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CHAPITRE 4 : DISPOSITIF REGLEMENTAIRE ET ARRANGEMENTS

1.2.1 Les dispositions prises pour améliorer la qualité des boues

1.2.1.1 Les dispositions ex-ante

Les dispositions ex-ante relèvent essentiellement d’une logique coercitive visant principalement à contrôler les rejets d’effluents. Ce contrôle est indispensable parce que le caractère collectif du service de collecte des eaux usées favorise les comportements opportunistes des agents raccordés aux réseaux d’assainissement. Ainsi, les dispositions

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Article 9 du décret n°97-1133 du 8 décembre 1997.

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réglementaires suivantes ont été prises. Pour les entreprises industrielles et artisanales, « tout

déversement d'eaux usées, autres que domestiques, dans les égouts publics, doit être

préalablement autorisé par la collectivité »92. L'autorisation de déversement est un acte

administratif unilatéral, délivré par le maire ou par le président du syndicat intercommunal. Il prend la forme d'un arrêté de la collectivité concernée. Elle fixe les critères de qualité de l'eau avant rejet dans le réseau collectif (en concentration et en débit). Pour autoriser ou non le déversement dans le réseau collectif, la collectivité prend en compte l'étude de la composition des effluents (quantité et qualité) et la capacité de traitement de la STEP. L'arrêté d'autorisation de déversement peut fixer des exigences de pré-traitement, par exemple la mise en place d'un bac à graisse, d'un séparateur hydrocarbures, d'une analyse des eaux avant rejet. Les pré-traitements prévus par l'autorisation de déversement peuvent faire l'objet d'une aide financière de l’Agence de l’eau. En contrepartie du service d'assainissement fourni par la collectivité, celle-ci perçoit une redevance d’assainissement. Le respect de l’arrêté est assuré par la police des réseaux qui est de la responsabilité du maître d’ouvrage en charge du réseau de collecte93.

1.2.1.2 Les dispositions ex-post

Les dispositions ex-post visent à traiter les boues produites pour réduire la teneur de certains de leurs composés indésirables. Une fois extraites du système d’épuration, les boues subissent un ensemble de pré-traitements dits liminaires. Ces traitements visent à limiter la dangerosité des déchets, les rendre plus homogènes et plus aisément transportables. Les boues subissent, après extraction du décanteur, des traitements qui visent à (1) augmenter la siccité de la boue afin de réduire les coûts de transport, de stockage et d’incinération, (2) limiter le pouvoir fermentescible des boues afin de réduire les nuisances olfactives, (3) augmenter l’acidité de la boue afin d’accroître sa vitesse de dégradation dans le sol (ph>6) et la biodisponibilité de sa composante minérale (NPK) à destination des cultures (si le recyclage a été choisi). Trois techniques peuvent être mises en oeuvre.

La première technique est la concentration des boues par déshydratation qui est obtenue par trois procédés différents dont les coûts sont croissants : mécanique, chimique et thermique. Les procédés mécaniques consistent en un épaississement obtenu par des mécanismes gravitaires (tables d’égouttage) ou des mécanismes de déshydratation alimentés par une source d’énergie extérieure (centrifugeuses, filtres à bandes et filtres-presses). Les procédés chimiques consistent en l’ajout de floculants, tels les polymères ou le chlorure ferrique, facilitant l’agglomération des boues. Les procédés thermiques procèdent par chauffage et évaporation de l’eau contenue dans les boues.

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Article L 1331-10 du Code de la santé publique. 93

Circulaire DE/SDPGE/BLP n°9 du 18 avril 2005.

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La deuxième technique est le chaulage des boues : l’ajout de chaux limite le pouvoir fermentescible des boues et permet d’accroître leur valeur agronomique, jouant indirectement un rôle incitatif pour les agriculteurs.

La troisième technique est le compostage des boues qui est un procédé de dégradation aérobie (hors sol) de la matière organique contenue dans la boue. En France, en 2001, 6% des volumes de boues ont été compostés et ce pourcentage tend à augmenter (IFEN, 2004b). Le compostage des boues réduit le pouvoir olfactif et fermentescible du produit et favorise, sur le plan agronomique, la biodisponibilité de la composante minérale de la boue. Enfin, la boue compostée présente d’autres avantages comme son aspect (couleur, odeur) la rendant mieux accepté par les agriculteurs (ADEME et RECYVAL, 2000). En revanche, ce procédé ne résout pas les risques associés à la présence d’éléments traces métalliques ou polluants organiques dans les boues. Depuis 2004, les composts de boues bénéficient d’une norme94 d’application obligatoire qui permet de se soustraire aux dispositions de la réglementation sur les épandages de boues, en particulier l’obligation de réaliser un plan d’épandage. Or la question se pose de ce qui justifie que l’Etat accepte un relâchement du contrôle administratif sur l’utilisation d’un produit qui n’offre pas a priori de meilleures garanties que les boues sur certaines catégories de risques.

Au final, retenons que l’intérêt du traitement liminaire des boues est limité du point de vue environnemental parce que les boues ne peuvent être dépolluées. Cela dépend toutefois des composés en jeu. Pour les métaux lourds et les composés organiques non dégradables, les techniques d’extraction n’existent pas ou ont des coûts prohibitifs. Mais concernant les micro-organismes pathogènes responsables de nuisances olfactives ou de contaminations des animaux, les traitements d’hygiénisation (par chaulage ou déshydratation) sont indispensables parce que la prolifération des bactéries pathogènes a lieu principalement au sein de la STEP et non en amont lors du rejet des eaux usées. Les investissements nécessaires à ces traitements sont subventionnés par les Agences de l’eau à hauteur de 40%.

L’intérêt respectif des dispositions ex-ante et ex-post repose sur le type de composés en jeu. Lorsque les sources de contamination sont peu nombreuses (notamment pour les EMT), bien identifiées (les rejets industriels), alors il est possible de prévenir efficacement les contaminations par exemple par la signature d’une autorisation municipale de déversement (AMD) et la mise en place d’une police des réseaux95. En revanche, les comportements des ménages qui sont responsables notamment de rejets médicamenteux, de solvants et composés

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Arrêté du 18 mars 2004 de mise en application obligatoire de la norme NF U 44-095 « Composts contenant des matières d'intérêt agronomique issues du traitement des eaux ».

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Actuellement, d’après le ministère en charge de l’environnement, de nombreux industriels déversent encore des effluents dans les réseaux collectifs sans avoir obtenu l’autorisation des autorités communales (circulaire DE/SDPGE/BLP n°9 du 18 avril 2005). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

organiques non dégradables ne peuvent être encadrés de la même manière en raison du nombre élevé des sources de contamination et du coût prohibitif qu’aurait un tel dispositif de surveillance. Ainsi, le nombre important et non connu avec précision des éléments qui entrent dans la composition des boues ainsi que les multiples sources de contamination des effluents rendent indispensables les dispositions ex-post visant à traiter mais surtout à signaler/surveiller la composition des boues produites et le respect des normes d’épandage : dates, quantités, distances aux habitations, etc. (Barbier et Lupton, 2003).

La section suivante examine comment les producteurs de boues signalent la qualité des boues qu’ils produisent ainsi que la qualité des épandages parce que « l’enjeu n’est pas uniquement

de contrôler la qualité des boues mais l’activité ‘épandage’ elle-même »96. Ces mesures

informationnelles complètent le dispositif réglementaire.