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LITTÉRATURE ET ACCEPTIONS DANS CETTE THÈSE

I.2 Développement et agriculture durables, une histoire similaire

Le concept d’agriculture durable peut être lu de la même manière. Sans revenir abondamment sur l’introduction des questions de durabilité en agriculture, par ailleurs déjà précisées (§ I.3.), relevons néanmoins que l’agriculture durable, comme le développement durable, a peu à peu émergé comme une réponse au modèle productiviste agricole. Elle a connu sa phase tout à la fois de projet politique – européen cette fois-ci – et d’institutionnalisation à partir des années 1992-1993. Très tôt, elle a aussi été l’objet de maintes récupérations, d’ordres tant politique, syndical, communicationnel…qu’éthique et territorial. Déclinée là aussi en principes généraux – trois/quatre piliers – elle se norme rapidement pour entrer sous les fourches caudines de l’évaluation – tant institutionnelle qu’en matière d’enseignement, en faisant ainsi un objet susceptible d’être réifié.

I.2.1 La laborieuse remise en cause du modèle agricole moderne et productiviste

Étienne Landais37 dans le Courrier de l’environnement de l’INRA d’avril 1998, note que si la politique agricole constitue un lieu d'application privilégié de l’agriculture durable, en raison notamment de son implication dans l'aménagement du territoire, de son rôle dans la qualité et la sécurité de l'alimentation, et des risques de crise (faisant en cela référence à la crise de la vache folle), « la prise en compte des impératifs environnementaux a été particulièrement laborieuse dans le secteur agricole français, en dépit de l’appel prémonitoire lancé en 1978 par le regretté Jacques Poly en faveur d’une agriculture “plus économe et plus autonome” » (Landais, 1998, p. 26).

Peut-être cette non-réactivité est-elle liée à cette particularité française qui est que, dans l’hexagone, les conceptions les plus courantes du monde agricole sont héritées du modèle agrarien du paysan-propriétaire, défenseur du pacte républicain institué sous la IIIe République (Hervieu & Viard, 2001). Celles-ci posent en effet l’agriculture de manière binaire en opposant la ville et la campagne, la vocation nourricière et « jardinière » de l’activité agricole, la vision bucolique portée par la publicité en même temps que celle, négative, des médias. Le monde paysan reste ainsi imaginé comme une source de stabilité à

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l’égard de la ville, de fait pervertie, et du monde ouvrier, forcément instable, et il s’est lui-même construit dans cette opposition. Le modèle républicain, en se complaisant dans une forme d’agrarisme a fait de la France rurale, et agricole, le symbole de la « paix des champs » et de l’ordre établi (Mayaud, 2006). Ce poids symbolique a ainsi résisté, chez les agriculteurs comme dans la population en général, aux mutations pourtant majeures de l’après-guerre alors que l’agriculture a été l’un des piliers de la modernisation technique et sociale des Trente Glorieuses.

C’est aussi peut-être parce que cette modernisation agricole a été une telle libération vis-à-vis des contraintes familiales, physiques et naturelles pour les individus, que nombre d’agriculteurs continuent de se sentir partie prenante de cette conquête et que la profession agricole reste très profondément attachée à une vision moderne de l’agriculture. Car c’est porté par des mouvements de fond très forts, notamment le désir d’évolution, de parité avec le reste de la population et d’autonomie de la jeunesse rurale et une confiance extrêmement forte dans la science et la technique/technologie, que le monde agricole a fait sa révolution. Ce mouvement a par ailleurs été fortement accompagné par une politique qui y voyait un moyen de réduire le prix des denrées alimentaires, donc l’inflation, et de libérer la main d’œuvre nécessaire à l’industrie. Dans les années 1980, il est donc difficile pour nombre d’agriculteurs de penser l’agriculture en dehors de ce modèle, et notamment parce qu’il reste porté par le discours professionnel de la majorité. Car si le mythe de l’unité paysanne a fait long feu, la « forteresse agricole » (Luneau, 2004) continue de porter le message de la modernisation. Toujours est-il que pour Landais (1998), les premières mesures agri-environnementales (MAE) de 1985 n’ont pas été suivies d’effets en France et que ce n’est qu’à partir de 1989 que des opérations expérimentales commencent à être développées. Pour lui, l’impulsion décisive n’est donnée qu’en 1992-1993 par la réforme de la Politique agricole commune (PAC) qui oblige les professionnels à cesser de résister et de se replier, mais, bien au contraire, à s’ouvrir sur les réflexions qu’engendre l’agriculture durable.

Mais le défi n’est pas simple. La modernisation, et les croyances qui s’y rattachent, s’est accentuée et radicalisée avec le passage d’une agriculture moderne à une agriculture productiviste, industrielle. Une agriculture que Maxime Prével définit par la recherche de rendements de plus en plus élevés et par « le fait qu’ [elle] ne se soucie pas des conséquences que peuvent occasionner ses pratiques » (Prével, 2008, p. 115). Il qualifie l’industrialisation de l’agriculture comme un « fait social total » en tant qu’elle comporte « au niveau du travailleur qu’est l’exploitant agricole, quatre dimensions majeures : l’activité machinale, la

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vulnérabilité symbolique, l’hétéronomie politique et le progressisme imaginaire » (Ibid.). En effet, lors de l’industrialisation de l’agriculture, le travail se rationnalise, se norme et chaque instant de travail doit être productif ; par ailleurs, l’hémorragie démographique que connait la profession, associée à des incertitudes financières, des risques sanitaires (pour les consommateurs comme pour les agriculteurs via le recours à la chimie) accentuent leur vulnérabilité., ils s’enferment aussi – ou se trouvent enfermés – dans une faible autonomie décisionnelle au regard de leur encadrement – en amont et en aval – de leur production. Ils ont ainsi l’impression de vivre selon des règles qui leur sont imposées mais qu’ils intériorisent aussi : « Dans la représentation commune, un bon agriculteur devant “soigner” ses plantes et ses animaux, il peut difficilement refuser le recours aux pesticides, qui permettent de “traiter” les “maladies” qui s’abattent sur les cultures. La présence de mauvaises herbes dans les champs place l’exploitant sous la surveillance de l’appareil d’encadrement car elle est jugée indigne d’un professionnel. Par ailleurs, le savoir propre aux créations technoscientifiques commercialisées à la campagne contribue à renforcer l’hétéronomie des agriculteurs dans la mesure où ces derniers ne sont pas à même de confronter la parole des vendeurs à une expérience issue d’une longue tradition » (Ibid., p. 121). Enfin, la révolution agrochimique, les améliorations techniques, la moindre pénibilité au travail autorisent, voire amplifient le fantasme de la science et du progrès et valorisent toutes les innovations technoscientifiques au motif qu’elles augmentent la production agricole : « le fantasme de maîtrise voit dans le rendement maximum une possession symbolique de la nature ; l’obsession sécuritaire, propre à la culture rationaliste, l’interprète comme une éradication du hasard ; l’hygiénisme, enfin, apprécie la propreté que les pesticides garantissent aux champs. Sous différents motifs imaginaires, le productivisme demeure, pour de nombreux agriculteurs, le moyen privilégié de faire progresser l’humanité » (p. 123). Prével montre ainsi que « les agriculteurs productivistes sont les plus excessifs, les plus vulnérables, les plus dépendants au système et les plus progressistes ». Caractérisé par la démesure économique et l’omniprésence du sentiment de vulnérabilité, le productivisme agricole implique aussi une soumission au pouvoir du complexe économique, technique et scientifique dominé par les multinationales. Mais cette servitude est en partie volontaire dans la mesure où elle repose sur l’adhésion à l’idéologie du progrès.

Pour autant, ce modèle moderne a répondu aux exigences de l’époque. Car dans les années 1960, le problème est de nourrir une population croissante et urbaine et de sortir des malnutritions chroniques et des problèmes d’intoxications alimentaires liées au modèle

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traditionnel « vivrier ». La solution est alors de construire un nouveau modèle, le système agro-alimentaire occidental (SAAOc) (Abel-Coindoz & Al., 2008), basé sur une consommation et une production de masse. Quantitativement, les succès de ce système sont indéniables mais à partir des années 1980, il devient évident qu’il participe à l’épuisement des ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, à la fragilisation des écosystèmes, à la désertification de nombreux espaces ruraux et à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES). En outre, de nouveaux problèmes apparaissent, crises sanitaires et intoxications dues à l’emploi des pesticides se développent alors même que l’insécurité alimentaire persiste sous forme de malnutrition, de sous-alimentation et que le malaise paysan s’aggrave. Les inégalités Nord/Sud s’accroissent elles aussi. Mondialisé, capitalisé puis financiarisé, ce modèle détruit nombre d’agricultures dans les pays les moins avancés. Ces crises sanitaires, environnementales et sociales du modèle productiviste agricole permettent finalement, dans le cadre d’une remise en cause plus globale du modèle industriel, l’émergence des questions de durabilité en agriculture.

Mais si l’institutionnalisation et la propulsion politique d’une agriculture durable par la PAC en 1992 obligent à repenser le système agricole, des initiatives se sont déjà fait jour, Landais y fait référence : « Il ne faut, je crois, ni s'exagérer ni sous-estimer la réalité du changement que cette évolution sanctionne et annonce à la fois. La montée en force de la notion de développement durable vient en effet recouvrir tout un ensemble d'initiatives dispersées qui tendaient à remettre en cause, à différents niveaux et à différentes échelles, les dynamiques et les modèles de développement antérieurs. Pour citer quelques exemples, les mesures en faveur de l'extensification des systèmes de production, les actions de développement local reposant sur des slogans du type “des hommes, un territoire, un produit” – ou même l'agriculture biologique – anticipaient cette évolution. On assiste depuis au moins vingt ans, dans le secteur agricole, à la construction sociale progressive des problèmes d'environnement et à l'évolution des mentalités vis-à-vis de ces problèmes. Le changement, de ce point de vue, n'est donc pas si important. Mais la promotion politique du développement durable vient aujourd'hui offrir aux réflexions antérieures un cadre conceptuel global et elle proposera probablement demain un cadre d'action unifié » (Landais, 1998, p. 26-27). Ce cadre conceptuel – mais non encore d’action – repose notamment sur la définition des composantes de la durabilité à l’échelle des exploitations agricoles que Landais modélise en mettant en évidence qu’une exploitation durable est une exploitation « viable, vivable, transmissible et reproductible » (fig. 3) :

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Figure 3 - Les quatre piliers de la durabilité des exploitations agricoles (Landais, 1998) Ce faisant, il pose plusieurs éléments déjà traités relativement au développement durable :

- que l’agriculture durable, comme le développement, peut se modéliser sous une forme simple, accessible à tous, mais encore dépourvue de caractère opératoire ;

- que des dynamiques sont déjà à l’œuvre et participent de l’agriculture durable ;

- que ce choix est et reste fondamentalement politique puisqu’il note en conclusion : « À l'évidence, cette discussion sur la durabilité des modèles de développement nous ramène donc sur le terrain d'où nous étions parti, qui est celui des choix politiques. De ce point de vue, le nouveau contrat social que la société propose aux agriculteurs derrière le projet de développer une agriculture durable représente pour l’agriculture un enjeu essentiel. […] il ne s’agit pas tant, pour les agriculteurs, d’ouvrir une période nouvelle, que de clore enfin l’épisode des Trente Glorieuses, épisode exceptionnel à bien des égards et dont les succès mêmes ont fait oublier certaines des valeurs qui s’inscrivaient au cœur de leur métier » ;

- en indiquant que « seul, cependant, le progrès technique peut ouvrir la voie à un développement durable » (Ibid., p. 39), il (re)pose la question de la substituabilité du capital naturel par le capital humain.

Dans son article, qui trace tout à la fois les enjeux mais aussi les contours de ce que pourrait être une agriculture durable – ses dimensions certes (largement reprises dans l’enseignement agricole) mais aussi les risques, les freins et les conséquences d’un tel changement de paradigme – il met ainsi en avant une foi dans la science et dans le progrès technique qui

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traduit une vision parmi d’autres de l’agriculture durable. Mais il fait aussi référence à des agricultures alternatives qui se déploient tant dans l’hexagone que sur le continent européen. Car, comme en matière de développement durable, des appropriations différenciées de l’agriculture durable ont déjà cours, rendant, là encore, la tâche plus ardue pour les enseignants.

I.2.2 Différentes acceptions de l’agriculture durable assez peu médiatisées dans l’enseignement

Pour Samuel Féret (2001), « les formes d'alternatives au modèle dominant qui se développent […] s’accordent sur trois éléments constitutifs : la critique de l’idéologie du progrès, le refus de la division sociale du travail, la réhabilitation des fonctions multiples de l’agriculture ». Il distingue alors plusieurs familles agricoles – 7 familles – dites – ou se revendiquant – alternatives et/ou durables selon leur approche : éthique et environnementale (agriculture biologique), territoriale et multifonctionnelle (production fermière), sociale et syndicale (agriculture paysanne), sociétale et institutionnelle (agriculture durable), technicienne et agro-alimentaire (agriculture raisonnée), agronomique et scientifique (production intégrée), technologique et informationnelle (agriculture de précision). De la même manière qu’en économie, les différentes approches de l’agriculture durable reposent sur des conceptions elles aussi divergentes du rapport homme-nature avec des niveaux de substituabilité plus ou moins forts (agriculture de précision vs production intégrée par exemple). Mais cette grille de lecture est assez peu usitée dans l’enseignement agricole et l’agriculture durable reste présentée comme un idéal, consensuel – les 4 piliers médiatisés par Landais –, vers lequel tendre, sans que les jeunes ne puissent accéder aux raisons des divergences entre acteurs.

C’est peut-être aussi que la participation de l’enseignement agricole à la révolution agro-industrielle débutée dans les années 1970 et l’injonction qui lui est faite à partir de 1992 de développer une agriculture durable rend la position des enseignants particulièrement difficile vis-à-vis de la profession. Les enseignants-formateurs eux-mêmes, dans un fort contexte de culpabilisation, craignent alors d’attiser la colère des agriculteurs et de leurs enfants, et tentent de neutraliser le politique en pratiquant une forme de réductionnisme technique (Fleury & Fabre, 2009) voire de négation des courants agricoles les plus alternatifs. Jusque vers 2010, au moins dans les régions de grandes cultures, il n’est pas rare de constater que nombre

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d’enseignants, par méconnaissance, par adhésion ou tout simplement pour se protéger, donnent en exemple de l’agriculture durable l’agriculture raisonnée ; l’agriculture biologique étant citée à titre véritablement alternatif. Comme le notent Asloum et Kalali : « le fait marquant [dans ces années là] est l’intégration de l’expertise fondée sur un ensemble de connaissances scientifiques et un corpus technologique qui permet d’agir sur l’environnement. […]. L’environnement devient alors une sorte de reflet de la maîtrise de l’homme des conditions du milieu axé sur la prééminence de la science et de la technique comme voie de mise en valeur de la nature, de sa domestication. Ce discours dominant qui accorde une importance aux savoirs scientifiques et techniques […] s’accompagne par exemple de l’apparition de nouveaux modes de cultures alternatives comme l’agriculture raisonnée, l’agriculture de précision qui émanent typiquement de la sphère scientifique et technique » (Asloum & Kalali, 2013). Par ailleurs, le référentiel du diplôme baccalauréat professionnel « Conduite et gestion de l’exploitation agricole », créé par arrêté du 10 juin 2010, et valable jusqu’en 2017, précise encore dans les « principales caractéristiques du métier aujourd’hui et demain » que : « Acteur principal depuis toujours de la nature et de l’évolution des paysages, l’agriculteur ne peut ignorer aujourd’hui la demande sociale en matière d’environnement, d’amélioration du cadre de vie, de qualité et de traçabilité. Il exerce la fonction de production a minima dans le respect des réglementations en vigueur, et au-delà dans le cadre de bonnes pratiques ou de cahiers des charges comme l’agriculture biologique, l’agriculture raisonnée, l’agriculture durable, les démarches qualité… » (MAAP, 2011, p.3). Fruit d’un consensus social, le référentiel professionnel pose ainsi un nouveau contrat entre l’agriculteur et la société mais ne met pas en exergue les différences de valeurs dans la diversité des types d’agriculture, ni même entre respect de la règlementation et des formes plus élaborées de modèles agricoles. C’est que l’agriculture durable est moins posée en termes de questionnements et de mouvements qu’en termes de principes (viabilité, vivabilité, transmissibilité, reproductibilité) et de normes (indicateurs relatifs à ces principes). Le cadre conceptuel proposé par Landais, en vue d’en tirer des principes d’action, devient dans l’enseignement agricole l’horizon vers lequel il faut tendre sans que, justement, les moyens ne soient travaillés.

I.2.3 L’agriculture durable dans les formations agricoles, une entrée par le diagnostic de durabilité

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Pourtant, une fois le cadre conceptuel posé, Landais pose cette question qui me semble primordiale : « Quelle démarche peut-on imaginer pour rendre opératoires ces principes abstraits ? ». La longue citation de lui qui suit m’intéresse aussi parce qu’elle propose un concept important pour ma problématique, celle de valeur-objectif : « Le passage de modèles abstraits à des références concrètes, susceptibles de guider l’action, nécessite à mon avis une opération de “traduction” en deux temps. Les principes d’une gestion durable doivent d’abord – c’est le débat social – être traduits sous la forme d’un ensemble cohérent de ce que j’appellerai des “valeurs-objectifs”. Le partage de ces valeurs d’ordre philosophique, éthique, politique, est une condition indispensable au déclenchement de l’action collective. Dans un second temps – c’est le débat technique –, ces valeurs doivent elles-mêmes être déclinées en un ensemble de critères de performances, dont l’utilisation débouchera enfin sur l’élaboration de normes et de références pour l’action. Les deux phases de l’opération de traduction (qui, dans la réalité, ne se déroulent pas de manière successive, mais itérative) doivent logiquement, et c’est un point important, mobiliser des collectifs de nature différente : schématiquement, c’est à des collectifs socio-politiques que revient le rôle de définir les valeurs-objectifs, et à des collectifs formés de scientifiques, de techniciens et de professionnels que revient celui de produire les connaissances nécessaires puis d’élaborer les références pour l’action. En pratique, la fonction des connaissances ainsi produites sera à la fois objectivante et normative. La fonction d’objectivation, qui s’incarne dans le “diagnostic de situation”, joue un rôle essentiel pour le déclenchement de l’action, par la prise de conscience de l’écart entre, d’une part, la situation réelle et son évolution et, d’autre part, la situation et l’évolution souhaitables, définies à la lumière des valeurs-objectifs retenues. Le diagnostic permet, en outre, de définir le contenu de l’action. La fonction normative des connaissances se traduit par l’élaboration de normes et de références, puis leur utilisation pour guider et évaluer l’action » (Landais, 1998, p. 25). Hélas, dans l’enseignement, c’est la « fonction normative des connaissances » qui a été la plus retenue. Quoiqu’il en soit, ces normes et références sont alors développées tout comme les diagnostics de durabilité des exploitations, ainsi que les méthodes d’évaluation (Bockstaller & Al., 2008) en tant qu’outils indispensables des professionnels de l’agronomie, aussi bien des conseillers que des enseignants-formateurs et, in fine, des apprenants.

Dans l’enseignement agricole, l’introduction de l’agriculture durable dans des programmes nationaux sert alors de base à la création de la première grille IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles) (Vilain, 2000). L’idée est que cette grille permette de passer du

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cadre conceptuel de l’agriculture durable à un cadre et des références pour l’action. Mais, parce que l’on parle couramment d’« évaluation de la durabilité », et parce que la culture de l’évaluation sommative et normative est omniprésente dans l’enseignement, le risque est alors grand que les diagnostics ne se transforment en autant d’évaluations elles-mêmes normatives et ne visant pas l’action.

Si la mesure de la durabilité d’une exploitation – l’écart entre la situation réelle et l’évolution souhaitable – parait nécessaire pour envisager, guider et évaluer l’action, l’utilisation d’outils est, quant à elle, risquée à deux titres :

- d’abord parce que les outils peuvent être instrumentalisés et utilisés à d’autres fins que celle prévue – ici la définition d’une action ;

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