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LITTÉRATURE ET ACCEPTIONS DANS CETTE THÈSE

III.2 Les enjeux en termes d’enseignement-apprentissage liés à « enseigner à produire autrement » produire autrement »

L’idée n’est pas de revenir ici sur ce plan stratégique dont nous avons abondamment parlé dans la partie I relative au contexte et aux questions éducatives soulevées par l’injonction à « enseigner à produire autrement » mais plutôt de voir en quoi cette injonction, dans la filiation de l’EDD – et pour autant spécifique –, interpelle et les apprentissages à effectuer et les pratiques enseignantes associées.

Rappelons que le plan « enseigner à produire autrement » s’inscrit dans une visée de transformation plus générale de l’agriculture et dans le plan ministériel du « projet agro-écologique pour la France », auquel de nombreux acteurs (agriculteurs, conseillers, chercheurs…) ont déjà travaillé. Rappelons aussi quelques grands changements que la transition agro-écologique suppose dans le travail des acteurs du monde agricole (§ II) : 1) faire avec le vivant et notamment avec l’(agro)biodiversité, c'est-à-dire apprendre à piloter des processus complexes ; 2) piloter, c'est-à-dire rechercher des optimum en situation, soit

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créer plus qu’exécuter ; 3) penser la transition, c'est-à-dire non seulement la visée mais aussi les processus pour y arriver et les temporalités ; 4) ne pas se limiter aux pratiques agricoles et à l’agroécosystème mais penser aussi le système alimentaire et la visée de transformation sociétale que promeut l’agro-écologie. Rappelons enfin que le plan « enseigner à produire autrement » ne s’applique pas qu’aux enseignants-formateurs et à leurs apprenants mais à tous les acteurs du système éducatif au sens large : acteurs professionnels et institutionnels via, notamment, la rénovation des diplômes ; acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur et technique agricole dont on attend des collaborations ; équipes de direction des établissements dont, à plus d’un titre, les directeurs d’exploitation et d’atelier technologique via les projets de leur centre ; acteurs territoriaux et leurs réseaux professionnels (dont les groupes DEPHY, les GIEE43) ; mais aussi les services déconcentrés de l’État notamment dans l’écriture des programmes régionaux « enseigner à produire autrement » (PREPA). Ajoutons cependant que si « enseigner à produire autrement » suppose synergies, coopération et cohérence entre tous ces acteurs, nous focaliserons ici essentiellement sur ce en quoi cette injonction interpelle tout à la fois les apprentissages à réaliser et, partant, les pratiques enseignantes, en tant qu’elles comprennent des pratiques avec divers interlocuteurs et la participation à des projets dans et hors la classe, dans et hors l’établissement, et ce, avant d’analyser les pratiques d’enseignement dans la Partie 4.

III.2.1 Enseigner à produire autrement : un objet difficile

Les orientations politiques ont fait, depuis longtemps nous l’avons vu, de l’enseignement agricole un vecteur de changement des mentalités, mais sans que toutes les orientations politiques n’aient été assumées et sans que les verrous sociotechniques n’aient été levés, voire travaillés. Cela complexifie la tâche des enseignants, d’une part parce qu’il ne s’agit pas seulement d’apprendre et d’apprendre à faire selon des pratiques nouvelles, ou différentes, mais parce qu’il y aurait comme enjeu de faire évoluer les mentalités dans un cadre général qui bouge peu. Il est donc particulièrement difficile pour eux de s’emparer d’« enseigner à produire autrement ». Cela les occupe et les préoccupe dans leurs enseignements quotidiens. C’est aussi en cela que la filiation avec l’EDD est notable.

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Par ailleurs, nous avons vu que l’appropriation différenciée du terme agro-écologie (§ II) peut le rendre épistémologiquement indéterminé et idéologiquement surdéterminé (Fabre, 2017c, p. 527). C’est le cas par exemple de l’agriculture écologiquement intensive, quelque peu « filoutée » (Bellon & Ollivier, 2012 ; Baqué, 2016). L’objet agro-écologie est donc potentiellement vif pour certains.

D’autre part, Nadia Cancian et Laurence Simonneaux (2013, p. 116) notent qu’en matière d’agro-écologie « il n’existe pas une seule réponse valide et rationnelle », ce qui met les enseignants dans des postures peu habituelles. Non seulement, il n’existe pas une seule réponse mais en plus, il s’agit de faire avec des savoirs dont certains notent qu’ils sont instables, controversés, robustes et/ou de transition voire multiréférentiels, ce qui, là encore, n’est pas de nature à rassurer les enseignants.

III.2.2 Enseigner avec une pluralité de savoirs

Dans ce qui va suivre, je m’en tiendrai aux discussions qui cherchent à définir ce que sont les savoirs dans une période de transition. Nous n’en resterons qu’aux savoirs du champ professionnel, surtout discutés par des scientifiques d’ailleurs, et nous n’irons pas encore sur les savoirs à enseigner. En effet, les savoirs mobilisés ou à mobiliser dans le cadre des processus d’enseignement-apprentissage sont référés à des situations professionnelles, des capacités. Ils ne seront donc traités que dans la Partie 4, relative à l’analyse de l’activité des enseignants.

Nous pouvons reprendre avec Jollivet (2001), pour parler des savoirs mobilisés dans le cadre d’« enseigner à produire autrement », le terme qu’il utilise pour qualifier des savoirs issus de rationalités différentes, d’experts et/ou de profanes, controversés voire sous influence, et des savoirs tout à la fois de compréhension, d’action et de changement : des savoirs hybrides. Je préfère pour ma part cette qualification de savoirs hybrides plutôt que de savoirs instables (Cancian & Simonneaux, 2013 ; Olry, 2013 ; Cayre, 2013 ; Métral & Al., 2016), rarement définis (sont-ils des savoirs en cours de constitution, non validés par la science ? Controversés par tel ou tel acteur ?). Cette dénomination rendant, à mes yeux, l’incertitude d’autant plus angoissante pour un objet qui parait déjà difficile.

La multiréférentialité des savoirs est déjà dans le projet agro-écologique pour la France, ce que Claude Compagnone met en avant lorsqu’il note « l’importance de s’appuyer, pour

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favoriser et rendre concrète l’écologisation voulue des pratiques, sur les connaissances des agriculteurs et sur la constitution de collectifs de producteurs à même de générer ces connaissances dans le cadre de démarches dites “ascendantes” » (Campagnone & Al., 2018, p. 113). On le retrouve notamment dans le cadre de l’appel à projet « Mobilisation collective pour l’agro-écologie », lancé en mai 2013 et qui préfigure les GIEE inscrits dans la Loi d’Avenir agricole de 2014. Pour Compagnone, Lamine et Dupré, « la situation est paradoxale à deux endroits. Tout d’abord, parce que d’un côté l’impératif d’écologisation de l’agriculture amène nombre de responsables professionnels et politiques à penser que cette écologisation ne peut passer que par une diffusion massive de connaissances adaptées auprès du plus grand nombre, alors que, d’un autre côté, la connaissance nécessaire sur les systèmes “écologisés” n’est pas encore disponible, ce qui demande de s’appuyer sur les connaissances que les agriculteurs ont produites ou produisent. Elle est ensuite paradoxale parce que, même lorsque ces connaissances sont déjà en partie disponibles, elles ne peuvent pas être appliquées de manière standard, les principes de l’agro-écologie mettant l’accent sur les spécificités des conditions locales et sur la connaissance agronomique des agriculteurs pour apprécier et arbitrer la mise en œuvre de nouvelles pratiques. Dans cette situation, il s’agit pour la recherche et le développement à la fois de favoriser le développement des connaissances agronomiques des agriculteurs eux-mêmes et de pouvoir bénéficier des expériences et des connaissances locales que ces derniers produisent pour les tester, les valider plus largement et les diffuser » (Ibid., 2018, p. 119). Au terme de leur introduction au dossier Production et circulation des savoirs de l’agro-écologie (Ibid., 2018), ces auteurs proposent une grille de lecture de la diversité des formes de distribution de la connaissance en agriculture, s’articulant autour de deux axes :

- le niveau de mise en forme des savoirs, du plus personnel et incorporé au plus général et détaché (celui des connaissances scientifiques) ;

- le niveau de mise en commun des savoirs avec, d’un côté la connaissance comme bien commun et, à son exact opposé, les savoirs encapsulés dans des objets brevetés.

Ce faisant, ils montrent « comment de l’ancien et du nouveau peuvent être associés dans le paysage actuel des modèles d’agricultures qui se dessine et comment l’établissement de ce que devrait être la bonne agriculture, et donc aussi les bons modes de production et circulation des connaissances, sont l’objet de luttes » (Ibid., p.132) entre savoirs situés et génériques, savoirs paysans et savoirs d’experts.

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À cette première hybridation des savoirs entre domaines de rationalités, entre rationalité et valeurs, entre savoirs experts et savoirs profanes, une seconde hybridation a lieu entre explication et action : « Il est […] une distinction que l’ergonomie ou les sciences de gestion nous proposent, et qui peut avoir un impact significatif sur le travail des agronomes : celle qui consiste à considérer que sur un même objet, une connaissance pour comprendre n’est pas forcément équivalente à une connaissance pour agir. Les agronomes l’appréhendent bien, habitués qu’ils sont à distinguer agronomie et agriculture, mais à faire en permanence dialoguer les deux activités. […]. On conçoit donc assez facilement que certaines connaissances indispensables à la compréhension du fonctionnement des agroécosystèmes soient de peu d’utilité pour l’acteur de terrain, et que réciproquement pour ce dernier soient très utiles certaines connaissances nécessaires pour prendre des décisions, sans que ces connaissances agronomiques aient une forte valeur ajoutée pour la compréhension. Accepter l’existence de connaissances spécifiques pour l’action, c’est s’obliger à mieux comprendre l’action » (Doré & Le Bail, 2016, p. 40-41). Il y aurait donc des savoirs pour comprendre et des savoirs pour agir. À cette distinction, Meynard (2016) en ajoute une troisième : des savoirs pour changer. Dans les savoirs pour comprendre il met les connaissances fonctionnelles qui, selon lui, posent deux problèmes : d’une part, certains sujets restent ou sont restés dans les décennies 1980-1990 dans l’ombre parce que difficiles ou pas à la mode comme les rapports entre champs et haies ; d’autre part parce que ces connaissances fonctionnelles sont contingentes des situations auxquelles elles vont s’appliquer (le processus restant vrai mais son ampleur pouvant varier). Dans les savoirs pour agir, il met les règles d’action, souvent traduites sous forme prescriptive (seuils d’intervention, OAD…) ; ces savoirs sont ou ont été alors le plus souvent encapsulés en participant d’un conseil descendant. Mais les savoirs pour agir sont aussi les savoirs empiriques, longtemps sous estimés et que l’agro-écologie reconnait aujourd’hui. Cependant, les règles d’action, qu’elles soient profanes ou scientifiques, ne peuvent à elles-seules permettre un changement nécessairement systémique. Aussi ajoute-t-il les savoirs pour changer dans lesquels il met d’une part un premier champ de savoirs qui concerne l’évaluation des pratiques et le diagnostic agronomique et, d’autre part, un second champ de savoirs qui concerne la conduite du changement en tant que tel (comprenant la voie classique du repérage des innovations, les phases d’essais, de tâtonnements, … mais devant aussi intégrer le processus de conception innovante et les échanges de savoirs). Même si la dichotomie comprendre-agir, théorie-pratique, interroge quant aux processus d’apprentissage, le trio savoirs pour

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savoirs pour agir – savoirs pour changer est intéressant en ce qu’il met explicitement l’accent sur les questions de transition.

Quant à la production de savoirs agronomiques pour le développement durable des systèmes alimentaires et des territoires, elle suppose que « pour comprendre, pour agir, comme pour changer, les savoirs agronomiques doivent être mixés avec des savoirs en économie, sociologie ou sciences de l’alimentation » (Meynard, 2016, p. 23-24). L’interdisciplinarité se doit alors d’être au cœur des recherches mais aussi des enseignements. Mais encore faut-il que la pluridisciplinarité soit autre chose qu’une superposition d’activités et qu’elle ne vienne pas diluer la place des disciplines, mais au contraire, leur permettre d’éclairer, chacune à partir de son objet propre, l’objet commun.

Toujours relativement aux savoirs, Mayen (2013) plaide de son côté pour une recherche des savoirs robustes : « L’objectif pour l’enseignement professionnel, à chacun de ses niveaux et pour toutes les formations, consiste à identifier ce que l’on peut appeler un corps de savoirs que nous qualifierons ici de “robustes”. “Robustes” signifie ici qu’ils sont suffisamment reconnus pour leur pertinence vis-à-vis des situations futures que les apprenants devraient avoir à vivre, soit dans leur parcours de formation, soit dans leur parcours professionnel. “Robustes” signifie aussi que ces savoirs constituent des éléments consistants, que l’on va retrouver dans un ensemble de situations d’apprentissage ou d’action (et donc de réflexion) et qui sont de nature à éclairer et à outiller la compréhension, l’action et l’apprentissage. “Robustes” signifie encore que ces savoirs ne vont pas être soumis à une obsolescence rapide ni être voués à l’oubli faute de trouver le moindre usage dans une activité professionnelle, éducative, culturelle ou sociale » (Mayen, 2013, p. 261). Pour lui, les savoirs robustes sont des savoirs qui « constituent des formes solides, éprouvées, mobilisables » (Ibid., p. 262) ; il s’agit alors d’identifier ce qui est nécessaire et pertinent et se tenir à ce corpus, sans accroitre la quantité des connaissances à faire acquérir. Les savoirs robustes seraient ceux qui permettent une structure de pensée organisée, finalisée, simplifiée, à partir de quoi les connaissances nouvelles peuvent s’acquérir. Dans ce corps de savoirs robustes, il inclut, les savoirs de transition : « On sous-estime le fait que les connaissances et les compétences nécessaires pour les phases de mutation et de transition professionnelles ne sont pas exactement les mêmes que pour des phases “de croisière” à laquelle sont parvenus des professionnels expérimentés » (Mayen, 2013, p. 264). L’une des questions est donc pour lui : « qu’est-ce qui est à apprendre ? », une question que reprennent Cancian & Al., (2016) qui appellent à des recherches en didactique de l’agronomie (pris dans son sens large), à quoi l’on

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pourrait ajouter un travail didactique justement, sur les obstacles les plus fréquents au regard de ces savoirs « robustes ».

De cette question des savoirs, je retiens essentiellement pour ma recherche d’une part l’importance de l’analyse didactique dans les cas étudiés, et, d’autre part de voir dans quelle mesure, les savoirs au cœur des apprentissages, sont opératoires pour les jeunes, c'est-à-dire dans quelle mesure ils servent certes la compréhension mais aussi l’action et permettent d’ouvrir à un changement possible.

III.2.3 Prendre en charge une dimension axiologique forte

Plus encore que dans le cadre d’une éducation au développement durable, la dimension axiologique de l’agro-écologie est très forte puisqu’elle peut interroger jusqu’à l’identité professionnelle des jeunes, notamment dans les formations dans lesquelles les enfants d’agriculteurs sont encore nombreux et ce, dans une période où nombre d’entre eux se sentent vulnérables et agressés par le reste de la société. Nous avons vu que cette dimension, et les craintes qui lui sont liées, étaient déjà très présente concernant l’agriculture durable et a conduit les enseignants à neutraliser la question, en la réduisant à son angle technique et normatif (§ I.2.3.). C’est que l’identité professionnelle des jeunes ne se construit pas qu’en formation mais dans diverses situations de leur vie sociale et professionnelle, via les rencontres, les médias professionnels, techniques, par les actions et les expérimentations éventuellement menées par des voisins ou connaissances. Métral & Al., montrent, via deux enseignants enquêtés, que l’un est conduit à « refroidir » le savoir relatif à la question de la réduction de l’usage des pesticides afin de se prévenir et de prévenir l’exploitation de son établissement des critiques professionnelles, quand l’autre est amener à le « réchauffer » en construisant un discours alarmiste et en obligeant ses élèves à s’ouvrir à d’autres manières de faire en s’appuyant notamment sur des professionnels du développement agricole et de la santé. Pour les deux enseignants, quoique dans des postures très différentes, « leur légitimité dépend de celle qui leur est accordée par les agriculteurs » (Métral & Al., 2016, p. 37). Les savoirs agro-écologiques peuvent ainsi être disqualifiés, et les enseignants décrédibilisés, dans l’action professionnelle que rencontrent les élèves lors de périodes dans des exploitations agricoles. Les savoirs dispensés au sein de l’institution risquent alors de se trouver cantonnés à la seule sphère scolaire. La manière dont les enseignants « refroidissent », ou non, le savoir,

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en en faisant un savoir académique, scolaire ou normatif, me parait essentielle dans l’analyse de leur activité ainsi que la légitimité qu’ils s’accordent vis-à-vis des professionnels, l’une de mes hypothèses étant que l’embarras des enseignants relativement à EPA a partie liée avec cette dimension.

Par ailleurs, la perception de la nature, de la technoscience, du risque, qu’ont les élèves peut aussi freiner ou accélérer le processus de transition. Les facteurs psychosociaux sont ainsi à prendre en compte. Nous sommes là face à une question d’attitude, ce que Mayen définit comme « un ensemble de manières de ressentir, de penser, d’agir, ou encore, un ensemble de dispositions à ressentir, à apprécier, à penser, à agir. Pour une situation en évolution, on pourrait écrire aussi : un ensemble de dispositions à adhérer à des idées et à des projets, à croire, à s’engager, à apprendre, à modifier des attitudes actuelles pour adopter ou construire des attitudes nouvelles » (Mayen, 2013, p. 252). Or, comme il le dit, un état d’esprit ne « s’enseigne pas ». Les attitudes se construisent socialement, dans l’expérience de chacun et évoluent, ou non, au gré des transformations des milieux côtoyés : ces habitudes peuvent entraîner des dispositions défavorables vis-à-vis de ce qui suscite le changement ou, à l’inverse, susciter l’adhésion. Pour autant, favoriser autant que faire se peut un cadre bienveillant et agréable a très certainement un impact sur l’envie et le désir de s’engager dans la transition.

Surtout, la crainte – des réactions des élèves comme de celles des professionnels – n’évite pas le danger et il n’est pas avéré que les élèves, dans leur ensemble, soient réfractaires à la transition agro-écologique (Coquillart, 2016). Et même si un état d’esprit ne peut s’enseigner, l’objectif reste pour les enseignants de permettre aux élèves d’apprendre à produire autrement. Il est aussi possible de penser qu’en problématisant l’agro-écologie, en remontant au problème qui fonde l’action et en n’opposant pas simplement un modèle à un autre, mais en ouvrant au maximum la palette des possibles à leurs élèves, les enseignants puissent gérer cette question des valeurs. Dans tous les cas, cette dimension parait problématique pour les enseignants et elle est à analyser.

III.2.4 Construire un cadre cohérent et jouer de la diversité

Si l’une des réponses possibles à cette question des valeurs qui préoccupe les enseignants est d’éclairer les débats en travaillant la dimension génétique de l’agro-écologie et les

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appropriations différenciées qui en découlent, une autre est de mettre en place un enseignement, formel et informel, basé sur la cohérence entre pratiques professionnelles vécues en stage, en apprentissage et sur l’exploitation du lycée afin de créer un milieu relativement homogène et favorable à l’apprentissage du produire autrement. Là encore, il s’agit pour les enseignants de faire avec, avec des acteurs professionnels dont les logiques peuvent être différentes. Or, cette idée ne va pas de soi. Patrice Cayre montre que : « [Pour les enseignants-formateurs], la conduite et la visée des apprentissages à partir de savoirs, de compétences “en train de se faire” apparaissent comme problématiques : comment former de futurs professionnels quand les connaissances et les compétences visées ne sont pas encore là, que les agents éducatifs ne peuvent plus prétendre détenir l’essentiel des savoirs et qu’ils se doivent désormais de faire avec les sites pluriels de production et de transformation de savoirs ? Pour les enseignants et formateurs agricoles, il ne s’agit plus seulement d’assurer la circulation de l’information ; il leur faut dorénavant administrer les apprentissages à partir de transactions sociales entre les individus en formation et un ensemble élargi d’acteurs, détenteurs de savoirs et d’expériences qui deviennent parties prenantes de la formation » (Cayre, 2013, p. 75-76). Si le plan « enseigner à produire autrement » vise le renforcement des liens entre enseignants, formateurs et professionnels agricoles, la difficulté est cependant

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