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CHAPITRE III – LE CADRE THÉORIQUE MOBILISÉ

II.5 La dimension pédagogique de l’approche constructiviste bachelardienne problématisée problématisée

La dimension pédagogique de l’approche constructiviste bachelardienne problématisée stipule que ce sont les enseignants qui « ont pour fonction de proposer des médiations facilitatrices, mais non substitutives. Qu’ils ont à élaborer des dispositifs construits et des situations calculées, qui soient adaptées aux structures cognitives des élèves en même temps qu’ils les transforment » (Astolfi, 2010b, p. 131). J’aborderai cette dimension au travers de deux points : 1) l’acceptabilité et l’adéquation du dispositif, 2) la dévolution d’un problème à l’élève et les aides à la problématisation.

II.5.1 L’acceptabilité et l’adéquation du dispositif

Nous avons vu l’importance de faire adhérer l’élève à la situation proposée, de le motiver ; c’est le premier principe d’étayage de Bruner (2011/1983) qu’il nomme l’enrôlement. C’est ce qu’Astofi (2010b) appelle l’acceptabilité du dispositif. Pour lui, l’évaluation des dispositifs pédagogiques combine deux critères : un premier qui relève de la perception, négative ou positive, qu’ont les élèves du dispositif mis en œuvre, de la mobilisation qu’il provoque. Le second correspond à la concordance entre l’objectif visé et le résultat obtenu, c’est le critère d’adéquation sans lequel le premier ne rimerait à rien. Ces critères conditionnent l’entrée et le maintien dans la tâche. Le critère d’acceptabilité parait primordial, car si la réception du dispositif par les élèves est négative, ils ne rentreront pas dans l’activité et leur investissement sera moindre. Fabre (1997), parle tout à la fois de la manifestation, c'est-à-dire la capacité de l’élève à s’inscrire dans les tâches qui lui sont proposées et de la référence, c'est-à-dire le lien entre la tâche qui lui est dévolue et son(ses) lien(s) aux pratiques sociales / professionnelles de référence, son rapport au monde.

Mais, pour qu’il y ait apprentissage, il ne suffit pas que les élèves entrent dans l’activité. Encore faut-il que l’activité intellectuelle visée soit suffisamment exigeante pour être intéressante et raisonnablement accessible pour ne pas conduire à des blocages. Elle doit ainsi se tenir au sein de la zone proximale de développement (ZPD) que Vygotski définit ainsi :

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« Cette disparité entre l’âge mental, ou niveau de développement présent, qui est déterminée à l’aide des problèmes résolus de manière autonome, et le niveau qu’atteint l’enfant lorsqu’il résout des problèmes non plus tout seul mais en collaboration détermine précisément la zone de proche développement » (Vygotski, 1997/1934, p. 361). La ZPD correspond ainsi à ce que l’élève peut apprendre avec l’aide d’un adulte ou d’un pair, elle se situe entre ce qu’il est capable de faire seul et ce qu’il peut faire grâce au dispositif pédagogique mis en œuvre. L’adéquation du dispositif, c'est-à-dire la concordance entre l’objectif visé et le résultat obtenu (Astolfi, 2010b), nous renseigne ainsi sur la prise en compte de la ZPD par les enseignants. Elle met en évidence le fait que l’objectif doit être tout à la fois résistant – il nécessite de la pensée – et franchissable.

II.5.2 La dévolution d’un problème et les aides à la problématisation

Nous avons vu que le grand paradoxe de l’enseignement est qu’il s’agit d’aider l’élève à apprendre mais sans le faire à sa place. La question est : « Comment aider l’élève à sortir du puits sans lui faire la courte échelle ? » (Fabre, 1999). C’est à l’enseignant que revient d’orienter la recherche de l’élève en formulant par exemple une énigme, un paradoxe, un problème. Permettre au jeune d’exercer sa pensée, c’est ainsi l’entraîner dans une enquête et donc le mettre face à un problème.

Les situations-problèmes sont nées de la didactique des mathématiques et notamment de Brousseau. Pour Fabre (2006), cinq caractéristiques déterminent la situation-problème telle que définie par les didacticiens des mathématiques : 1) l’élève peut s’engager dans la résolution du problème, celle-ci se trouve dans sa ZPD ; 2) ses connaissances doivent être insuffisantes pour ne pas résoudre le problème de suite ; 3) la situation-problème doit pouvoir permettre à l’élève d’évaluer la solution trouvée ; 4) la connaissance construite doit s’avérer l’outil le plus adapté pour résoudre le problème ; 5) pour réussir à résoudre un problème, on doit pouvoir le formuler dans plusieurs cadres. Meirieu (2016/1987), quant à lui, propose six caractéristiques de la situation-problème :

- elle se présente comme une « énigme » permettant d’articuler problème et réponse(s) ;

- c’est une situation de construction de connaissance, l’apprentissage s’effectue dans la résolution du problème ;

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- elle propose une tâche dans laquelle le sujet s’affronte à un obstacle pouvant générer des opérations mentales, l’objectif est dans l’obstacle à franchir et non dans la tâche à réaliser ;

- elle vise des objectifs d’instrumentation intellectuelle dans le respect du cheminement de chacun ;

- elle a des résultats en termes d’acquisition personnelle ; - elle permet un travail métacognitif.

Cependant, la généralisation de l’idée de situation-problème à d’autres disciplines que les mathématiques a rendu cette notion ambigüe avec, notamment, un accent fréquemment mis plus sur la résolution que sur la construction du problème et une vigilance qui porte plus sur le dispositif pédagogique que sur l’analyse épistémologique du savoir. Or, d’autres formes et pistes de problématisation peuvent exister qui peuvent aussi se faire après coup, y compris dans une forme magistrale (reproblématisation après coup du cours dialogué). Cela met ainsi en exergue que les conditions d’un dispositif constructiviste bachelardien problématisé sont disjonctives.

Par ailleurs, la problématisation à l’école, ne pouvant viser que ce qui est déjà connu, ne peut s’opérer que dans un environnement didactique expressément conçu pour aider à construire, résoudre et faire face au problème. D’où la nécessité d’inducteurs et de catalyseurs proposés par Fabre et Musquer (2009a). En sus de la situation-problème, Fabre, reprenant L’Émile de Rousseau, met le doigt sur deux critères essentiels permettant d’accéder à la problématisation : 1) un critère de protection (il ne s’agit pas de laisser l’élève seul devant un problème que d’aucuns auront mis plusieurs décennies voire siècles à construire et résoudre) ; 2) l’apprentissage suppose une charge dramatique, ou, à tout le moins, émotionnelle. Le premier critère a trait aux inducteurs de problématisation. Pour que les élèves puissent construire un problème, l’enseignant doit les aider à enclencher une recherche de données, de conditions ou de résolution de celui-ci. Le second est ce qu’ils nomment, les catalyseurs de la problématisation. Ce sont les éléments affectifs de l’expérience qui font appel à « l’expérientiel plus qu’à l’expérimental » (2011, p. 126).

L’approche pédagogique du constructivisme bachelardien problématisé met en exergue :

- qu’il revient bien aux enseignants de construire des dispositifs facilitateurs mais non substitutifs ;

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- que ces dispositifs doivent être acceptables pour les élèves, adéquats, mobilisateurs et que les objectifs soient tout à la fois résistants (pour entamer l’enquête) et franchissables (ZPD) ;

- qu’il doit y avoir dévolution d’un problème aux jeunes qui les aide à penser, comprendre, construire un savoir et l’institutionnaliser comme une réponse à une classe de problèmes.

Pour autant, pour qu’une pratique relève du constructivisme bachelardien problématisé, il ne s’agit pas forcément de tenir ensemble les trois constructivismes (épistémologique, pédagogique et psychologique). Un enseignement peut être problématisé sans que sa forme pédagogique ne le soit ; les conditions d’une pratique d’enseignement constructiviste ne sont pas toutes absolument exigées ensemble. La pédagogie ne peut tout embrasser, elle est nécessairement un choix.

Enfin, comme le dit Astolfi, « l’enseignement ne peut se ramener raisonnablement à une course d’obstacles ni à des conflits en cascades ! Il est clair qu’une part de l’enseignement relève seulement d’informations qui manquent aux élèves, informations qu’on peut leur donner sans avoir nécessairement à transformer leurs représentations mentales. Et pour cela les modèles précédents [transmissifs] peuvent conserver leur place et leur rôle » (2010a/1992, p. 129). À charge pour les enseignants de hiérarchiser, dans les référentiels, les points-clés ou critiques qui sont au cœur des apprentissages et d’appliquer le modèle constructiviste à ces concepts clés pouvant nécessiter un remaniement des représentations premières.

II.6 La cohérence entre didactique professionnelle et cadre constructiviste

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