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CHAPITRE 2 : FONDEMENTS THEORIQUES ET CADRE D’ANALYSE DE LA FOURNITURE DE SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

2.3.2 L’impact de l’environnement institutionnel sur les arrangements

2.3.2.2 La notion de micro-institution

Ménard (2003) propose d’élaborer une théorie des institutions-relais où la notion de micro-institution serait le concept clé (cf. graphique n°7 ci-dessous). Cette proposition repose sur l’idée selon laquelle « un environnement institutionnel ne se caractérise pas seulement par la

production de règles et/ou de normes, mais aussi et surtout par la production de dispositifs destinés à la mise en oeuvre de ces règles ». L’analyse de ces dispositifs est, selon l’auteur,

une pièce maîtresse du programme néo-institutionnel dans la mesure où ils visent à articuler « les règles du jeu générales aux modes effectifs d’organisation des transactions » (p.105).

Les micro-institutions sont définies comme « des dispositifs d’accompagnement destinés à

rendre effectives52 les règles ». Dans la pratique il faut noter l’extrême diversité des formes

concrètes que peuvent recouvrir les micro-institutions. Une instance ou une agence de

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Il faut entendre, selon nous, le terme « effective » dans le sens « d’entrer en vigueur » plutôt que dans le sens « d’efficace ». CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

‘régulation’ peut être considérée comme une micro-institution53 dans la mesure où par son activité, elle tend à préciser et rendre applicables des lois, des réglementations possédant un caractère général. Ces dispositifs ont donc vocation « à s’intercaler entre les règles du jeu

globales balisant l’environnement institutionnel d’une part, et les agents, les organisations, ou les accords contractuels qui les lient d’autre part » (p.114). Ils permettent une meilleure

adaptation de l’activité transactionnelle aux règles globales (environnement institutionnel) et contribuent à réduire les « frictions » et les coûts de transactions supportés par les agents. Elles facilitent le jeu et l’activité transactionnels et devraient se traduire par une augmentation de la qualité et du volume de transactions.

Les dispositifs micro-institutionnels présentent en théorie deux caractéristiques. La première est la capacité à implémenter les règles. La seconde est la capacité à les faire respecter. Il s’agit donc d’assurer la crédibilité des engagements des parties tout en permettant une certaine flexibilité de l’accord.

La première justification renvoie à la notion « d’enforceability » qui correspond à « la

capacité d’implémenter54 ex-ante des règles et des procédures de mise en œuvre réalisables ».

Les capacités cognitives des agents qui conçoivent les règles (législateurs, bureaucrates) étant limitées et les asymétries d’information parfois importantes entre régulateurs et agents régulés, les règles du jeu transactionnel sont généralement incomplètes dans la mesure où la nature et l’intensité des problèmes posés localement peuvent également différer du niveau auquel les règles sont élaborées. Le caractère incomplet des règles pose la question de la nécessité ou non de les adapter aux contextes locaux, dans un objectif d’efficience de l’activité transactionnelle des agents privés. Un des rôles des micro-institutions est alors d’adapter, de préciser en fonction des contextes locaux, les modalités d’application de ces règles.

La seconde justification renvoie à la notion « d’enforcement » qui correspond à « la capacité

des dispositifs à rendre ces règles opérationnelles ex-post, de manière à sécuriser les transactions des agents ». Les règles du jeu transactionnel sont imparfaites, l’information

asymétrique et il peut devenir parfois intéressant de les transgresser. Lorsque l’on tient compte de l’opportunisme potentiel des agents réglementés, il ne suffit pas d’édicter une règle mais il est également nécessaire pour le réglementeur de mettre en place des dispositifs

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De ce point de vue, les micro-institutions se présentent aussi comme des « organisations ». Elles peuvent constituer des personnes morales sur le plan juridique, elles fonctionnent, en partie, selon des objectifs qui leur sont propres. Le terme de micro-institution entend toutefois refléter l’idée qu’elles se situent à l’articulation des organisations productives et des institutions formelles.

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L’Union européenne définit l’implémentation de la réglementation comme (1) la transposition, (2) l’application pratique et (3) l’enforcement des règles publiques (Glachant 2001). Cette définition correspond aux objectifs ex-ante et ex-post assignés aux micro-institutions.

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complémentaires qui ont vocation à repérer et sanctionner les comportements de passagers clandestins.

Graphique n°7 : Les deux volets de l’économie néo-institutionnelle et leur articulation

Cadre institutionnel Caractéristiques des transactions Formes organisationnelles Choix organisationnels Micro-institution Hypothèse d’alignement Cadre institutionnel Caractéristiques des transactions Formes organisationnelles Caractéristiques des transactions Formes organisationnelles Choix organisationnels Micro-institution Hypothèse d’alignement

Source : adaptée de Williamson (2000) et Joskow (2005)

Conclusion

L’intérêt de cette approche est de proposer une démarche « d’analyse institutionnelle comparative ». En ce sens, elle correspond tout à fait à la question posée dans la thèse qui est de discuter de l’efficacité relative des mécanismes destinés à coordonner la production de services environnementaux sous l’angle d’un critère de minimisation des coûts de production et de transaction. Alors que l’approche de la TCT a été appliquée à de nombreux domaines notamment de la qualité des produits agroalimentaires (Raynaud et Sauvée, 2000; Verhaegen et Van Huylenbroeck, 2001), elle ne l’a quasiment pas été au domaine de l’environnement et des ressources naturelles. Deux raisons peuvent expliquer l’absence d’impact de la TCT : (1) l’unité d’analyse, la transaction, qui n’est pas ajustée à la plupart des problèmes d’environnement qui concernent un nombre important d’agents, (2) la TCT se focalise sur le choix entre marché et hiérarchie alors que l’économie de l’environnement se centre sur l’intervention publique (décrétée comme solution à un problème de défaillances de marché) et le choix des instruments. Ces limites posent la question du pouvoir opérationnel du principe général énoncé par Coase (1960). La section suivante porte sur cette question et traite de l’adaptation de la démarche de la TCT au cas de la production de services environnementaux.

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3 Section 3 - Un cadre d’analyse adapté à la production des services environnementaux

Le principe général énoncé par Coase (1960) consistait à recommander une « analyse

institutionnelle comparative entre des alternatives faisables ». En réalité, force est de

constater qu’il n'existe pas aujourd'hui de méthode opérationnelle permettant de comparer dans un contexte précis les coûts de transaction des différentes solutions envisageables. Selon Lévêque (2000), « la boîte à outils de l'économie institutionnelle pour traiter la

réglementation environnementale est vide en comparaison de celle dont on dispose pour traiter la question industrielle du « faire ou acheter » qui a été développée par Williamson (1975). Les orientations méthodologiques formulées par Coase pour le choix des solutions de réduction des nuisances seraient donc restées à l'état de principes généraux ». Différents

travaux font pourtant allusion à l’intérêt que peut présenter la TCT pour l’analyse de l’organisation de la fourniture de services environnementaux (Richards, 2000; Beckmann, 2002; Hagedorn, Arzt et al., 2002; Paavola et Adger, 2005). L’originalité de ta thèse est d’examiner l’intérêt et la portée de la démarche de la TCT, en s’attachant, comme le fait Williamson (1991), à définir d’abord les caractéristiques des transactions de services environnementaux, puis à se demander quelles sont les structures de gouvernance aptes à coordonner leur production. Pour traiter cette question, notre démarche consiste à adapter l’approche de la TCT en tenant compte des travaux menés en économie de l’environnement et des ressources naturelles i.e. « élargir l’économie des coûts de transaction à d’autres

transactions, comme les problèmes d’externalité » c’est-à-dire à mettre en évidence « leurs caractéristiques contractuelles latentes » (Williamson, 2002, p.6). La présente section

commence par discuter la pertinence de l’unité d’analyse de la TCT (i.e. la transaction réalisée dans le cadre d’une relation bilatérale entre firmes privés) car la fourniture d’un service environnemental met en jeu fréquemment une pluralité d’agents économiques juridiquement autonomes (section 3.1). Il s’agit ensuite d’« identifier toutes les formes de

risques contractuels » lesquels résultent des « implications combinées des caractéristiques des transactions » (Williamson, 1994, p.5). Nous préciserons les caractéristiques des

transactions de services environnementaux (section 3.2) et traiterons des modes de coordination possibles pour leur production (section 3.3). Enfin, nous traiterons du rôle de l’environnement institutionnel et de la notion de micro-institution (section 3.4).

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-)

L’unité d’analyse de la TCT (ie. la transaction bilatérale entre deux agents économiques juridiquement autonomes pour l’échange d’un bien privé) correspond de façon imparfaite aux problèmes soulevés par la production de services environnementaux. En effet, le problème de coordination posé dépendra des droits de propriété sur les biens de nature en jeu et du nombre des agents concernés. Cette section est consacrée à ces deux dimensions et discute des limites

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de la transaction comme unité d’analyse pour traiter de la production de services environnementaux.