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LITTÉRATURE ET ACCEPTIONS DANS CETTE THÈSE

II.2 Agro-écologie et agriculture durable, des évolutions

II.2.1 Des grands principes relativement concrets

Un premier élément est que, contrairement aux quatre grands principes de l’agriculture durable, l’agro-écologie s’appuie sur des principes, dont certains, issus de l’écologie, sont relativement concrets. Pour David & Al., « L’agroécologie propose une révision des modes de production, révision qui repose sur l’utilisation des principes et concepts issus de l’écologie (Gliessman, 2007) afin de répondre à un double objectif. Le premier est d’optimiser leur productivité sur la base de concepts écologiques, tout en renforçant leur capacité de résilience face à de nouvelles incertitudes imposées par le changement climatique et la volatilité des prix agricoles et alimentaires. Le second consiste à maximiser les services écologiques susceptibles d’être fournis par les agrosystèmes et à en limiter les impacts négatifs, en particulier par une moindre dépendance aux ressources fossiles. L’agroécologie se réfère alors à un ensemble de pratiques agricoles dont la cohérence repose sur l’utilisation des processus écologiques, et la valorisation de l’ (agro)biodiversité » (David & Al., 2011). Faisant référence à Altiéri (1995), Stassart et Al., (2012) proposent de leur côté six principes « historiques » de l’agro-écologie :

- « permettre le recyclage de la biomasse, optimiser la disponibilité de nutriments et équilibrer le flot de nutriments ;

- garantir les conditions de sol favorables à la croissance des plantes, en gérant en particulier la matière organique et en améliorant l’activité biotique du sol. Ceci suppose, au regard de la rareté des ressources pétrolières, une réduction drastique de l’usage d’intrants externes produits de la chimie de synthèse (engrais, pesticides et pétrole) ;

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- minimiser les pertes de ressources liées aux flux des radiations solaires, de l’air et du sol par le biais de la gestion microclimatique, la collecte d’eau, la gestion du sol à travers l’accroissement de la couverture du sol et le jeu des complémentarités territoriales entre différentes orientations technico-économiques (notamment élevage-culture) ;

- favoriser la diversification génétique et d’espèces de l’agroécosystème dans l’espace et le temps ;

- permettre les interactions et les synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l’agrobiodiversité de manière à promouvoir les processus et services écologiques clefs ;

- valoriser l’agrobiodiversité, comme point d’entrée de la re-conception de systèmes assurant l’autonomie des agriculteurs et la souveraineté alimentaire » (Stassart & Al., 2012, p. 36).

Parce qu’ils rentrent par le prisme des sciences sociales, ces auteurs ne se contentent pas de définir les principes « historiques » de l’agro-écologie mais aussi ses principes méthodologiques, dont la variabilité spatio-temporelle, et socio-économiques, dont le choix d’autonomie par rapport aux marchés globaux (fig. 8) :

Figure 8 - Les grands principes de l’agro-écologie (d’après Stassart & Al., 2012) Si ces principes ne se réfèrent pas à des pratiques, celles-ci devant être contextualisées, ils n’en sont pas moins transposables et relativement concrets au regard des quatre principes de l’agriculture durable (vivabilité, viabilité, transmissibilité, reproductibilité). Les grands

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principes « historiques », beaucoup plus centrés sur l’agronomie et l’écologie, même si ce ne sont pas les seules disciplines convoquées, paraissent plus facilement traductibles dans l’enseignement. Ils posent des bases concrètes à partir desquelles il est possible de travailler avec les jeunes, en les mettant en enquête autour de situations professionnelles ou de travail à potentiel problématique.

II.2.2 Faire avec la nature et non sous contraintes environnementales

Une seconde assertion portée par l’agro-écologie – et par la durabilité forte – est qu’il ne s’agit plus de composer sous contraintes environnementales mais bien d’effectuer une rupture paradigmatique visant à faire avec la nature, notamment avec l’(agro)biodiversité, en contexte. Si d’aucuns jugent que l’utilisation des services écosystémiques est une approche qui reste anthropocentrée, elle n’en remet pas moins l’homme dans la nature et non en dehors, que ce soit en posture de maîtrise ou de soumission. Dans le chapitre le démiurge et le pilote, Catherine et Raphaël Larrère (2015) utilisent ces substantifs pour caractériser deux paradigmes techniques en tension. L’un, celui du démiurge, qui suppose un art du faire, qui conçoit une forme, l’impose à la matière sur laquelle il travaille et produit son objet. L’autre, celle du pilote, relève du faire avec, c’est à dire plus des « arts du navigateur qui utilise vents et courants pour guider son embarcation jusqu’au port » (Larrère, 2015, p. 177). Dans le cas des pratiques agricoles, ils notent : « Il est certain que, si l’on abandonne une parcelle cultivée (ou pâturée), la végétation entamera ce que les écologues appellent une “succession secondaire” qui, de la friche, conduira à terme à un peuplement forestier. Les cultures supposent un ensemble de pratiques qui les maintiennent “artificiellement” en équilibre (instable) avec le milieu. Les prairies perdurent en raison du régime de perturbations que les éleveurs leur imposent par la fauche ou par le pâturage. Mais cultures et prairies se maintiennent aussi en raison de processus naturels qui échappent à l’action intentionnelle du cultivateur ou de l’éleveur : le sol fourmille d’insectes coprophages, de vers, de champignons (saprophytes ou mycorhiziens) et de micro-organismes, qui ne sont pas domestiqués. Ce sont eux qui décomposent les détritus tombés à terre, recyclent la matière organique et nourrissent les végétaux. Sans leurs services, il n’y aurait ni moisson, ni fourrage, ni même de plantation forestière, tant les arbres ont besoin des champignons mycorhiziens pour se développer. De même, bien des récoltes sont pollinisées par des insectes, qui échappent à la maintenance de l’agriculteur. Les cultures et les prairies sont donc des écosystèmes soumis à un régime de

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perturbations anthropogènes qui se combine avec les processus naturels pour assurer leur reproduction » (Ibid., p. 177-178). Et de noter que « le faire avec doit être appréhendé selon les deux acceptions du terme. Il s’agit bien de tenir compte des dynamiques naturelles et du comportement des êtres que l’on manipule et de composer avec eux. En ce sens, il s’agit donc de les respecter. Mais faire avec, c’est aussi collaborer » (Ibid.). Faire avec, piloter donc, oblige à une obligation non de résultat mais de moyens, le risque étant ainsi plus grand. En termes didactique, la transition agro-écologique implique ainsi une très bonne maîtrise des sciences du vivant et de l’environnement social. Et le pilotage exige aussi des dispositions tout à la fois éthiques et cognitives ainsi qu’une attention portée au contexte car, dans l’art du pilotage, aucune pratique n’est reproductible à l’identique. En ce sens, l’activité scientifique doit continuer à rechercher de la généricité mais les pratiques ne peuvent être que contextualisées. Et c’est à l’enseignement et au conseil que revient le plus de travailler avec les agriculteurs et les futurs agriculteurs sur ces situations contextualisées pour observer, imaginer et mettre en œuvre des hypothèses de solutions, les évaluer et éprouver leurs connaissances.

II.2.3 Renforcer la prise en compte de l’intrication des échelles

Le troisième élément-clef, est que faire avec la nature suppose aussi un changement d’échelle, au plutôt, la prise en compte de l’intrication des échelles. Pour faire avec, on ne peut plus raisonner ni à la seule échelle de la parcelle, ni même à celle de l’exploitation mais on est obligé de l’élargir à celle du paysage pour ce qui est de l’écologie du paysage voire à celle du territoire pour ce qui concerne la prise en compte des enjeux tout à la fois spécifiques (environnementaux, alimentaires, …) et globaux (changement climatique, cycle du phosphore ou antibiorésistance…). Il ne s’agit pas alors d’emboiter les échelles, telles des poupées russes, mais de penser les enjeux tant locaux que globaux, en faisant parfois des choix entre eux, pour orienter la décision. De même, faire avec, suppose de faire avec ce qui n’est pas immédiatement visible, mais qui peut-être le deviendra, comme le rôle des infrastructures agro-écologiques (haies, mares, …).

Si l’agro-écologie est effectivement intensive en savoirs, si elle suppose des agilités intellectuelles (intrication des échelles d’espaces et de temps, anticipation des résultats et des conséquences…), si elle est complexe donc, parce qu’elle suppose de prendre cette

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complexité en charge, elle est néanmoins plus concrète, plus appréhendable, moins empreinte d’idéologie que l’agriculture durable. Surtout, la transition agro-écologique permet de penser le changement, de passer, de manière explicite, de l’exhortation à l’accompagnement de processus différenciés.

II.2.4 Penser les transitions comme processus de changement

Ce que l’agro-écologie met en avant, plus que l’agriculture durable ne l’a fait, c’est l’accompagnement des transitions, le processus de changement. Ainsi est-on passé en France de « Agriculture durable » à « Transition agro-écologique ». Ce terme de transition, élu mot de l’année 2014 au festival des mots de la Charité-sur-Loire, provoque des débats. S’agit-il de rassurer en pensant une transition douce – une translation (Péan, 2014) – indolore et tranquille ou bien la transition suppose-t-elle des ruptures paradigmatiques – une véritable métamorphose (Viveret, 2014) ? Doit-on accompagner le développement d’innovations incrémentales ou de rupture ? Doit-il s’agir d’abord de solutions politiques ou de transformations individuelles ? Pascal Chabot (2015), dans L’âge des transitions, met plutôt l’accent sur les transformations individuelles en tant qu’elles permettent de passer d’une transition subie à une transition choisie, voire désirée, afin de se réapproprier un avenir dont les individus se sentent dépossédés. Pour lui, il s’agit là de l’un des ressorts de la transition : s’engager non par valeurs, mais par doute critique. Par ailleurs, il pose la question : puisqu’il s’agit d’accompagner la transition (agro)écologique, la question qui se pose est vers quoi – le « aller au-delà » de Trans-ire – et par rapport à quoi (Chabot, 2015) ?

Les mots ont leur importance, nous l’avons vu avec le syntagme « développement durable ». Si le terme transition prend aujourd’hui tellement d’importance, c’est sans doute que l’urgence et l’importance des enjeux, notamment climatiques, imposent de penser des transformations majeures de nos modèles de développement et donc, de préparer un certain « changement de monde ». « L’une des spécificités de la notion de transition est de porter sur des dynamiques et de comporter une forte dimension temporelle », note Theys (2017) qui par ailleurs, identifie quatre acceptions du terme de transition :

- « la première définition […] est celle d’intermède, de passage instable, incertain, parfois chaotique entre deux états, entre deux situations stables, entre deux situations d’équilibre ». Les équilibres du monde nouveau n’étant pas connus, il est nécessaire de

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se préparer à l’inconnu, de renforcer les capacités de résilience mais aussi d’accepter de tâtonner et d’expérimenter ;

- une seconde définition, plus déterministe, met l’accent sur « la transition comme étape dans un changement structurel lent et à long terme dont le but, le sens, peuvent être déterminés à l’avance ».C’est la transition subie dont parle Chabot (2015) ;

- une troisième conception repose sur la « mise en mouvement, comme engagement dans une dynamique de transformation. On passe du substantif – transition – au verbe, transitionner, se mettre en transition ». C’est le passage d’une transition subie à une transition choisie ;

- la dernière conception repose sur « la transition comme chemin, comme stratégie d’action et de changement vers un objectif considéré comme indispensable ou souhaitable à long terme. […] Il faut pouvoir définir un chemin réaliste et acceptable pour passer de l’un à l’autre – un chemin qui à la fois prépare l’avenir et prenne en charge les héritages du passé. Avec comme questions : par quoi on commence ? quelles seront les étapes ? quels obstacles ou quelles opportunités devront nous surmonter ou pourrons nous valoriser ? Où sont les irréversibilités ? Qu’est-il réaliste d’espérer atteindre ? ».

À partir de ces quatre acceptions en tension, il met en évidence trois grandes oppositions : 1) entre continuité et discontinuité ; 2) entre déterminisme et liberté ; 3) entre autonomie et hétéronomie (Theys, 2017). Sans doute, la transition (agro)écologique suppose de jouer de la diversité de ces conceptions, entre translation et métamorphose, entre choix – individuels et collectifs – et contraintes… L’agro-écologie suppose aussi de (re)penser les modèles de développement agricoles, de s’interroger sur les conditions qui font que des innovations ponctuelles ou des expérimentations locales peuvent provoquer un basculement vers de nouveaux modèles dominants de production ou de consommation (les « transition studies » sont éclairantes de ce point de vue, dont celles sur les verrous sociotechniques, en particulier agricoles (Meynard & Mésséan, 2013 ; Fares & Al., 2012)). Elle suppose encore d’interroger les formes collaboratives (dans l’acquisition de connaissances, dans les échanges entre systèmes d’élevage et de culture à l’échelle des territoires…) mais aussi les processus de transformation des pratiques professionnelles individuelles.

Theys, insiste sur le changement et note que la spécificité de la transition [écologique] tient en « trois choses :

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- c’est d’abord un changement d’échelle dans l’ampleur des défis à surmonter et des transformations à promouvoir : c’est un “changement de monde” qu’il faut préparer et pas seulement une série de problèmes particuliers qu’il faut résoudre ; c’est l’ensemble des comportements, des modèles économiques, des façons de penser et de décider qu’il faut transformer en même temps ;

- ensuite – mais cela est spécifique à la transition écologique – la transition, c’est une intégration beaucoup plus profonde des processus et modes de pensée écologiques (en différenciant bien ces deux aspects) ;

- et enfin, et peut être surtout, c’est une attention beaucoup plus grande aux dynamiques de changement et à leur temporalité » (Theys, 2017).

Il me semble qu’en termes pédagogiques et didactiques plusieurs éléments sont à retenir : l’idée d’une transition choisie et non subie, celle de tâtonnements et d’expérimentations nécessaires, celle encore de mise en mouvement (qui suppose un horizon, une envie, une possibilité aussi petite soit-elle), l’idée encore d’un chemin réaliste et acceptable (qui suppose des jeunes conscients de leurs ressources comme de leurs limites). J’en retiens aussi la nécessité des rencontres, rencontre avec des agriculteurs aux systèmes et profils différents, mais rencontre aussi avec des groupes d’échanges qui essaient, parlent de leurs erreurs, cherchent à remonter au problème, identifient d’autres voies d’action…

Concernant la transformation des pratiques, un modèle est aussi fort utilisé, tant dans l’enseignement agricole que dans le monde du conseil voire de la recherche, qui met en exergue différentes manières de concevoir la transition agro-écologique d’un agriculteur dans son contexte. Parce qu’il est beaucoup usité, y compris dans l’enseignement, il me parait important de m’y attarder.

Ce modèle – « Efficience – Substitution – Reconception » (ESR) – a été au départ élaboré pour rendre compte des transitions de systèmes conventionnels vers l’agriculture biologique (Hill, 1985 ; Hill & MacRae, 1995). Dans l’enseignement agricole technique, c’est dans le contexte du lancement du plan d’action « enseigner à produire autrement » que ce modèle, ESR, est apparu. Il est d’abord utilisé par l’Inspection de l’enseignement agricole dans son rapport annuel 2013-2014 visant à évaluer la circulaire de la DGER de juin 2008, « Émergence et diffusion de pratiques agricoles durables : stratégie de l’enseignement agricole » (2015, p.87-102). L’évaluation porte alors sur l’étude des principaux plans de l’action publique, appréciés au regard de leur mise en œuvre dans les exploitations agricoles et les ateliers technologiques et plus généralement dans les enseignements et la formation. Les

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degrés d’implication des exploitations et établissements y sont analysés au regard « d’un schéma caractérisé suivant le classement ESR » (Ibid., p. 91). Conjointement, la diffusion par le Centre d’études et de prospective de sa publication Analyse (Bidaud, 2013) portant sur les approches sociologiques de la diffusion des pratiques agro-écologiques – dont le modèle ESR – et l’intervention de Michel Duru en novembre 2014 lors de la formation des référents « enseigner à produire autrement » exposant cette grille de lecture ont certainement contribué à en développer l’usage en formation. Le modèle ESR est par ailleurs utilisé par des chercheurs de différentes disciplines qui se rattachent aux sciences agronomiques au sens large (agronomie stricto sensu, mais aussi écologie, sociologie, économie agricole…) et, dans le domaine professionnel, les agriculteurs qui l’utilisent le font plutôt avec des acteurs du conseil agricole, dans le cadre des groupes DEPHY41 par exemple. Au départ, élaboré pour rendre compte de processus de changement, il est aujourd’hui de plus en plus usité à des fins d’analyse des transitions à différents niveaux de rupture (Bidaud, 2013) voire utilisé plus généralement dans le cadre de l’évaluation des pratiques agricoles se réclamant de l’agriculture durable et particulièrement de la phytoprotection (Estevez et Al., 2000). Cette grille ESR fait référence à différentes étapes / niveaux – qui peuvent se chevaucher – dans un processus de transition et permet d’imaginer des stratégies pour surmonter d’éventuels obstacles. Dans ce modèle, trois niveaux de transition se distinguent. Les deux premiers visent une remédiation aux problèmes liés à l’exploitation et à la dégradation des ressources, le troisième pointe leur élimination :

- l’Efficience (ou Efficacité au Québec et en Belgique) correspond à des changements visant à réduire la consommation et le gaspillage de ressources rares et coûteuses, l’objectif étant d’optimiser le fonctionnement du système (Bidaud, 2013). Il s’agit de raisonner les apports d’intrants, d’en améliorer l’efficience, de rationnaliser l’usage des pesticides par la pulvérisation de précision par exemple, par l’utilisation de modèle de prévision des épidémies (Ricci & Al., 2011) ou encore d’utiliser de manière raisonnée les phosphates naturels, l’énergie et l’eau d’irrigation (Duru, 2014). Pour Gliessman (2015, p. 5), il s’agit « d’améliorer les pratiques industrielles / conventionnelles afin de

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Le réseau DEPHY est un réseau de Démonstration, Expérimentation et Production de références sur les systèmes économes en produits phytosanitaires. Il constitue une action majeure du plan Écophyto. Ce réseau a vocation à développer, mutualiser et diffuser les expériences réussies de systèmes de culture réduisant fortement l’usage des produits phytosanitaires. Il permet entre autres d’acquérir des références sur des systèmes de culture déjà économes en produits phytosanitaires et sur des systèmes évoluant vers une diminution de l’usage de pesticides.

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moins utiliser de produits coûteux, difficiles à se procurer ou nocifs pour l’environnement » ;

- la Substitution suppose quant à elle que certaines composantes soient remplacées par d’autres ayant un impact environnemental moindre. L’objectif n’est pas de changer le système mais d’en substituer certaines composantes, il s’agit de « remplacer les intrants et pratiques conventionnels / industriels, en leur substituant des pratiques alternatives » (Gliessman, Ibid., p.5). Cette étape peut être caractérisée par l’utilisation de bio pesticides ou d’intrants organiques, par de la lutte biologique, le remplacement d’une culture par une autre, le désherbage mécanique ou des méthodes prophylactiques. Les solutions de substitution sont ainsi variées et contribuent à la lutte intégrée mais elles ne remettent pas en question le système de production ; il s’agit plus d’utiliser des artefacts ou substituts technologiques (Estevez & Al., 2000) ;

- la Reconception (ou Reconceptualisation au Québec et Reconfiguration en Belgique) est pour sa part d’une tout autre nature. Pour Gliessman (Ibid ., p.5), l’objectif est de « revoir tout le concept de l’agroécosystème de telle sorte qu’il fonctionne sur la base d’un jeu de processus écologiques différent ». Dans cette phase, les causes du problème sont reconnues, elles peuvent être prévenues et résolues à l’intérieur du système. C’est le fonctionnement de celui-ci qui est repensé. Cette phase est logiquement plus complexe et suppose du temps long. Il s’agit alors de rendre le système plus diversifié (écologiquement et économiquement), plus autonome et plus résilient. Ce changement peut procéder de modifications dans les pratiques culturales, notamment en termes de gestion du sol, mais aussi d’une modification majeure des rotations voire des structures paysagères. Il s’agit d’articuler pratiques agronomiques, processus écologiques et sociaux. Il y a donc une redéfinition du système ne visant plus une remédiation aux problèmes, mais bien leur élimination dans une perspective de durabilité. La reconception implique de fait de nouvelles pratiques agronomiques mais aussi la prise en compte intégrative des interactions entre systèmes productifs, alimentaires et sociaux dans le cadre d’un dessein, entendu comme projet et visée (Allaire & Bellon, 2014). Elle ne peut ainsi se limiter à l’exploitation mais suppose d’articuler différentes échelles spatiales (dont le paysage et le territoire) et temporelles (notamment pluriannuelle). L’objet de l’innovation n’est donc pas le même selon que l’on se situe dans le cadre de E, S ou R. Léger (2015b) précise ainsi que pour l’efficience, « l’objet de l’innovation est l’acte

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