l’insécurité ressentie par de nombreux médecins, le conseil national de l’Ordre a fait réalisé une enquête du 28 septembre au 5 octobre 2002 sur cette question. La moitié des médecins interrogés avait le sentiment que les conditions générales d’exercice s’étaient dégradées durant les cinq années précédant l’enquête, 48% avaient le sentiment d’une dégradation de l’image de leur profession auprès des patients (51% des libéraux, 46% des hospitaliers). D’autre part, 70% des médecins anticipaient une dégradation de leurs conditions d’exercice et 67% déclaraient avoir eu la crainte d’être agressés. Ce sentiment était plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (74% contre 63%). Si 12% déclaraient ne pas se sentir en sécurité dans leur univers professionnel, 17% parmi ceux effectuant des visites à domicile et 27% chez ceux exerçant dans une zone à risque. Enfin, 87% déclaraient avoir déjà été au moins une fois confrontés directement à une altercation verbale avec un patient et 43%

à une agression physique48. A la suite de cette enquête, l’Ordre a décidé de créer un observatoire pour la sécurité des médecins dont l’objectif est de recueillir les déclarations d’agressions émanant des conseils départementaux. Les résultats sont publiés tous les ans. Le dénombrement étant basé sur les déclarations des médecins ne peut prétendre à l’exhaustivité. Il est clair que cet observatoire ne recueille qu’une petite partie des actes de violence dont sont victimes les médecins, en particulier les médecins libéraux, néanmoins, les médecins étant informés de son existence, on peut tout de même avoir une certaine idée de la réalité. On dénombre 638 incidents en 2003, 439 en 2004, 639 en 2005, 518 en 2006, 837 en 2007, 535 en 2008 et 512 en 2009. La Seine-Saint-Denis était en tête (59 incidents en 2007, 39 en 2008 et 54 en 2009), devant le Val-d’Oise (52, 33 et 31) et le Nord (54, 27 et 22). Dans près de la moitié des cas, il s’agissait d’agressions verbales et dans 11 à 16% d’agressions physiques. Les deux premières causes d’incidents étaient le temps d’attente jugé excessif et le refus de prescription. Les incidents avaient touché des médecins libéraux dans 68 à 73% des cas49.

Enfin, il faut ajouter que 40 médecins ont été assassinés durant leur travail en 20 ans (Galam 2007b).

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